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28/09/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946525

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ct0268, 28 septembre 2005, JURITEXT000006946525


ARRET No-----------------------28 Septembre 2005-----------------------03/00251-----------------------Nicolas X..., Inès Y... C/ David Z... déférée à la Cour du :20 octobre 2003 Tribunal d'Instance d'ILE ROUSSE54-02-2------------------ASCOUR D'APPEL DE BASTIACHAMBRE SOCIALE ARRET DU : VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE CINQAPPELANTS :Monsieur Nicolas X... ... 30000 NIMES Représent par la SCP LACK-ISENBERG-BESSIERE, avocats au barreau de NIMESMadame Inès Y... ... 30900 NIMES Représentée par la SCP LACK-ISENBERG-BESSIERE, avocats au barreau de NIMESINTIME :Monsieur David A... Regino ... Re

présenté par Me Bruno DE NEOUZE avocat au barreau de PAR...

ARRET No-----------------------28 Septembre 2005-----------------------03/00251-----------------------Nicolas X..., Inès Y... C/ David Z... déférée à la Cour du :20 octobre 2003 Tribunal d'Instance d'ILE ROUSSE54-02-2------------------ASCOUR D'APPEL DE BASTIACHAMBRE SOCIALE ARRET DU : VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE CINQAPPELANTS :Monsieur Nicolas X... ... 30000 NIMES Représent par la SCP LACK-ISENBERG-BESSIERE, avocats au barreau de NIMESMadame Inès Y... ... 30900 NIMES Représentée par la SCP LACK-ISENBERG-BESSIERE, avocats au barreau de NIMESINTIME :Monsieur David A... Regino ... Représenté par Me Bruno DE NEOUZE avocat au barreau de PARISCOMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

L'affaire a été débattue le 28 Juin 2005 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur MUCCHIELLI, Président de Chambre

Monsieur HUYETTE, Conseiller,

Monsieur STEFF, Conseillerqui en ont délibéré.

ARRET No

page 2GREFFIER :

Monsieur DALESSIO, lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2005ARRETContradictoirePrononcé publiquement par mise à disposition au greffe.Signé par Monsieur MUCCHIELLI, Président de Chambre et par Monsieur DALESSIO, greffier présent lors de la mise à disposition de

la décision.***EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 1er octobre 1988 M. David A... a pris à bail à ferme la propriété dite "B...", sise à SPELONCATO (Haute-Corse), appartenant indivisément à M. Joseph Augustin C... et à Mme Amélie C... épouse D..., pour une durée de 18 ans.

Par testament olographe du 2 octobre 1995, M. Joseph C..., décédé le 22 décembre suivant, instituait M. Nicolas X..., son neveu, légataire universel de l'ensemble de ses biens mobiliers et immobiliers, à l'exception notamment de ses droits indivis sur la propriété donnée à bail, ceux-ci devant être vendus et le prix remis à Mme Y... légataire à titre particulier.

Par courrier du 1er juillet 1996 le notaire chargé du règlement de la succession de M. C..., après avoir accusé réception par courrier du 12 février précédent de l'intention de M. A... d'exercer son droit de préemption sur les droits indivis du défunt, a demandé à ce dernier de verser

ARRET No

page 3 directement la moitié des fermages à Mme Y..., en précisant qu'elle était le "nouveau propriétaire de la moitié" indivise de la propriété donnée à bail.

Estimant que le transfert de propriété des droits indivis de M. C... avait été opéré en fraude de son droit de préemption, M. A... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de l'ILE-ROUSSE aux fins d'obtenir

l'annulation du transfert de propriété de la moitié indivise de la propriété B... et la condamnation de M. X... et de Mme Y... à lui payer 4630,97 euros au titre des loyers versés à cette dernière de 1996 à 1999.

M. X... et Mme Y... ont demandé au tribunal, à titre principal, de se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de BASTIA pour apprécier la demande de nullité de l'acte consacrant les droits réels immobiliers de Mme Y..., à titre subsidiaire, de juger forclose l'action de M. A..., à titre infiniment subsidiaire, de constater que le legs à titre particulier est une aliénation à titre gratuit, de dire que le droit de préemption n'a lieu d'être qu'en cas d'aliénation à titre onéreux, de juger dès lors irrecevables et infondées les demandes de M. A..., de le débouter de toutes ses demandes, et en tout état de cause, de condamner M. A... à payer à Mme 4700 euros au titre des fermages des années 2000 à 2003 à Mme Y..., 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 1500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens.

