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24/07/2024 | FRANCE | N°24/00012

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 5ème ch (référés), 24 juillet 2024, 24/00012


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



5ème CHAMBRE CIVILE - REFERES



ORDONNANCE N° 28 DU 24 JUILLET 2024





N° RG 24/00012 - N° Portalis DBV7-V-B7I-DVIF



Décision déférée à la cour : Ordonnance du tribunal judiciaire de POINTE-À-PITRE, décision attaquée en date du 15 décembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00505



DEMANDEURS :



Monsieur [O] [I]

[Adresse 8]

[Localité 3]



Représenté par Me Béatrice FUSENIG de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocat au barreau de GUADEL

OUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY





Madame [T] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Béatrice FUSENIG de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocat au barrea...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

5ème CHAMBRE CIVILE - REFERES

ORDONNANCE N° 28 DU 24 JUILLET 2024

N° RG 24/00012 - N° Portalis DBV7-V-B7I-DVIF

Décision déférée à la cour : Ordonnance du tribunal judiciaire de POINTE-À-PITRE, décision attaquée en date du 15 décembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00505

DEMANDEURS :

Monsieur [O] [I]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Béatrice FUSENIG de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

Madame [T] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Béatrice FUSENIG de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY

DEFENDERESSE:

S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ÉTABLISSEMENT R URAL DE LA GUADELOUPE (SAFER DE GUADELOUPE) Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence BARRE AUJOULAT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY, avocatplaidant, postulant et par la SAS DROUOT AVOCATS, Maître Marie SOYER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Les conseils des parties ont été entendus à l'audience publique des référés tenue le 5 juin 2024 au Palais de justice de Basse-Terre par monsieur Guillaume MOSSER, conseiller par délégation du premier président, assisté de madame Valérie SOURIANT, greffier.

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 juillet 2024 prorogé au 24 juillet 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.

Signée par monsieur Guillaume MOSSER, conseiller par délégation du premier président et par madame Murielle LOYSON, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon attestation de Maître [U] [H], notaire à [Localité 6], délivrée le 28 novembre 2022, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Guadeloupe est propriétaire à [Adresse 4], d'une parcelle de terre figurant au cadastre BH n°[Cadastre 2].

Par ordonnance de référé du 15 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a':

Renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront mais dès à présent,

Ordonné l'expulsion de Monsieur [I] de la parcelle cadastrée agricole BH n°[Cadastre 2] située au [Localité 3], appartenant à la SAFER DE GUADELOUPE, dans le mois de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

Ordonné l'expulsion de Monsieur [I] ou tout occupant de son chef, des lieux avec, si besoin est, le concours de la force publique,

Ordonné la démolition des constructions érigées sur la parcelle agricole cadastrée BH n°[Cadastre 2] et la remise en état des lieux aux frais de Monsieur [I],

A défaut, autorisé la SAFER de Guadeloupe à procéder à ladite démolition à ses frais avancés,

Condamné Monsieur [I] à payer à la SAFER de Guadeloupe la somme de 1'000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné aux dépens,

Rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 18 janvier 2024, Madame [T] [E] et Monsieur [O] [I] ont interjeté appel de cette décision.

Par acte d'huissier de justice, délivré le 18 mars 2024, Madame [T] [E] et Monsieur [O] [I] ont, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, fait assigner en référé, devant cette juridiction, la SAFER de Guadeloupe aux fins de':

Juger que les moyens invoqués à l'appui de l'appel sont sérieux,

Arrêter en conséquence l'exécution provisoire de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 15 décembre 2023,

Condamner la SAFER à leur régler, chacun, la somme de 1'500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils invoquent l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision rendue en première instance et de conséquences manifestement excessives résultant de cette dernière.

S'agissant des moyens sérieux de réformation, ils soutiennent dans un premier temps l'absence de preuve de la qualité de propriétaire de la SAFER, précisant que l'attestation notariée produite aux débats ne saurait suffire à rapporter cette preuve. Dans un second temps, ils arguent de la qualité de propriétaire de Madame [E], eu égard à la prescription acquisitive de la parcelle litigieuse, considérant ainsi l'absence de trouble manifestement illicite justifiant le prononcé de la décision du juge des référés.

S'agissant des conséquences manifestement excessives, ils expliquent que l'exécution de l'ordonnance querellée conduira à la destruction de la construction de Monsieur [I] alors qu'elle a été autorisée par le propriétaire.

Par ailleurs, ils ajoutent que par acte d'huissier de justice du 18 mars 2024, Madame [E] a demandé au tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre de notamment constater qu'elle a la possession continue, paisible, publique, non équivoque en qualité de propriétaire depuis plus de trente ans sur la parcelle litigieuse et que le jugement à intervenir vaudra titre de propriété.

Selon ses conclusions notifiées par RPVA le 22 avril 2024, la SAFER demande à cette juridiction de':

A titre principal, déclarer irrecevable les demandes de Monsieur [I] et Madame [E],

A titre subsidiaire, débouter Monsieur [I] et Madame [E] de toutes leurs demandes,

En tout état de cause, condamner Monsieur [I] et Madame [E] à lui payer la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, elle soulève l'irrecevabilité de la demande de Madame [E], pour défaut de qualité à agir devant le premier président, cette dernière n'étant pas partie à la première instance, et n'ayant fait aucune demande d'intervention volontaire devant cette juridiction.

La SAFER sollicite le rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, se fondant sur son irrecevabilité, Monsieur [I] et Madame [E] n'ayant formulé en première instance aucune demande tendant à la suspension de l'exécution provisoire.

Elle conteste, par ailleurs, l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision et de conséquences manifestement excessives.

Elle explique qu'il n'est pas contestable qu'elle est propriétaire de la parcelle litigieuse, l'attestation notariée produite faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Elle ajoute qu'eu égard à l'irrecevabilité de l'intervention de Madame [E], la prétendue contestation sérieuse sera écartée et subsidiairement, que Madame [E] ne produit aucun élément de nature à démontrer une prescription acquisitive, l'ensemble des attestations produites ne faisant état d'une possession à titre de propriétaire par Madame [E]. Elle précise que cette dernière pensait posséder en qualité de bénéficiaire d'une autorisation verbale, et au mieux d'un colonat, en qualité de titulaire d'un droit de jouissance concédé par le véritable propriétaire.

Elle conteste l'existence de conséquences manifestement excessives, rappelant que Monsieur [I] se maintient depuis des années dans une situation d'irrégularité connue et assumée par lui, précisant que la réponse qu'il avait faite dans le cadre de la sommation interpellative du 22 mars 2022 démontrait sa volonté de ne pas quitter les lieux alors qu'il ne disposait d'aucun droit ni titre pour occuper cette parcelle.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 3 juin 2024, Monsieur [I] et Madame [E] réitèrent leurs prétentions. Ils expliquent que Madame [E] est intervenue volontairement en première instance et que cette intervention est reconnue par la SAFER qui s'y réfère dans ses conclusions. Ils ajoutent que Madame [E], en sa qualité de propriétaire, a autorisé son fils à construire la maison litigieuse et justifie ainsi de sa qualité à agir dans la présente instance. S'agissant des conséquences manifestement excessives,'les demandeurs précisent qu'en cas de réformation de l'ordonnance de référé, Monsieur [I] n'aura pas les moyens de procéder à la reconstruction de ce qui aura été détruit.

Selon ses conclusions notifiées par RPVA le 4 juin 2024, la SAFER réitère ses prétentions. Elle conteste avoir reconnu l'intervention volontaire de Madame [E] et affirme soutenir cette irrecevabilité en appel. Elle ajoute que les demandeurs ont saisi le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre aux fins de rectification en erreur matérielle portant sur ce point, non tranché.

La SAFER confirme être propriétaire de la parcelle litigieuse, produisant l'acte de vente et la filiation parcellaire retraçant la division pour devenir la parcelle BH n°[Cadastre 2] occupée par les demandeurs.

Elle ajoute que les demandeurs reconnaissent la précarité de l'occupation de la mère de Madame [E].

A l'audience du 5 juin 2024 tenue après plusieurs renvois, les parties étaient représentées par leurs avocats. Elles ont repris les termes de leurs écritures et ont déposé leurs dossiers.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2024 lequel a été prorogé au 24 juillet 2024.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action introduite par Madame [E]

L'article 122 du code de procédure civile prévoit que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Madame [E] saisi cette juridiction concernant l'arrêt de l'exécution provisoire d'une ordonnance dont appel mais qui n'a prononcé contre elle aucune condamnation et au sujet de laquelle n'est produite aucune décision rectificative.

Dès lors, l'action entreprise par Madame [E] sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Sur la recevabilité

Il est, en l'espèce, justifié aux débats par Monsieur [I] de la déclaration d'appel interjeté le 18 janvier 2024 par son conseil (pièce n°5), de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre le 15 décembre 2023 (pièce n°4).

La seule condition de recevabilité posée étant celle de l'existence d'un appel et le premier président n'ayant pas qualité à ce stade pour procéder à l'examen sur le fond de la recevabilité de l'appel interjeté, l'action entreprise dans le cadre du présent référé est en conséquence recevable.

Sur le fond

Aux termes des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile:

'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives'.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 514-6 du code de procédure civile, également applicables à l'espèce, viennent préciser :

'Lorsqu'il est saisi en application des articles 514-3 et 514-4, le premier président statue en référé, par une décision non susceptible de pourvoi'.

L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit des conditions cumulatives pour que l'exécution provisoire puisse être arrêtée.

S'agissant des condamnations prononcées assorties de l'exécution provisoire, dans le cas où la partie demanderesse a comparu en première instance et n'a pas formulé d'observations sur l'exécution provisoire, les conséquences manifestement excessives exposées doivent avoir été révélées postérieurement à la décision rendue en première instance.

En l'espèce, la SAFER a indiqué dans ses conclusions que la partie adverse n'avait pas formulé en première instance de demande tendant à la suspension de l'exécution provisoire. Elle verse aux débats les conclusions de Monsieur [I] et Mme [E] déposées devant le juge des référés (pièce n°10) dans lesquelles il n'apparaît pas de discussion relative à l'exécution provisoire. L'ordonnance de référé du 15 décembre 2023 ne mentionne pas non plus de demandes relatives à l'exécution provisoire.

Les conséquences manifestement excessives alléguées doivent donc être révélées postérieurement à l'ordonnance querellée.

En l'espèce, la sommation interpellative produite en débats en pièce n°5 par la SAFER date du 22 mars 2022 avertissait l'occupant que «'dans l'hypothèse où celui-ci refuserait de libérer la parcelle cadastrée section BH n°[Cadastre 2] située sur le territoire de la commune de [Localité 3] et de procéder à la démolition des constructions édifiées sur ladite parcelle, le requérant se réserve la faculté de solliciter son expulsion et des dommages et intérêts pour toute atteinte à son droit de propriété'». Monsieur [I] avait répondu': «'je ne compte pas libérer ladite parcelle ['], je ne compte pas non plus démolir les constructions sur cette parcelle'». Cette pièce atteste de la connaissance du risque pour l'occupant. Par ailleurs, si Monsieur [I] soutient qu'il n'aura pas les moyens de procéder à la reconstruction, cette allégation ne saurait être regardée comme un élément nouveau intervenu postérieurement à l'ordonnance de référé.

La condition posée par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 514-3 du code de procédure civile ne se trouvant pas remplie, il n'y a pas lieu à examen de moyen sérieux de réformation de la décision rendue en première instance.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera en conséquence rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Monsieur [I], qui succombe, supportera la charge des dépens sans que des considérations d'équité commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, non susceptible de pourvoi,

DECLARONS l'action entreprise par Madame [E] irrecevable,

DECLARONS l'action entreprise par Monsieur [I] recevable,

REJETONS la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre le 15 décembre 2023,

DISONS n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS M. [O] [I] aux dépens,

REJETONS toutes autres demandes,

Fait à Basse-Terre, au Palais de justice, le 24 juillet 2024,

Et ont signé,

La greffière Le conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 5ème ch (référés)
Numéro d'arrêt : 24/00012
Date de la décision : 24/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-24;24.00012 ?
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