Ch. civile B
ARRET No
du 25 JANVIER 2012
R.G : 11/00109 R-PH
Décision déférée à la Cour :jugement du 13 décembre 2010Tribunal de Commerce d'AJACCIOR.G : 2009/4924
Société ATRADIUS COLLCTIONS
C/
SARL DENIM B
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANTE :
Société ATRADIUS COLLECTIONSAgissant en qualité de mandataire de la société G-STARPrise en la personne de son représentant légal en exercice20 Rue Bachaumont75002 PARIS
ayant pour avocat la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avocats au barreau de BASTIA, et la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocats au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
SARL DENIM BPrise en la personne de son représentant légal en exerciceBoulevard LantivyRésidence Diamant I20000 AJACCIO
ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et Me Raphaële DECONSTANZA, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 décembre 2011, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambreMonsieur Philippe HOAREAU, ConseillerMadame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2012
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *Vu le jugement du tribunal de commerce d'AJACCIO du 13 décembre 2010 qui a :
- dit et jugé qu'il n'est pas démontré que la société ATRADIUS avait pouvoir et capacité de recouvrer amiablement puis d'introduire une action en justice aux lieu et place de la société G STAR à l'encontre de la société DENIM B au titre des sommes dont il est réclamé paiement,
- dit et jugé que lorsqu'un plaideur agit en justice pour le compte d'autrui sans justifier d'un mandat régulier, les actes de procédure sont nuls et non avenus,
- jugé la présente action, par voie d'assignation délivrée à la requête de la société ATRADIUS agissant en qualité de mandataire de la société G STAR, irrecevable,
- débouté la société ATRADIUS et la société G STAR de l'ensemble de leurs demandes, la demanderesse ne justifiant pas de ses prétentions et ne produisant pas les pièces de nature à les fonder,
- condamné la société ATRADIUS au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
- rejeté les autres demandes des parties.
Vu la déclaration d'appel déposée le 11 février 2011 pour la société ATRADIUS agissant en qualité de mandataire de la société G STAR.
Vu les dernières conclusions de l'appelante du 6 mai 2011 aux fins d'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et de voir :
- condamner la société DENIM B à payer à la société ATRADIUS COLLECTIONS :
facture no2932430 : 174,14 euros assortie d'un intérêt au taux contractuel (taux légal majoré de 2 points) à compter du 25 novembre 2007,
facture no2933405505 : 505,67 euros assortie d'un intérêt au taux contractuel à compter du 25 novembre 2007,
indemnité contractuelle : 9.707,10 euros assortie d'un intérêt contractuel à compter de la mise en demeure du 2 mars 2008,
- dire que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
- débouter la société DENIM B de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société DENIM B à lui payer une somme de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société DENIM B aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de l'intimée du 5 juillet 2011 aux fins de confirmation du jugement entrepris à l'exception de sa disposition rejetant sa demande de dommages et intérêts et, statuant sur son appel incident, voir condamner la société ATRADIUS à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de son avoué.
Vu l'ordonnance de clôture du 19 octobre 2011.
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* *
Le 8 juin 2007, la société à responsabilité limitée DENIM B a passé commande de 159 jeans auprès de la société G STAR.
Par lettre recommandée du 15 novembre 2007, le gérant de la société DENIM B avisait la société G STAR d'une annulation de commande, suite à un changement d'activité au sein de sa boutique et l'informait de ce que le magasin serait en liquidation à partir du mois de décembre 2007.
La société G STAR établissait deux factures, du 21 novembre 2007 pour un montant de 174,14 euros et du 23 novembre 2007 pour un montant de 505,67 euros.
Par lettre du 3 mars 2008, la société ATRADIUS avisait la société DENIM B de ce qu'elle avait été chargée du recouvrement de ces factures ainsi que de celui d'une facture du 29 février 2008 par la société G STAR.
Par lettre recommandée du 18 avril 2007, retirée le 23 avril 2007, la société ATRADIUS mettait en demeure la société DENIM B de payer la somme de 11.515,55 euros due à la société G STAR.
Par acte sous seing privé du 24 mars 2009, la société G STAR donnait mandat d'agir en justice à la société ATRADIUS afin de recouvrer sa créance à l'encontre de la société DENIM B.
Par acte d'huissier du 1er décembre 2009, la société ATRADIUS assignait en paiement la société DENIM B devant le Tribunal d'AJACCIO qui, par jugement du 13 décembre 2010, considérait que la société ATRADIUS avait agi sans pouvoir justifier d'un mandat régulier, que les actes de procédure étaient nuls pour vice de fond, que les factures dites impayées de 174,14 euros et 505,67 euros ne sont corroborées par aucun élément extérieur, que la demanderesse ne justifiant pas non plus de l'opposabilité des conditions générales de vente justifiant la demande de versement d'une indemnité contractuelle de 9.707,10 euros pour annulation d'une commande, que la faute de la société DENIM B n'était pas avérée en l'état des documents produits et que la société G STAR n'avait jamais adressé de courrier de résiliation de contrat à la société DENIM B.
