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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00243

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23/00243


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



2ème CHAMBRE CIVILE



ARRET N° 376 DU 11 JUILLET 2024





N° RG 23/00243 -

N° Portalis DBV7-V-B7H-DRLL



Décision attaquée : jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 8 février 2023, dans une instance enregistrée sous le n° 2021J00028



APPELANTE :



S.A.S. BÂTIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (BCI)

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Louis-raphaël MORTON, de la SELARL SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRI

ES) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART





INTIMEES :



La S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Me [E] [G], ès qualités de manda...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET N° 376 DU 11 JUILLET 2024

N° RG 23/00243 -

N° Portalis DBV7-V-B7H-DRLL

Décision attaquée : jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 8 février 2023, dans une instance enregistrée sous le n° 2021J00028

APPELANTE :

S.A.S. BÂTIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (BCI)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Louis-raphaël MORTON, de la SELARL SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRIES) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMEES :

La S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Me [E] [G], ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidation amiable de la Société Hôtelière de l'Anse Heureuse (SHAH)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel PRADINES, de la SCP BALADDA GOURANTON & PRADINES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (postulant)

Assistée de Maître Samuel SCHERMAN, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2024, en audience publique, devant Monsieur Frank Robail, président de chambre chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposé.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Frank Robail, président de chambre,

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

M. Thomas Habu Groud, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 juin 2024. Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré, in fine, à ce jour, en raison de l'absence d'un greffier et de la surcharge des magistrats.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffière.

Lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.

ARRÊT :

- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte d'huissier de justice du 23 février 2021, la société BATIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS, ci-après désignée 'BCI', a fait assigner la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc à la liquidation amiable de la S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE DE L'ANSE HEUREUSE, ci-après désignée 'SHAH', devant le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE à l'effet de la voir condamner à lui payer les sommes suivantes :

- 948 629,55 euros, avec intérêts de droit à compter de la sommation de payer du 10 juillet 2020, au titre d'une créance cédée par M. [U] [C] et représentant la rémunération de ce dernier pour son assistance auprès de M. [U] [Z], de la société SHAH et de la S.C.I. SOUALIGA-CARAIBES, sur le fondement d'une convention d'honoraires du 20 avril 2020,

- 700 euros, ensuite portés à 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

En réplique, la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], ès qualités de mandataire ad hoc à la liquidation amiable de la SHAH, concluait aux fins de voir :

- déclarer prescrite l'action de la société BCI à son encontre,

- déclarer que la SHAH n'a pas qualité à défendre face à cette action,

- déclarer que la BCI, venant aux droits de M. [C], n'a pas d'intérêt légitime à solliciter le règlement d'honoraires en contrepartie d'une prestation de consultation juridique,

- déclarer en conséquence irrecevable l'action de la BCI contre elle,

- Subsidiairement, déclarer nulle la lettre valant convention d'honoraires,

- déclarer infondée la créance dont la BCI sollicite le paiement,

- condamner cette dernière à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Par jugement contradictoire du 8 février 2023, le tribunal :

- a déclaré irrecevable l'action de la société BCI contre la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH, en paiement d'une créance issue de la lettre d'honoraires signée le 20 avril 2010 avec M. [C] [U],

- a condamné ladite BCI à payer à la sus-nommée défenderesse la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- a rappelé que cette décision était exécutoire par provision ;

Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 10 mars 2023, la société BCI a relevé appel de ce jugement, y intimant la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH et y fixant son objet à la critique de chacun des chefs de jugement, y compris le simple rappel d'une exécution provisoire de droit ;

Cet appel a été orienté à la mise en état et l'intimée a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l'avocat adverse par RPVA le 10 avril 2023 ;

La S.A.S. BCI, appelante, a conclu par acte remis au greffe et notifié au conseil à venir de l'intimée, par voie électronique, le 8 juin 2023 ;

La SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH, intimée, a conclu quant à elle par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appel, par RPVA, le 27 septembre 2023 ;

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 décembre 2023, et l'audience des plaidoiries fixée au 26 février 2024 ;

