Ch. civile A
ARRET
du 29 JUIN 2011
R. G : 10/ 00064 C-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 décembre 2009 Tribunal d'Instance de SARTENE R. G : 11-05-121
X...
C/
Y...Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE ONZE
APPELANTE :
Madame Michèle X...épouse Z...née le 09 Janvier 1942 à MAZAGAN (MAROC) ...
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Monsieur Jean-Baptiste Y......
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP LENTALI-PIETRI-DUCOS, avocats au barreau d'AJACCIO
Madame Jacqueline Y......
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP LENTALI-PIETRI-DUCOS, avocats au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 mai 2011, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, et Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Sophie DUVAL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 29 juin 2011.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Sophie DUVAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Par jugement du 17 décembre 2009, le Tribunal d'instance de SARTENE statuant dans l'instance introduite par Monsieur et Madame Jean-Baptiste Y...à l'encontre de Madame Michèle X...épouse Z...et de Monsieur Jacques Z...tendant au bornage de leurs parcelles contiguës a, après avoir commis Madame C...en qualité d'expert :
ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 11-05-121 et 11-09-91,
constaté que Monsieur Jacques Z...est hors de cause,
ordonné le bornage des parcelles figurant au cadastre de la commune de PORTO-VECCHIO, cadastrées :
- section AD no 15 pour la propriété des consorts Y...,
- section AD no 261 pour la propriété de Madame Michèle Z...née X...,
homologué le rapport de Madame C...du 12 février 2009,
dit que la limite séparative des fonds respectifs des parties sera constituée par l'alignement des points C, D, E, F fixant la ligne divisoire des parcelles AD no 15 et AD no 26,
dit que le plan établi par Madame C...dans le cadre de sa mission sera expressément annexé à la présente décision,
ordonné en conséquence l'implantation des bornes par les soins de l'expert sur la ligne séparative et ce à frais communs, chacune des parties devant supporter les frais à hauteur de la moitié,
dit que l'expert dressera procès-verbal de cette opération qui sera déposé au greffe de ce tribunal,
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
fait masse des dépens pour être supportés par moitié par chacun des parties.
Madame Michèle Z...née X...a relevé appel de ce jugement par déclaration du 1er février 2010.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 12 octobre 2010 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Madame Z...fait grief au premier juge de ne pas avoir statué sur sa demande tendant à voir dire et juger qu'elle est propriétaire d'une parcelle de terre dont les limites sont celles de la parcelle AD 261 telle qu'elles figurent au cadastre de la commune de PORTO-VECCHIO tant par titre que par prescription.
Elle soutient que le bornage est l'opération par laquelle est recherchée, déterminée et fixée par des marques extérieures apparentes, appelées bornes, la ligne séparative entre deux fonds contigus appartenant à deux propriétaires distincts.
Elle soutient que l'acte sous-seing privé du 20 mars 1927 dont se prévalent les intimés auquel elle n'a pas été partie, n'a pas été publié et ne lui est pas opposable.
Elle précise que les limites du bien dont elle a fait l'acquisition ont été déterminées lors de la vente par le vendeur lui-même qui a fait établir un plan par Monsieur D..., géomètre-expert et qu'elle peut donc se prévaloir non seulement d'un titre publié et opposable aux tiers mais aussi depuis son acquisition de la prescription abrégée de dix ans puisqu'elle a utilisé la totalité de sa parcelle telle que figurant sur son titre de propriété en y faisant passer des canalisations sans opposition de quiconque.
Elle souligne que l'expert n'a pas rempli sa mission qui consistait à appliquer les titres des parties sur le terrain et qu'en l'espèce n'était pas en cause l'application du cadastre mais celui de son titre précisant que la parcelle vendue avait pour limite celles du cadastre, ce qui n'est nullement interdit.
Elle ajoute que les consorts Y...ne peuvent se baser sur un titre inapplicable pour la superficie qu'ils revendiquent du fait qu'ils ont permis au propriétaire de la parcelle AD 14 d'empiéter sur leur parcelle AD 15 pour construire sa terrasse, ainsi que cela résulte du document établi par Joseph Y...le 21 septembre 2004.
Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour de :
dire et juger qu'elle est propriétaire d'une parcelle de terre dont les limites sont celles de la parcelle AD 261 telles qu'elles figurent au cadastre actuel de la commune de PORTO-VECCHIO tant par titre que par prescription,
d'ordonner une nouvelle expertise avec la mission initialement confiée à Madame C..., à titre subsidiaire, de renvoyer les parties devant le Tribunal de grande instance d'AJACCIO afin que soit tranché le litige tenant à la propriété de la parcelle AD 261 telle qu'elle figure au cadastre actuel de la commune de PORTO-VECCHIO.
En leurs écritures déposées le 8 septembre 2010 auxquelles il convient de renvoyer pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, les consorts Y...font valoir qu'ils possèdent depuis qu'ils s'en sont portés acquéreurs par acte du 5 mars 1927 une parcelle au lieudit ...sur la commune de PORTO-VECCHIO dont les limites avec la parcelle cadastrée AD 261 appartenant à Madame Z...posent des problèmes tels qu'ils ont été contraints d'introduire une action en bornage.
Ils précisent que l'expert C...a fait un travail technique irréprochable proposant comme limite évidente un mur de plus de deux mètres de hauteur.
Ils ajoutent qu'il n'existe aucune difficulté quant à la propriété de la parcelle AD 261 qui serait susceptible de relever de la compétence du Tribunal de grande instance d'AJACCIO et que seule la question des limites des parcelles contiguës est en cause.
Ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement déféré et sollicitent reconventionnellement la condamnation de l'appelante à leur payer une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 15 décembre 2010.
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* *
SUR CE :
Attendu qu'en l'espèce est en cause non le droit de propriété de Madame Z...sur la parcelle AD 261, contrairement à ce que soutient l'appelante, mais la limite exacte de cette parcelle avec celle des intimés, cadastrée AD 15, et donc la ligne divisoire de ces deux fonds que l'action en bornage a vocation à fixer ;
Attendu que Madame Z...critique les conclusions du rapport de l'expert judiciaire qui n'a pas retenu les limites figurant au plan cadastral alors que ces dernières constituent selon elle les limites exactes de sa parcelle tant par titre que par prescription ;
Attendu qu'en l'espèce, les titres de propriété de chacune des parties n'indiquent pas expressément où se trouve la ligne séparative de leurs deux fonds respectifs ;
Attendu qu'à la rubrique " identification du bien ", l'acte d'achat de Madame Z...stipule qu'il s'agit " d'un immeuble à usage d'habitation situé à PORTO-VECCHIO (Corse du Sud) lieudit ...ayant figuré au cadastre non rénové de ladite commune à la section C sous le numéro 339 pour une contenance en sol de 3 ares 28 centiares et actuellement cadastré à la matrice cadastrale rénové de ladite commune à la section AD sous le numéro 261 pour une contenance de 4 ares 71 centiares et comprenant au rez-de-chaussée : un bureau, deux pièces et une cave, au premier étage : un séjour, trois chambres, une cuisine, salle de bain, wc, terrasse, tel que cet immeuble existe avec toutes ses dépendances, servitudes et mitoyenneté, tous immeubles par destination qui en dépendent et tous droits y attachés sans aucune exception ni réserve " ;
Qu'il sera observé que cet acte mentionne deux références cadastrales, sans expliquer l'augmentation de la contenance précisée au cadastre rénové et sans indiquer expressément que les limites de la parcelle AD 261 sont celles du plan cadastral ;
Attendu que l'acte d'achat sous-seing privé de Monsieur Joseph Y...en date du 5 mars 1927 fait référence en ce qui concerne la limite séparative de la parcelle, objet de la vente sur laquelle était implantée une maisonnette, et la propriété des frères F... aux droits desquels sont venus Monsieur et Madame E..., vendeurs de ce bien à Madame Z..., à deux points de repère, savoir deux rochers marqués par une croix, six mètres séparant la mitoyenneté jusqu'au Sud de la maisonnette ;
Attendu que lors de son accédit sur les lieux, l'expert judiciaire, Madame C..., a bien relevé l'existence d'une croix sur un rocher ;
Que cet indice matériel se trouve sur la terrasse de Madame Z...;
Que Madame C...précise que la limite passant par ce rocher, se situerait au-delà du mur construit par Monsieur E..., ancien propriétaire de la parcelle AD 261 ;
Qu'elle constate toutefois que la limite, telle que définie dans l'acte de 1927 est difficilement applicable d'autant que des constructions importantes ont été réalisées ;
Qu'elle précise qu'en 1980, sur le plan dressé par Monsieur D..., géomètre-expert, un mur existait déjà entre les deux fonds litigieux et que ce mur semble avoir été reconstruit puisqu'il passe sur les bornes plantées en 1980 et qu'il est difficile de comprendre pourquoi le mur qui a été refait n'a pas été reconstruit sur la limite cadastrale ;
Qu'en tout état de cause les documents cadastraux n'ont qu'une valeur fiscale et la surface cadastrale qui y est portée est indicative au approximative, lorsqu'elle ne résulte pas d'une mesure effectuée par un géomètre-expert suite à un bornage ;
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que le cadastre actuel crée une bande de terrain au-delà du mur d'une largeur de 3 m à 2, 50 m qui n'est pas directement exploitable par le propriétaire de la parcelle AD 261, et qui est restée longtemps à l'état d'abandon comme la ruine sise sur la parcelle AD 15 ;
Attendu que Madame Z...prétend avoir acquis cette bande de terre par prescription abrégée en y effectuant des actes de possession ;
Qu'aux termes de l'article 2229 ancien du code civil applicable en la cause, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ;
Attendu que la simple installation par l'appelante d'une canalisation souterraine, à l'insu des intimés, ne saurait de par son caractère non public constituer un acte de possession répondant aux critères de l'article sus-mentionné lui permettant de devenir propriétaire par prescription abrégée de cette portion de terrain ;
Que dès lors, le document cadastral invoqué n'ayant qu'un caractère fiscal, et compte tenu de la présence sur les lieux d'un mur noté en 1980 par Monsieur D...et dont la construction est antérieure à cette date, des marques précises et inamovibles recherchées sur les lieux et des matérialisations réalisées, le travail de Madame C...ne peut faire l'objet d'aucune critique sérieuse ;
Que c'est à juste raison que la limite des deux fonds a été fixée aux points C, D, E et F figurant sur son plan en annexe 7 de son rapport ;
Attendu que le jugement déféré qui en homologuant ce rapport, a placé la ligne séparative des parcelles AD 15 et AD 261 sur l'alignement de ces mêmes points sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et Madame Z...déboutée de ses demandes, fins et conclusions ;
Attendu que Monsieur et Madame Y...ont été contraints en cause d'appel d'exposer des frais non taxables dont il leur sera accordé compensation à hauteur de la somme de 2 000 euros ;
Que Madame Z...sera condamnée à leur payer le montant de ladite somme et supportera la charge des dépens d'appel.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Madame Z...Michèle née X...de ses demandes, fins et conclusions,
La condamne à payer à Monsieur et Madame Y...la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT