COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N° 153 DU DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
AFFAIRE N° : RG 23/00809 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DTA3
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 11 juillet 2023 - section activités diverses -
APPELANT
Monsieur [Z] [F]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Maître Serge BILLE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART - Toque 6
INTIMÉE
S.A.S. COMPAGNIE DES ILES DU NORD 'C.I.N'
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Maître Sandrine JABOULEY-DELAHAYE de la SELARL JDLR AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART - Toque 13 -
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 6 mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
Mme Valérie Marie-Gabrielle, conseillère,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 1er juillet 2024, date à laquelle la mise à disposition de la décision a été successivement prorogée au 2 septembre 2024.
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
et par Mme Valérie Souriant, greffier princpal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE.
Par contrat de travail à durée déterminée en date du 17 septembre 2018 à effet du même jour, Monsieur [Z] [F] a été recruté par la société Compagnie des îles du nord en qualité de cariste, et ce pour une durée de cinq mois, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 750 euros.
Par un avenant en date du 17 février 2019, à effet du 18 février 2019, le contrat de travail de Monsieur [F] était transformé en contrat à durée indéterminée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 octobre 2020, Monsieur [Z] [F] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et mis à pied à titre conservatoire.
Monsieur [Z] [F] a été licencié pour faute grave par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 novembre 2020.
Monsieur [Z] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre par une requête enregistrée le 15 janvier 2021 afin de contester son licenciement et de former un certain nombre de demandes indemnitaires en lien avec la rupture et l'exécution de son contrat de travail.
Le 16 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a dressé procès-verbal de partage de voix.
Par jugement en date du 11 juillet 2023, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
débouté Monsieur [Z] [F] de l'intégralité de ses demandes,
condamné Monsieur [Z] [F] à verser à la SAS Compagnie des îles du nord la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Monsieur [Z] [F] aux entiers dépens,
dit que la décision ne serait pas assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée le 31 juillet 2023 via le réseau privé virtuel des avocats, Monsieur [Z] [F] a relevé appel de la décision en toutes ses dispositions.
Le 14 septembre 2023, avis a été donné à Monsieur [Z] [F] de signifier sa déclaration d'appel à la société intimée non constituée, ce qu'il a fait par acte de commissaire de justice en date du 28 septembre 2023.
Par acte notifié par le réseau privé virtuel des avocats le 18 septembre 2023, la société Compagnie des îles du nord a constitué avocat et par nouvel acte notifié par la même voie le 5 octobre 2023, elle a constitué un autre avocat en lieu et place du premier.
Le magistrat en charge de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction le 18 avril 2024 et a renvoyé la cause et les parties à l'audience du 6 mai 2024, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Vu les dernières conclusions notifiées le 17 avril 2024 par le réseau privé virtuel des avocats par lesquelles Monsieur [Z] [F] demande à la cour :
« - d'infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Jugeant à nouveau :
de dire et juger la mise à pied conservatoire irrégulière et l'annuler pour non-respect des délais, et des plus contestables,
de dire et juger la soi-disant faute grave de vol non constituée, conformément à l'article 1333-1 du code du travail,
d'ordonner à toutes fins, toutes mesures d'instruction utiles à la réalité des faits, conformément à l'article L 1333-3 du code du travail,
d'annuler la sanction irrégulière, injustifiée et disproportionnée du 14 Octobre 2020, conformément à l'article L 1333-2 du code du travail,
d'ordonner la rémunération de tous les jours de la mise à pied pour un montant de 1 750 euros, soit du 14 octobre au 5 novembre 2020,
Vu sa contestation sérieuse de la mise à pied et de son licenciement pour faute grave,
d'ordonner le paiement des salaires du 14 octobre au 5 novembre 2020 pour un montant de 1 750 euros,
de condamner la Compagnie des îles du Nord au paiement des sommes suivantes :
175 euros au titre des congés payés du 14 octobre au 5 novembre 2020,
1 250 euros au titre des congés annuels,
1 250 euros au titre de la prime annuelle,
1 750 euros pour non-respect de la procédure tant de la mise à pied que du licenciement,
1 750 euros au titre du préavis d'un mois,
175 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
de dire et juger son licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
de condamner la Compagnie des îles du nord à la somme de 10 500 euros au titre de l'indemnité de licenciement pour rupture abusive,
de condamner la Compagnie des îles du nord à lui verser la somme de 1 313 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
de condamner la Compagnie des îles du nord à lui payer la somme totale de 20 413 euros,
de condamner la Compagnie des îles du nord au paiement des intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2020, 3,11 % jusqu'au 31 décembre 2020, pour un montant de 185,70 euros et du 1er janvier au 18 mai 2021, 3,14 % pour un montant de 241,52 euros, soit un total des intérêts dus de 427,52 euros,
de condamner la Compagnie des îles du nord à lui verser la somme de 20 740,52 euros sauf à parfaire jusqu'au règlement effectif,
d'ordonner à la Compagnie des îles du nord la remise de documents découlant du licenciement aux torts exclusifs de l'employeur, à savoir le certificat de travail, les bulletins de paie et de toutes pièces que l'employeur est tenu de délivrer, en l'espèce :
l'attestation pôle emploi,
le certificat de travail,
les bulletins de paie,
le solde de tout compte,
sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir ,
de condamner la Compagnie des îles du nord pour atteinte à sa réputation et la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
de condamner la Compagnie des îles du nord à l'indemniser du préjudice tant matériel que moral pour un montant de 5 000 euros,
de la condamner à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Serge F. Bille. »
Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 17 novembre 2023 par lesquelles la société Compagnie des îles du nord demande à la cour :
A titre principal : sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
- de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la déclaration d'appel :
ne contenant ni une demande d'infirmation ni une demande de réformation voire d'annulation du jugement,
ne contenant pas l'énoncé clair des chefs de jugement expressément critiqués hormis les frais irrépétibles et les dépens,
à tout le moins, de se déclarer non saisie des chefs du jugement expressément critiqués à l'exception des frais irrépétibles et des dépens, c'est-à-dire de se déclarer non saisie :
de la procédure ou le fondement de la mise à pied conservatoire,
de l'absence injustifiée du 8 octobre au 13 octobre 2020,
des faits ayant donné lieu au licenciement pour faute grave,
de la procédure ou de la réalité et le sérieux de la motivation du licenciement,
de l'indemnité de congés payés,
de la prime annuelle,
de l'indemnité pour non-respect de la procédure tant de la mise à pied que du licenciement,
de l'indemnité de préavis et de licenciement,
de l'indemnité de licenciement pour rupture abusive,
de la délivrance des documents de fin de contrat,
des dommages et intérêts pour atteinte à la réputation,
des dommages et intérêts pour préjudice moral.
II. A titre subsidiaire : au fond.
Préliminairement et en tout état de cause :
d'écarter toute pièce transmise par Monsieur [F] dans le cadre de son dossier, en application de l'article 906 du code de procédure civile, comme ne lui ayant pas été communiquée sauf pour lui à démontrer une communication loyale des pièces visées dans ses écritures avant l'audience de plaidoirie d'appel,
2. Après analyse des pièces et arguments versés aux débats :
de déclarer mal fondé l'appel de Monsieur [Z] [F] à l'encontre de la décision rendue le 11 juillet 2023 par le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, section activités diverses,
Par conséquent,
de confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage querellé du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, section activités diverses, en date du 11 juillet 2023,
de débouter Monsieur [Z] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins, prétentions, conclusions plus amples ou contraires,
Après avoir préalablement,
Vu notamment les articles L 1237-11 et suivants, L 1332-3, L 1332-4, L 1232-2, L 1235-2, L 1235-3, L 1234-1, L 1234-9, L 6223-1 et suivants du code du travail,
Vu l'article L 1231-7 du code civil,
Vu notamment les articles 699, 700 du code de procédure civile,
Vu notamment la jurisprudence,
- de juger que le licenciement repose sur une faute grave, réelle et sérieuse,
- de juger la régularité de la procédure de mise à pied conservatoire et de licenciement,
- de débouter Monsieur [Z] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins, prétentions, conclusions plus amples ou contraires et notamment de :
sa demande de rémunération de tous les jours de mise à pied pour un montant de 1 750 euros, soit du 14 octobre au 5 novembre 2020, demandée par deux fois,
sa demande de la condamner au paiement des sommes suivantes :
175 euros au titre des congés payés du 14 octobre au 5 novembre 2020,
1 250 euros au titre des congés annuels,
1 250 euros au titre de la prime annuelle,
1 750 euros pour non-respect de la procédure tant de la mise à pied que du licenciement,
1 750 euros au titre du préavis d'un mois,
175 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
10 500 euros au titre de l'indemnité de licenciement pour rupture abusive,
1 313 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
sa demande de la condamner au paiement des intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2020, 3,11 % jusqu'au 31 décembre 2020, pour un montant de 185,70 euros et du 1er janvier au 18 mai 2021, 3,14 % pour un montant de 241,52 euros, soit un total des intérêts dus de 427,52 euros,
sa demande d'ordonner la remise de documents découlant du licenciement aux torts exclusifs de l'employeur, à savoir le certificat de travail, les bulletins de paie et toutes pièces que l'employeur est tenu légalement de délivrer sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir,
sa demande de la condamner pour atteinte à sa réputation et à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
sa demande de l'indemniser de son préjudice tant moral que matériel pour un montant de 500 euros,
sa demande de le condamner à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Serge Bille,
Y ajoutant,
de condamner Monsieur [Z] [F] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Pour le surplus des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION.
Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel.
L'article 901 du code de procédure civile dispose que :
« La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. »
L'article 562 du même code édicte que :
« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
Aucun de ces textes ni aucune autre disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation. (cour de cassation, chambre civile 2, 25 mai 2023, 21-15.842).
D'autre part et dès lors que la déclaration d'appel reprend le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] [F] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens, son objet et sa portée en sont parfaitement définis.
La société Compagnie des îles du nord sera donc déboutée de son moyen visant au constat de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel notifiée par Monsieur [Z] [F] le 31 juillet 2023.
Sur la communication des pièces de l'appelant.
Aux termes de l'article 132 du code de procédure civile, « la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. »
Par le réseau privé virtuel des avocats, Monsieur [Z] [F] a notifié le 5 octobre 2023 un bordereau de communication de 8 pièces.
La société Compagnie des îles du nord indique dans ses écritures ne pas avoir été destinataire des pièces produites en appel par Monsieur [Z] [F] visées par ledit bordereau.
Il résulte de l'article 132 du code de procédure civile précité, dans sa rédaction issue de l'article 8 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, que la communication de pièces doit être spontanée et sans exception, en cause d'appel, pour les pièces déjà produites en première instance.
Aucun élément ne permet de s'assurer que les pièces produites en appel et visées dans le bordereau notifié par Monsieur [Z] [F] par le réseau privé virtuel des avocats ont bien été communiquées en appel à l'intimée, étant surabondamment relevé que Monsieur [Z] [F] n'a pas répondu au moyen soulevé par la société Compagnie des îles du nord sur ce point.
Dans un courrier notifié le 18 avril 2024 par le réseau privé virtuel des avocats, le conseil de la société compagnie des îles du nord indiquait qu'il n'entendait pas répliquer aux dernières conclusions de Monsieur [F] mais soulignait, une nouvelle fois, qu'il n'avait pas été destinataire des pièces de l'appelant.
Les pièces de Monsieur [F] seront donc écartées à défaut de preuve de leur communication régulière à l'intimée devant la cour d'appel.
Sur le licenciement.
Sur la cause du licenciement.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur qui forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La faute grave est définie comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.
Aux termes des dispositions de l'article L 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; dès lors, ladite lettre sera ci-après reproduite :
« Monsieur,
Nous faisons suite à :
notre courrier en date du 14 octobre 2020, remis en mains propres contre décharge le même jour, vous convoquant à un entretien préalable pour le jeudi 29 octobre 2020, envisageant à votre encontre une mesure de licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire ;
notre entretien préalable, en date du 29 octobre 2020, au cours duquel vous vous êtes présenté accompagné de votre conseil, Monsieur [P].
Durant l'entretien préalable du 29 octobre 2020, nous vous avons exposé les motifs qui nous avaient conduits à vous convoquer et à envisager votre licenciement, et qui sont, nous vous le rappelons, les suivants :
Vous êtes employé au sein de notre entreprise, aux fonctions de cariste (employé non cadre) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à temps complet (35 heures/semaine), avec une ancienneté remontant au 17 septembre 2018.
Dans le cadre de vos fonctions, vous devez donc respecter l'ensemble des procédures et/ou organisations de travail mises en place au sein de l'entreprise et tout mettre en 'uvre pour exécuter votre mission avec conscience professionnelle et sérieux.
Le 30 septembre 2020, nous avons constaté qu'il manquait des colis, sur une palette, qui se trouvait dans un container situé dans notre entrepôt.
Cette situation était pour le moins surprenante dans la mesure où la marchandise dérobée était entreposée dans une zone portuaire avec accès restreint.
Par ailleurs, une clé de l'entreprise était nécessaire pour accéder à la marchandise dérobée, outre l'utilisation du chariot élévateur qui se trouvait dans notre hangar et que nous avons retrouvé à l'extérieur.
Dès lors, nos soupçons se sont portés vers un salarié de l'entreprise.
En tout état de cause, une plainte a été déposée auprès de la gendarmerie le 6 octobre 2020 et une enquête est actuellement en cours.
Parallèlement, un témoin qui se trouvait dans la zone portuaire, nous a précisé qu'il vous avait aperçu le jour du vol, vers 4 heures du matin, accompagné d'une autre personne.
Nous ne pouvons que nous étonner de votre présence dans la zone portuaire la nuit alors que notre entreprise est fermée et que votre présence n'est pas justifiée.
C'est dans ce contexte que nous avons souhaité vous rencontrer, dans le cadre d'un entretien informel afin d'obtenir vos explications ; entretien qui s'est tenu de façon informelle le 7 octobre 2020.
Lors de cet entretien informel, après vous avoir exposé la situation, vous avez reconnu les faits et être l'auteur du vol.
C'est dans ce contexte que vous avez rédigé, spontanément, un courrier que vous nous avez remis et par lequel vous sollicitiez une rupture conventionnelle de votre contrat de travail à durée indéterminée : un courrier que vous deviez dater du 1er octobre 2020.
Depuis, vous n'avez pas repris le travail.
Compte tenu des circonstances, il n'était pas possible d'accéder favorablement à votre demande de rupture conventionnelle.
Un tel comportement, totalement antinomique avec un environnement professionnel, mais en outre totalement incompatible avec vos fonctions, est, en tout état de cause, inconcevable.
*
Au vu de ce qui précède, nous sommes donc amenés à envisager, à votre encontre, une mesure de licenciement pour faute.
*
Au vu de tout ce qui précède, lors de notre entretien, au cours duquel vous étiez accompagné de votre conseil, Monsieur [P], et après vous avoir rappelé les motifs qui nous avaient conduits à vous convoquer et à envisager votre licenciement, vous ne nous avez fait part d'aucun commentaire.
Il en a été de même s'agissant de votre conseil, qui nous a indiqué qu'il était présent uniquement pour s'assurer de la régularité de la procédure.
Après réflexion, nous ne pouvons accepter un tel comportement de votre part, totalement antinomique avec un environnement professionnel, mais en outre totalement incompatible avec vos fonctions. Ce comportement est suffisamment grave pour empêcher la poursuite de votre contrat de travail.
Dans cette circonstance, nous nous voyons contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, avec confirmation de la mise à pied conservatoire prononcée à votre encontre.
Cette mesure de licenciement, prend effet immédiatement et nous informons notre cabinet comptable d'arrêter votre solde de tout compte à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement et de vous établir vos documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation pôle-emploi, solde de tout compte, dernier bulletin de salaire), qui vous seront expédiés en original à votre dernière adresse connue (adresse portée en tête des présentes, à moins que vous ne nous en communiquiez une autre entre temps).
Vous sortirez de nos effectifs dès ce jour.
Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pourrez conserver, sous réserve de prise en charge par le régime d'assurance chômage, le bénéfice des régimes collectifs de prévoyance (souscrit auprès de l'organisme Allianz et/ou de frais de santé (souscrit auprès de la compagnie Allianz), relatifs à votre statut, en vigueur au sein de notre entreprise.
Le financement de ces garanties est assuré par un système de mutualisation. De fait, la mutualisation, vous permettra d'être couvert, au titre des régimes collectifs de prévoyance et/ou de frais de santé, sans paiement de cotisations de votre part après rupture de votre contrat de travail.
Il vous appartiendra néanmoins de nous faire parvenir au plus vite (dans les jours calendaires suivant la date de rupture de votre contrat de travail) les bulletins/formulaires d'adhésion, joints aux présentes, et ce, afin de permettre d'ouvrir vos droits au titre de la portabilité des régimes de prévoyance et/ou frais de santé.
En tout état de cause, il vous appartiendra de justifier de votre situation au regard de pôle-emploi en adressant la copie du relevé de vos droits à l'allocation chômage auprès des organismes susvisés dès sa réception.
Dans tous les cas, il vous appartiendra d'informer les organismes sus-visés, de tout évènement ayant pour conséquence de mettre fin de façon anticipée à la période de maintien des garanties, notamment en cas de cessation du versement des allocations du régime d'assurance chômage. En effet, si vous deviez retrouver un emploi ou ne plus bénéficier du versement d'allocations chômage postérieurement à la rupture de votre contrat, pour toutes raisons, nous vous rappelons que vous seriez dans l'obligation, pour éviter tout bénéfice de prestations indues, d'en informer, dans les plus brefs délais, les organismes susvisés.
Nous attirons également votre attention sur le fait que les garanties qui vous seront maintenues seront celles dont bénéficieront les salariés de l'entreprise pendant votre période de chômage, de telle sorte que toute évolution collective de ces garanties à compter de votre départ vous sera opposable.
Nous vous rappelons que vous avez également la possibilité de refuser le bénéfice du maintien temporaire de la couverture des garanties collectives de prévoyance et/ou de frais de santé sus-visés. Dans une telle hypothèse, vous devrez vous nous retourner une lettre de renonciation au bénéfice de la portabilité des droits prévoyance et/ou frais de santé, jointe ci-après. Dans une telle hypothèse, nous insistons sur le fait que toute renonciation sera définitive et portera sur l'ensemble des garanties.
Si vous ne deviez pas donner suite dans un délai de 10 jours à compter de la rupture du contrat de travail, nous déclarerions tout de même, aux organismes sus-visé, votre sortie de nos effectifs afin que ces organismes procèdent à l'examen de votre situation.
Vous voudrez bien au terme de votre contrat de travail nous restituer par tout moyen à votre convenance, tous documents (que ce soit en copie ou original), mots de passe, matériels, clés, badge, etc, mis à votre disposition pour la bonne exécution de votre mission, vous rappelant qu'il vous est fait interdiction de conserver un duplicata de ces éléments.
Par ailleurs, nous vous informons qu'à votre sortie des effectifs, vous ne serez lié par aucune interdiction de concurrence à notre égard et que vous serez libre de tout engagement dès la rupture de votre contrat de travail ; notre entreprise renonçant à toute disposition contractuelle/conventionnelle qui aurait pu impliquer une telle obligation.
Enfin, vous pouvez faire une demande de précisions des motifs du licenciement, énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception Nous aurons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours après réception de votre demande par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous pouvons également, le cas échéant, et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement. »
Il est ainsi reproché à Monsieur [Z] [F] un fait unique de vol de colis appartenant à l'entreprise Compagnie des îles du nord dont le constat a été fait le 30 septembre 2020.
A l'appui du grief énoncé, la société Compagnie des îles du nord affirme que lors d'un entretien informel qu'elle a eu le 7 octobre 2020 avec Monsieur [Z] [F], ce dernier a reconnu être l'auteur du vol de colis et qu'il a, d'ailleurs, rédigé spontanément un courrier sollicitant la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Ce courrier, produit aux débats, est rédigé comme suit :
« Etant présent dans votre entreprise en tant que salarié à temps complet depuis le 17 août 2018 en qualité de cariste souhaite désormais démarrer de nouveaux projets professionnels. Je sollicite auprès de vous la mise en place d'une rupture conventionnelle de mon contrat conformément aux articles L 1237-11 et suivants du code du travail. » (pièce B2 de l'intimée).
Monsieur [F] qui dénie avoir avoué le 7 octobre 2020 le vol de colis, n'explique pas pourquoi il a accepté d'écrire cette lettre, même s'il soutient qu'elle lui aurait été dictée par Monsieur [T] [R], fils du dirigeant de la société Compagnie des îles du nord.
La société Compagnie des îles du nord produit deux autres pièces :
son dépôt de plainte du 6 octobre 2020 (pièce B1/1 de l'intimée)
l'attestation de Monsieur [X] [D] (pièce B 5/1 de l'intimée), rédigée comme suit :
« J'arrive vers 4 h 15 du matin le 30 septembre 2020 pour déposer comme d'habitude un premier jet de marchandises sur le quai de la compagnie des îles du nord, hangar 5 bâtiment A dans la zone de commerce international de [Localité 4].
Je croise alors Monsieur [F] [Z] et Monsieur [L] [W] manipulant de la marchandise palettisée dans un conteneur devant les locaux de la compagnie des îles du nord (CIN) dans la ZCI (zone de commerce international) un petit élévateur jaune marqué CIN se trouvait à proximité.
Nous nous sommes dit bonjour sachant qu'ils sont des salariés de C.I.N.
J'ai continué à faire mes affaires, eux aussi. »
Ainsi que le souligne le juge départiteur, rien ne permet de remettre en cause cette attestation de Monsieur [D].
C'est également à juste escient que le premier juge ajoute que l'absence d'explication de Monsieur [F] sur sa présence sur son lieu de travail, en dehors de ses horaires et alors qu'un vol de marchandises est commis sur la même période, constitue une faute suffisamment grave pour empêcher son maintien au sein de l'entreprise, même pendant la durée du préavis. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] [F] était justifié et en ce qu'il a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire de ses demandes formées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de l'indemnité pour rupture abusive, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation au regard de l'accusation de vol et de remise sous astreinte de documents de fin de contrat rectifiés.
2. Sur la procédure de licenciement.
Monsieur [F] conteste la régularité de la procédure de licenciement et de sa mise à pied à titre conservatoire.
Monsieur [F] a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire le 14 octobre 2020 dans le même temps qu'il était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour le 29 octobre 2020.
Ladite mise à pied à titre conservatoire n'a cessé qu'avec le prononcé de la fin du contrat de travail le 5 novembre 2020.
Ainsi que le relève à juste escient Monsieur [F], seule la faute grave ou lourde pouvait justifier le non-paiement des salaires pendant la mise à pied conservatoire. Or, la faute grave a été retenue par la présente juridiction.
Par ailleurs, l'employeur disposait, aux termes des dispositions de l'article L 1332-2 erL 1332-4 du code du travail, d'un délai de deux mois suivant la connaissance des faits ' et non de six jours ainsi que le soutient à tort Monsieur [F] - pour engager la procédure de licenciement disciplinaire et d'un délai d'un mois maximum suivant l'entretien préalable pour notifier le licenciement, ce qu'il a respecté.
L'employeur a eu, en effet, connaissance des faits de vol le 30 septembre 2020 et a initié sa procédure le 14 octobre 2019, soit dans le délai d'un mois. Il a prononcé le licenciement de Monsieur [F] le 5 novembre 2020, soit avant l'expiration du délai d'un mois suivant la date de l'entretien préalable du 29 octobre 2020.
S'agissant de la mise à pied conservatoire, la présente juridiction a relevé qu'elle a été concomitante à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement disciplinaire en sorte que la procédure ne souffre d'aucune irrégularité.
Le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 11 juillet 2023 sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande de réparation du salarié au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement et de la mise à pied à titre conservatoire, en ce compris les demandes formées au titre des salaires pour la période du 14 octobre au 5 novembre 2020, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur ladite période.
Sur les autres demandes.
1. Sur la demande de prime annuelle.
Le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 11 juillet 2023 ne s'est pas spécifiquement prononcé s'agissant de cette prime.
Monsieur [F] fait valoir qu'il recevait des primes chaque année et qu'il en a été privé en 2020.
Il réclame la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 1 250 euros.
La lecture des bulletins de salaires produits par l'employeur en pièces A3/1, A4/1 et A5/1 montre que Monsieur [F] a perçu une prime exceptionnelle de 300 euros au mois de décembre 2018 et une prime exceptionnelle de 1 250 euros au mois de novembre 2019.
Pour autant, Monsieur [F] ne définit pas la nature non plus que le caractère obligatoire des primes exceptionnelles ainsi servies par l'employeur.
Il ne fournit aucun élément aux débats qui pourrait établir que cette prime ait pu procéder d'un usage.
Monsieur [Z] [F] sera donc débouté de sa demande de condamnation de la société Compagnie des îles du nord au paiement de ladite prime.
2. Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 11 juillet 2023 ne s'est pas spécifiquement prononcé s'agissant de cette indemnité.
L'article L 3141-3 du code du travail dispose que :
« Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables. »
L'article L 3141-24 du même code dispose que :
« I.- Le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;
2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;
3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
II.- Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
2° De la durée du travail effectif de l'établissement.
III.- Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d'application du présent article dans les professions mentionnées à l'article L. 3141-32. »
L'article L 3141-28 du même code prévoit que :
« Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur. »
Monsieur [Z] [F] réclame une somme de 1 250 euros au titre de ses congés annuels. Il ne précise pas à quelle période se rapporte la somme qu'il réclame.
L'annexe au reçu pour solde de tout compte laisse apparaître que Monsieur [Z] [F] a perçu une somme de 1 976,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés (pièce C3/1). Monsieur [Z] [F] ne conteste pas ce montant et n'explique pas en quoi ses droits auraient été méconnus ne proposant aucun décompte des congés payés lui restant dus selon lui.
Monsieur [Z] [F] sera donc débouté de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
3. Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel.
Le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 11 juillet 2023 ne s'est pas spécifiquement prononcé s'agissant de cette demande de dommages et intérêts.
Monsieur [Z] [F] sollicite la condamnation de la société Compagnie des îles du nord à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et matériel. Il ne développe toutefois aucun moyen au sujet de cette prétention qu'il ne développe pas davantage.
Monsieur [Z] [F] en sera donc débouté.
Sur les frais irrépétibles.
Le jugement de départage sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens de première instance.
L'équité ne commande pas d'allouer à la société Compagnie des îles du nord de frais irrépétibles en cause d'appel. Monsieur [Z] [F] sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Rejette les moyens soulevés par la société Compagnie des îles du nord et tirés de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel notifiée par Monsieur [Z] [F] le 31 juillet 2023,
Ecarte les pièces 1 à 8 dont se prévaut Monsieur [Z] [F] en cause d'appe,.
Confirme le jugement de départage rendu le 11 juillet 2023 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en toute ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [Z] [F] de ses demandes au titre de la prime annuelle, de l'indemnité compensatrice de congés payés et des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral,
Condamne Monsieur [Z] [F] aux dépens de l'instance d'appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Le greffier, La présidente,