Ch. civile A
ARRET No
du 16 NOVEMBRE 2011
R. G : 10/ 00123 C-RMS
Décision déférée à la Cour : jugement du juge aux affaires familiales du 05 février 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 1633
X...
C/
B...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE
APPELANT :
Monsieur Edouard Sauveur X...né le 06 Mai 1966 à ALERIA (20270) ...
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me Gisèle FILIPPI-TAFANELLI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Madame Hortense Marie Laetitia B... épouse X...née le 22 Juin 1966 à CORTE (20250) ...
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Claude VOITURIEZ, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 819 du 18/ 03/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 19 septembre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2011.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Mademoiselle Carine GRIMALDI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Vu le jugement rendu le 5 février 2010 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BASTIA :
prononçant le divorce des époux X...B... aux torts partagés,
et outre les mentions habituelles,
ordonnant la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et commettant le président de la chambre départementale des notaires de la HAUTE CORSE, avec faculté de délégation pour y procéder,
disant que Madame B... n'usera plus du nom de son époux après le prononcé du divorce,
condamnant Monsieur X...à payer à Madame B... à titre de prestation compensatoire la somme de 25 000 euros qui s'exécutera comme suit :
- d'une part sous la forme de l'abandon des droits en propriété de Monsieur X...au profit de Madame B... sur les trois biens immobiliers communs constitués de trois parcelles de terre cadastrées section F no 393, 425, 445 lieudit ...sises sur la commune de CASTIFAO, étant précisé que sur la parcelle no 425 est édifié un bâtiment à usage agricole ce qui correspond à la somme totale de 7 500 euros,
- d'autre part, sous la forme d'une rente mensuelle indexée versée pendant 8 années soit 180 euros pendant 95 mensualités consécutives et une dernière mensualité de 400 euros,
disant que le jugement prendra effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date du 8 novembre 2007,
déboutant Madame B... de sa demande en dommages et intérêts,
faisant masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties et pourront être recouvrés selon la loi sur l'aide juridictionnelle.
Vu la déclaration d'appel de Monsieur X...Edouard Sauveur déposée au greffe le 16 février 2010.
Vu les dernières écritures de Monsieur X...déposées au greffe le 13 octobre 2010.
Vu les dernières écritures de Madame B... déposées au greffe le 14 décembre 2010.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 mai 2011.
*
* *
SUR CE :
Le mariage de Monsieur Edouard X...et de Madame Hortense B... a été célébré le 2 mars 1985 par l'officier de l'état civil de la commune de CORTE (HAUTE CORSE) sans contrat de mariage préalable.
De cette union sont nés deux enfants, aujourd'hui majeurs :
- Claudia le 23 janvier 1986,- Yohan le 9 janvier 1988.
Le 21 septembre 2007, Monsieur X...a déposé une requête en divorce auprès du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BASTIA sur le fondement de l'article 251 du code civil.
L'ordonnance de non conciliation rendue le 8 novembre 2007 a notamment :
constaté que les époux vivaient d'ores et déjà séparés,
attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal, constitué d'un appartement et de garages, bien en location, situés 20218 PONTE LECCIA, à charge pour celle-ci d'en assumer les charges,
dit que Monsieur X...dispose d'un délai de 3 mois pour vider les garages de l'ensemble de ses affaires personnelles et professionnelles,
attribué à l'épouse la jouissance de la miellerie, bien commun du couple, à charge pour elle d'en assumer les charges,
attribué à l'épouse le véhicule 4x4 NISSAN, en précisant qu'elle pourra en disposer comme elle le souhaite et notamment en le vendant et en percevant seule le produit de la vente, sans droit à récompense,
autorisé Monsieur X...à conserver seul l'usage du compte bancaire joint et Madame B... à se désolidariser dudit compte,
donné acte à Monsieur X...de ce qu'il s'engage à assumer le paiement de l'intégralité des frais relatifs aux enfants communs, tant que ces derniers seront autonomes et poursuivront leurs études.
Autorisée par cette ordonnance, Madame B... épouse X...a par acte d'huissier du 30 mai 2008 fait assigner son conjoint en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.
Le 5 février 2010, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BASTIA a rendu le jugement visé lequel est frappé d'appel par Monsieur X....
Celui-ci aux termes de ses dernières écritures sollicite l'infirmation de la décision en ce qui concerne la prestation compensatoire et entend que la Cour statuant à nouveau déboute Madame B... de cette demande, lui donne acte de ce qu'il accepte d'abandonner ses droits en propriété sur les trois biens immobiliers communs, dise n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamne enfin Madame B... aux dépens.
Celle-ci qui forme appel incident sollicite dans ses dernières conclusions l'infirmation du jugement en ce qui concerne les torts et le montant de la prestation compensatoire et demande à la Cour statuant à nouveau de prononcer le divorce aux torts exclusifs de Monsieur X...et de lui allouer à titre de prestation compensatoire la somme de 30 000 euros constituée comme suit :
- un capital de 22 500 euros,
- la part indivise de son époux sur la propriété immobilière sise sur la commune de CASTIFAO et constituée de trois parcelles de terre cadastrées F 425, 445 et 393 lieudit ... outre le bâtiment y édifié, soit 7 500 euros.
Madame B... conclut enfin à la condamnation de Monsieur X...au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour.
- Sur les torts :
En application de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque les faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérables le maintien de la vie commune.
En outre, en application de l'article 245 du code civil, les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande, elles peuvent cependant enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce.
Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.
Même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre.
Il résulte des pièces de la procédure que Monsieur X...a entamé une relation intime avec sa compagne actuelle avant l'introduction de la requête en divorce et qu'il a entretenu une relation notoire avec celle-ci, prenant ainsi le risque de manquer gravement au devoir de fidélité et à celui de respect dû à son épouse lequel est caractérisé par la naissance d'un enfant le 7 octobre 2008 soit bien avant le prononcé du divorce.
Cependant si ces faits sont incontestablement fautifs, ils ne peuvent être retenus comme étant exclusivement à l'origine de la séparation du couple.
En effet, il résulte des pièces versées aux débats que la séparation du couple est le fruit d'une longue détérioration laquelle s'explique aussi en partie par le caractère dépressif de Madame B..., le comportement violent de celle-ci et l'attitude de rejet qu'elle a adoptée vis à vis de sa belle famille.
C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a considéré que la séparation des époux n'est pas imputable seulement à Monsieur X...mais bien aux deux époux qui par leur comportement mutuel marqué notamment par des violences verbales et physiques se sont tour à tour manqués de respect l'un envers l'autre de sorte qu'il est justifié de prononcer le divorce de ceux-ci aux torts partagés.
De ce chef, en conséquence le jugement doit être confirmé.
- Sur la prestation compensatoire :
Il résulte des dispositions combinées des articles 270 et 271 du code civil que cette prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Pour déterminer son montant, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelles,
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial,
- leurs droits existants et prévisibles,
- leur situation respective en matière de pensions de retraite.
En application de l'article 275 du code civil, le juge enfin décide des modalités selon lesquelles s'exécutera l'attribution ou l'affectation de biens en capital, celle-ci pouvant prendre la forme d'un abandon en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit par l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. En l'espèce, la situation des parties est la suivante :
Madame B... qui est née le 22 juin 1966, n'a aucune formation professionnelle à l'exception de celle de que son époux lui a fait suivre un an avant l'ordonnance de non conciliation pour qu'elle travaille avec lui. Elle est actuellement titulaire du RSA qui s'élève à la somme de 404, 88 euros et envisage une activité d'agricultrice sur les parcelles et le hangar agricole communs et ce avec l'aide de son père. Elle pourrait à ce titre reprendre l'activité de miellerie qu'elle avait initiée et qu'elle a dû interrompre compte tenu de la dégradation des ses relations avec son époux et son fils.
Madame B... est actuellement hébergée par ses parents et n'invoque pas de charges particulières.
Monsieur X...quant à lui est né le 6 mai 1966, travaille en qualité de salarié auprès d'une entreprise de pompes funèbres moyennant un salaire mensuel de 1 995 euros, est domicilié désormais à CORTE où il vit avec sa nouvelle compagne et s'acquitte d'un loyer mensuel de 640 euros, il fait enfin état de prêts à la consommation contractés notamment pour aider ses enfants à poursuivre leurs études et dont il est seul à s'occuper.
La disparité apparente dans les conditions de vie respective des époux qui résulte de ces éléments chiffrés doit toutefois être relativisée dès lors qu'il ressort aussi des pièces de la procédure que Madame B... n'est âgée que de 43 ans, dispose d'une formation professionnelle dans les pompes funèbres mais surtout envisage de reprendre l'activité de miellerie qu'elle a exploitée de 1993 à 2004, que Monsieur X...renonce à ses droits sur les biens communs et que celui-ci subvient seul aux besoins des deux enfants du couple.
Ainsi, prenant en considération l'ensemble de ces éléments de fixation, la prestation compensatoire qu'il convient de mettre à la charge de Monsieur X...doit être appréciée à la somme de 15 000 euros laquelle s'exécutera comme suit :
- d'une part sous la forme de l'abandon par Monsieur X...de ses droits de propriété sur les parcelles cadastrées section F no 393, 425et 445 situées sur la commune de CASTIFAO lieudit ..., étant précisé que sur celle numérotée F 425 est édifié un hangar agricole, lequel est évalué à la somme non contestée de 7 500 euros,
- d'autre part sous la forme d'une rente mensuelle indexée versée pendant 4 ans soit 48 mensualités de 156, 25 euros.
- Sur les dommages et intérêts :
Le divorce des époux étant prononcé aux torts partagés, Madame B... est mal fondée à solliciter des dommages intérêts.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie succombant en partie, il y a lieu de faire masse des dépens et de dire que chacune en supportera la moitié dont distraction au profit de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour qui en fait la demande.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire mise à la charge de Monsieur X...Edouard,
Le confirme en ses autres dispositions,
STATUANT A NOUVEAU,
Fixe à la somme de QUINZE MILLE EUROS (15 000 euros) le montant de la prestation compensatoire à la charge de Monsieur X...,
Dit que celle-ci s'exécutera comme suit :
- d'une part sous la forme de l'abandon des droits de propriété de Monsieur Edouard X...sur les biens immobiliers communs cadastrés section F 393, 425 et 445 situés sur la commune de CASTIFAO lieudit ..., évalués à la somme de SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS (7 500 euros),
- d'autre part sous la forme d'une rente mensuelle indexée versée pendant 4 années soit 48 mensualités de CENT CINQUANTE SIX EUROS et VINGT CINQ CENTIMES (156, 25 euros) chacune,
Y AJOUTANT,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties, recouvrés si besoin en faisant application de la loi sur l'aide juridictionnelle et distraits au profit de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour.
LE GREFFIER LE PRESIDENT