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26/10/2011 | FRANCE | N°10/00121

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 26 octobre 2011, 10/00121


Ch. civile B
ARRET No
du 26 OCTOBRE 2011
R. G : 10/ 00121 R-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 01 décembre 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 1549
CONSORTS X...
C/
Y...Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE ONZE

APPELANTS :
Monsieur Emile X...né le 31 Mai 1933 à MARSEILLE (13000)... 34280 LA GRANDE MOTTE
représenté par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assisté de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA

, avocats au barreau de BASTIA

Madame Paulette X...née le 05 Mars 1943 à MONTENOTTE (ALGERIE)... 75013 PARIS ...

Ch. civile B
ARRET No
du 26 OCTOBRE 2011
R. G : 10/ 00121 R-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 01 décembre 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 1549
CONSORTS X...
C/
Y...Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE ONZE

APPELANTS :
Monsieur Emile X...né le 31 Mai 1933 à MARSEILLE (13000)... 34280 LA GRANDE MOTTE
représenté par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assisté de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

Madame Paulette X...née le 05 Mars 1943 à MONTENOTTE (ALGERIE)... 75013 PARIS
représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assistée de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

INTIMES :
Monsieur Yvonne Y...... 20218 MOROSAGLIA
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assisté de Me Marie Catherine ROUSSEL-FILIPPI, avocat au barreau de BASTIA

Monsieur Georges Antoine Z...... 20218 MOROSAGLIA
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assisté de Me Marie Catherine ROUSSEL-FILIPPI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 septembre 2011, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2011

ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...sont propriétaires indivis de parcelles de terre situées à MOROSAGLIA, ... et cadastrées section G no 554 et 561.

Madame Yvonne Y...est propriétaire d'autres parcelles cadastrées section G no 555, 556, 557 et 559.

Au motif que les eaux usées provenant de l'habitation située sur les parcelles 555 et 556 se déversaient directement sur leur propriété, ils ont fait assigner Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z....

Vu le jugement en date du 1er décembre 2009 par lequel le tribunal de grande instance de Bastia a enjoint à Madame Yvonne Y...d'enfouir la canalisation d'évacuation des eaux ménagères déversant actuellement ces dernières sur la parcelle appartenant en indivision à Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...sous la parcelle des demandeurs, au pied de la paroi rocheuse au sommet de laquelle est édifiée sa maison d'habitation, pour permettre le déversement des eaux ménagères sur la parcelle lui appartenant et située en contrebas, débouté Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...du surplus de leurs demandes, fins et conclusions, débouté Madame Yvonne Y...de sa demande reconventionnelle, débouté Monsieur Emile X...et Madame Paulette X..., Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z...de leurs prétentions fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, laissé les entiers dépens à la charge de Monsieur Emile X...et Madame Paulette X....

Vu la déclaration d'appel formalisée par Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...le 16 février 2010.

Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de ces derniers le 24 janvier 2011.

Ils exposent que le tribunal a statué extra petita en se prononçant sur l'atteinte à leurs droits de propriété en application de l'article 682 du Code civil, indiquant que ce moyen a été soulevé d'office.

Ils sollicitent donc l'entière réformation du jugement entrepris et la condamnation de Madame Yvonne Y...à réaliser les travaux propres à faire cesser les déversements d'eaux usées sur leur parcelle sous astreinte ainsi qu'à leur payer les sommes de 6. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'ensemble des troubles causés à la propriété en application des dispositions de l'article 1382 du Code civil et 6. 000 euros au titre des travaux de réparation des dommages causés au mur de soutènement.

Ils réclament également la condamnation de Monsieur Georges Antoine Z...à leur payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice causé du fait de son action sur la propriété.

Enfin, ils prétendent au paiement de la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils fondent leur prétention sur l'application des articles 544, 545 et 1382 du Code civil.

Vu les dernières conclusions de Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z...du 9 mars 2011.

Ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris et la condamnation conjointe et solidaire de Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...à leur payer les sommes de 1. 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils se fondent sur les constatations opérées par la juridiction de première instance lors de son transport sur les lieux le 20 mai 2009.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 mai 2011 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 15 septembre 2011.

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* *
MOTIFS :

Attendu qu'il ressort d'un rapport d'expertise du 31 janvier 2006 et diligenté à la demande de l'assureur protection juridique de Monsieur Emile X...que des eaux usées provenant de l'habitation située sur la parcelle de Madame Yvonne Y...se déversent sur les parcelles lui appartenant ; que l'expert a pu constater qu'au sommet du piton rocheux déborde horizontalement une canalisation dont l'extrémité est en surplomb de la parcelle no 554 ; qu'il indique avoir également assisté à une soudaine chute d'eau continue d'une vingtaine de mètres de hauteur atterrissant à proximité de lui et d'une largeur au pied de l'ordre de 5 mètres ; qu'à cette occasion il a constaté que le sol était gorgé d'eau et dégageait de mauvaises odeurs ;

Attendu qu'il a été constaté selon procès-verbal du 19 juillet 2007 qu'en limite de la propriété appartenant à Madame Yvonne Y..., apparaît un tuyau en PVC de couleur grise au milieu des branchages ; que ce tuyau goutte ; que l'huissier a constaté la création d'un important ravinement au niveau du sol sur la parcelle appartenant à Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...; qu'une importance trace noirâtre et visible au niveau du sol où se produisent les écoulements d'eau ; que ce constat corrobore les indications figurant dans le rapport d'expertise privée du 31 janvier 2006 ;

Attendu que lors du transport sur les lieux du 20 mai 2009, la juridiction de première instance a constaté qu'un écoulement en pluie légère s'évacuait de manière continue depuis la canalisation mise en place sur la parcelle de Madame Yvonne Y..., pour permettre l'évacuation des eaux exclusivement ménagères provenant de l'habitation occupée par Monsieur Georges Antoine Z...sur la parcelle appartenant à Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...située en contrebas ; que les constatations opérées par la juridiction ce jour-là sont concordantes avec les précédents constats examinés ci-dessus ;

Attendu enfin qu'il convient de constater que Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z...ne contestent pas la présence du tuyau au sommet du piton rocheux qui déborde horizontalement sur la propriété de Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...mais également le fait que des eaux usées ou à tout le moins ménagères s'en déversent ;

Attendu que Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...fondent leur prétention relativement à l'écoulement des eaux sur l'article 544 du Code civil qui dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ;

Attendu qu'en application de l'article 640 du Code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué ;

Attendu que la servitude imposée par l'article 640 ne concerne que les eaux dont l'écoulement est le résultat naturel de la configuration des lieux à l'exclusion des eaux ménagères ou résiduaires ;
Attendu que de même, en application de l'article 681 du Code civil qui dispose que tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique et qu'il ne peut les faire verser sur le fond de son voisin, il ne peut être procédé au déversement d'eaux usées ou ménagères sur le fond voisin ;

Attendu donc qu'il résulte de l'application combinée des articles 544 et 640 du Code civil que Madame Yvonne Y...ne peut valablement permettre l'évacuation d'eaux mêmes ménagères à partir d'un tuyau sur le fonds de ses voisins ; que ce fait constitue un usage du droit de propriété prohibé au sens de l'article 544 ;

Attendu d'autre part qu'en application de l'article 680 du Code civil, une servitude d'écoulement d'eaux ménagères, en ce qu'elle suppose l'intervention de l'homme et présente ainsi un caractère discontinu, ne peut être acquise par prescription ;

Attendu qu'il sera donc fait droit à la demande de suppression du déversement d'eaux usées aux conditions qui seront précisées au dispositif de la présente décision mais sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte ;

