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02/04/2008 | FRANCE | N°303

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile 1, 02 avril 2008, 303


ARRET No
du 02 AVRIL 2008
R. G : 07 / 00021 C-MJC
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 juillet 2003 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 02 / 118

S. A. SOCIETE DIFFUSION CORSE DU LIVRE
C /
X... EURL MICCA NOMI

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DEUX AVRIL DEUX MILLE HUIT
APPELANTE :
S. A. SOCIETE DIFFUSION CORSE DU LIVRE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Zone Industrielle du Vazzio 20000 AJACCIO

représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
assistÃ

©e de Me Pierre-Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Monsieur Antoine X......... 20200 BAST...

ARRET No
du 02 AVRIL 2008
R. G : 07 / 00021 C-MJC
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 juillet 2003 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 02 / 118

S. A. SOCIETE DIFFUSION CORSE DU LIVRE
C /
X... EURL MICCA NOMI

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DEUX AVRIL DEUX MILLE HUIT
APPELANTE :
S. A. SOCIETE DIFFUSION CORSE DU LIVRE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Zone Industrielle du Vazzio 20000 AJACCIO

représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
assistée de Me Pierre-Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Monsieur Antoine X......... 20200 BASTIA

représenté par Me Antoine CANARELLI, avoué à la Cour
assisté de Me Anne Marie VIALE, avocat au barreau de BASTIA

EURL MICCA NOMI Prise en la personne de son représentant légal en exercice Chemin de Monserato 20200 BASTIA

représentée par Me Antoine CANARELLI, avoué à la Cour
assistée de Me Anne Marie VIALE, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 janvier 2008, devant Madame Jeanne Marie CHIAVERINI, Conseiller, et Madame Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseiller, chargées du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Jeanne Marie CHIAVERINI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Monsieur Bernard WEBER, Conseiller Madame Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Emmanuelle PORELLI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 mars 2008, prorogée par le magistrat par mention au dossier au 02 avril 2008.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Jeanne Marie CHIAVERINI, Conseiller, et par Madame Emmanuelle PORELLI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement le jugement rendu le 24 juillet 2003 par le tribunal de grande instance de BASTIA :

- recevant l'EURL MICCA NOMI prise en la personne de son représentant légal en son intervention volontaire,
- disant que la SA DCL n'a commis aucun acte de contrefaçons au préjudice d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI,
- disant que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI,
- condamnant la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE prise en la personne de son représentant légal à payer à :
oAntoine X... la somme de 30. 000 € à titre de dommages intérêts, assortie des intérêts de droit à compter de la décision,
ol'EURL MICCA NOMI, prise en la personne de son représentant légal la somme de 10. 000 € à titre de dommages intérêts, assortie des intérêts de droit à compter de la décision,
- ordonnant la publication du jugement dans deux journaux au choix d'Antoine X... sans que le coût des publications ne puisse excéder 7. 600 €,
- condamnant la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE prise en la personne de son représentant légal à payer à Antoine X... la somme de 1. 500 € au titre des frais irrépétibles,
- déboutant Antoine X... et l'EURL MICCA NOMI du surplus de leurs demandes,
- condamnant la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE déposée au greffe le 7 août 2003.

Vu l'arrêt rendu par la Cour le 27 avril 2005 :

- infirmant le jugement déféré,
- disant que le livre LA CORSE SAUVAGE édité par la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE est une contrefaçon du livre CORSICA MUNTAGNA dont l'auteur est Antoine X... et l'éditeur l'EURL MICCA NOMI,
- condamnant la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE à payer à Antoine X... et à l'EURL MICCA NOMI la somme de 40. 000 € en réparation de leur préjudice moral et commercial,
- faisant interdiction à la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE de diffuser, de vendre et d'exposer le livre LA CORSE SAUVAGE sous astreinte de 50 € par infraction constatée,
- condamnant la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE à payer à Antoine X... et à l'EURL MICCA NOMI la somme de 1. 500 € au titre des frais irrépétibles,
- déboutant les intimés du surplus de leurs demandes,
- condamnant la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 7 novembre 2006 cassant l'arrêt de la Cour du 27 avril 2005 dans toutes ses dispositions.

Vu les écritures de la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE déposées au greffe le 3 septembre 2007.

Vu les écritures d'Antoine X... déposées au greffe le 3 octobre 2007.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 décembre 2007.

MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu qu'Antoine X... est l'auteur d'un livre intitulé « CORSICA MUNTAGNA », édité par les éditions MICCA NOMI et diffusé en Corse depuis le mois d'août 1997 par la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE ; qu'en 2001 cette dernière a édité et diffusé un livre intitulé « LA CORSE SAUVAGE » dont l'auteur est Ninou Y... ;
Attendu que se plaignant de ce que cet ouvrage reprenait les caractéristiques du sien et que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE n'avait plus passé de commande à son éditeur, Antoine X... a assigné en contrefaçon et concurrence déloyale et en paiement de dommages-intérêts ; que l'EURL MICA NOMI est intervenue à l'instance ;
Sur la protection de l'ouvrage par le droit d'auteur :
Attendu que les articles L 112-1 et L112-3 1o, 8o et 9o du code de la propriété intellectuelle disposent que sont protégés les droits des auteurs sur toutes les œ uvres de l'esprit quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination et que sont considérées comme œ uvres de l'esprit notamment les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques et les œ uvres graphiques et typographiques et les œ uvres photographiques ; que tel est le cas de l'ouvrage litigieux ;
Attendu que la SA DIFFUSION DU LIVRE CORSE reconnait dans ses écritures que ce sont non seulement les photographies mais l'ouvrage d'Antoine X... en son entier qui constitue une œ uvre protégeable et que c'est à tort que le tribunal a jugé que seules les photographies étaient protégeables ;
Sur la contrefaçon :
Attendu que l'article 122-4 du code précité dispose : « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit au ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » ; que ce texte énonce le principe selon lequel l'utilisation d'une œ uvre sans autorisation de l'ayant droit est une contrefaçon ;
Attendu que la contrefaçon s'apprécie par rapport aux ressemblances et non aux différences et qu'il y a contrefaçon dès lors que se dégage de la comparaison des deux œ uvres une impression d'ensemble mais ce sous réserve que l'œ uvre antérieure révèle une originalité portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Attendu que l'ouvrage d'Antoine X... présente les caractéristiques suivantes :
- des photographies de grande qualité artistique sur le thème de la montagne corse,
- un format allongé dit « à l'italienne » permettant la présentation de photographies panoramiques,
- la disposition des photographies sur un fond noir,
- l'utilisation d'un papier vernis anti-traces de doigts d'un grammage particulier,
- une absence de texte,
- la présence d'une légende courte imprimée en lettres blanches sous chaque photographie,
- une jaquette reprenant la photographie de couverture ;
Attendu qu'Antoine X... a mis en valeur ses photographies par tirage sur fond noir pour certaines, pleines pages pour d'autres et doubles pages ; qu'il a alterné des vues de paysages de montagne avec des scènes de la vie des bergers et inséré également dans son œ uvre des photographies à thèmes religieux ; que l'ouvrage litigieux révèle ainsi une originalité portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Attendu que l'ouvrage « CORSE SAUVAGE » ne présente pas les mêmes photographies mais que la ressemblance avec l'ouvrage « CORSICA MUNTAGNI » est évidente ; qu'en effet le format est le même, les photographies sont disposées sur fond noir, le papier anti-traces est le même, une courte légende imprimée en lettres blanches sous chaque photographie pallie l'absence de texte, la jaquette reprend la photographie de couverture ; qu'ils ont tous deux été imprimés sur les « presses de KARMAK Litografia a BRUINO (T0) Italie » ;
Attendu que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE soutient que les deux ouvrages n'étaient pas destinés aux mêmes acheteurs, « CORSE SAUVAGE » s'adressant aux touristes et « CORSICA MONTAGNA » aux photographes professionnels ; mais qu'il résulte du bon de livraison de la SOCIETE VILO que celle-ci a classé livre « CORSICA MUNTAGNA » dans le fonds « Tourisme et vie pratique » ;
Attendu qu'aucun des autres ouvrages produits aux débats par l'appelante ne présente les mêmes caractéristiques que celui d'Antoine X... ; que preuve de l'absence d'originalité de ce dernier dont la charge incombe à la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE n'est pas rapportée ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE en éditant l'ouvrage « CORSE SAUVAGE » a contrefait celui d'Antoine X... « MUNTAGNA CORSA » ; que le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il a dit que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE n'avait commis aucun acte de contrefaçons au préjudice d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI ;
Sur la concurrence déloyale :
Attendu que l'action en concurrence déloyale, fondée sur l'article 1382 du code civil, sanctionne des faits fautifs indépendamment de toute atteinte au droit d'auteur et peut être retenue même en cas de contrefaçon ;
Attendu qu'en l'état de la ressemblance entre les ouvrages MUNTAGNA CORSA et LA CORSE SAUVAGE il existait pour l'acquéreur un risque de confusion ;
Attendu en outre que les intimés démontrent par les pièces qu'ils produisent aux débats que leur décision de ne plus voir distribuer l'ouvrage MUNTAGNA CORSA par la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE résulte du fait que le prix de vente du livre LA CORSE SAUVAGE, inférieur de vingt euros, lui faisait concurrence et que les ventes baissaient ce fait ;
Attendu qu'en agissant ainsi la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE a commis des actes de concurrence déloyale ; que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;
Sur le préjudice :
Attendu qu'Antoine X... et l'EURL MICCA NOMI ont subi du fait de la contrefaçon de l'ouvrage et de la concurrence déloyale un préjudice que la Cour peut justement évaluer à la somme de 40. 000 € ;
Attendu que, devant la Cour, les intimés demandent que la somme de 30. 000 € soit allouée à l'EURL MICCA NOMI et celle de 10. 000 € à Antoine X... ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point et de statuer ainsi ;
Sur l'interdiction de vendre et de diffuser et la publication de la décision :
Attendu qu'il convient de faire interdiction à la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE de diffuser, vendre et exposer le livre LA CORSE SAUVAGE sous astreinte de 50 € par infraction constatée ;
Attendu que les préjudices d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI sont suffisamment réparés par les dommages-intérêts alloués et l'interdiction de diffusion ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la publication sollicitée ; que le jugement déféré doit donc être infirmé sur ce point ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que le tribunal a justement alloué à Antoine X... la somme de 1. 500 € au titre des frais irrrépétibles exposés en première instance ; que la décision déférée doit être confirmée sur ce point ; mais que l'équité commande d'allouer à Antoine X... et à l'EURL MICCA NOMI la somme de 1. 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE n'avait commis aucun acte de contrefaçons au préjudice d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI,
Statuant à nouveau dit que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE a commis des actes de contrefaçons au préjudice d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice d'Antoine X... et de l'EURL MICCA NOMI,
L'infirme en ce qu'il a condamné la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE prise en la personne de son représentant légal à payer à :
oAntoine X... la somme de TRENTE MILLE EUROS (30. 000 €) à titre de dommages intérêts, assortie des intérêts de droit à compter de la décision,
ol'EURL MICCA NOMI, prise en la personne de son représentant légal la somme de DIX MILLE EUROS (10. 000 €) à titre de dommages intérêts, assortie des intérêts de droit à compter de la décision,
Statuant à nouveau, condamne la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE prise en la personne de son représentant légal à payer à :
ol'EURL MICCA NOMI la somme de TRENTE MILLE EUROS (30. 000 €) à titre de dommages intérêts,
oAntoine X... la somme de DIX MILLE EUROS (10. 000 €) à titre de dommages intérêts,
Ajoutant à la décision querellée fait interdiction à la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE de diffuser, vendre et exposer le livre LA CORSE SAUVAGE sous astreinte de CINQUANTE EUROS (50 €) par infraction constatée,
Infirme la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la publication de la décision dans deux journaux au choix d'Antoine X... sans que le coût des publications ne puisse excéder SEPT MILLE SIX CENTS EUROS (7. 600 €),
Statuant à nouveau, déboute Antoine X... et l'EURL MICCA NOMI de leur demande de publication de la décision,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE à payer à Antoine X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) au titre des frais irrrépétibles,
Y ajoutant condamne la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE à payer à Antoine X... et à la SA DIFFUSION CORSE DU LIVRE la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour,
La condamne aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés directement par Maître Antoine CANARELLI, avoué.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 303
Date de la décision : 02/04/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bastia, 24 juillet 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2008-04-02;303 ?
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