Cependant, la BCI, appelante, a remis au greffe et notifié à l'avocat de l'intimée, par RPVA, le 8 décembre 2023, de nouvelles conclusions dites 'conclusions d'appelant n° 2" ;

A l'issue de cette audience, et après que le conseil de l'appelant eut soutenu oralement, alors qu'aucune fin de non-recevoir n'avait été soulevée, la recevabilité de ses conclusions postérieures à la clôture, au moyen que les deux parties avaient demandé le renvoi de l'affaire lors de la mise en état du 4 décembre 2024 et donc avant ladite clôture, le délibéré a été fixé au 7 juin 2024 ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour, en raison de la surcharge des magistrats, de l'absence d'un greffier et d'une demande d'observations adressée aux avocats en cours de délibéré ;

En effet, par message adressé aux conseils des parties par le greffe, par voie électronique, le 20 juin 2024, il a leur a été proposé, en respect du principe du contradictoire de l'article 16 du code de procédure civile, de présenter le cas échéant des observations sur le moyen, soulevé d'office par la cour, de l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante remises au greffe le 8 décembre 2024, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture du 4 décembre précédent ; un délai expirant au 11 juillet 2024 leur a été laissé pour ce faire ;

Par une note remise au greffe et notifiée à l'avocat adverse, par voie électronique, le 24 juin 2024, le conseil de la société BCI estime que ses conclusions post-ordonnance de clôture sont recevables dès lors qu'elles se bornent à préciser et développer les moyens déjà articulés en première instance et dans les écritures d'appel du 8 juin 2023, soit avant ladite ordonnance de clôture, et ce en confirmité avec ce qu' a pu juger la cour de cassation dans un arrêt de sa chambre commerciale du 8 janvier 1973 ;

Par une note parvenue au greffe et au conseil adverse par même voie le 25 juin 2024, leconseil de la SELARL BCM, ès qualités, estime quant à elle que les conclusions de l'appelante, en ce qu'elles ont été remises au greffe le 8 décembre 2024, sont irrecevables comme postérieures à l'ordonnance de clôture ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Par ses écritures remises au greffe le 8 juin 2023, la société BCI conclut aux fins de voir, au visa des articles 54 et suivants de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, 1134 ancien, 2224 et 2234-1 du code civil, L 622-21 du code de commerce, 503, 651, 696, 700 et 900 et suivants du code de procédure civile :

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il :

** a déclaré irrecevable son action contre la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH, en paiement d'une créance issue de la lettre d'honoraires signée le 20 avril 2010 avec M. [C] [U],

- l'a condamnée à payer à ladite SELARL la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- Et, statuant à nouveau :

- condamner la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH, à lui payer les sommes suivantes :

** 948 629,55 euros, avec intérêts de droit à compter du 10 juillet 2020, date de sommation,

** 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- Et, y ajoutant, condamner la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

A ces fins, la société BCI prétend notamment :

- que M. [U] [C], qui lui a cédé la créance litigieuse par acte du 14 février 2020 régulièrement signifié à la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH, suivant acte d'huissier de justice du 2 juin 2020, sans réaction de sa part, est un ancien professeur des facultés qui entretenait des liens associatifs et amicaux très étroits avec feu M. [U] [Z], décédé le 10 septembre 2016, mais aussi un ancien magistrat radié des cadres par décret du 17 octobre 1995,

- que dans le cadre d'un conflit né d'un important projet hôtelier de M. [Z] sur l'île de SAINT-MARTIN qui a donné lieu à un arrêt de cette cour du 22 septembre 2014, lequel a rétabli ce dernier dans ses droits à l'encontre de la société SODERAG, M. [C] avait accepté d'en gérer le contentieux et avait même rédigé les conclusions sur la base desquelles cet arrêt a été rendu, et ce sur le fondement d'un accord conclu entre lui et M. [Z] dans une lettre valant convention d'honoraires en date du 20 avril 2010,

- que cette convention stipulait une rémunération fixe de 60 000 euros TTC payable par versements mensuels minimum de 3 000 euros 'compte tenu de (la) situation financière (de M. [Z])', et un honoraire de résultat de 15 % des sommes recouvrées ou économisées par M. [Z], la S.C.I. SOUALIGA CARAIBES ou la société SHAH,

- qu'en son vivant, M. [Z] a parfaitement respecté cette convention en lui réglant les factures d'honoraires émises sur cette base entre 2010 et 2014 au titre de l'honoraire fixe,

- qu'après la mort de ce dernier en septembre 2016, M. [C] s'est adressé à ses héritiers par divers courriers qui n'avaient été suivis d'aucune contestation de leur part,

- que cependant, en l'absence de versements des honoraires dus, il a choisi de céder sa créance à leur encontre à la BCI, laquelle est spécialisée dans la valorisation et la gestion des créances bancaires compromises, en concours avec le groupe ACOFI,

- que cette cession a été régulièrement signifiée aux susdits héritiers, mais également au liquidateur amiable de la société SHAH à laquelle a bénéficié l'arrêt du 22 septembre 2014,

- qu'en l'absence de réaction du liquidateur amiable de la SHAH, elle lui a fait signifier, le 10 juillet 2020, une sommation de payer la somme de 853 113,93 euros, en suite de quoi, par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2020, ce liquidateur lui a fait signifier une 'protestation à cession et sommation de payer' dans laquelle il contestait la créance,

- qu'elle a donc dû saisir le tribunal mixte de commerce à son encontre,

- que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'avait pas d'intérêt légitime à agir en considérant que M. [C], cédant de la créance d'honoraires, avait fourni illégalement une consultation juridique au sens de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, puisque :

** il était titulaire d'un doctorat de droit privé et sciences criminelles, était professeur de droit et remplissait ainsi, à ce double titre, la condition de l'article 54 1°,

** s'il a été radié de la magistrature, la décision en ce sens ne fait pas état de circonstances faisant obstacle à la délivrance de consultations juridiques au sens de l'article 54,

** son cas relève de toute façon bien davantage de l'article 57 de la loi de 1971,

** en tant qu'ancien professeur associé à la faculté de droit et de licencié en droit, s'il n'était pas autorisé à donner des consultations juridiques 'à titre habituel et rémunéré', il était habilité à délivrer une unique consultation juridique,

- que son action n'est pas prescrite dès lors :

** qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

** qu'elle ne figurait pas parmi les parties à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 22 septembre 2014,

** que l'intimée n'a jamais mis en évidence le jour où la créancière a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, alors que la preuve de ce jour lui incombe en tant qu'elle se prévaut de la prescription,

** que de toute façon Feu M. [Z] a soigneusement tenu M. [C] dans l'ignorance de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, lequel n'en a eu connaissance qu'après son décès, sa facture du 30 mars 2017 ayant été adressée à ses héritiers, si bien que le point de départ du délai de prescription de 5 ans doit être fixé au plus tôt au jour du décès du premier nommé,

** que cet arrêt ne lui a été transmis par son conseil que par mail du 20 Avril 2017,

** que M. [C] a déclaré sa créance d'honoraires au passif de la succession de feu M. [Z] le 9 novembre 2016, après qu'il eut été informé de son décès et en a adressé la facture au notaire et aux héritiers le 30 mars 2017, soit après avoir été informé de l'acceptation de cette succession par ces derniers,

** qu'il avait également adressé cette facture à Me [N], administrateur judiciaire et mandataire ad hoc des sociétés du défunt, à la demande expresse de qui il a accepté finalement de ne pas assigner les héritiers de feu M. [Z],

** et qu'il a ainsi été empêché d'agir compte tenu de la convention ainsi passée avec ce mandataire, ce qui lui rend applicables les dispositions de l'article 2234 du code civil,

- que de toute façon, en application des articles 503 et 651 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été régulièrement notifiés, et 'la preuve de la régulière notification de la décision de justice à la partie à l'arrêt du 22 septembre 2014 dont les droits ont été cédés à la BCI n'a pas été communiquée', ce pourquoi 'la prescription extinctive n'a (...) pu courir',

- que l'ouverture de la procédure collective au profit de la SHAH a eu pour effet de suspendre toute possibilité d'exécution contre elle, puisque, en application des articles 2234 du code civil et L 622-21 du code de commerce, la période de redressement a interrompu la prescription, d'une part, et, d'autre part, la créance de M. [C] au titre des honoraires de résultat n'avait pas à être déclarée à cette procédure dès lors qu'elle n'était pas antérieure à son ouverture, la décision la consacrant n'étant intervenue que deux ans après,

- que de toute façon, les créanciers retrouvent leur droit de poursuite après la clôture de la procédure collective, si bien que, la clôture étant intervenue le 12 avril 2018 pour extinction du passif, elle pouvait agir jusqu'au 10 septembre 2021,

- que par ailleurs, la SHAH a bel et bien qualité à défendre à sa demande en paiement de la créance litigieuse puisque la convention d'honoraires en cause l'engage à la régler, tout comme son gérant de l'époque,

- et que, sur le fond, la prestation de M. [C] a été parfaitement exécutée, les sommes recouvrées ou économisées servant d'assiette à la prime de résultat due désormais à la cessionnaire, sont constituées des indemnités d'assurance allouées pour 2 286 735 euros et de la valeur du terrain et des immeubles récupérés par la SHAH telle qu'elle figure à l'actif du bilan établi par Me [E] [G] pour l'exercice 2018, soit 4 037 462 euros, si bien que, sur une assiette totale de 6 324 197 euros, l'honoraire de résultat de 15 % s'établit à 948 629,55 euros ;

Pour le surplus des explications de l'appelante, il est expressément renvoyé aux susdites conclusions ;

2°/ Par ses propres écritures, remises au greffe le 27 septembre 2023, la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH, souhaite voir quant à elle, au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil :

- débouter la société BCI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'action de ladite société était irrecevable à défaut d'intérêt légitime de celle-ci à solliciter le règlement d'honoraires en contrepartie d'une prestation de consultation juridique et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

'SI LA COUR DEVAIT INFIRMER LE JUGEMENT ET STATUER A NOUVEAU :'

PRINCIPALEMENT

- juger prescrite l'action de la société BCI à l'encontre de la société SHAH,

- juger que la société SHAH n'a pas qualité à défendre face à l'action engagée par la société BCI,

- juger en conséquence irrecevable l'action de cette dernière à son encontre

SUBSIDIAIREMENT

- juger nulle la lettre valant convention d'honoraires dont la BCI se prévaut,

- juger infondée la créance dont la même société sollicite le paiement,

- débouter en conséquence la BCI de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner la BCI à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

A ces fins, le mandataire ad hoc de la SHAH explique notamment :

- que la société SHAH a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 avril 2012, cependant que cette liquidation a été clôturée le 12 avril 2018 pour extinction du passif, avec désignation de la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc en vue de la gestion du boni de liquidation,

- que la mission de ce mandataire a été prorogée en l'état jusqu'au 24 juin 2025,

- que la cession alléguée de la créance litigieuse dissimule le fait qu'en réalité M. [C] a mandaté la BCI pour recouvrer une créance qu'il savait infondée et de toute façon éteinte dès avant cette cession par l'effet de la prescription ayant couru à compter de l'arrêt rendu le 22 septembre 2014,

- que le montant réclamé en la présente instance diffère à la fois de celui que vise l'acte de cession et de celui de la sommation de payer,

- que l'action de la BCI se heurte à une première fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt légitime à réclamer le paiement d'une prestation de conseil juridique prohibée par l'article 54 de la loi de 1971, car fondée sur l'exercice illégal d'une profession juridique, dès lors que M. [C] n'était plus professeur de droit à l'époque de cette prestation,

- que sa qualité de 'professeur associé', qui ne lui avait été octroyée que parce qu'il était magistrat, avait pris fin en effet en septembre 1994,

- qu'il avait par ailleurs été radié de la magistrature par décret présidentiel du 17 octobre 1995 après avoir été condamné pénalement, par jugement du tribunal correctionnel de LILLE du 7 novembre 1994, à 6 mois de prison avec sursis pour recel d'abus de biens sociaux et faux et usage de faux,

- que la lettre valant convention d'honoraires de 2010 le présentait à juste titre comme 'ancien professeur associé',

- que c'est à tort que la BCI excipe de ce que la prestation juridique en cause aurait été unique et ne tomberait donc pas sous le coup de l'interdit de la loi de 1971, puisque la seule lecture de sa mission telle que fixée dans la lettre portant convention d'honoraires, révèle qu'il s'y engageait à plusieurs conseils juridiques espacés dans le temps pour 'tous les aspects juridiques du dossier', et que, d'ailleurs, en ses écritures d'appel, la BCI indique même que M. [C] ne s'est pas contenté de la rédaction d'une seule consultation mais a aussi rédigé les conclusions d'appelantes devant la cour qui a rendu l'arrêt de 2014,

- que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré irrecevable l'action de la BCI, venant aux droits de M. [C], pour défaut d'intérêt légitime à agir,

- qu'en second lieu, l'action de la BCI, fondée sur une convention de 2010 et d'un arrêt de 2014 en suite duquel les honoraires réclamés seraient dus, est prescrite en application de l'article 2224 du code civil,

- qu'en troisième lieu, la société SHAH n'a pas qualité à défendre à une action en paiement d'une créance qui ne la concerne pas,

- qu'en effet :

** la prétendue convention d'honoraires du 20 avril 2010 n'est signée que de M. [U] [Z] sans qu'il y soit précisé qu'il l'ait signée en qualité de gérant des sociétés SHAH et SOUALIGA prétendument engagées au même titre que lui-même,

** la facture du 30 mars 2007 n'a été adressée qu'aux héritiers de feu M. [Z] et non point à la SHAH, qui a pourtant une personnalité juridique distincte,

** la cession de créance du 14 février 2020 fait certes état d'une créance détenue sur SHAH, mais sans en préciser le montant,

** les termes mêmes de la fixation du montant des honoraires de résultats ne permettent pas de comprendre de quoi pourrait être redevable la SHAH, ce d'autant que le jugement du 22 mars 2007 l'avait mise hors de cause et que cette mise hors de cause a été confirmée en appel en 2014,

- et que de toute façon, la créance en cause est infondée, la SHAH ne s'étant engagée à aucun règlement d'honoraires et la lettre du 20 avril 2010 étant nulle comme portant un objet illicite en application de l'article 54 de la loi de 1971 ;

Pour le surplus de ses explications, il est expressément référé aux dernières écritures de la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de liquidateur amiable de la S.A.R.L. SHAH ;

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur les conclusions tardives de l'appelant

Attendu qu'en application des articles 907 et 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Attendu qu'en l'espèce, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure par ordonnance du 4 décembre 2023, laquelle a été notifiée aux parties par le greffe, par voie électronique, le même jour ;

Or, attendu que l'appelante a remis de nouvelles conclusions au greffe, par même voie, le 8 décembre 2023, soit postérieurement à ladite clôture, mais ce sans jamais en demander la révocation ;

Attendu que si cette dernière a prétendu, lors des débats avoir demandé, de conserve avec l'intimée, un nouveau délai avant la clôture pour remettre de nouvelles écritures, il ressort de l'interface électronique de la cour que, lors de l'audience de mise en état virtuelle du 4 décembre 2023, le conseiller de la mise en état n'était saisi d'aucune demande de cette nature de la part du conseil de l'appelante ; qu'en effet, un seul message RPVA y apparaît à la date du 2 décembre 2023, soit juste avant ladite audience virtuelle, mais ce message n'émanait que du conseil de l'intimée, qui y indiquait ne pas s'opposer 'à la demande de renvoi que formulera (son) confrère' ; que, cependant, aucune demande de renvoi n'était parvenue au conseiller et l'intimée s'était bornée à marquer son accord en cas de demande de cette nature, ce pourquoi l'affaire a été régulièrement clôturée dès le 4 décembre 2023, étant ajouté qu'aucune demande de révocation n'a été formulée depuis cette date ;

Attendu que la décision de la cour de cassation invoquée par l'appelante en sa note en délibéré du 24 juin 2024, était fondée sur l'article 81-4 de l'ancien code de procédure civile et ne peut de toute façon autoriser la cour d'appel de ce siège à violer les dispositions claires et précises de l'article 907 et 802 du code de procédure civile applicable à la procédure en cause, en ce que ces dispositions règlementaires s'imposent à tout juge, y compris le juge de cassation ;

Attendu qu'il convient en conséquence de dire irrecevables et de rejeter, comme tardives, les conclusions de la société BCI remises au greffe le 8 décembre 2023 ;

II- Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que la société BCI a relevé appel le 10 mars 2023 d'un jugement rendu le 8 février 2023, sans qu'il soit justifié aux débats, ni même prétendu, qu'il ait été signifié à l'une ou l'autre des parties entre ces deux dates ; qu'il y a donc lieu de déclarer cet appel recevable ;

III- Sur le fond

Attendu qu'aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ;

Attendu que l'article 32 du même code, précise également qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir

Attendu que pour s'opposer aux demandes de la société BCI à son encontre, la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], ès qualités de mandataire ad hoc avec mission de liquidation amiable de la société SHAH, soulève diverses fins de non-recevoir fondées respectivement et chronologiquement sur le défaut d'intérêt légitime à agir, la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, et le défaut de qualité de la SHAH à défendre à l'action engagée sur le fondement d'une convention d'honoraires qui lui serait étrangère ; qu'il convient par suite d'examiner en premier lieu la question de l'intérêt à agir de la société BCI ;

Attendu qu'en application de l'article 31 du codede procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé; qu'il s'en déduit qu'il ne suffit pas, pour qu'une action soit recevable, que son auteur ait, comme c'est le cas en l'espèce, un intérêt à former des demandes à l'encontre du défendeur, mais il lui appartient de faire la preuve d'un intérêt qui soit légitime ;

Attendu qu'un intérêt légitime est exclusif d'une demande fondée sur une convention prohibée par la loi ;

1°/ Attendu qu'en droit, il résulte de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui :

1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66.

2° S'il a été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ;

3° S'il a été l'auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation ;

4° S'il a été frappé de faillite personnelle ou d'autre sanction en application du titre VI de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 précitée ou, dans le régime antérieur à cette loi, en application du titre II de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 précitée ;

5° S'il ne répond en outre aux conditions prévues par les articles suivants du chapitre de la loi dont relève cet article 54 et s'il n'y est autorisé au titre desdits articles et dans les limites qu'ils prévoient ;

Attendu qu'aux termes de ces articles 56 et suivants, ne bénéficient de cette autorisation que les membres des professions juridiques réglementées (les avocats au conseil d'Etat et à la cour de cassation, les avocats, les notaires, les commissaires de justice ' ex-huissiers de justice et commissaires-priseurs ', les administrateurs judiciaires, les mandataires-liquidateurs, les enseignants des disciplines juridiques et les juristes d'entreprise au profit de la seule entreprise qui les emploie), outre :

** les membres des autres professions réglementées, mais dans les limites autorisées par leur règlementation et dans les domaines relevant de leur activité principale,

** les personnes exerçant une activité professionnelle non règlementée pour laquelle elles justifient d'une certaine qualification et les organismes cités aux articles 61 à 64 de la même loi, mais pour des consultations juridiques relevant de leur activité principale si et seulement si celle-ci constitue l'accessoire direct de la prestation fournie et si la profession exercée bénéficie d'un agrément du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Attendu qu'en particulier, l'article 57 de la même loi de 1971 dispose que 'les personnes entrant dans le champ d'application du décret du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions, en activité ou en retraite, et dans les conditions prévues par ledit décret, ainsi que les enseignants des disciplines juridiques des établissements privés d'enseignement supérieur reconnus par l'Etat délivrant des diplômes visés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, peuvent donner des consultations en matière juridique ;

2°/ Attendu qu'en fait, la société BCI, dont il n'est pas contesté qu'elle ait racheté à M. [C] la créance litigieuse et qui d'ailleurs en justifie par la production de l'acte de cession et de sa signification au prétendu débiteur, argue d'une créance qui trouverait son fondement dans une lettre du sus-nommé, prestataire de services, à, selon lui, 'Monsieur [U] [Z], Société SHAH, SCI SOUALIGA-CARAIBES', bénéficiaires, ainsi qu'il résulte de son entête, cette lettre, datée du 20 avril 2010 et portant deux signatures distinctes dont il n'est pas contesté qu'elles soient celles de son auteur et de M. [Z], étant ainsi libellée :

'Je vous confirme mon accord pour effectuer une analyse juridique portant, outre le jugement du TGI de BASSE-TERRE, tous les aspects juridiques du dossier 'St Martin' portant sur les conditions d'acquisition, des cessions successives des (illisible), sur la vente de la SCI SOUALIGA à la SARL SHAH, sur les droits invoqués par l'adversaire à ce jour. Le montant de mes honoraires sera de 60 000 euros TTC par versements mensuels minimum de 3 000 euros, compte tenu de votre situation financière. En sus, il sera prévu un honoraire de résultat de 15 pour cent des sommes recouvrées ou économisées par vous-même, votre SCI ou la Société SHAH. Je vous remercie de me confirmer votre accord sur la présente lettre' ;

Attendu qu'il résulte des termes de cette lettre, mais aussi de l'acte de cession de créance du 14 février 2020, que les prestations proposées par M. [C] en contrepartie des honoraires ainsi convenus ont consisté en 'des conseils et analyses (...) dans un contentieux devant la cour d'appel de POINTE-A-PITRE impliquant M. [U] [Z] lui-même, ainsi que ses deux sociétés qu'il contrôlait majoritairement, la SCI SOUALIGUAC CARAIBES et la SARL SHAH' ; et que, dès lors, il s'agissait là d'activités de consultations juridiques au sens de l'alinéa premier du texte de l'article 54 sus-rappelé ;

Attendu que la BCI produit à cet égard une note de 9 pages émanant de M. [U] [C] et datée du 17 mai 2010, laquelle est intitulée 'ANALYSE DU JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BASSE TERRE' ; que s'il s'agit là d'un seul acte juridique, force est de constater qu'en ses écritures, la BCI fait l'aveu de ce que la prestation de M. [C] ne s'est pas limitée à cet acte, puisqu'en page 2/16, 6ème paragraphe, elle ajoute que l'arrêt du 22 septembre 2014 a été rendu 'sur les conclusions rédigées par M. [C] ';

Attendu qu'il est ainsi démontré que, dans le cadre du lourd et long contentieux dont M. [Z] lui avait confié la gestion de ses données juridiques, soit entre la date de la prétendue convention d'honoraires du 20 avril 2010 et celle de l'arrêt de la cour d'appel du 22 septembre 2014 sur appel du jugement du 22 mars 2007, M. [C] a commis plusieurs prestations de conseil juridique en vue de la préparation de l'instance devant la cour d'appel ; qu'il est ainsi démontré qu'à travers son engagement du 20 avril 2010 et des honoraires y réclamés et en partie payés (pour la partie fixe de 60 000 euros), selon son propre aveu, l'intéressé a donné des consultations juridiques au profit de M. [Z] et de ses sociétés 'à titre habituel et rémunéré' au sens de l'article 54 al 1 de la loi de 1971 ;

Or, attendu que s'il n'est pas contesté que M. [C] était titulaire à tout le moins du diplôme requis à l'article 54 1°, soit une licence en droit, cette condition n'était pas suffisante pour être autorisé à consulter au sens, a contrario, de l'article 54 et il est manifeste, au vu des éléments du dossier, qu'à la date à laquelle il en a pris l'engagement au profit de M. [Z] et de ses sociétés, il rentrait à tout le moins dans deux des interdits posés par cet article 54, ;

