Ch. civile A
ARRET No
du 16 NOVEMBRE 2011
R. G : 09/ 01098 R-MNA
Décision déférée à la Cour : jugement du 12 novembre 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 08/ 1214
S. A BANQUE POPULAIRE D'ALSACE
C/
CONSORTS A... X...Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE D'ALSACE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 4 Quai Kleber 67000 STRASBOURG
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me GUYON, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMES :
Madame Carole A... épouse B...C/ Mme Rolande A......
représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me Marie-José BELLAGAMBA, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 761 du 11/ 03/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Monsieur Fabien X......
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
Monsieur Mathieu X......
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me Marie-José BELLAGAMBA, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/ 760 du 11/ 03/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Monsieur Georges Y...Pris en qualité de représentant légal de sa fille Nolween Marie Y...née le 16 août 1995...
défaillant
Monsieur Mael Ludovic Y......
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 septembre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2011
ARRET :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Mademoiselle Carine GRIMALDI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Madame Carole A... épouse B...s'est portée caution solidaire et hypothécaire de la société Bains Océans créée par son époux Monsieur Lionel B..., suivant acte notarié dressé devant Maître G..., notaire à MULHOUSE, le 28 mai 2004, et ce en garantie de deux prêts consentis par la Banque Populaire d'Alsace, un premier d'un montant de 27. 000 euros destiné au financement d'aménagement des locaux de la société, accordé le 28 mai 2004, et un second d'un montant de 103. 000 euros destiné au fonds de roulement de ladite société, souscrit à la même date que le premier.
En garantie, la banque a pris une hypothèque de second rang sur la maison d'habitation des époux A...- B..., sise à ..., et cadastrée section 11 no118 a et 118 b....
Suivant acte notarié contenant donation entre vifs en avancement d'hoirie du 18 juillet 2005, Madame A... épouse B...a fait donation à ses quatre enfants de la moitié indivise des biens et droits immobiliers dépendant du lotissement dénommé " ... " formant le lot no5 et figurant au cadastre sous la section AN no42 lieudit ....
La société Bains Océans a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 10 mai 2006, et la Banque Populaire d'Alsace a déclaré par lettre recommandée du 1er juin 2006 sa créance entre les mains de Maître J..., ès qualités de liquidateur, et a mis en demeure Madame A...épouse B...par lettre recommandée avec avis de réception du même jour.
Par jugement en date du 12 novembre 2009, le Tribunal de Grande Instance de Bastia a débouté la Banque Populaire d'Alsace de sa demande tendant à voir déclarer nulle, respectivement inopposable à la banque la donation sus-mentionnée, pour fraude des droits de la banque.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel le 17 décembre 2009, la Banque Populaire d'Alsace a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions en date du 22 septembre 2010, auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la Banque Populaire d'Alsace demande à la cour :
- d'infirmer le jugement frappé d'appel et de déclarer inopposable à la Banque Populaire d'Alsace la donation consentie par acte notarié du 18 juillet 2005, par Madame Carole B...née A... à Monsieur Fabien X..., Monsieur Matthieu X..., Monsieur Mael Ludovic Y...et Mademoiselle Nolwenn Y..., portant sur la moitié indivise des biens et droits immobiliers dépendant du lotissement dénommé " ... " formant le lot no5 et figurant au cadastre sous la section AN no42 lieudit ...,
- de condamner les intimés à restituer francs et quittes de toutes charges ledit immeuble dans le patrimoine de Madame B...née A... Carole,
- de condamner Madame B...à lui payer la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que Madame A... a passé l'acte de donation, en juillet 2005, alors qu'elle était informée, tant de l'existence de la créance contractée auprès de la banque, que de l'importance du remboursement restant à effectuer à la date de la donation ; elle ajoute qu'à cette date le patrimoine de Madame A... était insuffisant à permettre l'apurement de la dette et que l'acte de donation a encore appauvri un patrimoine déjà obéré.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé :
- que la banque ne justifiait pas de l'envoi d'une mise en demeure adressée à la caution, avant l'acte de donation, à la bonne adresse à ODEREN,
- que Madame A... n'avait pas, au moment de la donation, connaissance de la situation financière critique de la société BAINS OCEANS.
Par leurs dernières écritures en date du 15 décembre 2010, auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, les intimés demandent à la cour de confirmer le jugement frappé d'appel et de condamner la Banque Populaire d'Alsace à leur payer la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que la donation a été faite près d'un an avant la liquidation de la société et sans que Madame A... ait été informée de l'interruption des paiements intervenue, selon la banque, fin 2004 ; qu'en effet, il n'est pas justifié que la lettre d'information de la caution du 15 mars 2005 ait été envoyée par lettre recommandée ; que les autres lettres de mise en demeure, postérieures à l'acte de donation, ont été envoyées à l'adresse de Madame A... dans le HAUT-RHIN alors que celle-ci se trouvait en convalescence en Corse, puis avait déménagé après sa séparation d'avec son mari.
Ils soutiennent que Madame A... se trouvait dans l'ignorance des difficultés de l'entreprise de son mari, qui l'avait quittée et qui avait engagé une procédure de divorce en mai 2005, et que c'est dans ce cadre personnel, aggravé par la découverte d'un grave problème de santé, que la donation est intervenue.
Ils en concluent que la banque ne démontre pas l'intention de fraude de Madame A....
L'ordonnance de clôture a été signée le 10 février 2011 et les débats fixés à l'audience du 19 février 2011.
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* *
SUR CE :
Attendu que la Banque Populaire d'Alsace fonde son action sur les dispositions de l'article 1167 du code civil, lequel énonce que les créanciers " peuvent (...) en leur nom personnel attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits " ;
Attendu que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire ; elle résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ;
Attendu que le caractère frauduleux de l'acte par lequel le débiteur se dépouille se détermine à la date de l'acte ;
Attendu qu'il convient donc en l'espèce de dire si Madame A..., lorsqu'elle a conclu la donation, avait connaissance qu'en ce faisant, elle causait un préjudice à la Banque en diminuant son patrimoine ;
Attendu que Madame A... s'est portée, le 28 mai 2004, avec son mari, gérant de la société BAINS D'OCEANS caution des deux prêts susmentionnés, et que la Banque a pris une hypothèque de second rang sur le bien commun des époux, en l'espèce une maison d'habitation située à ...;
Attendu qu'au moment de la donation, la banque bénéficiait toujours de cette garantie hypothécaire ;
1- Sur le contexte dans lequel la donation litigieuse a été signée :
Attendu qu'il résulte des débats et des pièces produites que Madame A... a connu à partir de janvier 2005 de graves problèmes de santé, comme en atteste le compte rendu opératoire en date du 26 avril 2005 versé à la procédure et qui fait état de l'exérèse sous laparoscopie d'une tumeur découverte en janvier et que, dans la même période de temps, son époux s'est séparé d'elle, engageant une procédure de divorce en mai 2005 ;
Qu'elle explique que c'est cet état de santé qui l'a poussée à faire donation au profit de ses enfants d'un bien familial qu'elle possédait en propre ;
Qu'elle explique de même qu'après avoir été abandonnée par son époux gérant de la société débitrice, elle a mis en vente le bien familial sis à ..., pour régler sa situation personnelle ;
Qu'il résulte en effet des pièces produites que Madame A... a signé un premier contrat de vente de ce bien le 5 juillet 2005 ;
Attendu que les dates auxquelles sont intervenues tant la donation que la mise en vente de la maison de ...confirment ainsi que ces événements étaient la conséquence directe des problèmes personnels graves que rencontrait pendant ce premier semestre 2005 Madame A... ;
2- Sur le défaut d'information de Madame A... :
Attendu que la Banque Populaire d'Alsace ne démontre pas que la lettre d'information aux cautions du 15 mars 2005 ait été envoyée sous la forme d'une lettre recommandée avec avis de réception, étant rappelé qu'à cette période Madame A..., qui justifie de son hospitalisation en avril 2005 et de la séparation d'avec son époux, ne se trouvait pas à l'adresse de ..., mais en convalescence en Corse ;
Attendu qu'il importe peu que les courriers que la banque a envoyés après le 15 mars 2005 l'aient été sous la forme recommandée et à la bonne adresse, puisqu'ils sont postérieurs à la date de la donation ;
Attendu en outre que Madame A..., était séparée d'avec son époux depuis mai 2005, que l'acte de donation est intervenu en juillet 2005 et que la société a été mise en liquidation judiciaire le 10 mai 2006, soit près d'un an plus tard ;
Attendu en conséquence que la banque ne démontre pas que Madame A... ait été informée des difficultés financières de la société BAINS OCEANS au moment de la donation ;
Attendu que c'est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la Banque Populaire d'Alsace ne rapportait pas la preuve de l'intention de fraude de Madame A... ;
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la Banque Populaire d'Alsace à verser à Madame Carole B...née A..., Monsieur Mathieu X...et Monsieur Fabien X...la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux frais d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT