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11/02/2003 | FRANCE | N°2003/00028

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 11 février 2003, 2003/00028


ARRET N° --------------------- 11 Février 2003 --------------------- R 01/00058 --------------------- MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE, DIRECTION DU TRAVAIL SERVICE REGIONALE INSPECTION DU TRAVAIL EMPLOI POLITIQUES SOC AGRICO, PREFECTURE DE LA REGION CORSE C/ Jean Noùl FRAGAGLIA, GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE ---------------------99/397 Conseil de Prud'hommes AJACCIO 06 Février 2001 ----------------- COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE SOCIALE ARRET DU Onze février deux mille trois APPELANTE : MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE Parc Cunéo d'ornano BP 407 20175 AJACCIO Représentée pa

r la SCP BRANQUART TORDJMAN MAILLARD, avocats au barrea...

ARRET N° --------------------- 11 Février 2003 --------------------- R 01/00058 --------------------- MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE, DIRECTION DU TRAVAIL SERVICE REGIONALE INSPECTION DU TRAVAIL EMPLOI POLITIQUES SOC AGRICO, PREFECTURE DE LA REGION CORSE C/ Jean Noùl FRAGAGLIA, GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE ---------------------99/397 Conseil de Prud'hommes AJACCIO 06 Février 2001 ----------------- COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE SOCIALE ARRET DU Onze février deux mille trois APPELANTE : MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE Parc Cunéo d'ornano BP 407 20175 AJACCIO Représentée par la SCP BRANQUART TORDJMAN MAILLARD, avocats au barreau de PARIS DIRECTION DU TRAVAIL SERVICE REGIONALE INSPECTION DU TRAVAIL EMPLOI POLITIQUES SOC AGRICO Les bureaux de Marveyres 10 Bd Ralli 13008 MARSEILLE 08 Représentée par Me François PONS, avocat au barreau de PARIS PREFECTURE DE LA REGION CORSE Palais LANTIVY Rue S Casalonga 20000 AJACCIO Représentée par Me François PONS, avocat au barreau de PARIS INTIMEE : Madame Veuve Jean Noùl X... Villa Cume Sognu Y... du Vittulo 20000 AJACCIO Représentée par Me ALEXANDRE et Me Jean François SALASCA, avocats au barreau d'AJACCIO

ARRET N°

page 2 GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE 24 parc Club du Golf ZAC de Pichaury- Les Miles 13090 AIX EN PROVENCE Représenté par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Z..., Monsieur HUYETTE, Conseillers ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, ils en ont rendu

compte à la Cour lors du délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Monsieur LEMONDE, Président de Chambre Madame Z..., Conseillère Monsieur HUYETTE, Conseiller GREFFIER :

Monsieur A..., lors des débats et du prononcé et qui a signé le présent arrêt. DEBATS

A l'audience publique du 10 Décembre 2002 où l'affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2003 puis prorogée au 11 Février 2003, ARRET Contradictoire Prononcé par Monsieur LEMONDE, Président de Chambre à l'audience publique du 11 Février 2003.

***

ARRET N°

page 3 EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Jean-Noùl X... a exercé les fonctions de Directeur de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole d'AJACCIO (désignée ci-après : "la Caisse") à compter du 30 avril 1981.

De graves anomalies ayant été constatées dans la gestion de la Caisse, le Comité Départemental d'Examen des Comptes (CODEC) de

celle-ci a émis, au mois de mars 1998, un avis défavorable à l'adoption des comptes de l'exercice 1996.

Les Ministres de l'Agriculture, de l'Economie et des Finances, de l'Emploi et de la Solidarité ont alors demandé un contrôle approfondi aux Services de l'Inspection Générale des Finances, de l'Inspection Générale des Affaires de Sécurité Sociale et de l'Inspection Générale de l'Agriculture.

L'inspection, conduite sur place en juillet 1998, a conclu à d'importants dysfonctionnements (violation des procédures réglementaires à l'occasion d'opérations d'annulation de cotisations ou de majorations de retard, défaut de transmission à 1'huissier coordonnateur des contraintes émises, absence ou insuffisance de contrôle de l'affiliation ou des revenus professionnels, pratiques budgétaires altérant la sincérité des comptes, etc).

Au vu de ces éléments, le Ministre de l' Agriculture a, par arrêté du 30 septembre 1998, suspendu le Conseil d'Administration et nommé Georges B... en qualité d'Administrateur Provisoire de la Caisse puis a, par arrêté du 16 octobre 1998, retiré l'agrément de Jean-Noùl X...

Le 19 novembre 1998, l' Administrateur Provisoire a convoqué M. X... à un entretien préalable pour le jeudi 26 novembre 1998. Le 27 novembre 1998, il a saisi la Commission Paritaire Mixte prévue par l'article 12 de la Convention Collective et la Commission de Discipline instituée par les articles R.123-51 et R.123-53 du Code de la Sécurité Sociale.

ARRET N°

page 4 Ces instances ayant émis tour à tour un avis favorable au licenciement de l'intéressé pour faute grave, l'Administrateur Provisoire a notifié cette sanction à M. X... par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 janvier 1999.

C'est en cet état que Mme X..., en qualité d'ayant-droit de son mari (celui-ci étant décédé dans l'intervalle), a saisi le Conseil des Prud'hommes de demandes tendant à la condamnation de la Caisse à lui payer les sommes de :

- 2 604 348 F à titre d'indemnité de licenciement,

- 630 730 F à titre d'indemnité de préavis,

- 500 000 F à titre de dommages-intérêts.

Mme X... a également appelé en cause la Compagnie d'assurance GROUPAMA, une convention ayant été passée entre cette compagnie et la Caisse quant à la prise en charge du salaire du Directeur.

Par jugement avant dire droit du 6 juillet 2000, le Conseil de Prud'hommes a désigné deux membres de sa formation de jugement en qualité de conseillers rapporteurs, avec pour mission de mener une mesure d'instruction au siège de la Caisse. Les conseillers rapporteurs, après avoir demandé à celle-ci de leur fournir un certain nombre d'informations, se sont rendus sur place les 29 juin, 12 et 18 juillet 2000 pour y procéder à diverses auditions de membres du personnel et ont déposé leur rapport le 27 août 2000.

Par jugement du 6 février 2001, le Conseil de Prud'hommes a dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Caisse à payer à Mme X... les sommes suivantes :

- 3 216 672 francs à titre d'indemnité de licenciement ;

- 630 730 francs à titre d'indemnité de préavis ;

- 500 000 francs en application de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ;

- 10 000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET N°

page 5

L'exécution provisoire, qui avait été ordonnée à hauteur de 2 millions de francs, a été levée par ordonnance du Premier Président en date du 24 avril 2001, à l'exception de la partie assortissant de plein droit le jugement soit 476 640 francs.

La Caisse de Mutualité Sociale Agricole a régulièrement fait appel de ce jugement. Devant la Cour, elle en demande l'annulation et, subsidiairement, la réformation. Elle sollicite en outre la somme de 3 048,98 euros (20 000 francs) sur le fondement de l' Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .

L'autorité de tutelle, représentée par le Directeur du travail et le Préfet de la Région Corse, se joint aux conclusions de la Caisse.

Mme X..., appelante incidente, demande à la Cour de :

- voir confirmer le jugement querellé du 6 février 2001 en ce qu'il a déclaré le licenciement pour faute grave de Feu Monsieur Jean Noêl X..., sans cause réelle et sérieuse et en violation des prescriptions des articles L.122-41 et L.122-44 du Code du travail, 6-1 de la Convention Européenne et de Sauvegarde des Droits de l'Homme, et la somme allouée de 500.000 F (76 224,51 ä) au titre de l'application des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du Travail.

- en tant que de besoin, dire et juger que :

* l'administrateur provisoire n'avait pas qualité pour procéder au

licenciement ;

* le retrait de l'agrément n'est pas constitutif d'un cas de force majeure, n'entraîne pas la rupture automatique du contrat de travail et n'est pas privatif de toute indemnité ;

* la qualification des faits entraîne leur prescription ;

ARRET N°

page 6

* l'avis de la Commission de Discipline viole les dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

* Cette violation d'une garantie de fond entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* le licenciement est intervenu hors délai ;

* l'employeur avait une connaissance parfaite de la situation de la caisse depuis au moins 20 années et en connaissait précisément l'origine et la cause ;

* Monsieur Jean Noùl X... n'a jamais commis de faute dans l'exercice de la mission qui lui a été confiée, conformément à la délégation de pouvoir consentie par le Conseil d'Administration de la MSA ;

* déclarer son licenciement comme abusif justifiant l'allocation de légitimes dommages-intérêts ;

- En conséquence, voir condamner la MSA à payer à Madame Veuve Jean Noùl X..., les sommes suivantes :

* indemnité de préavis 96 154,17 ä

* indemnité de congés payés 11 153,78 ä

* indemnité de licenciement 397 030,29 ä

- Condamner la MSA à payer à Madame Veuve Jean Noùl X... la somme de 7 622,45 ä au titre des dispositions de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

La Compagnie GROUPAMA demande sa mise hors de cause.

ARRET N°

page 7 MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de mettre hors de cause la Compagnie GROUPAMA, à l'encontre de laquelle aucune demande n'est formulée devant la Cour. I. Sur l'annulation du jugement

En application de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal indépendant et impartial.

Ce principe n'interdit évidemment pas au magistrat d'avoir des opinions avant l'issue du procès, mais il lui impose d'être apte à en changer sous l'influence d'un fait ou d'une argumentation. Aussi le justiciable est-il fondé à émettre un doute sérieux sur l'impartialité du juge si celui-ci prend ouvertement position avant la fin de l'instance.

En l'espèce, les deux conseillers rapporteurs (l'un d'eux étant le président de la formation de jugement) ont indiqué dans leur rapport : "Le demandeur n'a fait qu'appliquer les instructions de sa hiérarchie. Il apparaît qu'au cours de la période postérieure à

l'assassinat de Monsieur le Préfet ERIGNAC, un changement radical de politique a conduit à rechercher des responsables et, selon l'expression consacrée, à faire tomber des têtes ; que le retrait d'agrément n'a été qu'une photographie ponctuelle de la situation, laquelle décision était en contradiction complète et brutale avec la politique menée antérieurement par les pouvoirs publics; qu'en conclusion, aucune faute personnelle de M. X... n'a pu être relevée et que le traitement dont ce dossier a fait l'objet semble plus être une sanction relevant du domaine politique que du domaine professionnel".

De telles conclusions, alors que la mission du Juge Rapporteur doit se limiter à rapporter des éléments de fait, à réunir objectivement des informations destinées à permettre au Conseil de statuer, conformément à l'article R.516-21 du Code du Travail, était de nature à faire naître un doute sérieux sur l'impartialité de ces juges.

ARRET N°

page 8

Ce doute s'est manifesté par le dépôt de conclusions aux audiences des 7 novembre 2000 et 5 décembre 2000, la Caisse soulevant la nullité du rapport et faisant valoir que l'avis préalablement émis par les deux conseillers rapporteurs leur interdisait de participer aux délibérations. Le Conseil est néanmoins passé outre.

Le soupçon de partialité n'a pu qu'être conforté à la lecture du contenu de la décision ultérieure, le Conseil ayant :

- d'une part statué ultra petita en accordant à Mme X... des

indemnités excédant ses demandes de plus de 600 000 francs,

- d'autre part violé le principe du contradictoire en relevant d'office un moyen tiré du non-respect de l'article R. 123-51 du Code de la Sécurité Sociale, à propos de la composition de la Commission de discipline, alors que les explications des parties n'avaient pas été recueillies sur ce point conformément à l'article 16 du NCPC,

- enfin interprété les déclarations des personnes entendues à l'audience d'une manière telle que cette interprétation a ensuite été contestée par certains des intéressés.

Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que la Caisse se prévaut d'une violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le jugement sera annulé, la Cour statuant sur l'ensemble du litige.

II. Sur la régularité de la procédure de licenciement

Mme X... fait valoir que :

1°) la convocation à l'entretien préalable n'aurait pas été motivée:

Sur ce point, il suffit de relever que la lettre du 19 novembre 1998 précisait l'objet de la convocation, la possibilité pour M. X... de se faire assister par toute personne de son

ARRET N°

page 9 choix et l'heure fixée pour l' entretien préalable. Les dispositions de l'article L. 122-14 du Code du Travail ont donc été respectées.

2°) les fautes retenues seraient prescrites au regard de l'article

L.122-44 du Code du Travail :

A ce sujet, il convient de souligner que la mission d'enquête, qui faisait suite à l'avis défavorable du CODEC, a débuté au mois de juillet 1998. Par lettre du 4 août 1998, l'Inspection Générale des Finances a communiqué son rapport d'enquête à M. X... en lui précisant : "ce document ne sera considéré comme définitif qu'à la date du 5 septembre 1998 et ceci afin de vous laisser la possibilité de nous faire part de vos observations". Par courrier du 29 août 1998, M. X... a fait connaître ses observations. Le Ministre de l'Agriculture a été rendu destinataire du rapport établi par l'Inspection Générale le 23 septembre 1998. Par courrier du 1er octobre 1998, le Ministre a informé M. X... de la mesure de retrait envisagée à son égard et l'a invité à faire connaître ses observations dans un délai de 8 jours. Le 2 octobre, le Ministre a transmis le rapport d'enquête à l'Administrateur Provisoire. Ce n'est donc qu'à cette date que la phase d'enquête a pris fin et que l'administrateur provisoire, qui devait attendre de connaître le contenu du rapport définitif ainsi que les observations de M. X... pour apprécier dans tous ces éléments la situation de ce dernier, a pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés. En conséquence, les poursuites engagées le 19 novembre 1998 par la convocation à l'entretien préalable l'ont été dans le délai de deux mois prévu à l'article L.122-44 du Code du travail.

3°) le licenciement serait intervenu plus d'un mois après l'entretien préalable, en violation de l'article L.122.41 du Code du travail.

Sur ce point, il importe de rappeler que la saisine d'une instance disciplinaire a pour effet d'interrompre le délai prévu par l'article susvisé et de le suspendre pendant toute la durée de cette saisine. En l'espèce, M. X... a été convoqué à un

ARRET N°

page 10 entretien préalable à son éventuel licenciement par courrier du 19 novembre 1998. Il a été entendu, avec son conseil, par les Commissions de Discipline et Paritaire Mixte qui ont rendu leur avis, la première le 15 décembre 1998, et la seconde le 6 janvier 1999. Le licenciement ayant été notifié par l' Administrateur provisoire le 14 janvier 1999, le délai de l'article L.122.41 du Code du travail a été respecté.

4°) le licenciement pour faute grave serait intervenu en l'absence de mise à pied conservatoire ;

Sur ce point, il suffit de rappeler qu'aucun texte n'oblige l'employeur à procéder à une mesure conservatoire avant d'ouvrir une procédure de licenciement motivée par une faute grave. La mise à pied était au surplus inutile en l'espèce, dès lors que le retrait d'agrément entraînait ipso facto cessation des fonctions.

5°) la Commission de Discipline aurait été irrégulièrement composée :

L'intimée reprend ici partiellement le moyen relevé d'office par les Premiers Juges : la Commission de Discipline ayant été présidée par le représentant du Ministère de tutelle, qui était aussi le supérieur hiérarchique de l'administrateur provisoire de la MSA et le signataire du retrait d'agrément notifié à M. X..., il y aurait eu confusion des fonctions dans la composition et le fonctionnement des organes de poursuite et de jugement et donc violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

et des libertés fondamentales.

Sur ce point, il sera répondu que la Commission de Discipline ne constitue ni un organe de poursuite ni une juridiction mais seulement un organisme consultatif dont l'avis, dans le cadre d'une procédure disciplinaire, est obligatoire. A ce titre, elle n'est pas soumise aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention précitée.

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page 11

6°) l'administrateur provisoire n'aurait pas eu le pouvoir de procéder au licenciement :

Mme X... soutient que M. B... ne pouvait se substituer au Conseil d'administration et, en l'absence de pouvoir spécial, n'était chargé que d'expédier les affaires courantes.

Sur ce point, il convient de rappeler que le Conseil d'Administration de la Caisse ayant été suspendu par arrêté du 30 septembre 1998 du Ministre de l' Agriculture, l'administrateur provisoire exerçait, pendant la durée de sa mission, tous les pouvoirs normalement dévolus au conseil d'administration et notamment tous les actes nécessaires et urgents liés au fonctionnement de la Caisse.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la procédure est régulière.

III. Sur les effets du retrait de l'agrément

En application des articles R 122-1 et R 123-48 à R 123-50-1 du code de la sécurité sociale, les directeurs des caisses de mutualité sociale agricole doivent pour exercer leur activité recevoir un agrément ministériel, et cet agrément peut leur être retiré par la

même autorité.

D'autre part, selon le dernier alinéa de l'article R 123-50 du même code, "le retrait d'agrément entraîne de plein droit cessation des fonctions pour lesquelles l'agrément avait été accordé".

Il ressort de ces dispositions que si le retrait d'agrément d'un directeur de mutualité sociale agricole interdit à l'employeur de le maintenir à ce poste, il ne contraint pas à lui seul ce dernier à licencier l'intéressé : même s'il n'a pas d'obligation en ce sens, il peut l'affecter sur un autre poste s'il en existe un de disponible et si le contrat de travail le permet; si tel n'est pas le cas, employeur et salarié ont encore la possibilité de signer un avenant au contrat initial pour permettre au directeur de prendre un autre emploi.

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page 12 A défaut, il appartient à l'employeur, si nécessaire, de procéder à un licenciement selon les formes légales

En conséquence, le retrait par arrêté ministériel du 16 octobre 1998 de l'agrément accordé précédemment à M. X... n'a pas à lui seul rompu son contrat de travail et le bien fondé du licenciement du 14 janvier 1999 doit être apprécié par la Cour.

IV. Sur la faute grave

Le rapport de la mission menée par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de l'agriculture a révélé les faits suivants, repris, de manière détaillée, aux motifs de la lettre de licenciement :

- carences graves et répétées dans le recouvrement forcé des cotisations ;

- annulation de cotisations dues par des adhérents radiés, pratiquée sur simple déclaration, annulation de majorations de retard dues sur cotisations sanctions impayées, opérée à la seule initiative de M. X..., sans que soient respectées les procédures législatives et réglementaires ;

- absence totale de véritable contrôle sur les revenus d'activités agricoles ainsi que sur les ressources des bénéficiaires de prestations et dissémination des dossiers administratifs dans les services de la caisse (empêchant toute action de contrôle ou de recouvrement efficace).

Ces faits, dont la matérialité n'est pas contestable, sont révélateurs d'une désorganisation générale et ont conduit à une situation financière critique pour la MSA.

Mme X... ne peut être suivie lorsqu'elle en impute la responsabilité aux errements de "la hiérarchie" ou de "la tutelle".

ARRET N°

page 13 En effet, M. X... occupait au sein de la MSA les plus hautes fonctions. Le fait qu'il les ait exercées dans le contexte particulièrement difficile de la Corse, caractérisé à l'époque par un laisser aller général, observable également dans d'autres secteurs que l'agriculture, ne saurait évidemment l'exonérer de ses propres responsabilités, sauf à considérer que personne n'était responsable de la situation.

Aux termes de la délégation de pouvoirs qui lui avait été consentie lors de sa nomination, le Directeur devait représenter la Caisse, ordonner toutes les recettes et toutes les dépenses, ester en justice, prendre toutes mesures conservatoires, provoquer toutes saisies mobilières ou immobilières ainsi que toutes autres mesures d'exécution. Aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer qu'il avait reçu pour instructions de ne pas respecter les dispositifs légaux ou réglementaires. Bien au contraire, le rapport d'enquête relève que la Caisse semble avoir de fait mis en pratique les délibérations régulièrement annulées par la tutelle . M. X... n'a jamais émis la moindre réserve à l'égard du Conseil d'Administration, de la Caisse Centrale ou de l'autorité de tutelle, concernant l'administration de la Caisse, ce qu'il aurait évidemment dû faire si certaines délibérations lui avaient paru illégales ou contraires à sa mission de service public. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que la Direction se réservait personnellement le suivi des débiteurs les plus importants.

Au vu de ces éléments, le bien fondé du licenciement de M. X... ne peut être sérieusement contesté :

il est établi que les faits qui lui ont été reprochés à en sa qualité de directeur étaient constitutifs de fautes graves, qui rendaient impossible son maintien en fonctions pendant la durée du préavis.

D'ailleurs, M. X... s'est vu retirer son agrément de directeur en raison des fautes ci-dessus exposées, qui étaient rappelées à l'arrêté ministériel susvisé. Il n'a nullement contesté la légalité de cet arrêté en saisissant la juridiction administrative d'un recours pour excès de pouvoir. Il a ainsi implicitement reconnu l'exactitude matérielle des faits reprochés.

ARRET N°

page 14

En conséquence, Mme X... ne peut qu'être déboutée de ses demandes.

Il n'y a pas lieu, en équité, à faire application de l' Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R ,

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré, Annule le jugement,

Met hors de cause la Compagnie GROUPAMA,

Déboute Mme X... de ses demandes Déboute les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples,

Condamne Mme X... aux dépens.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2003/00028
Date de la décision : 11/02/2003
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal - Impartialité - Défaut - Caractérisation.

En application de l'article 6.1 de la Convention Européenne des droits de l'Homme et du Citoyen, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Ce principe n'interdit pas au magistrat d'avoir des opinions avant l'issue du procès, mais il lui impose d'être apte à en changer sous l'influence d'un fait ou d'une argumentation. Aussi le justiciable est-il fondé à émettre un doute sérieux sur l'impartialité du juge si celui-ci prend ouvertement position avant la fin de l'instance. Dès lors, doit être considéré comme partial un conseiller-rapporteur qui émet un avis avant la fin de l'instance, alors que ses attributions se limitent à rapporter des éléments de fait et à réunir des informations destinées à permettre à la juri- diction de statuer

AGRICULTURE - Mutualité agricole - Organismes - Personnel - Contrat de travail.

Si aux termes de l'article R 123-50 du Code de la sécurité sociale, le retrait d'agrément d'un Directeur de mutualité sociale agricole "entraîne de plein droit cessation des fonctions pour lesquelles l'agrément avait été accordé", ce retrait n'entraîne pas à lui seul rupture du contrat de travail, et le juge doit approuver le bien- fondé du licenciement qui lui fait éventuellement suite


Références :

N1 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, article 6.1 N2 Code de la sécurité sociale, article R123-50

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2003-02-11;2003.00028 ?
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