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25/01/2012 | FRANCE | N°09/01011

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 25 janvier 2012, 09/01011


Ch. civile B

ARRET No
du 25 JANVIER 2012
R. G : 09/ 01011 R-PL
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 novembre 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 07/ 1370

X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Alain X...né le 28 Septembre 1953 à ...20137 PORTO-VECCHIO

assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

INTIMEE : r>
Madame Véronique Y......20137 PORTO-VECCHIO

assistée de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocats au barreau d'AJAC...

Ch. civile B

ARRET No
du 25 JANVIER 2012
R. G : 09/ 01011 R-PL
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 novembre 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 07/ 1370

X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Alain X...né le 28 Septembre 1953 à ...20137 PORTO-VECCHIO

assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Madame Véronique Y......20137 PORTO-VECCHIO

assistée de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocats au barreau d'AJACCIO, et de la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 décembre 2011, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2012

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * ORIGINE DU LITIGE :

Monsieur Alain X...a vécu maritalement avec Madame Véronique Y.... Au cours de leur vie commune, Madame Y...a acquis un terrain sis ... Porto-Vecchio sur lequel a été édifiée une maison d'habitation.

Alléguant que lors de leur séparation, il n'a reçu aucun remboursement des sommes avancées durant la vie commune, notamment pour la construction de la maison, Monsieur X...a fait assigner Madame Y...en paiement de la somme de 42. 014, 29 euros en remboursement de prêts, de la somme de 196. 497, 05 euros au titre de l'enrichissement sans cause, de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 2 novembre 2009, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a débouté Monsieur X...de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à Madame Y...la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

ETAT DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR :

Par déclaration remise au greffe le 24 novembre 2009, Monsieur X...a relevé appel de toutes les dispositions de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 avril 2011, l'appelant demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise,
- au principal, dire et juger que les travaux réalisés et les frais engagés par Monsieur X...dans l'immeuble appartenant à Madame Y...excèdent par leur ampleur sa participation normale à la vie commune et ne peuvent être considérés comme une contrepartie des avantages dont il aurait profité pendant la période du concubinage,
- en conséquence, condamner Madame Y...à payer à Monsieur X...la somme de 238. 511, 34 euros au titre de l'enrichissement sans cause dont elle a profité,
- subsidiairement, désigner un expert ayant pour mission, notamment, de décrire et chiffrer les travaux réalisés par Monsieur X...et d'évaluer le bien appartenant à Madame Y...sans ces travaux,
- en tout état de cause, condamner Madame Y...au paiement de la somme de 3. 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses ultimes conclusions déposées le 15 juin 2011, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner l'appelant au paiement de la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2011 ; l'affaire a été plaidée le 2 décembre 2011.

*

* *
SUR QUOI, LA COUR :

La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

Au soutien de son appel, Monsieur X...fait valoir qu'il a apporté à la construction de la villa de son ex-concubine, sa main d'oeuvre qui ne saurait être évaluée à moins de 193. 264, 86 euros et qu'il a en outre réglé à plusieurs reprises le coût des matériaux ; que Madame Y...a également bénéficié de sa part d'un chèque d'un montant de 32. 014, 29 euros qui lui a permis de financer l'acquisition du terrain ; qu'un autre chèque de 10. 000 euros a permis à son ex-compagne d'acheter un véhicule.

L'appelant soutient que, dans de telles conditions, l'investissement qu'il a effectué sans intention libérale excède largement sa participation normale aux dépenses de la vie courante et ne peut être considéré comme une contrepartie des avantages retirés de la vie commune de sorte que Madame Y...a bénéficié d'un enrichissement sans cause dont elle doit répétition.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause, qui concentre l'argumentation développée par Monsieur X...en appel, est recevable devant la cour ; en effet, il avait été déjà soulevé en première instance de sorte qu'il n'est pas nouveau ; de plus, même en pareil cas, l'appelant aurait bénéficié des dispositions de l'article 563 du code civil autorisant les parties à invoquer en appel des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge.

Sur le fond, l'intimée conteste l'enrichissement sans cause allégué en soutenant que les travaux de construction incontestablement réalisés par Monsieur X...avec sa participation et l'aide d'amis ont trouvé une compensation suffisante dans l'hébergement à titre gratuit dont son ex-compagnon a bénéficié et dans les fruits que celui-ci a retirés, dans le même temps, de la location de sa propre maison. Elle précise qu'ils avaient tous deux conclu un accord en ce sens.

C'est à bon droit que Monsieur X...fait valoir que le concubin ayant financé et accompli des travaux dans l'immeuble de sa compagne peut bénéficier d'une action indemnitaire fondée sur l'enrichissement sans cause.

Il est constant que Monsieur X...et Madame Y...ont vécu maritalement de 2000 à 2007 ; qu'en juillet 2001, Madame Y...a fait l'acquisition d'un terrain sur lequel a été édifiée, entre décembre 2001 et décembre 2003, une villa sur deux niveaux comprenant huit chambres et équipée d'une piscine.

Il résulte des explications des parties et des nombreuses attestations produites aux débats que Monsieur X..., artisan-maçon de profession, a assuré l'entière construction de cette maison avec l'aide

il est vrai de Madame Y...et la participation ponctuelle d'autres personnes. La profession exercée par Monsieur X...et la teneur concordante des attestations autorisent à retenir que l'essentiel de la construction a été toutefois assurée par l'appelant.

Pour estimer le coût de ces travaux, point n'est besoin de recourir à l'expertise subsidiairement sollicitée par Monsieur X...; le devis qu'il a fourni, d'un montant de 193. 264, 86 euros, celui qu'avait établi la société STAGNOLU le 18 janvier 2000, d'un montant de 104. 000 euros, et le coût habituel de la main d'oeuvre pour ce type de travaux constituent des éléments d'appréciation suffisants qui permettent, compte tenu de la propre participation de Madame Y...et de celle de tiers, de fixer à 100. 000 euros le coût de la main d'oeuvre apportée par Monsieur X....

Il ressort du dossier que ce dernier a également réglé, en chèques ou en espèces, à des dates contemporaines à la construction de la maison, des factures de matériaux dont l'affectation à cette construction n'est pas contestée. Le montant de ces factures peut être évalué à 10. 000 euros.

Enfin, il est constant qu'en octobre 2001, soit à une date très proche de l'acquisition du terrain par Madame Y..., Monsieur X...lui a remis un chèque de 32. 014, 29 euros qui aurait été affecté selon lui au financement de cette acquisition. Compte tenu de la concordance des dates, cette affirmation, qui au demeurant n'est pas formellement contestée par l'intimée, doit être retenue.

Au total, les travaux réalisés et les frais engagés par Monsieur X...dans l'immeuble appartenant à Madame Y...peuvent être fixés à la somme de 142. 014, 29 euros arrondie à 142. 000 euros.

L'intention libérale attribuée à l'appelant par l'intimée, de même que le don manuel également invoqué par cette dernière et encore l'existence d'un contrat d'entreprise dont elle se prévaut ne reposent pas sur le moindre commencement de preuve et se réduisent à l'état d'allégations contestées qui doivent dès lors être écartées, la charge de la preuve incombant à l'intimée.

C'est donc bien sur le terrain de l'enrichissement sans cause qu'il convient de se placer pour statuer sur la demande de remboursement formée par Monsieur X....

A cet égard, il convient de rechercher si les travaux et les frais engagés, excédaient ou non par leur ampleur sa participation normale aux dépenses de la vie courante et peuvent ou non être considérés comme une contrepartie des avantages dont il a pu profiter pendant la période de concubinage.

En raison de leur ampleur comme de leur destination, les dépenses litigieuses ne relèvent pas de la vie courante. En revanche, c'est à juste titre que Madame Y...soutient que d'une part son ex-compagnon a été gratuitement hébergé dans la maison pendant trois ans, d'autre part que cela lui a permis de mettre en location pendant le même temps sa propre maison et de percevoir un loyer.

Les frais d'hébergement, compte tenu des dimensions et de la situation de l'immeuble, peuvent être évalués à 1. 000 euros par mois pendant trois ans soit au total la somme de 36. 000 euros. Quant aux loyers encaissés, ils peuvent être estimés, au vu des attestations produites qui font état de locations saisonnières et des propres indications de l'appelant, à la somme de 18. 000 euros.

En conséquence, l'action en répétition est justifiée à hauteur de la somme de 86. 000 euros (140. 000-36. 000-18. 000), somme dénuée de contrepartie pour Monsieur X...et qui constitue dès lors son appauvrissement et l'enrichissement corrélatif de Madame Y....

Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X...de toutes ses demandes et, statuant à nouveau, de condamner Madame Y...à lui payer la somme de 86. 000 euros.

Dans la mesure où les deux parties succombent partiellement dans leurs prétentions respectives, il convient de procéder un partage par moitié des dépens tant de première instance que d'appel et il y a lieu d'écarter l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement déféré doit en conséquence également être infirmé sur ces deux points.

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Déclare Monsieur Alain X...recevable et partiellement fondé en son appel,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne Madame Véronique Y...à payer à Monsieur Alain X...la somme de QUATRE VINGT SIX MILLE EUROS (86. 000 euros),
Déboute Monsieur Alain X...du surplus de sa demande,
Dit n'y avoir lieu à application, en première instance comme en appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 09/01011
Date de la décision : 25/01/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2012-01-25;09.01011 ?
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