COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
Ch. civile A
ARRET du 16 FEVRIER 2011
R. G : 10/ 00061 C-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 décembre 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 08/ 571
X...
C/
SNCF-SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER DE LA CORSE
APPELANT :
Monsieur Jean Luc X...né le 17 Décembre 1956 à KOUBA (MAROC) ... 20290 BORGO
Agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Clara X..., née le 29 janvier 2002 à BASTIA
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assisté de Me Céline PIANELLI-COQUE, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
SNCF-SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER DE LA CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 237 Place de la Gare B. P 237 20294 BASTIA CEDEX
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 décembre 2010, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseiller Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Sophie DUVAL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 février 2011.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Sophie DUVAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *Le 23 septembre 2005, Madame Adrienne X...a été happée et mortellement blessée au niveau de la halte de Bassanese à BASTIA par le train circulant en direction du centre ville alors qu'elle était assise sur le bord du quai de cette halte, les pieds posés sur le ballast, la tête penchée en avant.
Par jugement du 17 décembre 2009, le Tribunal de grande instance de BASTIA a rejeté l'exception d'incompétence soulevée tardivement par la SNCF-CHEMINS DE FER DE LA CORSE, débouté Jean-Luc X..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Clara X...de sa demande d'indemnisation à hauteur de 80. 000 euros et 30. 000 euros des préjudices moraux causés par le décès d'Adrienne X...et de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.
Monsieur Jean-Luc X..., agissant tant en son nom personnel qu'ès-qualités de représentant légal de sa fille mineure Clara X..., a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 1er février 2010.
En ses conclusions en date du 1er juin 2010 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Jean-Luc X...fait observer que le quai de la gare de Bassanese était totalement dépourvu d'aménagement et de matériel d'équipement permettant une attente en position assise et que sa mère âgée et fatiguée par la séance de mésothérapie dont elle sortait, n'a eu d'autres choix que de s'asseoir le long du quai en attendant son train.
Il demande à la Cour d'écarter la faute de la victime exonérant totalement le transporteur SNCF-CFF de sa responsabilité retenue par le jugement déféré et de considérer au contraire qu'il est soumis à une obligation de sécurité de résultat même lorsqu'un accident est causé sur un quai de gare.
Il fait observer que la responsabilité délictuelle de la SNCF-CFC est engagée et que même si le quai où l'accident s'est produit est un quai d'arrêt, il n'en demeure pas moins qu'un certain matériel d'équipement est obligatoire et que la SNCF titulaire d'une convention de délégation de la Collectivité Territoriale de Corse en date du 11 septembre 2001 prévoyant que le délégataire a pour mission d'exploiter les gares et arrêts et d'assurer la maintenance des matériels, installations et équipements.
Il souligne que la SNCF-CFC ne peut s'exonérer en invoquant les actes de vandalisme dont elle est victime.
Il demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de dire et juger que la responsabilité de la SNCF-CFC est engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil sur la base du fait des choses et que celle-ci ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en cas de force majeure, laquelle n'est pas caractérisée en l'espèce puisque le comportement de la victime ne peut être considéré comme imprévisible.
Il sollicite en conséquence la condamnation de la SNCF à lui payer :
-80. 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi,-30. 000 euros au titre du préjudice moral subi par sa fille Clara,- ainsi qu'une somme de 4. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SNCF-CHEMINS DE FER DE LA CORSE expose dans ses conclusions en date du 30 juin 2010 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions que l'obligation de résultat du transporteur réservée à l'exécution proprement dite du transport que l'appelant persiste à invoquer, ne peut trouver application en cas d'accident de quai et plus généralement de gare, seul le régime de responsabilité prévu par l'article 1384 alinéa 1 ayant alors vocation à s'appliquer.
Elle fait observer que le conducteur qui circulait à 60 km/ h sur une portion où la vitesse est limitée à 80 km/ h, a coupé l'accélération, klaxonné et actionné le frein d'urgence et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, le comportement de la victime, sanctionné d'ailleurs par l'article 73 du décret du 22 mars 1942 précisant qu'il est défendu à toute personne de " troubler la circulation des trains ", étant à l'origine de l'accident.
Elle précise que la halte de Bassanese dont la victime était une habituée n'est pas dépourvue d'aménagements, bien qu'elle soit la cible d'actes de vandalisme et que l'absence de marquage au sol ne peut davantage lui être reprochée, seules les lignes où la vitesse est égale ou supérieure à 160 km/ h étant concernées par le texte invoqué par l'appelant.
Elle souligne que la pose d'un garde-fou ne ferait qu'engendrer des risques supplémentaires pour les voyageurs lors de la descente du train et que l'appelant tente de mettre à sa charge des obligations auxquelles elle n'est pas soumise.
Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et sollicite reconventionnellement la condamnation de Monsieur X...aux dépens et au paiement son bénéfice d'une somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 septembre 2010.
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SUR CE :
Attendu que le rapport du conducteur du train décrivant la position de la victime " assise sur le bord du quai ", les " pieds sur le ballast ", " dos courbé ", " ses bras posés sur les genoux et sa tête penchée vers le sol " avant que le choc fatal ne se produise n'est contredit par aucun des documents versés aux débats par Monsieur X...;
Que l'obligation de sécurité de résultat pesant sur le transporteur dont se prévaut Monsieur X...ne peut être recherchée que pendant l'exécution du contrat de transport, soit à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le train jusqu'au moment où il achève d'en descendre ;
Qu'en l'espèce, la victime, bien que munie d'un titre de transport n'étant à aucun moment quelconque ni montée ni descendue du train, c'est à bon droit que le premier juge a écarté l'application de cette obligation ;
Que les prétentions de l'appelant tendant à voir la responsabilité de l'intimée recherchée sur ce fondement seront rejetées et le jugement déféré confirmé sur ce point ;
Attendu que l'exécution d'un contrat de transport étant exclue, il convient de vérifier si la responsabilité de la SNCF-CFC est engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du code civil en sa qualité de gardienne du train, instrument du dommage, puisque celui-ci a heurté la victime et provoqué son décès, ou si le fait fautif de celle-ci dont l'intimée soutient qu'il a présenté pour elle les caractéristiques de la force majeure l'exonère entièrement de la responsabilité qu'elle encourt ;
Attendu qu'en l'espèce, le conducteur du train qui circulait à 60 km/ h n'a pu éviter la collision avec la victime assise sur le quai, les pieds sur le ballast en dépit de l'usage fait par ses soins des avertisseurs sonores et lumineux ainsi que du freinage d'urgence ;
Que les photographies versées aux débats établissent que la halte est équipée d'un auvent contre lequel il était possible à la victime de s'adosser en attendant le train qui allait entrer en gare ;
Qu'en s'asseyant sur le bord du quai et en empiétant ainsi sur la voie réservée au train, la victime a rendu la collision inévitable et commis une faute d'imprudence d'une gravité exceptionnelle qui ne pouvait être envisagée par l'intimée et qui a présenté pour elle les caractéristiques d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la chose majeure, l'exonérant entièrement de sa responsabilité délictuelle ;
Attendu que s'il résulte des éléments du dossier que la gare de Bassanese est dépourvue de banc et de tout marquage au sol interdisant de s'approcher du bord du quai, le premier juge a considéré toutefois à juste raison qu'il n'était nullement démontré, compte tenu de la prise de risque de la victime que leur présence ait pu éviter l'accident ;
Qu'il a relevé en outre à juste titre qu'il ne pouvait être fait grief à la SNCF-CFC d'avoir manqué à son obligation de maintenance des matériels, installations et équipements en n'installant pas de banc alors que la convention de délégation de service public ne met à sa charge en ses articles 15 et 17 qu'une obligation d'entretien courant et de maintien en bon état de fonctionnement du matériel mis à sa disposition et qu'en tout état de cause rien ne démontrait du seul fait de l'absence de mobiliers urbains, la faute commise par l'intimée dans l'exécution du contrat de délégation susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard des tiers usagers du service ;
Attendu que le jugement déféré qui a débouté Monsieur X...des demandes qu'il a présentées tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que si l'équité ne commande pas de faire application au bénéfice de la SNCF des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens d'appel resteront à la charge de l'appelant qui succombe.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Jean Luc X...tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant de sa fille mineure, aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT