ARRET No du 15 FEVRIER 2006
R. G : 04/ 00946 C-MCB
Décision déférée à la Cour : jugement du 27 septembre 2004 Tribunal d'Instance de BASTIA R. G : 04/ 4
S. A LOCANORD C/ X...- Y... Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE CIVILE ARRET DU QUINZE FEVRIER DEUX MILLE SIX
APPELANTE : S. A LOCANORD, Prise en la personne de son représentant légal en exercice Aréoport de Poretta Lucciana 20290 BORGO représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour assistée de Me Claude CRETY, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Madame Huguette X... veuve Y... Z...,... 75013 PARIS représentée par la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Renée Marie Félicité Y... Z...,... 92240 MALAKOFF représentée par la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 janvier 2006, où elle a été mise en délibéré au 08 février 2006, prorogé au 15 février 2006, devant la Cour composée de : Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre, Monsieur Philippe CAVALERIE, Conseiller, Madame Chantal MERTZ, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Martine COMBET. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2006
ARRET :
Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. Signé par Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE :
Le 1er juin 1961, feue Pauline Z... consentait à la SOCIETE BASTIAISE DES NOUVELLES GALERIES (S. B. N. G), un bail qualifié " emphytéotique " d'un terrain nu, sis sur la commune de BASTIA, lieu-dit Erbajolo, en bordure de la route nationale 193, à proximité de ce qui est devenu " l'espace Tamburini ".
Aux termes de ce bail d'une durée de trente ans, le locataire s'engageait à édifier des constructions, restant acquises au bailleur sans indemnité au terme de la location.
Le 30 juillet 1981, la S. B. N. G cédait le bail à la société LOCANORD après avoir construit deux hangars.
A cette date, Pauline Z... était décédée et le bien était échu à son fils Jean Baptiste Y... Z... lequel décédait le 28 février 1985.
Dès le 1er janvier 1986, les loyers étaient payés à Madame Huguette Y..., veuve de Paul Y... Z..., enfant prédécédé de Jean-Baptiste.
Dans le courant de l'année 1986, à la suite d'une tempête, l'un des hangars était endommagé tandis que l'autre était complètement détruit.
Par lettre du 12 mai 1986, la société LOCANORD proposait à la bailleresse de reconstruire à ses frais le hangar détruit, en contrepartie d'une prolongation du bail initial pour une période de dix ans, soit jusqu'au 1er juin 2001.
Par lettre du 29 mai 1986, Madame Huguette Y... Z... acceptait cette proposition moyennant une augmentation de loyer.
Les parties n'ont pu se mettre d'accord sur le montant du loyer, si bien qu'un nouveau bail n'a jamais été signé.
Madame Hugette X... veuve Y... Z... et Mademoiselle Renée Y... Z... ont fait assigner la société LOCANORD afin de faire constater qu'elle ne dispose d'aucun droit sur la parcelle BE 12 depuis le 2 juin 1991 et d'obtenir son expulsion.
Par jugement du 27 septembre 2004, le Tribunal d'instance de BASTIA :
- a constaté que la SA LOCANORD n'a plus aucun droit sur le terrain cadastré section BE no 12 depuis le 2 juin 1991,
- en conséquence, a ordonné l'expulsion des lieux par la SA LOCANORD ainsi que celle de tous occupants de son chef dans le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux,
- a enjoint à la SA LOCANORD de produire entre les mains des requérantes le détail des sommes perçues au titre des sous-locations consenties aux deux enseignes commerciales " Publi 2B " et " Espace Chaussures " depuis le 2 juin 1991 sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de la décision,
- a condamné la SA LOCANORD à régler à Madame Huguette Barberine Y... Z... et Mademoiselle Renée Y... Z... la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- a condamné la SA LOCANORD à leur régler la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration du 13 octobre 2004, la SA LOCANORD a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées le 8 février 2005 par la SA LOCANORD qui sollicite l'infirmation du jugement, le débouté des intimés et la condamnation de Mesdames Y... Z... au paiement de la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 18 mai 2005 par Mesdames Huguette et Renée Y... Z... qui sollicitent la confirmation de la décision et la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 3. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
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MOTIFS DE LA DECISION :
Pour contester le jugement déféré qui a dit qu'elle n'a plus aucun droit sur le terrain cadastré BE 12 depuis le 2 juin 1991, la société LOCANORD fait valoir que le bail litigieux ne peut recevoir la qualification de bail emphytéotique car il contient au profit du bailleur, deux clauses résolutoires de plein droit incompatibles avec le droit réel que confère au preneur ce type de bail.
