ARRET No du 21 MARS 2005 R.G : 03/00989 C-MCB Décision déférée à la Cour : jugement du 19 juin 2003 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R.G : 99/712 X... Y... C/ Z... COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE CIVILE ARRET DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE CINQ APPELANTS : Monsieur Patrick X... A... de la Plaine La Stradali 20243 PRUNELLI DI FIUMORBO représenté par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour Madame Katia Y... épouse X... B... tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure Serena X... A... de la Plaine La Stradali 20243 PRUNELLI DI FIUMORBO représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Charles C..., avocat au barreau de BASTIA (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 03/2951 du 19/12/2003 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA) INTIME : Monsieur Jean Félix Z... 39 Boulevard Paoli 20200 BASTIA représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour assisté de Me Josette CASABIANCA-CROCE, avocat au barreau de BASTIA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 janvier 2005, où elle a été mise en délibéré au 14 mars 2005, prorogé au 21 mars 2005, devant la Cour composée de : Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre Madame Marie-Florence BRENGARD, Conseiller Monsieur Philippe CAVALERIE, Conseiller qui en ont délibéré. GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Martine D... MINISTERE E... : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a fait connaître son avis. ARRET :
Contradictoire, Prononcé par Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre, à l'audience publique du 21 mars 2005, Signé par Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre, et par Madame Martine D..., présent lors du prononcé. * * * LES FAITS ET LA PROCEDURE :
Madame Katia Y... épouse X... a donné naissance le 22 juin 1995 à un enfant de sexe féminin présentant une agénésie de l'avant bras
malades modifié par l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 dispose que "Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi à l'exception du chapitre 1er... s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée".
Les époux X... ne sollicitent pas la réparation d'un préjudice né d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale mais la réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de la négligence du praticien dans la surveillance échographique d'une grossesse ayant abouti à un diagnostic erroné sur le handicap de leur enfant.
L'article 1er I de la loi du 4 mars 2002 dispose : "La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les
charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité gauche qui n'avait pas été décelée lors des examens échographiques.
Agissant en son nom personnel et comme représentant légal de sa fille mineure prénommée Serena, Madame Katia Y... épouse X... a assigné en responsabilité le Docteur Jean-Félix Z..., médecin ayant suivi la grossesse.
Monsieur Patrick X..., père de l'enfant handicapé, est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement du 19 juin 2003, le Tribunal de grande instance de BASTIA :
- a homologué le rapport d'expertise déposé le 8 janvier 2001 par le Professeur F...,
- a débouté Katia et Patrick X... de l'ensemble de leurs demandes,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration du 24 septembre 2003, Patrick et Katia X... ont régulièrement interjeté appel de cette décision. * * * LES DEMANDES DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 23 janvier 2004 auxquelles il convient de se référer, Madame Katia X... née Y... prise tant en son nom personnel qu'en tant que représentante légale de son enfant Serena et Monsieur Patrick X... sollicitent l'infirmation du
jugement faisant valoir :
- que le Docteur Z... a commis plusieurs fautes engageant sa responsabilité au sens des articles 1146 et suivants du code civil,
- que ces fautes sont constituées d'une part par la négligence et la hâtivité dans la pratique des examens ayant abouti à un diagnostic erroné et d'autre part, par un manquement au devoir d'information renforcé pesant sur le praticien en cette matière,
- que ces fautes sont en relation directe avec les préjudices subis nationale.
Les dispositions du présent article I sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation".
C'est en application de cet article qui a vocation à s'appliquer aux instances en cours que doit être examinée la demande de Monsieur et Madame X... en ce qui concerne la réparation de leur seul préjudice. - Sur le fond :
Les époux X... reprochent au Docteur Z... deux fautes : une négligence dans la surveillance échographique et un manquement au devoir d'information.
Il est constant que depuis un arrêt de principe du 20 mai 1936 : "Il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l'engagement sinon bien évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, mais consciencieux et attentifs et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la
science".
Il convient par conséquent au regard de ces principes de rechercher si le Docteur Z... a commis une faute dans la surveillance échographique de Madame X....
Le Professeur F..., expert expose dans son rapport que :
- au cours de la grossesse, quatre échographies ont été pratiquées et que par conséquent le nombre d'échographies n'est pas critiquable,
- que l'échographie du premier trimestre n'a pas été pratiquée car Madame X... n'a consulté le Docteur Z... pour la première fois pour cette grossesse qu'au terme de dix-huit semaines d'aménorrhée,
- que l'échographie du premier trimestre offre des possibilités de dépistage de malformation de membres et constitue une période favorable en raison du rapport volume de liquide amniotique sur
par eux,
- que leurs préjudices résident en la perte de chance de recourir à une interruption thérapeutique de grossesse conformément à l'article L 162-11 du code de la santé publique, en un préjudice moral du fait de n'avoir pu se préparer à l'accueil d'un enfant lourdement handicapé et en un préjudice matériel en raison, notamment, des frais exposés pour le remplacement régulier des prothèses et aux déplacements imposés par le suivi médical de l'enfant Serena,
et sollicitent la condamnation du Docteur Z... à leur payer à chacun la somme de 38.112,25 euros en réparation des préjudices subis et 1.524,50 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 14 avril 2004, Monsieur Jean-Félix Z... sollicite la confirmation du jugement, l'homologation du rapport d'expertise déposé par le Professeur F... faisant valoir qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité dans la mesure où les examens et investigations ont été réalisés conformément aux données acquises de la science et qu'il n'y a eu aucun manquement dans les moyens mis en oeuvre pour la surveillance échographique.
Monsieur Z... demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rempli son devoir d'information au cours des consultations et examens anténataux et subsidiairement invoque l'absence de droit à réparation résultant de l'absence de préjudice. * * * MOTIFS DE LA DECISION : - Sur l'application de la loi du 4 mars 2002 :
Le premier juge a écarté l'application de la loi du 4 mars 2002 relative à la responsabilité civile médicale au motif que ces règles ne s'appliquent qu'aux actes médicaux accomplis à partir du 5 septembre 2001.
L'article 101 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des volume foetal offrant un contraste optimal qui ira en diminuant avec l'évolution de la grossesse expliquant que paradoxalement malgré des dimensions plus importantes avec le terme, la détection des anomalies de membres peut être plus facile en début de grossesse qu'en fin de grossesse.
- l'appareillage n'est pas en cause dans la non détection de la malformation foetale,
- même s'il n'est pas titulaire d'un diplôme d'échographie en gynécologie-obstétrique, il peut être considéré que le Docteur Z... présente une compétence à réaliser les examens échographiques foetaux de dépistage. pour en conclure que l'analyse rétrospective de la surveillance échographique de la grossesse de Madame X... effectuée par
le Docteur Z... indique qu'il n'y a eu aucun manquement dans les moyens mis en oeuvre pour cette surveillance échographique.
Cependant, l'expert F... note que malgré l'organisation de deux réunions contradictoires, les échographies originales ne lui ont pas été présentées et que seuls les comptes-rendus écrits de trois examens échographiques pratiqués les 11 janvier 1995, 8 février 1995 et 2 mai 1995 sont communiqués et que sur ces comptes-rendus les informations concernent le type de présentation, la biométrie, la morphologie et la vitalité foetale ainsi que les annexes foetales et que les informations sont celles d'un examen échographique complet.
Il est extrêmement fâcheux que les échographies originales n'aient pas été présentées à l'expert F..., celui-ci n'a pu en effet vérifier au vu de celles-ci si Monsieur Z... en avait fait une bonne ou une mauvaise interprétation et partant une erreur de diagnostic. Cette non présentation à l'expert des pièces essentielles de l'examen échographique de Madame X... accrédite la thèse de cette dernière sur la brièveté et le peu de sérieux des examens pratiqués
par le Docteur Z..., examens interrompus par le passage de la secrétaire et de nombreux appels téléphoniques.
En ne remettant pas à l'expert F... les échographies de Madame X..., le Docteur Z... l'a empêché de faire un examen complet de sa responsabilité sur la non détection de l'agénésie du bras à une époque où un examen échographique permet de connaître le sexe d'un enfant à naître.
La faute du Docteur Z... doit être retenue pour avoir affirmé après le premier examen de Madame X... n'avoir pas décelé d'anomalies après étude des membres du foetus et n'avoir pas repris le détail de l'étude des membre dans les échographies du 5 avril et du 2 mais 1995 alors qu'à l'évidence, ce n'était pas le cas puisque l'enfant Serena est dépourvue d'avant bras et de main gauches.
Le Docteur Z... s'est montré négligent et trop hâtif dans son examen du foetus, cette affirmation de ce que l'enfant n'avait aucune anomalie alors qu'il n'en était rien constitue une faute engageant la responsabilité du Docteur Z...
L'expert F... critique également la non remise d'un compte-rendu de l'échographie à la parturiente car elle l'a privée d'un moyen de communication concernant les informations
sur sa grossesse.
Cette non remise d'un compte-rendu de l'échographie à Madame X... est aggravée par un manquement du Docteur Z... à son devoir d'information quant aux limites des procédés d'exploration échographique. Le code de déontologie médicale impose au médecin de donner à son patient "une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose".
Le premier juge a justement souligné que le gynécologue chargé de suivre une grossesse a un devoir d'information renforcé du fait qu les résultats immédiatement offerts par l'instrument peuvent créer chez le patient l'illusion de l'infaillibilité.
L'expert F... relève qu'il appartient au médecin de fournir à la femme enceinte une information sur les possibilités et les limites de l'échographie obstétricale. Il est constant qu'il appartient au médecin de rapporter la preuve de ce qu'il a délivré cette information. Le Docteur Z... ne démontre pas avoir fourni cette information par écrit ce qui est conforme à la pratique d'un médecin qui donne oralement certaines explications.
Aux questions de Madame X... sur l'existence ou non de malformation : "Est-ce que l'enfant a tout ä" le Docteur Z... a répondu "Pourquoi voulez-vous qu'il lui manque quelque chose ä" Cette information qui s'est révélée à la naissance contraire à la réalité témoigne d'une désinvolture fautive quant au devoir d'information du médecin à
l'égard de sa patiente sur les limites de l'échographie obstétricale.
C'est à juste titre que le premier juge a retenu une faute du Docteur Z... dans son devoir d'information.
Par des motifs pertinents que la Cour adopte, le premier juge a retenu :
- qu'il ne peut être valablement soutenu que les parents de Serena ont perdu une chance de recourir à un avortement thérapeutique tel que prévu à l'alinéa 1er de l'article 162-12 du code de la santé publique,
- qu'en effet, Katia X... a admis, comme relaté dans un article de presse en date du 1er avril 1997 que son choix n'aurait pas été l'avortement, même si au cours des opérations d'expertise du 19 janvier 2000, elle s'est montrée moins affirmative,
- qu'en outre il ne peut être préjugé de l'avis des médecins qui auraient eu à se prononcer sur une éventuelle interruption thérapeutique de grossesse au regard de la malformation existante dont il n'est pas certain qu'elle aurait été retenue comme "affection
d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment des faits".
Les époux X... invoquent un préjudice dans la mesure où ils n'ont pu se préparer dans les meilleurs conditions à la naissance d'un enfant handicapé. Le premier juge a rejeté cette demande au motif que la révélation de la malformation congénitale avant la naissance n'aurait pas amoindri l'angoisse.
Les époux X... affirment avoir été très déstabilisés et perturbés par la naissance de leur fille handicapée et il résulte du certificat de Madame C..., psychothérapeute que Madame X... a du être suivie après la naissance de sa fille pour un état dépressif avec sentiment de culpabilité et d'injustice et profond sentiment d'échec.
Il est certain que si l'accouchement est pour une mère un événement heureux puisqu'il permet la venue au monde de son enfant, il est également un moment de fatigue physique et psychologique que vient aggraver la révélation du handicap de l'enfant à ce moment-là.
Si les époux X... avaient connu par les examens échographiques et une information complète de la part du Docteur Z... des limites de ces examens, le handicap de leur enfant avant la naissance de celui-ci, ils auraient pu se préparer psychologiquement à la venue de cet enfant en faisant appel au besoin à un psychologue ou psychothérapeute et n'auraient pas vécu la détresse et la souffrance
dus au choc de la révélation du handicap au moment de la naissance.
Les fautes conjuguées du Docteur Z... ont entraîné pour les époux X... un préjudice moral pour n'avoir pu se préparer au handicap de leur enfant qu'il convient de réparer.
Le préjudice moral et psychologique e Madame X... sera équitablement évalué à la somme de 30.000 euros, celui de son mari à la somme de 20.000 euros.
Il y a lieu de fixer à la somme de 1.200 euros le montant des frais non compris dans les dépens que l'équité commande de ne pas laisser à la charge des époux X... en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. * * * PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare applicable à la présente procédure l'article 1er I de la loi du 4 mars 2002,
Dit que le Docteur Jean-Félix Z... a
commis des fautes dans le suivi échographique de la grossesse de Madame Katia Y... épouse X... et dans son devoir d'information,
Dit que ces fautes ont causé aux époux X... un préjudice moral pour n'avoir pu se préparer à l'accueil d'un enfant handicapé,
Condamne le Docteur Jean-Félix Z... à payer à Madame Katia Y... épouse X... la somme de TRENTE MILLE EUROS (30.000 euros) et à Monsieur Patrick X... la somme de VINGT MILLE EUROS (20.000 euros) ainsi que la somme de MILLE DEUX CENTS EUROS (1.200 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamne le Docteur Jean-Félix Z... aux dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER, LE PRESIDENT, FEUILLE DE SUIVI APRES ARRET 03/00989 Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard
de toutes les parties au recours arrêt du VINGT ET UN MARS DEUX MILLE CINQ
X... Rep/assistant : la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN (avoués à la Cour) Y... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 03/2951 du 19/12/2003 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA) Rep/assistant : la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN (avoués à la Cour) Rep/assistant : Me Charles C... (avocat au barreau de BASTIA) C/ Z... Rep/assistant : Me Antoine-Paul ALBERTINI (avoué
à la Cour) Rep/assistant : Me Josette CASABIANCA-CROCE (avocat au barreau de BASTIA) DOSSIERS AVOUES MANQUANTS :
NON RENDRE LES DOSSIERS AUX AVOUES DOSSIERS RENDUS LE NOMBRE DE PHOTOCOPIES : 12