Par jugement du 20 octobre 2003 ce tribunal a dit l'action recevable, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la conformité de la solution adoptée avec les termes du testament olographe de M. C..., a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de BASTIA et dit que M. A... supportera provisoirement les dépens.

M. X... et Mme Y... ont interjeté appel de ce jugement, en limitant initialement leur recours au moyen tiré de la forclusion de l'action de M. A...

ARRET No

page 4

Par conclusions récapitulatives ils demandent, par leur conseil, de réformer le jugement entrepris, à titre principal de dire que l'acte litigieux est une aliénation à titre gratuit, en conséquence de constater que M. A... ne bénéficie pas d'un droit de préemption, de juger son action irrecevable, à titre subsidiaire, si par extraordinaire l'acte litigieux était qualifié de vente, de constater que M. A... n'a pas saisi le tribunal paritaire des baux ruraux dans les six mois de la connaissance de la date de l'acte litigieux, en conséquence de juger son action irrecevable car forclose, en tout état de cause, de condamner M. A... au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

M. A... demande par conclusions récapitulatives de débouter Mme Y... et M. X... de toutes leurs demandes, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la recevabilité de son action, de le réformer en constatant l'existence et la violation de son droit de préemption, en conséquence, de prononcer la nullité du transfert de propriété de la moitié indivise de la propriété B... effectué par M. X... au bénéfice de Mme Y..., de condamner solidairement M. X... et Mme Y... à payer 4630,97 euros correspondant à la totalité des loyers versés à cette dernière de 1996 à 1999 et de les condamner solidairement à payer 5000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens.

A l'audience les parties ont comparu et repris leurs demandes écrites.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'action du preneur à bail.

Le délai de 6 mois prévu par l'article L. 412-12 du Code rural s'applique seulement en cas d'aliénation à titre onéreux du bien rural.

ARRET No

page 5

En l'espèce, l'attestation de propriété dressée le 3 février 1997 par le notaire chargé du règlement de la succession énonce que le défunt a institué M. Nicolas X... légataire universel et qu'il a légué à titre particulier à Mme Inès Y... notamment "la moitié indivise d'une propriété dénommée "B..."... sise à SPELONCATO (Haute-Corse)...", et vise entre autres l'acte du 28 juin 1996 reçu par ce même notaire, aux termes duquel M. X... légataire universel a fait délivrance au profit de Mme Y... du legs particulier à elle consentie.

Il est ainsi constant que le transfert de propriété des droits indivis litigieux opéré au bénéfice de Mme Y... et dont il est argué de nullité pour fraude, soit la délivrance de son legs à titre particulier par l'attribution de la propriété des dits droits indivis, n'est pas une aliénation à titre onéreux.

L'action de M. A... doit donc être déclarée recevable.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux pour statuer sur la demande d'annulation pour fraude du transfert de propriété.

Contrairement aux énonciations du jugement entrepris le tribunal

paritaire des baux ruraux est compétent pour connaître d'une demande qui tend à faire constater une fraude aux dispositions du Code rural, empêchant un preneur d'exercer son droit de préemption.

Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de BASTIA.

ARRET No

page 6

Sur la demande en annulation du transfert de propriété.

Par le testament olographe précité M. C... a notamment institué M. Nicolas X..., son neveu, "légataire universel en toute propriété..." de l'ensemble de ses "biens mobiliers et immobiliers... à l'exclusion..." des "biens situés en Corse..." dont, notamment, "la moitié de la propriété... que j'exploite ...avec ma demi-soeur Mme D... Amélie...", qui "sera vendue et l'argent retiré remis à Mme Y...".

L'attestation de propriété du 3 février 1997 précitée énonce par ailleurs que le défunt n'a laissé aucun héritier ayant droit à une réserve légale dans sa succession et que par ordonnance du 23 février 1996 du vice-président du Tribunal de grande instance de Nîmes, M. X... a été envoyé en possession du legs universel à lui fait par M. C....

Il résulte de ces éléments que le défunt a institué M. X... légataire universel, à charge notamment de vendre ses droits indivis sur la propriété B... et d'en remettre le prix à Mme Inès Y..., légataire à titre particulier.

En ordonnant la vente de ses droits indivis et en choisissant précisément d'en léguer le prix à Mme Y... plutôt que les droits eux-mêmes, M. C... a ainsi non seulement voulu gratifier cette dernière mais également permettre au fermier, dont le bail rappelait expressément la faculté légale d'exercer son droit de préemption en cas de vente, d'acquérir le cas échéant les dits droits.

Dès lors, eu égard aux pièces produites, il convient de constater que le transfert de propriété litigieux, intervenu le 28 juin 1996, par l'attribution par le légataire universel à Mme Y..., pour délivrance de son legs, des droits indivis du défunt sur la propriété "B..." et non de leur prix de vente, au mépris des dispositions expresses du testament, peu de temps après la manifestation par M. A... de son intention d'exercer son

ARRET No

page 7droit de préemption (courrier du notaire du 12 février 1996 précité) et alors que la co-indivisaire avait décliné tout intérêt à l'achat des droits du défunt (courrier du notaire du 24 janvier 1996), a eu pour but de faire échec au droit de préemption de ce dernier et revêt dans ces conditions un caractère frauduleux.

Au surplus, les légataires universel et particulier n'invoquent aucun élément qui les auraient contraint à agir de la sorte.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. A... et de prononcer l'annulation du transfert de propriété des droits indivis de M. C... sur la propriété B... à Mme Y....

Sur la demande de dommages-intérêts.

M. A... soutient à l'appui de celle-ci que si les dispositions légales avaient été respectées il aurait pu exercer son droit de préemption dès 1996, qu'il n'aurait pas eu à régler les fermages versés à Mme Y... et qu'il est donc fondé à obtenir le dédommagement du préjudice subi du fait fautif du légataire universel et de la légataire à titre particulier, au moins à hauteur des loyers versés à cette dernière.

Cependant, eu égard aux observations faites ci-dessus, si Mme Y... n'était pas habilitée à recevoir le paiement des loyers, le fermier était tenu, en tout état de cause, à compter du décès de M. C... de continuer à payer ceux-ci à l'indivision ainsi constituée.

En outre, son préjudice n'est pas égal au montant des loyers dès lors qu'il a bénéficié de la jouissance du bien loué pendant la période considérée et qu'il n'est pas certain, eu égard aux pièces versées aux débats, qu'il aurait acquis les droits indivis du défunt.

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page 8

Dès lors, il y a lieu, au regard des circonstances de la cause, d'évaluer son préjudice à la somme de 2500 euros et de condamner in solidum les appelants à lui payer cette somme.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les sommes par lui exposées devant la Cour et non comprises dans les dépens.

Il convient de lui allouer la somme de 1500 euros à ce titre.

Les appelants qui succombent doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

En la forme,

Reçoit l'appel de M. X... et de Mme Y...,

Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il déclaré M. A... recevable en son action,

Statuant à nouveau,

Dit que le tribunal paritaire des baux ruraux est compétent pour statuer sur la demande,

Evoquant,

ARRET No

page 9

Annule le transfert à Mme Inès Y... de la propriété des droits indivis de M. Joseph Augustin C... sur la propriété "B..." donnée à bail à M. A..., opéré pour délivrance de son legs à titre particulier par M. Nicolas X... légataire universel,

Condamne M. X... et Mme Y... in solidum à payer à M. A... 2500 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne M. X... et Mme Y... à payer à M. A... 1500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946525
Date de la décision : 28/09/2005

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Délai

1/ Le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux est compétent pour connaître d'une demande qui tend à faire constater une fraude aux dispositions du code rural, empêchant un preneur d'exercer son droit de préemption.2/ La concomitance entre l'attribution par le légataire universel à un légataire particulier, pour la délivrance de son legs, au mépris des dispositions expresses du testament, de la propriété de droit indivis et non du prix de leur vente, et la manifestation par le preneur de son intention d'exercer son droit de préemption, démontre le caractère frauduleux de l'opération.


Références :

article L 412-12 du code rural

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MUCCHIELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2005-09-28;juritext000006946525 ?
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