Ch. civile B
ARRET No
du 19 OCTOBRE 2011
R. G : 09/ 00842 C-PL
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 août 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 08/ 742
A...X... X...
C/
C...Y... Z...Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE ONZE
APPELANTS :
Madame Danielle A... épouse X... née le 13 Mai 1947 à ALGER (ALGERIE)...
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Stéphane Roger X... né le 11 Octobre 1969 à NICE (06000)...
représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Pascale Isabelle X... née le 03 Mai 1973 à NICE (06000)...
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Madame Mireille C... Prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'adminitratrice légale de son fils mineur Vincent Y......
représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Fabrice Siméon Y......
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assisté de Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Charles Jean Ange Toussaint Z......
représenté par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assisté de Me Jacques RAFFALLI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur François Antoine Z......
représenté par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assisté de Me Jacques RAFFALLI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 septembre 2011, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2011.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *ORIGINE DU LITIGE :
Les époux Lucien X...-Danièle A...(ci-après les époux X...) ont, suivant acte authentique en date du 6 février 1985, acquis divers biens et droits immobiliers situés sur la commune de ...parmi lesquels les lots 11, 12, 13 et 6 d'un immeuble en copropriété cadastré D 167.
Par acte d'huissier du 21 janvier 2002, les époux X... ont fait assigner Madame Mireille C..., Monsieur François Z..., Monsieur Charles Z...et Monsieur Fabrice Y... pour être déclarés propriétaires des greniers de cet immeuble et obtenir la condamnation des défendeurs à délaisser ses greniers après les avoir remis en état.
Par jugement du 14 septembre 2004 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Bastia a, notamment, déclaré les époux X... propriétaires des pièces à usage de grenier litigieuses mais les a déboutés pour le surplus de leur demande.
Par acte d'huissier du 18 mai 2007, les époux X... ont à nouveau fait assigner devant la même juridiction Madame Mireille C..., prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur Vincent Y..., Monsieur François Z..., Monsieur Charles Z...et Monsieur Fabrice Y... afin d'obtenir leur condamnation à délaisser les mêmes greniers après les avoir remis en état ainsi qu'à leur payer des dommages et intérêts.
Suite au décès de Monsieur Lucien X..., l'instance a été reprise par ses héritiers Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X....
Par jugement contradictoire du 13 août 2009, le tribunal de grande instance de Bastia a :
- déclaré les demandes de Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... irrecevables car se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;
- débouté en conséquence Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... de leur demande de condamnation des défendeurs à délaisser les greniers situés dans un immeuble figurant au cadastre de la commune de ...sous le numéro D 167 après les avoir remis en état ;
- débouté en conséquence Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... de leur demande de condamnation des défendeurs à leur payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 1 525 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... à payer la somme de 1 500 euros à Monsieur François Z...et Monsieur Charles Z...en réparation du préjudice moral que leur a causé la présente procédure ;
- condamné Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, 2 500 euros à Monsieur Fabrice Y..., Madame Mireille C... et Monsieur Vincent Y..., 2 000 euros à Monsieur François Z...et Monsieur Charles Z...;
- débouté Monsieur Fabrice Y..., Madame Mireille C... et Monsieur Vincent Y..., de leur demande de condamnation de Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... aux dépens.
ETAT DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR :
Par déclaration remise au greffe le 23 septembre 2009, Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X... et Madame Pascale X... ont relevé appel de cette décision, avant même sa signification, en intimant Madame Mireille C..., prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur Vincent Y..., Monsieur François Z..., Monsieur Charles Z...et Monsieur Fabrice Y....
Par conclusions récapitulatives du 23 décembre 2010 régulièrement notifiées, les appelants demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- constater la réalité des travaux effectués par les intimés dans le grenier appartenant aux appelants ;
- en conséquence, condamner les intimés à délaisser ces greniers après les avoir remis dans l'état où ils se trouvaient avant leurs initiatives ;
- les condamner à payer aux appelants la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- les débouter de leurs demandes reconventionnelles ;
- les condamner à payer aux appelants la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 4 novembre 2010 régulièrement notifiées, Madame Mireille C..., Monsieur Vincent Y... et Monsieur Fabrice Y... demandent à la cour de :
- constater et au besoin dire et juger que les appelants ont été déboutés par jugement du 14 décembre 2004 de toutes leurs demandes dirigées contre les intimés, tendant déjà à voir délaisser les greniers de la maison D 167 et contraints de remettre les lieux en état ;
- constater et au besoin dire et juger que le litige d'alors opposait les mêmes parties et avaient la même cause et le même objet, l'état des lieux n'ayant pas évolué depuis ce précédent jugement ;
- confirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par les consorts X... A... à l'encontre des concluants ;
- le réformer en ce qu'il a débouté les concluants de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et condamner les appelants à payer aux concluants la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
A titre subsidiaire, les consorts C...-Y...demandent à la cour de constater et au besoin dire et juger qu'ils sont titulaires d'un droit d'usage sur les greniers de la maison cadastrée D 167 sur la commune de ...; de débouter en conséquence les appelants de leurs demandes, fins et conclusions et de les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
En toute hypothèse, ils sollicitent la condamnation des consorts X...-A... au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 25 novembre 2010 régulièrement notifiées, Monsieur François Z..., Monsieur Charles Z...demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que sa décision précédente de 2004 avait autorité de la chose jugée et que la présente instance est fondée sur les mêmes causes et ne saurait aboutir
-constater la mauvaise foi et déclarer la présente procédure abusive et vexatoire en ce qui concerne les consorts Z...;
- donner acte à ces derniers de ce qu'ils ne revendiquent aucun droit sur les greniers ;
- leur donner acte que se substituant aux appelants ils ont, afin d'éviter tout litige futur, condamné définitivement leur accès alors même qu'aucune obligation de ce chef ne leur était imposée ;
- condamner les appelants à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par les concluants, totalement étrangers au litige opposant l'hoirie X... aux consorts Y... ;
- condamner les appelants au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2011 avec renvoi de l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 8 septembre 2011.
SUR QUOI, LA COUR :
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
L'appel, interjeté dans les formes et délais légaux, est régulier et recevable.
Il est considéré, dans la décision entreprise, que la demande formée par les appelants afin d'obtenir la condamnation des intimés à délaisser les greniers situés dans un immeuble figurant au cadastre de la commune de ...sous le numéro D 167 après les avoir remis en état, oppose les mêmes parties, a le même objet et la même cause que celle définitivement tranchée par le tribunal de grande instance de Bastia dans un jugement en date du 14 septembre 2004 ; que, par suite, la demande se heurte à l'autorité de chose jugée attachée à ladite décision.
Pour obtenir l'infirmation du jugement déféré, les appelants font valoir qu'il n'existe, dans les décisions de justice intervenues, aucune disposition revêtue de l'autorité de la chose jugée qui accorde aux intimés un droit d'usage sur les greniers ; que de toute façon, un tel droit ne comporterait pas la possibilité de modifier l'immeuble en y scellant des appareils ou des réseaux comme les intimés l'ont fait en réalisant, notamment, une installation électrique après le jugement du 14 septembre 2004.
Il est constant que par jugement du tribunal de grande instance de Bastia en date du 14 septembre 2004, désormais définitif, les appelants, s'ils s'étaient vus reconnaître un droit de propriété sur les greniers litigieux, avaient toutefois été expressément déboutés du surplus de leur demande qui visait à obtenir la condamnation des intimés à délaisser lesdits greniers après les avoir remis dans l'état où ils se trouvaient " avant leurs récentes initiatives ".
Il est également constant que les appelants ont réitéré la même demande formulée dans des termes identiques dans la cadre de l'instance qui a abouti au jugement déféré.
Il est enfin établi, par l'examen comparé de conclusions produites dans le cours des deux instances, examen auquel s'est livré le premier juge sans encourir de critique, que la demande était fondée à chaque fois sur les même motifs à savoir l'occupation illégale des greniers ou en tout cas leur usage abusif à travers la réalisation de travaux notamment d'installation électrique non autorisés par le propriétaire des lieux et mettant l'immeuble en péril.
Il est ainsi suffisamment démontré que le jugement en date du 14 septembre 2004 passé en force de chose jugée et celui en date du 13 août 2009 déféré à la cour sont unis par une triple identité de parties, d'objet et de cause comme l'a estimé à bon droit le premier juge.
Or, comme l'a rappelé là encore à bon droit le tribunal, une demande qui oppose les mêmes parties, a le même objet et la même cause que ce qui a été décidé avec autorité de la chose jugée est irrecevable.