Attendu que le jugement entrepris est donc réformé sur ce point alors que l'injonction faite à Madame Yvonne Y...ne pouvait être valablement fondée par application de l'article 682 du Code civil en l'absence de démonstration d'un état d'enclave et alors même que cet état n'était pas invoqué, le moyen ayant été soulevé d'office par le tribunal sans débat contradictoire préalable ;

Attendu sur la demande relative à la destruction du mur de soutènement que lors du transport sur les lieux, il a été constaté la présence d'un talus constitué de terre et de pierres sèches séparant la parcelle de Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...de celle de Madame Yvonne Y...présentant une excavation de 4 mètres de large sur 1 mètre de profondeur de part et d'autre du lieu où s'écoulent les eaux ménagères ;

Attendu que ce constat opéré par le magistrat est conforme aux constatations effectuées par l'huissier de justice le 19 juillet 2007 qui a décrit un important ravinement au niveau du sol sur la parcelle G 544 ayant provoqué l'écroulement d'une partie du mur de soutènement ;

Attendu pareillement qu'il ressort du rapport d'expertise privée établi le 31 janvier 2006 qu'au droit du point de chute des eaux le mur de soutènement de la parcelle appartenant à Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...s'est écroulé vraisemblablement depuis plusieurs années ; que le constat que l'excavation dans ce mur se situe au droit du point de chute des eaux suffit à caractériser l'imputabilité de ce dommage à l'écoulement des eaux ;

Attendu sur ce point que l'attestation produite par Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z...aux termes de laquelle un témoin indique que ce mur est en ruine en raison des agissements de sangliers et de cochons est insuffisante à rapporter la preuve contraire ; qu'en effet, les agissements d'animaux sauvages même avérés ne sauraient expliquer pour quel motif ils déplaceraient des pierres à un seul endroit du mur ;

Attendu sur l'indemnisation de ce chef que dans le report d'expertise privée, l'expert a chiffré le coût des travaux de reprise à la somme de 6. 000 euros ; que ce chiffrage n'est pas contesté par Madame Yvonne Y...qui se contente de critiquer la demande en son principe mais non en son montant ; qu'il sera donc fait droit à la demande en paiement de ce chef et le jugement entrepris infirmé sur ce point ;

Attendu sur la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur l'application de l'article 1382 du Code civil que Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...allèguent mais ne justifient nullement d'un trouble de jouissance au regard de l'usage qui est fait de la parcelle litigieuse ; qu'en effet, aucune maison d'habitation n'est à proximité du lieu du dommage et ces derniers ne produisent aucune pièce susceptible de démontrer que l'écoulement d'eaux incriminé a restreint leur droit de jouissance de leur propriété ; qu'ils seront donc déboutés en leur demande de ce chef tant à l'égard de Madame Yvonne Y...que de Monsieur Georges Antoine Z...;

Attendu que Madame Yvonne Y..., qui succombe, doit seule supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et être déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du même code ; qu'en revanche, aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit de Monsieur Emile X..., Madame Paulette X...et Monsieur Georges Antoine Z...;

*
* *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bastia en date du 1er décembre 2009 en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du Code civil à l'encontre de Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z..., débouté Monsieur Emile X..., Madame Paulette X..., Madame Yvonne Y...et Monsieur Georges Antoine Z...de leurs prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne Madame Yvonne Y...à réaliser les travaux propres à faire cesser les déversements d'eaux usées sur la parcelle section G no 554 située sur la commune de MOROSAGLIA, ... appartenant à Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...et s'opérant actuellement au moyen d'un tuyau en PVC placé en surplomb de cette parcelle,
Condamne Madame Yvonne Y...à payer à Monsieur Emile X...et Madame Paulette X...la somme de SIX MILLE EUROS (6. 000 euros) au titre des travaux de réfection du mur situé sur la parcelle cadastrée G no 554,
Condamne Madame Yvonne Y...aux entiers dépens,
Rejette toutes les autres demandes des parties.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00121
Date de la décision : 26/10/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-10-26;10.00121 ?
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