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11/01/2012 | FRANCE | N°09/00392

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 11 janvier 2012, 09/00392


Ch. civile B

ARRET No
du 11 JANVIER 2012
R. G : 09/ 00392 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 20 avril 2009 Tribunal de Commerce d'AJACCIO R. G : 09/ 79

SARL DOLCE MARE X...

C/
X...X...

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE JANVIER DEUX MILLE DOUZE

APPELANTS :

SARL DOLCE MARE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Porto Polo 20140 SERRA DI FERRO

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Louis BUJOLI, avocat au barreau

d'AJACCIO plaidant en visioconférence

Monsieur Jean Dominique X...né le 18 mars 1949 à CIAMANACCE ...

représenté par la SCP R...

Ch. civile B

ARRET No
du 11 JANVIER 2012
R. G : 09/ 00392 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 20 avril 2009 Tribunal de Commerce d'AJACCIO R. G : 09/ 79

SARL DOLCE MARE X...

C/
X...X...

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE JANVIER DEUX MILLE DOUZE

APPELANTS :

SARL DOLCE MARE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Porto Polo 20140 SERRA DI FERRO

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence

Monsieur Jean Dominique X...né le 18 mars 1949 à CIAMANACCE ...

représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
INTIMES :
Monsieur Michel Antoine X...né le 12 avril 1945 à CIAMANACCE ...

représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assisté de Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
Appelée en intervention forcée :
Madame Blanche X......

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 novembre 2011, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2012.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * Vu le jugement du Tribunal de commerce d'AJACCIO du 20 avril 2009 qui a :

annulé les assemblées générales annuelles des associés de la société Résidence DOLCE MARE statuant sur les exercices 1997 à 2006,
révoqué Monsieur Jean-Dominique X...de ses fonctions de gérant de la société Résidence DOLCE MARE,
condamné Monsieur Jean-Dominique X...à payer à la société Résidence DOLCE MARE la somme de 179 056 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation introductive d'instance au titre d'un compte courant d'associé débiteur,
désigné Monsieur Jacky A...en qualité d'administrateur provisoire de la société Résidence DOLCE MARE avec pour mission d'assumer la gestion courante des affaires sociales jusqu'à la désignation d'un nouveau gérant et de faire rapport quant aux éventuelles autres fautes de gestion de Monsieur Jean-Dominique X...qu'il découvrirait, et de convoquer une assemblée générale aux fins de présentation et d'approbation des comptes sociaux des années 1998 à 2006 et de statuer sur les ordres du jour antérieurement fixés,
débouté la société Résidence DOLCE MARE de ses demandes reconventionnelles,
condamné Monsieur Jean-Dominique X...et la société Résidence DOLCE MARE aux dépens,
rejeté les autres demandes.

Vu le jugement du Tribunal de commerce d'AJACCIO du 25 mai 2009 rectifiant le précédent jugement et ordonnant la consignation par Monsieur Michel X...d'une somme de 4 000 euros à valoir sur les honoraires de l'expert désigné dans le délai d'un mois.

Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la Cour d'appel de BASTIA le 30 avril 2010 pour la société Résidence DOLCE MARE et Monsieur Jean-Dominique X....
Vu l'assignation en intervention forcée devant la Cour délivrée le 29 novembre 2010 à la personne de Madame Blanche X...à la requête de Monsieur Michel X....
Vu l'ordonnance de jonction du 15 décembre 2010.

Vu les dernières conclusions de Madame Blanche X...du 9 février 2011 aux fins de voir dire irrecevable son assignation en intervention forcée et de voir Monsieur Michel X...condamné à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société Résidence DOLCE MARE et de Monsieur Jean-Dominique X...du 15 juin 2011 aux fins d'infirmation du jugement du 20 avril 2009, et, statuant à nouveau, de voir :

débouter Monsieur Michel X...de ses demandes,
dire irrecevable et non fondée la demande de désignation d'expert formulée en cause d'appel,
condamner Monsieur Michel X...aux dépens ainsi qu'à une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
constater que les appelants rapportent la preuve des fautes de gestion commises par Monsieur Michel X...tant en qualité de gérant de droit que de gérant de fait,
le condamner en conséquence à payer à la société Résidence DOLCE MARE la somme de 250 000 euros en application de l'article 1382 du code civil,
le condamner aux dépens dont distraction au profit de l'avoué des appelants.

Vu les dernières conclusions de Monsieur Michel X...du 4 avril 2011 aux fins de voir :

confirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel,
Statuant à nouveau,
déclarer recevable et bien fondé l'appel en cause de Madame Blanche X...en qualité de co-gérante au visa des articles 331 et 555 du code de procédure civile,
prononcer l'annulation des assemblées générales postérieures à l'année 2006,
révoquer le gérant Monsieur Jean-Dominique X...et Madame Blanche X...en qualité de co-gérante,
désigner un administrateur judiciaire,
à titre subsidiaire, désigner un expert conformément aux dispositions de l'article L 233-37 du code de commerce avec pour mission de présenter un rapport sur :
• la perte des capitaux propres supérieure à plus de la moitié du capital social et les conditions pour remédier à cette situation,
• l'existence, le montant et le bien fondé des rémunérations versées à Monsieur Jean-Dominique X..., Danièle X..., Blanche X...et ce eu égard à la nécessité des conventions réglementées et à la situation financière de la société,
• la bonne comptabilisation du chiffre d'affaires pour les exercices de 2003 à 2009,
débouter Monsieur Jean-Dominique X...et Madame Blanche X...de toutes leurs demandes,
condamner Monsieur Jean-Dominique X...et Madame Blanche X...à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 19 octobre 2011.

*

* *

La société à responsabilité limitée Résidence DOLCE MARE a été constituée par acte sous-seing privé déposé le 11 mai 1989 au registre du commerce et des sociétés d'AJACCIO.

Monsieur Jean X...en détenait 260 parts tandis que ses enfants Jean-Dominique, Blanche et Michel X...en possédaient chacun 80 parts.
Monsieur Michel X...a été désigné premier gérant de cette société. Il a été remplacé par Monsieur Jean-Dominique X...par décision de l'assemblée générale des actionnaires du 9 octobre 1997.
Par acte d'huissier du 12 juin 2008, Monsieur Michel X...a assigné devant le Tribunal de commerce d'AJACCIO la société Résidence DOLCE MARE et Monsieur Jean-Dominique X...en invoquant l'absence de dépôt des comptes annuels relatifs aux années 1998 à 2004, l'absence de distribution de dividendes, l'existence d'un compte courant débiteur de 179 056 euros, le refus de convoquer régulièrement des assemblées générales d'approbation des comptes et une mauvaise gestion imputable au gérant. Monsieur Michel X...demandait avec exécution provisoire l'annulation des assemblées générales annuelles statuant sur les exercices 2003 à 2006, la révocation judiciaire du gérant, sa condamnation au remboursement des sommes prélevées au titre de sa rémunération et de la somme de 179 056 euros correspondant au compte courant débiteur, et la désignation d'un administrateur provisoire.

Le Tribunal de commerce d'AJACCIO a accueilli par jugement du 20 avril 2009 ces demandes à l'exception de celle relative à la rémunération du gérant renvoyée à une décision d'assemblée générale. Il a considéré en particulier que l'absence de convocation de Monsieur Michel X...justifiait l'annulation des assemblées générales relatives aux exercices 1997 à 2006 et que l'existence d'un compte courant débiteur et de capitaux propres négatifs aurait dû conduire le gérant à convoquer une assemblée générale pour statuer sur une perte de plus de la moitié du capital social et que son comportement justifiait sa révocation ainsi que sa condamnation au paiement d'une somme de 179 056 euros correspondant au montant du compte courant débiteur. L'exécution provisoire n'a pas été ordonnée.

Monsieur Jean-Dominique X...et la société Résidence DOLCE MARE ont interjeté appel de ce jugement.

Monsieur Jean X...est décédé en août 2010.

Par acte d'huissier du 29 novembre 2010, Michel X...a assigné en intervention forcée devant la Cour d'appel, Madame Blanche X...qui avait été désignée le 5 janvier 2009 co-gérante de la société Résidence DOLCE MARE.

Les instances ont été jointes puis une ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2011.

*

* *
SUR QUOI :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère au jugement entrepris et aux dernières écritures des parties ;

Sur la demande d'annulation des assemblées générales annuelles :

Attendu que les premiers juges ont annulé les assemblées générales annuelles statuant sur les exercices 1997 à 2006 en retenant que Monsieur Michel X...n'avait pas été valablement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception à ces assemblées par Monsieur Jean-Dominique X..., gérant de droit depuis le 9 octobre 1997 ;

Attendu que les appelants soulèvent l'irrecevabilité de cette demande, faute pour Monsieur Michel X...de préciser la date des assemblées dont il demande l'annulation et d'en produire les procès-verbaux ; qu'ils reprochent aux premiers juges d'avoir violé l'article 5 du code de procédure civile en ayant annulé les assemblées générales statuant sur les exercices 1997 à 2006 alors que le demandeur visait les seules assemblées générales afférentes aux exercices 2003 à 2006 ; qu'ils invoquent la prescription de l'article L 235-9 du code de commerce et font valoir que c'est l'ancien gérant qui avait initié la coutume de convoquer les associés sans lettre recommandée et qu'une nouvelle assemblée générale à laquelle Monsieur Michel X...a été convoqué par lettre recommandée a eu lieu le 25 septembre 2009, qu'elle a approuvé les comptes des exercices 2003 à 2007 et que le motif retenu par le tribunal n'apparaît plus fondé ;

Attendu que l'intimé réplique en contestant la fin de non recevoir proposée du fait qu'il n'a été convoqué à aucune assemblée générale, que les formalités de dépôt n'ont pas été respectées, qu'il n'a pu obtenir que les procès-verbaux qu'il a produits et que ses demandes étaient suffisamment explicites ;

Attendu que l'intimé fait valoir qu'il a critiqué le comportement du gérant depuis 1997 et que le juge peut se prononcer sur les demandes implicites ; qu'il conteste la prescription en invoquant l'absence de preuve de ce que l'assemblée générale annuelle encourant la prescription se soit tenue le 30 juin 2004 et en soulignant que son procès-verbal n'a pas été déposé au greffe et ne lui a été remis que le 17 mars 2008 à la suite d'une sommation interpellative ;

Attendu que l'intimé soutient qu'il est recevable à demander la nullité des assemblées générales annuelles statuant sur les exercices 2003 à 2006 et que la preuve de sa convocation ou de sa présence n'est pas rapportée ;

Attendu que les appelants qui n'ont pas justifié avoir convoqué Michel X...aux assemblées générales statuant sur les exercices comptables 2003 à 2006, lui avoir notifié les décisions prises et avoir déposé au greffe du registre du commerce et des sociétés les procès-verbaux d'assemblée générale ne peuvent utilement invoquer l'absence de production de ces procès-verbaux ou d'indication des dates de ces assemblées au soutien d'une fin de non recevoir alors qu'ils étaient en mesure de déterminer l'objet de la demande de l'associé minoritaire non convoqué ;

Attendu que les premiers juges ne pouvaient sans violer les dispositions de l'article 5 du code de procédure civile statuer sur la validité d'assemblée générale dont le demandeur n'entendait pas obtenir l'annulation ;

Attendu que les premiers juges étaient saisis de la question de la validité des assemblées générales ayant statué sur les exercices comptables 2003 à 2006 ;

Attendu que l'assignation introductive d'instance a été délivrée le 12 juin 2008 ; qu'en application de l'article L 235-9 du code de commerce l'action en nullité ne pourrait concerner que des délibérations intervenues postérieurement au 12 juin 2005 ;

Attendu que les procès-verbaux d'assemblée générale des 30 juin 2005 et 30 juin 2006 sont afférents à des actes qui ne peuvent pas être atteints par la prescription invoquée par les appelants ;

Attendu que le procès-verbal d'assemblée générale du 30 juin 2004 statuant sur l'exercice 2003 est en revanche susceptible d'encourir la prescription mais attendu qu'en l'absence de preuve de la convocation des associés, de production du registre des délibérations tenu au siège social ou d'une lettre informant l'intimé des délibérations, il y a lieu de considérer que la prescription n'a couru qu'à compter du jour où il a eu connaissance de ces délibérations ; que le moyen tiré de la prescription ne peut en conséquence prospérer ;

Attendu qu'aucune coutume, fût-elle familiale, ne permet en l'absence d'un associé lors d'une assemblée générale, d'échapper à la nullité découlant de l'inobservation des formalités imposées par l'article R 223-20 du code de commerce ;

Attendu que l'existence d'une délibération ultérieure statuant sur les exercices comptables qui avaient été approuvés lors d'une assemblée tenue en violation des obligations précitées, n'est pas de nature à permettre l'absence d'annulation des assemblées générales convoquées de manière irrégulière ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les assemblées générales tenues les 30 juin 2004, 30 juin 2005 et 30 juin 2006 et de l'infirmer s'agissant des assemblées antérieures ;

Sur la demande de révocation judiciaire du gérant :

Attendu que les premiers juges ont considéré que cette révocation était justifiée par l'existence d'un compte débiteur de 179 056 euros, l'absence d'explication du gérant sur cette situation, l'absence de convocation d'une assemblée générale pour statuer sur la perte de plus de la moitié du capital social et l'octroi au gérant d'une rémunération mensuelle de 2 000 euros qui ne semblait manifestement pas en rapport avec les capacités financières de la société dont le chiffre d'affaires était passé de 201 623 euros en 2005 à 112 070 euros en 2006 ;

Attendu que les appelants reprochent aux premiers juges d'avoir prononcé la révocation du gérant sur un fondement différent de celui proposé par le demandeur qui avait demandé cette révocation en raison du refus persistant du gérant de convoquer valablement l'assemblée générale annuelle et de l'allocation d'une rémunération en dépit d'une gestion farfelue ;

Attendu que les appelants considèrent que le jugement encourt de ce fait l'annulation ; qu'ils contestent les fautes invoquées, soulignent que la gestion de Monsieur Michel X...de 1989 à 1997 était désastreuse, que les prêts conclus avec le CEPME pour financier la résidence hôtelière n'étaient alors pas remboursés, que cet organisme avait fait diligenter une procédure de saisie immobilière et que la société est devenue bénéficiaire et a permis aux termes d'une délibération du 30 avril 2005 l'octroi au gérant d'une rémunération qui n'est pas excessive ;

Attendu que les appelants ajoutent que la gestion de Monsieur Jean-Dominique X...à compter de 2004, date de sa réelle prise de fonction, a permis le sauvetage de la société, que la perte de plus de la moitié du capital social n'était en fait que comptable et qu'en 2009 la dette vis à vis du CEPME a été soldée, le compte courant d'associé remboursé, le capital reconstitué et que le résultat net comptable de la société de 291 711 euros a permis une distribution des bénéfices ;

Attendu que l'intimé considère que la révocation du gérant décidée par les premiers juges est justifiée ; que le bilan 2006 fait apparaître une perte de chiffre d'affaires de presque 50 % et des capitaux propres négatifs qui auraient pu conduire à une dissolution de la société en application de l'article L 223-42 du code de commerce ;

Attendu que l'intimé conteste la sincérité de la comptabilité de la société ; qu'il critique la politique salariale mise en oeuvre, le niveau de rémunération des gérants, l'hébergement de deux employés au sein de la résidence sans convention réglementée et qu'il soutient que le gérant de droit a commis des fautes de nature à compromettre l'intérêt social qui doivent conduire à la confirmation de sa révocation ;

Attendu que Monsieur Michel X...ayant agi sur le fondement des articles L 223-25 du code de commerce il appartenait aux premiers juges de déterminer si le gérant devait être révoqué pour cause légitime en analysant les éléments de preuve versés aux débats, dont le bilan 2006 ; que leur motivation n'encourt en conséquence pas l'annulation demandée par les appelants même si le demandeur n'avait pas visé l'article L 223-42 du code de commerce ;

Attendu toutefois que le protocole d'accord signé le 31 juillet 2004 avec le CEPME démontre que Monsieur Jean-Dominique X...a agi dans l'intérêt de la société pour éviter les conséquences d'une saisie

immobilière diligentée en raison d'une absence de règlement des échéances des prêts lors de la période pendant laquelle Monsieur Michel X...gérait la société ;

Attendu que la lettre de l'expert comptable B...du 15 décembre 2010 atteste de résultats déficitaires de 1992 à 1997 et d'un redressement à compter du changement de gérance ;

Attendu que la perte des capitaux propres résultant de l'inscription au bilan des intérêts du capital emprunté au CEPME ne constitue pas une faute imputable au gérant qui s'est attaché à obtenir un accord avec ce créancier dans l'intérêt de la société et est parvenu à un résultat bénéficiaire en 2009 qui a permis d'apurer le solde débiteur du compte courant d'associé de Monsieur Jean X..., comme indiqué dans la lettre de Monsieur B...du 14 juin 2010 ;

Attendu qu'au vu des résultats de la société la rémunération de 2 000 euros par mois accordée au gérant n'est pas excessive et que l'intimé n'établit pas l'existence d'une faute de nature à compromettre l'intérêt social justifiant la révocation de Monsieur Jean-Dominique X...; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris de ce chef ;

Sur la demande de remboursement du solde débiteur de compte d'associé :

Attendu que les premiers juges ont considéré que faute pour le gérant de s'expliquer sur la position débitrice du compte courant d'associé et sur l'identité du ou des associés présentant un tel compte, il y avait lieu de le condamner au paiement du solde débiteur de ce compte courant, du fait que le gérant est responsable de la tenue de la comptabilité ;

Attendu que Michel X...considère que Jean-Dominique X...qui depuis 1997 est en premier lieu responsable du compte courant débiteur doit seul ou solidairement en assurer le remboursement ;

Attendu que les appelants contestent l'existence d'une faute de gestion imputée personnellement au gérant justifiant sa condamnation à rembourser un compte courant d'associé débiteur ; qu'ils se réfèrent à une lettre du 31 décembre 2004 de l'expert comptable de la société et précisent que le bénéficiaire des chèques ou paiements constituant le solde débiteur est Monsieur Jean X...et produisent une attestation de son épouse qui indique qu'il versait régulièrement d'importante sommes en espèces à Monsieur Michel X...et à Madame Barbara X...pour qu'ils puissent payer le crédit de leur appartement parisien ;

Attendu que les appelants précisent que l'affectation des résultats de l'exercice 2009 a permis l'apurement du solde débiteur de Monsieur Jean X..., ainsi qu'en atteste la lettre de l'expert comptable B...du 14 juin 2010 ;

Attendu qu'en l'absence de solde débiteur de compte d'associé et de preuve de l'existence d'une faute de gestion du gérant directement à l'origine de ce solde, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur Michel X...de sa demande présentée de ce chef ;

Sur la désignation d'un administrateur provisoire :

Attendu que la désignation de Monsieur A...en qualité d'administrateur provisoire de la société Résidence DOLCE MARE par les premiers juges résultait de la révocation du gérant qui n'a pas été confirmée ;

Attendu que l'intimée considère que la désignation d'une co-gérante constitue une manoeuvre visant à exclure toute possibilité de mettre à jour l'intégralité des fautes commises par le gérant qui commet des abus de majorité, emploie plusieurs membres de sa famille sans satisfaire aux obligations imposées par les conventions réglementées, ne respecte pas ses obligations de déclaration au greffe et comptabilise un chiffre d'affaires sans commune mesure avec la réalité de l'activité de la résidence hôtelière qui compte 47 appartements ;

Attendu que les appelants contestent ces allégations et considèrent que cette désignation n'est pas utile en raison de l'évolution des résultats sociaux et de la désignation d'une co-gérante ;

Attendu que la désignation d'un administrateur provisoire est une mesure grave qui ne se justifie pas dès lors que la société fonctionne et que l'associé minoritaire dispose d'autres moyens légaux pour s'opposer aux abus de biens sociaux et aux abus de majorité qu'il invoque ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris de ce chef ;

Sur l'appel en intervention forcée de Madame Blanche X...:

Attendu que l'appelée en intervention forcée soulève l'irrecevabilité de son appel en cause du fait que Monsieur Michel X...ne s'expliquerait pas sur l'intérêt qu'il aurait à le faire ;

Attendu que l'intimé ayant formé une demande de révocation de la co-gérante dans des conclusions postérieures à l'assignation délivrée le 29 novembre 2010 ne peut se voir opposer le défaut d'intérêt à agir ;

Attendu qu'il pouvait d'ailleurs considérer que la co-gérante pouvait être utile au débat relatif à la demande de désignation d'un administrateur provisoire ;

Attendu que Monsieur Michel X...critique la docilité de la co-gérante vis à vis de Monsieur Jean-Dominique X...et plusieurs décisions relatives à la jouissance d'appartements par les associés et à des contrats de travail fictifs mais ces griefs peuvent donner lieu à des actions en contestation des délibérations critiquées, sans qu'il soit nécessaire de révoquer une co-gérante régulièrement désignée, en l'absence de preuve de l'existence d'une faute de nature à compromettre l'intérêt social ; qu'il y aura donc lieu de débouter Monsieur Michel X...de l'ensemble des demandes qu'il a présentées contre Madame Blanche X...;

Attendu que l'appelée en intervention forcée a présenté une demande de dommages-intérêts pour procédure abusive mais n'a pas démontré que le droit d'agir en justice ait en l'espèce dégénéré en abus ; qu'elle sera en conséquence déboutée de cette demande ;

Sur les autres demandes :

Attendu qu'à titre subsidiaire l'intimé a présenté en cause d'appel une demande d'expertise de gestion sur le fondement de l'article L 223-37 du code de commerce dont les appelants ont soulevé l'irrecevabilité par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que la demande d'expertise de gestion présentée par un associé représentant au moins le dixième du capital social n'avait pas été soumise aux premiers juges et n'est pas justifiée par l'évolution du litige ; qu'il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevable cette demande ;

Attendu que les appelants ont présenté une demande reconventionnelle en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'encontre de l'intimé qu'ils considèrent comme un gérant de fait qui a profité de plusieurs contrats de location de voitures réglés par la société, opéré des détournements, occupé un appartement de la résidence sans payer de loyer et perçu directement ou par personne interposée des loyers qui auraient dû être réglés à la société Résidence DOLCE MARE ;

Attendu que Monsieur Michel X...réplique en faisant valoir que Monsieur Jean-Dominique X...était gérant de fait de la société depuis plusieurs années avant de devenir son gérant de droit et en indiquant qu'il a disposé d'un appartement de la résidence au même titre que les autres associés et qu'il a loué à des tiers, alors qu'il exerçait les fonctions de gérant, des appartements moyennant la remise de chèques encaissés sur le compte de la société ;

Attendu que la société Résidence DOLCE MARE avait un fonctionnement sur le mode familial qui ne permet pas de déterminer clairement le rôle de chacun des associés et les facilités dont chaque associé profitait en matière d'occupation d'appartement ou de location de voiture dans l'intérêt de la société ou de l'associé utilisateur du véhicule ;

Attendu qu'il appartenait au gérant de droit d'éviter les éventuels agissements d'un gérant de fait contraires à l'intérêt social ;

Attendu que la sommation interpellative délivrée le 24 juin 2008 à Madame Michèle C...n'est pas accompagnée de la preuve que les chèques sans ordre qu'elle dit avoir remis à Monsieur Michel X...aient été encaissés sur son compte bancaire et non sur celui de la société ;

Attendu qu'en l'absence de preuve d'un comportement fautif de l'intimé préjudiciable à la société, il y aura lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts dirigée contre lui ;

Attendu que l'équité commande de rejeter la demande présentée par l'intimé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'accueillir les demandes présentées par Madame Blanche X...et par les appelants sur ce fondement ;

Attendu que Michel X...qui succombe supportera les entiers dépens de l'instance, l'avoué des appelants et de Madame Blanche X...étant autorisé à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

*
* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du Tribunal de commerce d'AJACCIO du 20 avril 2009 en ce qu'il a annulé les assemblées générales annuelles qui ont statué sur les exercices 2003 à 2006,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par l'intimé,

Rejette ses demandes de révocation judiciaire des co-gérants, de remboursement du solde débiteur, de désignation d'administrateur provisoire, de dommages-intérêts et de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de dommages-intérêts présentées par les appelants et Madame Blanche X...,

Condamne Monsieur Michel X...à verser la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 €) aux appelants et celle de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) à Madame Blanche X...en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Michel X...aux entiers dépens et autorise l'avoué des appelants et de Madame Blanche X...à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 09/00392
Date de la décision : 11/01/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2012-01-11;09.00392 ?
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