Pour se soustraire à cette fin de non-recevoir, les appelants se prévalent de travaux qui auraient été réalisés toujours dans les mêmes conditions d'irrégularité mais postérieurement au jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée.
Or, l'examen des pièces qu'ils produisent à cet effet, qu'il s'agisse des diverses attestations, des constats d'huissier de Maître L...en date des 22 novembre 2006 et 30 octobre 2009 ou encore du rapport d'expertise de Monsieur M..., ne permet pas de relever avec suffisamment de certitude l'existence de travaux extérieurs au périmètre de la chose jugée.
En effet, s'agissant des travaux d'électricité, un double doute subsiste d'abord sur l'effectivité de travaux accomplis après la date litigieuse mais également, en postulant leur réalité, sur l'imputabilité des travaux aux intimés étant précisé qu'il ressort du dossier que les greniers sont utilisés par d'autres personnes.
Les mêmes incertitudes entourent les autres postes de travaux allégués, étant relevé que les consorts C...-Y...produisent de leurs côtés divers documents tendant à prouver que l'ensemble des prestations dénoncées sont antérieures à la date de la décision passée en force de chose jugée.
Concernant l'intervention des consorts Z..., qui ne revendiquent pour leur part ni doit de propriété ni droit d'usage sur les greniers, elle a certes effectuée en 2009 soit après la décision précitée mais il n'est pas contesté que cette intervention s'est limitée à condamner la trappe d'accès à un escalier dont les appelants dénonçaient l'utilisation dans la précédente l'instance.
L'opération s'analyse donc en une mise en conformité favorable aux intérêts des appelants qui ne sauraient dès lors utilement l'invoquer pour remettre en cause l'autorité de la chose jugée. En outre cette prestation ne saurait constituer la violation de domicile dénoncée par les appelants étant donné que rien ne permet de remettre en cause l'assertion des consorts Z...selon laquelle les clés du grenier leur auraient été remises régulièrement.
En définitive, la cour constate, à l'instar du premier juge, que les appelants échouent à rapporter la preuve de travaux réalisés par les intimés après la décision du 14 septembre 2004.
De tout ce qui précède, il résulte que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré les demandes des consorts A...-X...irrecevables car se heurtant à l'autorité de la chose jugée et qu'il a par suite débouté les intéressés de l'ensemble de leurs prétentions en ce compris celle, indissociable, tendant à la condamnation des défendeurs au paiement de dommages et intérêts pour le même objet.
La cour entrera dès lors en voie de confirmation de ces chefs.
C'est également à juste titre qu'après avoir rappelé que l'exercice d'une action en justice constituait en principe un droit et ne dégénérait en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol, le premier juge a considéré qu'aucun de ces critères n'existait en l'espèce et qu'il a donc débouté les consorts C...-Y...de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La décision entreprise sera également confirmée de ce chef.
En revanche, dès lors qu'il est avéré, y compris aux yeux de l'appelant, que les consorts Z...ont délaissé le grenier litigieux conformément aux motifs du jugement en date du 14 septembre
2004 et que le seul reproche que les appelants leur font concerne, comme déjà précisé, une simple mise en conformité, l'action en justice dirigée à leur encontre est incontestablement fautive. C'est donc à bon droit que le premier juge leur a alloué des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour un montant justement estimé à la somme de 1 500 euros, l'indemnisation supplémentaire réclamée par les consorts Z...n'étant pas justifiée.
Les consorts A...-X..., qui succombent dans leur appel, seront condamnés aux dépens ainsi qu'à verser, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
-1 000 euros aux consorts C...-Y...-1 500 euros aux consorts Z....
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare recevables l'appel principal formé par Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X..., Madame Pascale X... et l'appel incident formé par Madame Mireille C..., Monsieur Vincent Y... et Monsieur Fabrice Y... ;
Les dit non fondés ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X..., Madame Pascale X... à payer solidairement la somme globale de MILLE EUROS (1 000 euros) à Madame Mireille C..., Monsieur Vincent Y..., Monsieur Fabrice Y... et la somme globale de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) à Monsieur François Z..., Monsieur Charles Z...;
Condamne Madame Danièle A... veuve X..., Monsieur Stéphane X..., Madame Pascale X..., sous la même solidarité, aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT