COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRET N° 411 DU 25 JUILLET 2024
N° RG 23/00144 -
N° Portalis DBV7-V-B7H-DREE
Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 08 décembre 2022, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 22/21420
APPELANT :
Monsieur [I] [O] [T]
Né le [Date naissance 11] 1954 à [Localité 26]
[Adresse 19],
[Adresse 19]
[Localité 26]
Représenté par Me Camille PRUM, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/000248 du 10/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
INTIMES :
Madame [L] [M] [T]
Née le [Date naissance 18] 1956 à [Localité 26]
[Adresse 27]
[Localité 23]
Non représentée
Madame [J] [P] [T]
Née le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 26]
[Adresse 9]
[Localité 21] / FRANCE
Représentée par Me Vathana BOUTROY-XIENG, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Monsieur [A] [N] [T]
Né le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 26]
[Adresse 30]
[Localité 24]/ GUADELOUPE
Représenté par Me Vathana BOUTROY-XIENG, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Madame [S] [R] [T] épouse [C]
Née le [Date naissance 12] 1961 à [Localité 26]
[Adresse 13]
[Localité 26] / GUADELOUPE
Représentée par Me Vathana BOUTROY-XIENG, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Monsieur [W] [Y] [T]
Né le [Date naissance 17] 1965 à [Localité 26]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 20] / FRANCE
Représenté par Me Vathana BOUTROY-XIENG, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Madame [V] [H] [T]
Née le [Date naissance 10] 1966 à [Localité 26]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 22] / GUADELOUPE
Représentée par Me Vathana BOUTROY-XIENG, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Monsieur [U] [Z] [T]
Né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 31]
[Adresse 29]
[Localité 25]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
M. Thomas Habu Groud, conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 Juillet 2024.
GREFFIER
Lors des débats : Mme Sonia VICINO, greffière,
Lors du prononcé : Mme Lucile POMMIER, greffière principale,
ARRET :
Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.
Signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Lucile Pommier, greffière principale, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[D] [B] [G] et son époux commun en biens, [X] [U] [T], sont décédés respectivement le [Date décès 5] 2012 et le [Date décès 3] 2014, laissant pour leur succéder leurs huit enfants :
- Mme [J] [T],
- M. [I] [T],
- Mme [L] [T],
- M. [A] [T],
- Mme [S] [T],
- M. [W] [T],
- Mme [V] [T],
- M. [U] [T].
L'actif de la succession, à la date du décès du conjoint survivant, se composait de valeurs mobilières pour 97.429,95 euros et de quatre biens immobiliers situés à [Localité 26], [Adresse 28], cadastrés section AD n°[Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16] et [Cadastre 2].
La propriété bâtie cadastrée section AD n°[Cadastre 14] et [Cadastre 15] est occupée par M. [I] [T], qui y a toujours vécu avec ses parents.
Par acte du 30 septembre 2020, M. [I] [T] a été assigné en partage judiciaire devant le tribunal judiciaire de Basse-Terre par ses sept frères et soeurs, compte tenu de son refus de procéder à un partage amiable.
Par jugement du 28 janvier 2021, rendu en l'absence du défendeur, le tribunal a principalement :
- prononcé l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [D] [B] [G] et de [X] [U] [T],
- préalablement à la réalisation de ces opérations, commis M. [K], expert judiciaire, pour procéder à l'évaluation des biens immobiliers dépendant de l'indivision successorale, déterminer l'indemnité d'occupation due par M. [I] [T] et proposer un projet de partage,
- renvoyé les parties devant le notaire de leur choix,
- renvoyé l'affaire à la mise en état.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 02 août 2022.
Par jugement réputé contradictoire du 8 décembre 2022, le tribunal a :
- condamné M. [I] [T] à verser aux demandeurs la somme totale de 63.332,36 euros au titre de l'indemnité d'occupation due jusqu'au 30 septembre 2022,
- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [I] [T] concernant le bien sis [Adresse 19], [Localité 26], cadastré Cadet AD n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15], à 700 euros par mois,
- attribué préférentiellement ce bien à M. [I] [T], à charge pour lui de verser aux héritiers une soulte de 114.542,50 euros,
- à défaut de paiement de la soulte ainsi prévue, ordonné la licitation du bien indivis,
- condamné M. [I] [T] à verser aux demandeurs la somme totale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens, en ce compris la moitié des frais de l'expertise avancés par les demandeurs,
- rappelé que la décision était exécutoire de droit.
M. [I] [T] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 08 février 2023, en indiquant que son appel portait expressément sur chacun des chefs de jugement.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à la mise en état.
Par actes des 4 mai, 11 mai, 17 mai, 24 mai, 26 mai et 09 juin 2023, en réponse à l'avis du 10 mai 2023 donné par le greffe, l'appelant a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions remises au greffe le 02 mai 2023 à chacun des intimés.
Mme [J] [T], M. [A] [T], Mme [S] [T], M. [W] [T] et Mme [V] [T] ont remis au greffe leur constitution d'intimés le 31 mai 2023.
M. [U] [T], auquel la déclaration d'appel a été signifiée à personne le 26 mai 2023, et Mme [L] [T], à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée à l'étude le 11 mai 2023, n'ont pas constitué avocat. Il sera en conséquence statué par défaut.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 08 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 29 avril 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 25 juillet 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ M. [I] [T], appelant :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, par lesquelles l'appelant demande à la cour de :
'A titre principal :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 08 décembre 2022, en ce qu'il a :
- condamné M. [I] [T] à verser aux demandeurs la somme totale de 63.332,36 euros au titre de l'indemnité d'occupation due jusqu'au 30 septembre 2022,
- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [I] [T] concernant le bien sis [Adresse 19], [Localité 26], cadastré Cadet AD n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15], à 700 euros par mois,
- attribué préférentiellement ce bien à M. [I] [T], à charge pour lui de verser aux héritiers une soulte de 114.542,50 euros,
- à défaut de paiement de la soulte ainsi prévue, ordonné la licitation du bien indivis,
- condamné M. [I] [T] à verser aux demandeurs la somme totale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens, en ce compris la moitié des frais de l'expertise avancés par les demandeurs,
- rappelé que la décision était exécutoire de droit,
A titre subsidiaire :
- accorder à M. [I] [T] les plus larges délais de paiement pour régler les sommes mises à sa charge, sur le fondement de l'article 1345-5 du code civil,
Statuant à nouveau :
- rejeter les demandes formulées par les consorts [T] en partage de l'indivision à l'encontre de M. [I] [T],
- dire que les frais et dépens exposés par chaque partie resteront à leur charge respective.'
2/ Mme [J] [T], M. [A] [T], Mme [S] [T], M. [W] [T] et Mme [V] [T], intimés :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 juin 2023 par lesquelles les intimés demandent à la cour de :
'En la forme :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
Au fond :
- confirmer le jugement rendu le 08 décembre 2022 par le tribunal judiciaire en toutes ses dispositions,
- condamner M. [I] [T] à payer aux 7 autres héritiers la somme de 63.332,36 euros au titre de l'indemnité d'occupation due au 30 septembre 2022, sans préjudice des échéances à échoir jusqu'au partage définitif,
- fixer l'indemnité d'occupation due par M. [I] [T] concernant le bien sis [Adresse 19], [Localité 26], cadastré Cadet AD n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15], à 700 euros par mois,
- attribuer préférentiellement le bien à M. [I] [T], à charge pour lui de verser aux autres héritiers une soulte de 114.542,50 euros,
- à défaut du paiement de la soulte ainsi prévue, ordonner la licitation du bien indivis,
- condamner M. [I] [T] à verser aux intimés la somme totale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens, en ce compris la moitié des frais d'expertise avancés par les intimés.'
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Remarque liminaire :
Conformément aux dispositions de l'article 370 du code de procédure civile, à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie, l'instance est interrompue par le décès d'une partie, dans les cas où l'action est transmissible.
Il est parfaitement constant, en application de ce texte, que le décès d'une partie n'interrompt l'instance qu'au profit de ses ayants-droit. Dès
lors, seul l'héritier qui peut se prévaloir de l'interruption de l'instance peut valablement procéder à la notification du décès.
En l'espèce, M. [I] [T] a indiqué, dans ses conclusions notifiées le 14 novembre 2023, que Mme [L] [T], intimée non constituée, était décédée et qu'il devait être 'fait application des articles 370 et suivants du code de procédure civile'.
Cependant, la simple mention de ce décès dans les conclusions d'une partie qui ne démontre pas qu'elle serait ayant-droit du défunt, et à ce titre fondée à se prévaloir de l'interruption de l'instance, ne vaut pas notification du décès au sens de l'article précité. Elle n'est donc susceptible d'entraîner aucun effet interruptif de l'instance.
Sur la recevabilité de l'appel :
L'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse.
Ce délai court à compter de la signification de la décision contestée.
En l'espèce, M. [I] [T] a interjeté appel le 08 février 2023 du jugement rendu le 08 décembre 2022, qui lui avait été signifié le 25 janvier 2023.
Son appel est donc recevable.
Sur la demande d'infirmation du jugement déféré :
Conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions, M. [I] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de 'rejeter les demandes formulées par les consorts [T] en partage de l'indivision à l'encontre de M. [I] [T]'.
En page 9 de ses conclusions, il indique qu'il 'sollicite l'extrême indulgence de la cour afin de pouvoir jouir paisiblement de l'immeuble dont s'agit pour sa fin de vie, ce qui avait été, par le passé, convenu entre les parties'.
Ce faisant, il ne forme aucune prétention en lien avec les dispositions du jugement déféré, mais tente de remettre en cause le principe même du partage ordonné judiciairement par jugement du 28 janvier 2021, dont il n'a pourtant jamais contesté les dispositions.
En tout état de cause, il développe des moyens qui ne sont pas de nature à entraîner l'infirmation du jugement rendu le 08 décembre 2022.
En effet, s'il indique en premier lieu qu'il n'a pas eu la possibilité de faire valoir ses prétentions en défense dans le cadre de la première instance, il n'a pas pour autant sollicité l'annulation de la décision déférée, seule conséquence procédurale envisageable d'une violation du principe du contradictoire.
En second lieu, il explique qu'il a toujours vécu dans cette maison, où il s'est occupé de ses parents jusqu'à leur fin de vie, et qu'il serait équitable qu'il puisse continuer d'y demeurer paisiblement.
Cependant, les juridictions ne statuent qu'en droit, et non en équité, et il a été rappelé dès le jugement rendu le 28 janvier 2021 que nul n'était tenu de demeurer dans l'indivision, ce qui s'oppose à ce qu'il puisse imposer à ses frères et soeurs le statu quo qu'il sollicite.
En dernier lieu, il conteste l'évaluation du bien immobilier qu'il occupe, telle qu'elle ressort de l'expertise judiciaire ordonnée en 2021, et se prévaut d'une situation financière extrêmement précaire.
Cependant, il n'en tire aucune conséquence quant au montant de l'indemnité d'occupation et de la soulte qu'il a été condamné à régler en première instance, puisqu'il ne forme aucune prétention à ce titre.
En tout état de cause, l'expert a indiqué dans son rapport qu'il avait refusé de participer aux opérations d'expertise et de le laisser pénétrer dans les lieux, de sorte que ces opérations n'ont pu être réalisées qu'au regard de l'aspect extérieur de l'habitation qu'il occupe. En outre, s'il affirme que les lieux sont totalement vétustes, les pièces qu'il produit ne le démontrent pas, puisqu'il se contente de verser aux débats deux devis établis en 2012 et 2013, ainsi qu'un 'avis de valeur renforcé' établi le 9 décembre 2016 par une agence immobilière. Or, l'expert judiciaire a relevé dans son rapport que la toiture avait été refaite et que l'état extérieur de la structure, des peintures et des fermetures était moyen ou correct, ce qui dément la vétusté alléguée.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- a condamné l'appelant à verser aux demandeurs la somme totale de 63.332,36 euros au titre de l'indemnité d'occupation due jusqu'au 30 septembre 2022,
- a fixé l'indemnité d'occupation dont il est redevable à 700 euros par mois,
- lui a attribué préférentiellement ce bien, à charge pour lui de verser aux héritiers une soulte de 114.542,50 euros,
- a ordonné la licitation du bien indivis, à défaut de paiement de la soulte ainsi prévue.
Sur la demande de délais de paiement :
En cas de confirmation de la décision entreprise, M. [I] [T] sollicite l'octroi des plus larges délais de paiement, en application de l'article 1345-5 du code civil.
Cependant, ce texte ne prévoit la possibilité pour le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, de reporter ou d'échelonner le paiement des sommes dues, que dans la limite de deux années.
Or, en l'espèce, M. [I] [T] est redevable de sommes dépassant les 175.000 euros, alors qu'il déclare seulement percevoir 849,79 euros par mois d'allocation de solidarité aux personnes âgées, sans toutefois en justifier, outre 39,29 euros par mois et 212,40 euros par trimestre au titre de deux retraites complémentaires.
A défaut de tout élément permettant de démontrer qu'il serait en mesure de régler sa dette dans le délai de deux ans prévu par la loi, il convient de le débouter de sa demande de délais de paiement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
M. [I] [T], qui succombe dans toutes ses prétentions, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers devant être recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de première instance, en ce compris la moitié des frais de l'expertise avancés par les demandeurs.
En outre, l'équité commande de confirmer ce jugement en ce qu'il a condamné M. [I] [T] à verser aux demandeurs la somme totale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
En revanche, le dispositif des conclusions des intimés ne contenant pas de demande de condamnation supplémentaire au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel, ils conserveront la charge de leurs propres frais à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [I] [T],
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [I] [T] de sa demande de délais de paiement,
Dit que les intimés conserveront la charge de leurs propres frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne M. [I] [T] aux entiers dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Et ont signé,
La greffière, Le président,