Le Tribunal déclarait nuls les actes de procédure, irrecevables les demandes de la société ATRADIUS et les rejetait de même que la demande de dommages et intérêts présentée par la société DENIM B à laquelle était allouée la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Devant la Cour, la société ATRADIUS soutient qu'elle détient un mandat régulier, donné le 24 mars 2009 pour recouvrer au nom de la société G STAR sa créance à l'encontre de la société DENIM B. Elle fait valoir que ce mandat est régi par le droit commun du mandat, que ce mandat n'a pas à être spécial comme exigé par l'intimé et qu'en l'espèce le mandat qui contient les références du dossier et les coordonnées exactes du débiteur permet d'individualiser la créance, objet du mandat.
L'appelante indique que les conditions générales de vente ont été signées par le client, que le bon de commande signé précise que l'acquéreur connaît ces conditions et qu'elles lui sont opposables.
Elle invoque l'article 5-3 des conditions générales de vente pour demander la condamnation de la société DENIM B, qui a commandé des marchandises d'une valeur de 20.094 euros toutes taxes comprises et refusé des marchandises pour 19.414,30 euros, au paiement d'une indemnité contractuelle de 9.707,15 euros, soit 50 % de la valeur des marchandises refusées.
Elle se réfère à l'article L 110-3 du code de commerce et aux mentions des factures des 21 et 23 novembre 2007 pour soutenir que les marchandises facturées ont été livrées et que ces factures sont dues.
Elle souligne que la réception de ces marchandises n'avait pas été contestée avant la présente instance, ce qui établit selon elle la mauvaise foi de la société DENIM B.
La société DENIM B réplique en contestant la validité du mandat invoqué par la société ATRADIUS, daté du 24 mars 2009 alors que les mises en demeure datent d'avril et mars 2008, ne précisent pas la créance visée et comportent une rature de la mention "irrévocable" du mandat. Elle considère que la nullité de l'assignation en découle, à tout le moins le défaut de qualité à agir devant le Tribunal de commerce.
L'intimée fait valoir que l'acte d'appel est également nul, que des condamnations sont demandées au profit de la société ATRADIUS COLLECTIONS alors que la déclaration d'appel et l'assignation mentionnent la société ATRADIUS et que le jugement entrepris ne saurait emporter critique en ce qu'il a considéré que la demanderesse ne justifiait pas de ses prétentions.
Elle conteste la portée de la commande du 8 juin 2007, l'opposabilité des conditions générales de vente, le bien-fondé des facturations en l'absence de bons de commande et de livraison et l'existence d'une tentative de recouvrement amiable.
Elle relève qu'à aucun moment la société G STAR n'a adressé un courrier de résiliation du contrat et estime que c'est en rétorsion, alors qu'elle savait avoir perdu un client du fait de son changement d'activité, que la société G STAR a tenté de tirer parti de l'événement qui s'imposait à elle.
Elle se réfère à l'autorisation préfectorale de vente en liquidation pour indiquer qu'elle ne pouvait plus accepter de marchandises nouvelles s'ajoutant, après le 26 octobre 2007, au stock qu'elle devait liquider sans encourir les sanctions prévues à l'article L 310-5 du code de commerce.
Elle forme un appel incident en dommages et intérêts et soutient que la société ATRADIUS a pris le parti de saisir le Tribunal puis la Cour de manière extrêmement légère, critiquable et condamnable.
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SUR QUOI :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieur et des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement entrepris et aux dernières conclusions des parties ;
Attendu que l'appelante a produit le pouvoir donné le 24 mars 2009 par la société G STAR, dont le siège est précisé à la société ATRIDUS COLLECTIONS dont le siège est précisé pour recouvrer en son nom sa créance à charge de la société DENIM B, dont le siège est précisé ;
Attendu que ce mandat contient une référence correspondant à celle figurant sur les lettres de rappel et de mise en demeure adressées à la société DENIM B ;
Attendu que ce mandat, explicite et précis, permet de déterminer la créance dont la société G STAR a chargé la société ATRADIUS COLLECTIONS d'assurer le recouvrement en procédant le cas échéant à une action en justice ;
Attendu qu'il importe peu que ce mandat ait été révocable et non irrévocable dès lors qu'il n'est pas allégué ni établi qu'il ait été révoqué ;
Attendu que la dénomination sociale complète de la société de droit belge ATRADIUS est ATRADIUS COLLECTIONS qui ne figure pas dans l'assignation et dans l'acte d'appel mais que la société DENIM B qui a connaissance de son siège social et de son établissement français ne justifie du grief que lui aurait causé cette dénomination incomplète ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de rejeter l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance et la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du mandataire de la société G STAR ;
Attendu que le litige oppose deux commerçants ; que la société DENIM B qui a apposé sur la commande du 8 juin 2007 une signature similaire à celle figurant sur sa lettre du 15 novembre 2007 d'annulation de commande, ne peut obtenir que les conditions générales de vente de la société G STAR lui soient inopposables alors que la commande prévoit que les conditions générales de vente sont annexées à la commande et connues de l'acheteur ;
Attendu que l'appelante a versé aux débats un détail de la commande d'un montant total de 16.801,10 hors taxes, soit 20.094,11 euros toutes taxes comprises ;
Attendu que les factures des 21 et 23 novembre 2007 comportent des précisions quant au numéro de client, de commande et de conditions de paiement par chèque-plan correspondant à la commande du 8 juin 2007 qui a fait l'objet de l'annulation du 15 novembre 2007 alors que seuls les articles facturés les 21 et 23 novembre 2007 avaient été livrés, le reste de la commande, soit 19.414,30 euros ayant été refusé ;
Attendu que dans ces conditions en vertu du principe d'application de bonne foi des conventions, et en l'absence de contestation de la livraison avant l'instance judiciaire, il y a lieu de condamner la société DENIM B à payer à l'appelante, en sa qualité de mandataire de la société G STAR les sommes de 174,14 euros et de 505,67 euros avec intérêts au taux contractuel égal au taux légal majoré de deux points, conformément à l'article 3.3 des conditions générales de vente, à compter du 1er décembre 2009, faute pour l'appelante de justifier d'une mise en demeure postérieure à la date du mandat de recouvrement ;
Attendu que l'appelante se fonde sur l'article 5.3 des conditions générales de vente pour demander la condamnation de l'intimée à payer une indemnité contractuelle égale à la moitié de la valeur des marchandises refusées ;
Attendu que l'intimée fait valoir que cette indemnité se serait due qu'en cas de résiliation du contrat par le vendeur et que la société G STAR ne lui a pas adressé de courrier de résiliation de contrat mais attendu que la lettre d'annulation de commande adressée le 15 novembre 2007 rendait inutile ce courrier de résiliation ;
Attendu que cette annulation est intervenue en tout début de la saison 2007-2008 alors que la société DENIM B avait été autorisée à recourir à une vente en liquidation par suite d'une modification substantielle des conditions d'exploitation ;
Attendu que l'indemnité contractuelle prévue à l'article 5-3 des conditions générales de vente s'analyse en une clause pénale que le juge peut, même d'office, modérer, en application du deuxième alinéa de l'article 1152 du code civil, si la peine qui avait été convenue est manifestement excessive ;
Attendu qu'en l'espèce il y a lieu de limiter à la somme de 3.000 euros le montant de cette clause pénale eu égard aux circonstances dan lesquelles l'annulation de commande est intervenue ;
Attendu que cette somme portera intérêt au taux conventionnel à compter de l'assignation ;
Attendu que les intérêts des condamnations prononcées au titre des factures impayées et de la clause pénale produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Attendu que l'équité commande d'accueillir la demande présentée par la société ATRADIUS COLLECTIONS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que l'intimée qui succombe sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ;
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement du tribunal de commerce d'AJACCIO du 13 décembre 2010 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette l'exception de nullité de l'assignation et la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir présentées par la société DENIM B,
Condamne la société DENIM B à payer à la société ATRADIUS COLLECTIONS agissant en qualité de mandataire de la société G STAR
les sommes suivantes :
- CENT SOIXANTE QUATORZE EUROS ET QUATORZE CENTIMES (174,14 euros) et CINQ CENT CINQ EUROS ET SOIXANTE SEPT CENTIMES (505,67 euros) avec intérêts au taux contractuel égal au taux légal augmenté de deux Points à compter du 1er décembre 2009, au titre de factures impayées,
- TROIS MILLE EUROS (3.000 euros) avec intérêts au taux contractuel égal au taux légal augmenté de deux points, à compter du 1er décembre 2009 au titre d'une indemnité contractuelle,
Dit que les intérêts de ces sommes porteront intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière,
Condamne la société DENIM B à payer à la société ATRADIUS COLLECTIONS la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des prétentions des parties,
Condamne la société DENIM B aux entiers de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT