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16/11/2011 | FRANCE | N°10/00318

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 16 novembre 2011, 10/00318


Ch. civile B
ARRET No
du 16 NOVEMBRE 2011
R. G : 10/ 00318 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 08 janvier 2007 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 02/ 1211

S. A. R. L ASC
C/
X... X... A...A...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE

APPELANTE :
S. A. R. L ASC Prise en la personne de son représentant légal en exercice Lotissement Hiunday RN 193 ZI BALEONE 20167 SARROLA CARCOPINO
représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de la SCP M

ARIAGGI-BOLELLI, avocats au barreau d'AJACCIO

INTIMES :
Monsieur Mathieu X... ...
représenté par la SCP René J...

Ch. civile B
ARRET No
du 16 NOVEMBRE 2011
R. G : 10/ 00318 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 08 janvier 2007 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 02/ 1211

S. A. R. L ASC
C/
X... X... A...A...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE

APPELANTE :
S. A. R. L ASC Prise en la personne de son représentant légal en exercice Lotissement Hiunday RN 193 ZI BALEONE 20167 SARROLA CARCOPINO
représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de la SCP MARIAGGI-BOLELLI, avocats au barreau d'AJACCIO

INTIMES :
Monsieur Mathieu X... ...
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assisté de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA

Madame Francine X... épouse Y......
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA

Madame Marie Josephe A... épouse B...Prise en sa qualité d'héritière de Blanche A..., décédée née le 11 Février 1947 à AJACCIO (20000) ...

représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA

Madame Marie Hélène A... Prise en sa qualité d'héritière de Blanche A..., décédée née le 06 Septembre 1948 à AJACCIO (20000) ...
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 octobre 2011, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2011.

ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Vu le jugement du Tribunal de grande instance d'AJACCIO du 8 janvier 2007 qui a notamment :
dit que les consorts X... ont exercé leur droit de rétractation conformément aux dispositions de l'article L 145-47 du code de commerce,
débouté la société à responsabilité limitée ASC de sa demande d'annulation des actes extra-judiciaires délivrés les 30 novembre et 22 décembre 2000 et 4 janvier 2001,
déclaré le congé opposable à la société ASC,
débouté la société ASC de ses demandes de nullité de l'acte de cession du 17 janvier 2001,
déclaré nulle la vente du droit au bail dressée le 17 janvier 2001 par devant Maître C...,
dit que la société ASC qui occupe sans droit ni titre le local commercial situé ...devra quitter ce local appartenant aux consorts X...,
ordonné son expulsion.

Vu la déclaration d'appel déposée le 22 février 2007 pour la société ASC.

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de BASTIA du 18 juin 2008 qui a confirmé le jugement entrepris.

Vu l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 17 février 2010 qui a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de BASTIA du 18 juin 2008 sauf en ce qu'il a dit que les consorts X... ont exercé leur droit de rétractation conformément aux dispositions de l'article L 145-57 du code de commerce, débouté la société ASC de sa demande d'annulation des actes extra-judiciaires déclarés les 30 novembre et 22 décembre 2000 et 4 janvier 2001 et déclaré le congé opposable à la société ASC, et a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de BASTIA, autrement composée.

Vu l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 28 septembre 2010 qui a rectifié une erreur matérielle de l'arrêt du 17 février 2010 fixant au premier avril 1997 et non au premier avril 2007 la date à laquelle le bail a pris fin par suite de l'exercice par les consorts X... de leur droit de rétractation.
Vu les dernières conclusions de la société ASC du 7 février 2011 aux fins d'infirmation du jugement du 8 janvier 2007 en ce qu'il a dit nulle la cession intervenue par acte authentique du 17 janvier 2001 et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité d'éviction et, statuant à nouveau sur ces points, de voir :
dire valable la cession en date du 17 janvier 2001 et dire recevable et fondée sa demande relative à l'indemnité d'éviction due en raison du non-renouvellement du bail,
fixer à la somme de 1 056 855 euros le montant de cette indemnité d'éviction et condamner les consorts X... au paiement de cette somme,
désigner, à titre infiniment subsidiaire un expert avec pour mission de calculer l'indemnité d'éviction en prenant en compte l'ensemble des éléments habituels à la date du 24 septembre 2008, date de la remise des clés au bailleur,
condamner les consorts X... au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions du 6 avril 2011 de Monsieur Mathieu X..., de Madame Francine X... épouse Y..., de Madame Marie-Josèphe A... épouse B...et de Madame Marie-Hélène A..., ès-qualités d'héritières de Madame Blanche X... épouse A...décédée, aux fins de voir :
constater que la société POMPA, mise en liquidation judiciaire le 18 septembre 2000, a cessé toute activité et a fermé ses locaux,
dire en conséquence qu'il n'existe pas de créance d'indemnité d'éviction pour le preneur en liquidation de biens,
débouter la société ASC de sa demande d'indemnité d'éviction,
subsidiairement, dire que cette indemnité ne peut être supérieure au droit au bail cédé dans la vente du fonds de commerce par le liquidateur de la société POMPA à l'appelante,
plus subsidiairement encore, voir désigner un expert aux frais avancés de l'appelante pour l'évaluation de l'indemnité d'éviction,
condamner la société ASC aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 15 juin 2011.
Attendu que pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, la Cour se réfère au jugement du 8 janvier 2007 et à l'arrêt du 18 juin 2008 tandis que s'agissant des moyens et prétentions des parties, elle fait référence à leurs dernières conclusions ;

Attendu que l'arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2000 a confirmé les dispositions de l'arrêt du 18 juin 2008 qui ont validé les modalités d'exercice par les bailleurs de leur droit de rétractation, débouté la société ASC de ses demandes d'annulation des actes délivrés les 30 novembre et 22 décembre 2000 et 4 janvier 2001 et déclaré le congé opposable à la société ASC mais qu'il a cassé les autres dispositions de l'arrêt relatives à la nullité de la vente du droit au bail et à ses conséquences ;

Attendu que les consorts X... contestent le principe de l'existence d'une indemnité d'éviction due à la société POMPA en faisant valoir que pour y prétendre le preneur dont le bail n'a pas été renouvelé doit se trouver en activité et être dans les lieux loués alors qu'en l'espèce les lieux sont demeurés inoccupés pendant plusieurs mois à la suite du jugement de liquidation judiciaire ;

Attendu que les consorts X... soutiennent que le préjudice réparable est celui causé par le défaut de renouvellement exprimé par l'exercice du droit d'option en novembre-décembre 2000 et janvier 2001 et que le liquidateur n'a cédé qu'un droit au bail pour 80 000 francs alors que le bail n'avait pas été renouvelé et ne pouvait être cédé à un tiers ;

Attendu que la société ASC ne partage pas cette analyse et fait valoir que la cession du fonds de commerce était possible malgré l'effectivité du congé portant non-renouvellement antérieur, que la liquidation judiciaire ne fait pas obstacle au droit à l'indemnité d'éviction et qu'en l'absence de clause contraire stipulée à l'acte de cession la vente du fonds emporte cession de cette indemnité d'éviction ;

Attendu que le défaut d'exploitation du fonds de commerce causé par la liquidation judiciaire qui n'a aucun caractère irréversible trouve sa cause dans le déroulement de la procédure collective et ne prive pas le locataire dont le bail n'a pas été renouvelé de l'indemnité d'éviction ;

Attendu que ce locataire, en l'espèce le liquidateur chargé de réaliser l'actif de la société liquidée, a la faculté de céder cette indemnité d'éviction et l'arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2010 rappelle que, sauf clause contraire incluse dans l'acte, toute cession de fonds de commerce emporte cession de la créance d'indemnité d'éviction due au cédant et que cette cession peut valablement intervenir jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ;
Attendu qu'il y a lieu en l'absence d'une telle clause de rejeter les moyens des consorts X... contestant le principe d'une créance d'indemnité d'éviction pour le preneur en liquidation judiciaire, celui d'une possible cession de cette créance postérieure au jugement de liquidation judiciaire et celui de l'existence d'une créance de la société ASC de ce chef ;

Attendu que, s'agissant du montant de l'indemnité d'éviction, la société ASC se réfère à l'alinéa 2 de l'article L 145-14 du code de commerce ; qu'elle soutient que cette indemnité, due au cessionnaire, doit prendre en compte le préjudice qui lui est causé et doit être évaluée au jour le plus proche de l'éviction, soit le 24 septembre 2008, date de la remise des clés constatée par l'huissier, et être évaluée à hauteur de la valeur marchande du fonds à cette date ;

Attendu que la société ASC verse aux débats une attestation de son expert comptable mentionnant un chiffre d'affaires toutes taxes comprises de 693 142 euros en 2001, les bilans de l'exercice 2004 et 2005, des factures de déménagement, une attestation de son expert comptable certifiant une perte de chiffre d'affaires de 200 197 euros sur deux mois en 2008 et un chiffre d'affaires annuel moyen de 920 945 euros durant les trois dernières années précédant l'éviction ; qu'elle demande la condamnation des consorts X... à lui payer la somme de 1 056 855 euros au titre de cette indemnité d'éviction et, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise ;

Attendu que les consorts X... répliquent en faisant valoir que la société ASC n'est entrée dans les lieux qu'après que le bailleur avait fait connaître son intention de ne pas renouveler le bail et de récupérer les locaux ; qu'il ressort clairement des clauses de l'acte que la cession est faite aux risques et périls de l'acquéreur ; que la créance d'indemnité d'éviction susceptible d'être due au cédant doit être limitée à la valeur du droit au bail au jour où celui-ci a pris fin en janvier 2001, qu'elle ne peut excéder la valeur du droit au bail négocié en janvier 2001 par le liquidateur et qu'à défaut la Cour mettrait le bailleur dans la même situation que si le bail avait été régulièrement renouvelé au profit de la société ASC ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, les consorts X... font valoir que la société ASC a déménagé au mois de septembre 2008 pour poursuivre son activité dans une zone commerciale proche ; qu'elle a conservé l'intégralité de sa clientèle, étant la seule à représenter la marque ROCHE BOBOIS, et que l'indemnité d'éviction ne pourrait être évaluée comme une indemnité de perte de fonds mais seulement comme une indemnité de transfert ou de déplacement, après désignation d'un expert ;
Attendu que l'article L 145-14 du code de commerce prévoit en son premier alinéa que le locataire évincé doit percevoir une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail et énumère en son deuxième alinéa les éléments devant être pris en compte, tels la valeur marchande du fonds et divers frais, tout en précisant que cette évaluation intervient à partir de ces éléments, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ;

Attendu qu'en l'espèce la société ASC a acquis le 17 janvier 2001 du liquidateur de la société POMPA un fonds de commerce connu sous l'enseigne ROCHE BOBOIS moyennant le prix principal de 76 224, 51 euros dont 12 195, 92 euros pour les éléments incorporels du fonds, 18 293, 88 euros pour le mobilier et 45 734, 71 euros pour le stock de marchandises ;

Attendu que rien ne permet a priori de limiter au seul prix du droit au bail le montant de l'indemnité d'éviction due, ainsi que le demandent les consorts X... ;

Attendu en revanche qu'ils sont fondés à faire valoir qu'il n'y a pas lieu d'évaluer cette indemnité d'éviction comme si le bail avait été renouvelé puisqu'il y avait été mis fin ;

Attendu que l'acte notarié de cession reçu le 17 janvier 2001 précise que l'acquéreur est informé des notifications de refus de renouvellement du bail faites par actes extra-judiciaires des 22 décembre et 4 janvier 2001 annexés à l'acte et qu'il déclare faire son affaire personnelle de tout ce qui concerne ce bail, même s'il s'avérait inexistant en raison de la procédure en cours diligentée par les consorts X... qui ont refusé de signer un nouveau bail ;

Attendu que ces mentions démontrent le caractère essentiellement précaire de la situation de la société ASC quant à son droit de continuer à occuper les lieux ;

Attendu que le prix d'acquisition du droit à bail n'a pas manqué de tenir compte de cette situation particulière, que celui des autres éléments du fonds de commerce mérite d'être relié aux caractéristiques de la procédure de cession dans le cadre d'une liquidation et aux résultats déficitaires des trois dernières années d'exploitation ;

Attendu qu'en contractant dans ces conditions la société ASC a pris des risques qui doivent être pris en compte dans la détermination du préjudice qu'elle a subi ;

Attendu que malgré le caractère précaire du bail, la société ASC a pu occuper les lieux jusqu'au 24 septembre 2008 et développer sa clientèle ; que les éléments comptables qu'elle a versés aux débats établissent cette réussite commerciale ; que le déménagement du fonds constituait une des conséquences prévisibles du litige opposant l'acquéreur au bailleur ; que ce déménagement a eu un coût et des inconvénients mais que la société ASC, seule représentante ajacienne d'une marque réputée, peut poursuivre son activité dans une zone commerciale adaptée à cette activité ;

Attendu que ces éléments permettent à la Cour d'évaluer à la somme de 15 000 euros le préjudice cause à la société ASC par le défaut de renouvellement du bail ;

Attendu que l'équité ne commande pas de prononcer en l'espèce une quelconque condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les dépens seront mis à la charge des consorts X... qui succombent s'agissant de la question de l'indemnité d'éviction.
*
* *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Condamne Monsieur Mathieu X..., Madame Francine X... épouse Y..., Madame Marie-Josèphe A... épouse B...et Madame Marie-Hélène A..., en leur qualité d'héritières de Madame Blanche X... épouse A...à payer à la société ASC la somme de QUINZE MILLE EUROS (15 000 €) au titre de l'indemnité d'éviction réparant le préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail,
Rejette le surplus des prétentions des parties,
Met les dépens de l'instance à la charge des consorts X...-A....

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00318
Date de la décision : 16/11/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Analyses

G1217719 DU 17/04/2012


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-11-16;10.00318 ?
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