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11/05/2011 | FRANCE | N°09/00439

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ch. civile a, 11 mai 2011, 09/00439


Ch. civile A

ARRET
du 11 MAI 2011
R. G : 09/ 00439 C-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 avril 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 07/ 776

X... Y...

C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU ONZE MAI DEUX MILLE ONZE
APPELANTS :
Maître ...X... née le 24 Novembre 1946 à CORTE (20250)... 20200 BASTIA

représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP BERNARD-HUGUES-JEANNIN-ARNAUD-PETIT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Maître..

. Y...... 20200 BASTIA

représenté par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assisté de Me J...

Ch. civile A

ARRET
du 11 MAI 2011
R. G : 09/ 00439 C-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 avril 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 07/ 776

X... Y...

C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU ONZE MAI DEUX MILLE ONZE
APPELANTS :
Maître ...X... née le 24 Novembre 1946 à CORTE (20250)... 20200 BASTIA

représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP BERNARD-HUGUES-JEANNIN-ARNAUD-PETIT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Maître... Y...... 20200 BASTIA

représenté par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Christophe BESSY, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur... Z...... 00176 CARRARA (ITALIE)

représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Françoise ACQUAVIVA, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 mars 2011, devant la Cour composée de :

Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Sophie DUVAL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2011.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 28 juin 2010 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Sophie DUVAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Monsieur... Z... a confié à la SARL SOBAT la construction d'une villa à LUMIO et a souscrit le 12 avril 1995 auprès de la compagnie d'assurances A. G. F une police d'assurances garantissant le dommage résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats.

La villa ayant été détruite dans la nuit du 4 au 5 mai 1995 par un attentat revendiqué par le FLNC, Monsieur Z... a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur qui a missionné un expert le Cabinet A....

Son indemnisation tardant en dépit de l'intervention de Monsieur E... par l'intermédiaire duquel il avait acquis son terrain, il a mandaté Maître Y... afin d'obtenir réparation de son préjudice.

Maître Y... qui n'avait pas en sa possession le procès-verbal de réception des travaux signé par Monsieur Z... a introduit en référé à l'encontre de l'entrepreneur la SARL SOBAT et obtenu le 26 juin 1996 la désignation de Monsieur F... en qualité d'expert.

Cet expert qui a constaté lors de ses opérations que les travaux de la maison avaient été réceptionnés le 5 mai 1994 alors que l'attentat avait été perpétré un an plus tard, a conclu le 6 mai 1998 que Monsieur Z... ne pouvait mettre en cause son entrepreneur la SARL SOBAT et devait se retourner vers sa compagnie d'assurances lui garantissant les dommages résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats.

Il a précisé que les travaux de la piscine, des clôtures du terrain, des plantations n'étaient pas réceptionnés le 5 mai 1995 lors de l'attentat mais que malgré ses demandes réitérées auprès de l'avocat de Monsieur Z..., il n'avait pu obtenir la trace d'un éventuel règlement partiel des ouvrages à la SARL SOBAT et qu'il ne lui était pas possible de déterminer le préjudice financier subi par l'intéressé.

Les A. G. F qui n'ont pas été appelées à la procédure dans le délai de prescription de deux ans, ont offert le 10 mai 1998 une somme de 850 000 francs à titre transactionnel à Monsieur Z... qui l'a refusée le 12 mai, sollicitant une indemnisation à hauteur de la somme de 213 428, 62 euros à laquelle les A. G. F n'ont pas donné suite.

Cette compagnie d'assurance n'ayant pas été mise en cause dans le délai de prescription de deux ans, Monsieur Z... n'a pas obtenu réparation de son préjudice.

Il a introduit les 12 juin 2007 et 28 avril 2008 une action en responsabilité professionnelle à l'encontre de Maître X... et de Maître Y... devant le Tribunal de grande instance d'AJACCIO en leur faisant grief d'avoir manqué à leur devoir de diligence en assignant la compagnie A. G. F postérieurement au délai de deux ans et en ne le mettant pas en garde contre les conséquences d'un refus de proposition transactionnelle que la compagnie d'assurances avait émise à titre de simple geste commercial.

Par jugement du 2 avril 2009, le Tribunal de grande instance d'AJACCIO faisant droit à cette action a :

condamné solidairement Maître... Y... et Maître... X... à payer à Monsieur... Z... :
- la somme totale de 150 826, 56 euros soit 144 826, 56 euros en réparation de la perte de chance d'obtenir l'indemnisation de son préjudice matériel et 6 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux dépens,
rejeté les demandes au titre des dépens d'instance distincte.

Maître... X... a relevé appel de ce jugement le 18 mai 2009.

Maître... Y... a lui-même interjeté appel de cette décision et les procédures ont été jointes par ordonnance du 30 septembre 2009.

En ses dernières conclusions déposées au greffe le 15 mars 2010 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens, Maître X... soutient qu'en sa qualité de collaboratrice de Maître Y..., elle ne peut répondre que d'une faute dans le cadre de son mandat par substitution et qu'il appartient à Monsieur Z... de caractériser le manquement qu'elle aurait commis et d'établir qu'il se rattache par un lien de causalité direct et certain au préjudice né et certain qu'il aurait subi.

Elle fait observer que la perte d'une action n'est pas en elle-même indemnisable et qu'il faut démontrer que cette action avait des chances sérieuses de prospérer favorablement, la réparation de la perte de chance devant encore être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Elle fait valoir que la lettre du 10 avril 1996 que Monsieur Z... prétend avoir adressé à Maître Y... n'est jamais parvenue au cabinet et que le mandat non écrit qui lui avait été donné n'avait pour objet que l'assignation de la SARL SOBAT, gardienne d'un chantier non réceptionné à la date de l'attentat.
Elle souligne que Monsieur Z... n'a pas protesté en prenant connaissance de l'assignation en référé et de l'ordonnance commettant l'expert judiciaire alors qu'il a consigné la provision mise à sa charge à valoir sur les honoraires de ce dernier et que la lettre du 10 avril 1996 ne peut donc être retenue comme élément de preuve.
Elle ajoute que le procès-verbal de réception qui a été transmis à Maître Y... ne comportait pas la signature de Monsieur Z..., ce qui conduisait à soutenir que le chantier non réceptionné relevait de la garantie de l'entreprise en sa qualité de gardienne du chantier.
Elle précise que l'action contre l'assureur était incompatible avec l'action contre l'entreprise et que Monsieur Z... avait donné mandat à Monsieur E... d'agir contre son assureur la compagnie A. G. F.

Elle ajoute que la déduction opérée du courrier de Maître Y... du 7 février 1997 et de la relance de l'expert F... du 22 avril 1997 quant à la mise en cause des A. G. F n'est pas logique, la mise en cause ayant pu viser l'assureur tous risques chantier de la SARL SOBAT seule assignée à l'origine et l'incertitude quant à la réception des travaux n'ayant été levée que par le courrier du 7 octobre 1997 de l'entrepreneur, date à laquelle l'action contre la compagnie d'assurances était prescrite, les documents jusqu'alors versés aux débats (devis, procès-verbal de réception non signé du maître de l'ouvrage et la facture du 1er mai 1996) étant insuffisants à démontrer une réception expresse des travaux.

Elle expose en ce qui concerne la proposition de paiement opérée par la compagnie d'assurances qu'il ne peut lui être opposé d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil alors que Monsieur Z... avait pour mandataire à l'égard de la compagnie A. G. F Monsieur E... qui n'a pas été mis en cause, que l'écrit adressé par cette compagnie d'assurances est parfaitement clair et que Monsieur Z... a refusé l'offre sans consulter au préalable son conseil.
Elle soutient que Monsieur Z... ne rapporte pas la preuve du préjudice matériel qu'il a subi et ne peut prétendre bénéficier de la part de son avocat d'une indemnisation supérieure à celle à laquelle il était en droit de prétendre de son assureur ; que le préjudice moral a été retenu à tort car il n'était pas susceptible d'être obtenu de l'assureur si l'action n'avait pas été prescrite puisqu'il ne pouvait prétendre qu'à une indemnité de reconstruction de la villa achevée et une indemnité plafonnée pour le mobilier.
Elle conclut en conséquence à la réformation de la décision entreprise et demande à la Cour de :
déclarer Monsieur Z... mal fondé en son action en responsabilité civile professionnelle et de le débouter de l'ensemble de ses demandes,
le condamner sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au paiement d'une indemnité de 6 000 euros,
subsidiairement, dire et juger qu'il n'y avait pas lieu de retenir en sus au titre des meubles une somme de 15 244, 90 euros et dire et juger que l'indemnisation de la valeur de reconstruction et des meubles ne pourra se faire que sur la base de 75 % de 850 000 francs ou 129 581, 66 euros, soit sur 97 196, 25 euros,
dire n'y avoir lieu à l'octroi d'un préjudice moral,
dire n'y avoir lieu à l'octroi d'une indemnité complémentaire en appel pour frais irrépétibles en l'état de l'indemnisation déjà accordée à ce titre de première instance,
condamner Monsieur Z... aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP JOBIN, avoués, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance.

Maître Y..., en ses écritures du 7 septembre 2009 auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé complet de ses moyens, rappelle lui aussi que Monsieur Z... doit caractériser la faute qu'aurait pu commettre son conseil dans le cadre du mandat qui lui a été confié, démontrer un manquement aux devoirs de compétence, de prudence, ou de diligence qu'il était en droit d'attendre de lui et que les manquements commis sont en lien direct et certain avec le préjudice dont il entend faire état.

Il précise que la privation d'une action en justice ne constitue pas en elle-même un préjudice réparable si elle ne pouvait présenter des chances réelles et sérieuses du succès et que si la perte d'une telle chance est avérée, il y a lieu de mesurer sa réparation, laquelle ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré la chance si elle s'était réalisée.
Il soutient que sa mission avait pour objet l'organisation d'une mesure d'expertise à l'encontre de la société en charge du chantier tandis que Monsieur E... était mandaté pour suivre sa déclaration de sinistre auprès de la compagnie A. G. F IART.
Il précise que dans son courrier initial du 10 avril 1996, Monsieur Z... précisait d'ailleurs que le nécessaire avait été fait auprès de son assureur et qu'il ne formulera aucune protestation, observation ou réserve lorsque l'ordonnance intervenue le 26 juin 1996 lui sera transmise.
Il souligne que ce n'est qu'à l'occasion du dire de la société SOBAT du 7 octobre 1997 et du courrier de Monsieur E... du 19 novembre 1997 qu'il lui sera demandé de faire le nécessaire à l'encontre des A. G. F et qu'il ne saurait lui être reproché un manquement à son obligation de diligence pour avoir évoqué la nécessité d'appels en cause par courrier du 7 février 2007.
Il fait valoir que c'est donc à tort que le Tribunal a cru devoir considérer que le mandat qui lui était confié ne comportait aucune restriction puisque Monsieur Z... lui avait précisé avoir fait lui même le nécessaire auprès de la compagnie A. G. F et avoir demandé l'intervention auprès de celle-ci de Monsieur E... dont les compétences juridiques sont dans ces conditions indifférentes.
Il fait observer en ce qui concerne l'absence de mise en garde contre les conséquences d'un refus de proposition transactionnelle de la compagnie A. G. F que Monsieur Z... assisté de Monsieur E... n'a pu ignorer les conséquences qui s'attachaient au refus de l'offre formulée par les A. G. F le 10 mars 1998 et que seul ce dernier est susceptible d'être concerné par un éventuel manquement aux devoirs d'information et de conseil, étant précisé qu'il a attendu le 19 novembre 1997 pour se tourner vers lui à ce sujet.
Il ajoute en ce qui concerne le préjudice que Monsieur Z... ne verse au dossier aucun élément susceptible de contredire l'offre des A. G. F soit 129 581, 66 euros, qu'en tout état de cause le refus

de cette proposition ne lui étant pas imputable, cette somme ne saurait être mise à sa charge et que de surcroît, le préjudice moral allégué n'est pas démontré.

Il conclut en conséquence à l'infirmation du jugement déféré et au déboutement de Monsieur Z... de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Il sollicite reconventionnellement la condamnation de l'intimé à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP CANARELLI avoués sur son affirmation de droit.

En ses dernières écritures déposées le 16 mars 2010 auxquelles il convient de se référer pour une exposé complet de ses moyens et prétentions, Monsieur Z... soutient que tant Maître Y... que Maître X... ayant commis des manquements à leurs obligations professionnelles, il est fondé à leur réclamer la réparation de son préjudice constitué par la perte d'une chance d'obtenir l'indemnisation de son sinistre par sa compagnie d'assurances A. G. F.

Il fait valoir que le premier juge a procédé à une appréciation exacte des faits de la cause en retenant la responsabilité des appelants pour manquement à leur devoir de diligence pour n'avoir pas interrompu la prescription de deux ans à l'encontre de la compagnie A. G. F assureur de dommages, résultant de l'article L 114-1 du code des assurances et manquement à leur devoir de conseil pour ne l'avoir pas informé de la position à adopter face à l'assureur qui lui opposait la prescription.
Il fait valoir que dans son courrier du 10 avril 1996 que seule Maître X... prétend ne pas avoir reçu, il avait indiqué que sa villa était achevée et que s'il désirait qu'une expertise soit ordonnée, c'était au contradictoire de la compagnie d'assurances.
Il précise que le 22 avril 1997 à une date où la prescription n'était pas acquise, l'expert F... devait demander à Maître Y... de l'informer de la suite donnée aux appels en cause annoncés et que du fait de son absence de diligence, sa responsabilité comme celle de sa collaboratrice est engagée.
Il ajoute que si Antoine E... s'est occupé de la gestion de la déclaration de sinistre dans la mesure où sa société lui avait vendu le terrain à construire, il ne pouvait se substituer à Maître Y... pour déclencher les procédures utiles contre la compagnie d'assurances et ce dernier ne peut se décharger de sa responsabilité aux motifs de cette intervention.
Il fait observer que les manquements aux devoirs d'information et de conseil commis sont flagrants d'autant que pensant que ses instructions écrites avaient été exécutées, il a refusé la proposition transactionnelle sans se rendre compte du danger qu'il encourait.

Il forme appel incident contre le jugement déféré en ce qui concerne l'évaluation de son préjudice et sollicite le paiement de la somme de 262 590, 57 euros représentant le montant de la valeur de reconstruction de la maison sur la base du devis établi en 1995 et réclame la condamnation des appelants à lui payer le montant de cette somme.

Il conclut à la confirmation de la décision entreprise qui lui a alloué au titre du montant du mobilier et des équipements intérieurs, la somme de 15 244, 90 euros ainsi que celle de 6 000 euros au titre de son préjudice moral.
Il réclame enfin la condamnation des appelants à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Ministère Public à qui l'affaire a été communiquée, s'en rapporte à l'appréciation de la Cour.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 juillet 2010.

*

* *
SUR CE :

Attendu qu'il sera observé que si Maître X... collaboratrice de Maître Y... conteste avoir eu connaissance du courrier en date du 16 avril 1996 que Monsieur Z... a adressé à celui-ci, il n'en est pas de même de Maître Y... qui admet dans ses écritures, avoir reçu cette correspondance ;

Attendu qu'aux termes de celle-ci, Monsieur Z... rappelait que sa villa détruite à 100 % était achevée, que le nécessaire avait été fait auprès de la compagnie A. G. F, que son indemnisation tardant, il le chargeait d'assigner en référé pour obtenir la nomination d'un expert judiciaire ;

Attendu que s'il relevait sans doute des obligations de diligence qu'un avocat doit respecter, de s'assurer que la SARL SOBAT n'était pas restée gardienne de l'ouvrage à défaut de preuve formelle de réception des travaux, puisque la copie du procès-verbal dressé à cet effet, remis à Maître Y... ne comportait pas la signature du maître de l'ouvrage, il n'en demeure pas moins qu'en l'état du mandat extrêmement clair qui lui avait été confié et de l'attestation d'assurance qu'il avait transmise à l'expert judiciaire, et qu'il avait donc en sa possession, Maître

Y... et sa collaboratrice Maître X... qui a substitué ce dernier dans le traitement du dossier de Monsieur Z..., ne pouvaient s'abstenir de mettre en cause l'assureur de leur client ;
Qu'il leur appartenait de faire le nécessaire pour interrompre la prescription biennale et à tout le moins d'appeler la compagnie A. G. F en cause lorsque leur cabinet a été alerté par le courrier du 22 avril 1997 de l'expert judiciaire, ce dernier rappelant à Maître Y... à une date où la prescription n'était pas encore acquise, qu'" il avait fixé un accédit en date du 7 février 1997 qu'il lui avait demandé de reporter à une date ultérieure en l'informant qu'il procédait à de nouveaux appels en cause et lui demandant de l'informer de la suite donnée à ces appels en cause pour lui permettre d'entamer ses opérations expertales " ;

Attendu qu'en s'abstenant d'agir contre l'assureur dans les délais légaux, les appelants ont tous deux failli à leurs obligations de diligence à l'égard de Monsieur Z... ;

Attendu que si aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que Maître Y... ou Maître X... ont eu connaissance de la proposition d'indemnisation amiable faite par la compagnie d'assurances alors que la prescription biennale était acquise, ils ne peuvent toutefois se retrancher, pour se justifier, ni derrière le procès-verbal de réception non signé par Monsieur Z... ni le mandat prétendument confié par ce dernier à Monsieur E... pour agir à l'encontre de la compagnie d'assurances, alors que des actes interruptifs de prescription devaient être diligentés avec célérité et efficacité et que Monsieur E... étant manifestement dans l'impossibilité d'y procéder, il était de leur devoir d'information et de conseil de mettre leur client en garde contre le risque de prescription par lui encouru, en application de l'article L 114-1 du code des assurances ;

Qu'en s'abstenant d'agir contre les A. G. F ils ont manifestement commis un manquement à leurs obligations d'efficacité dans l'accomplissement de la mission qui leur avait été confiée ;
Que Maître X... qui est intervenue en qualité de collaboratrice et ne conteste pas en cause d'appel la recevabilité de l'action diligentée à son encontre, a d'ailleurs clairement indiqué le 2 février 2005 à Monsieur Z... que la prescription biennale était acquise, qu'une action contre les A. G. F était vouée à l'échec et qu'elle mettait en cause sa compagnie d'assurances ;
Que le jugement déféré qui a reconnu à juste raison la responsabilité de Maître Y... et de Maître X..., sera confirmé ;

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur Z... a perdu une chance d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, égal en l'espèce aux termes du contrat d'assurances en ce qui concerne l'immeuble détruit à la valeur de reconstruction de celui-ci, vétusté déduite, au jour du sinistre ;

Que toutefois le seul devis versé aux débats par l'intimé ne peut justifier de cette valeur ;

Qu'en conséquence, faute d'éléments objectifs d'appréciation de cette dernière, le jugement déféré qui a retenu l'offre de 129 581, 66 euros effectuée par l'assureur dans son geste commercial comme la juste indemnisation de la perte de chance subie par Monsieur Z... en ce qui concerne la valeur de reconstruction de l'immeuble ne peut qu'être confirmé ;
Qu'il mérite encore confirmation tant en ce qui concerne la valeur des meubles meublants pour lesquels le plafond de garantie prévue par la police d'assurances était de 15 244, 90 euros qu'en ce qui concerne le préjudice moral de 6 000 euros qui a été alloué à l'intimé pour des motifs pertinents que la Cour adopte ;

Attendu que l'intéressé a été contraint d'exposer des frais non taxables dont il y a lieu de lui accorder compensation ;

Que l'indemnité fixée par la première instance sera confirmée et il lui sera alloué au titre des frais exposés en cause d'appel une nouvelle somme de 2 500 euros ;

Attendu que les appelants qui succombent supporteront la charge des dépens.

*
* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,
Condamne in solidum Maître... Y... et Maître... X... à payer à Monsieur... Z... une somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2 500 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne in solidum aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ch. civile a
Numéro d'arrêt : 09/00439
Date de la décision : 11/05/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-05-11;09.00439 ?
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