L'article L 451-1 du code rural dispose que " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque... ce bail doit être consenti pour plus de 18 années et ne peut dépasser 99 ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction ".
Le bail du 1er juin 1961 entre Madame Pauline Y... Z... et la SOCIETE BASTIAISE DES NOUVELLES GALERIES a été conclu pour une durée de trente années et prévoit la construction par le preneur de bâtiments sur le terrain loué situé à BASTIA lieu-dit Erbajolo. Ce bail comprend donc toutes les caractéristiques de l'emphytéose dans la mesure où sa durée est supérieure à 18 ans, où le montant du loyer est peu élevé et où le preneur se voit conférer des droits réels.
Cependant ce bail comporte la clause suivante : " Le défaut par le preneur du paiement de deux termes consécutifs de la redevance entraînera de plein droit, si bon semble à la bailleresse, la résiliation des présentes un mois après un simple commandement de payer infructueux ".
S'il est constant qu'une clause de résolution de plein droit confère à la jouissance du preneur une précarité incompatible avec la constitution d'un droit réel, la société LOCANORD ne peut se prévaloir de cette clause qui n'a pas été reprise dans l'acte de cession du 30 juillet 1981. En effet par acte notarié du 30 juillet 1981, la SOCIETE BASTIAISE DES NOUVELLES GALERIES a cédé à la société LOCANORD tous ses droits pour la durée restant à courir au bail emphytéotique sur le terrain d'Erbajolo, commune de BASTIA cadastré BE 12.
Cet acte ne reprend pas la clause résolutoire figurant dans le bail initial du 1er juin 1961 mais la clause suivante : " A défaut de paiement, le bailleur aura le droit de faire prononcer en justice la résolution de l'emphytéose, conformément aux dispositions du code rural après une sommation restée sans effet ".
Cette clause qui est la reproduction de l'article L 451-5 du code rural, figurant au chapitre V sous le titre " bail emphytéotique " est bien évidemment compatible avec le caractère emphytéotique du bail. Seule cette clause contenue dans un acte auquel la société LOCANORD a été partie lui est opposable. La société LOCANORD ne peut donc, pour contester le caractère emphytéotique du bail, invoquer une clause différente incluse dans le bail du 1er juin 1961 auquel elle n'a pas été partie et qui n'a pas été reprise dans l'acte de cession du 30 juillet 1981 qu'elle a signé.
Mesdames Y... Z... et la société LOCANORD sont donc liées par un bail emphytéotique venu à expiration le 2 juin 1991 qui n'a pu se prolonger par tacite reconduction en application de l'article L 451-1 du code rural. C'est par conséquent, à bon droit, que le premier juge a dit que la société LOCANORD est sans droit ni titre sur le terrain cadastré BE 12 à BASTIA depuis le 2 juin 1991 et a ordonné son expulsion.
Le jugement sera donc intégralement confirmé.
Il y a lieu de fixer à la somme de 2. 000 euros le montant des frais non compris dans les dépens que l'équité commande de ne pas laisser à la charge de Mesdames Y... Z... en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la SA LOCANORD payer à Mesdames Huguette et Renée Y... Z... la somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la Société LOCANORD aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT, FEUILLE DE SUIVI APRES ARRET 04/ 00946 Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours arrêt du QUINZE FEVRIER DEUX MILLE SIX
S. A LOCANORD Rep/ assistant : Me Antoine-Paul ALBERTINI (avoué à la Cour) Rep/ assistant : Me Claude CRETY (avocat au barreau de BASTIA) C/ X... Rep/ assistant : la SCP RIBAUT-BATTAGLINI (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Jean-Louis RINIERI (avocat au barreau de BASTIA) Y... Z... Rep/ assistant : la SCP RIBAUT-BATTAGLINI (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Jean-Louis RINIERI (avocat au barreau de BASTIA) DOSSIERS AVOUES MANQUANTS :
NON RENDRE LES DOSSIERS AUX AVOUES DOSSIERS RENDUS LE NOMBRE DE PHOTOCOPIES : 7