Attendu qu'en effet, il est constant qu'en 2010, M. [C] n'était plus professeur associé des facultés de droit, puisqu'il n'y avait été renouvelé, pour la dernière fois, par décret du 20 février 1992, que pour 3 années échues le 19 février 1995, toutes choses qu'il n'avait d'ailleurs pas dissimulées dans la lettre du 20 avril 2010 où il se présente comme 'ancien professeur associé des facultés de droit' ; et qu'ainsi, ne pouvait-il se réclamer de cette qualité pour, à titre accessoire et en application de l'article 57 de la loi de 1971, donner des consultations juridiques à titre habituel et rémunéré ;

Attendu qu'en second lieu, il apparaît des documents produits par l'intimée et non contestés par l'appelante, que M. [C] a été radié disciplinairement des cadres de la magistrature par décret présidentiel du 17 octobre 1995, après avis de la formation du conseil supérieur de la magistrature compétente en matière de discipline du parquet et que cette radiation a fait suite à une condamnation, en 1994, à une peine d'emprisonnement avec sursis par une juridiction pénale pour délits financiers ; qu'une telle condamnation participe bel et bien d'un manquement à la probité ; et qu'ainsi est-il établi, à l'encontre de l'opinion que la BCI développe à cet égard en ses écritures d'appelante (page 6 /16), que M. [C] relevait bel et bien, en 2010, des dispositions des 2° et 3° de l'article 54 excluant des personnes habilitées à donner des consultations juridiques à titre habituel et rémunéré, celles qui ont commis des faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ayant donné lieu à condamnation pénale ou à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation ;

Attendu qu'il résulte de ces constatations et dispositions que M. [C] a donné à M. [Z] et ses sociétés des consultations juridiques qui étaient prohibées par la loi de 1971 ; que les honoraires réclamés à ce titre par la société cessionnaire BCI sont donc fondés sur un contrat et des prestations illicites ; et que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les demandes en paiement de ladite cessionnaire ne répondaient pas à un intérêt légitime au sens de l'article 31 du code de procédure civile et étaient par suite irrecevables au sens de l'article 32 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il sera ajouté, à titre superfétatoire, toujours dans le cadre du droit d'agir défini et envisagé par les articles 30 et suivants du code de procédure civile, mais cette fois dans le cadre de la qualité à agir des parties à l'instance, soit en demande soit en défense, qu'il est également manifeste que les demandes à l'encontre de la société SHAH, à travers son liquidateur amiable, sur le fondement de la prétendue convention d'honoraires résultant de la lettre du 20 avril 2010, sont derechef irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre une personne dont la qualité de débitrice n'est nullement établie ; qu'en effet, si cette lettre vise, en son entête, en qualité de destinataires, 'M. [U] [Z], (la) société SHAH et (la) SCI SOUALIGA-CARAIBES', elle n'a été signée et, par là même, acceptée, outre son auteur M. [C], que par M. [Z], sans adjonction d'une quelconque mention qui viendrait démontrer qu'elle aurait été acceptée non seulement par le sus-nommé, ès noms, mais aussi aux noms et pour le compte desdites sociétés; que si, compte tenu de la mention de ces deux sociétés comme destinataires aux côtés de M. [Z], cette lettre peut être tenue pour un commencement de preuve pas écrit, il est produit par la BCI un élément qui tend, tout à l'inverse, à démontrer que dans l'esprit de M. [C] lui-même, seul M. [U] [Z] avait accepté le principe et le quantum de ses honoraires et en était débiteur, puisqu'après son décès en 2016, il n'a adressé sa facture d'honoraires de résultat du 30 mars 2017 qu'aux héritiers du défunt, Mme [K] [P] et M. [I] [Z], à l'exclusion de la société SHAH (pièce 3 de son dossier) ; et que la circonstance que dans l'acte de cession (pièce 4) de sa prétendue créance au profit de la BCI, de près de trois ans postérieure, soit du 14 février 2020, il indiquait que M. [Z] s'était engagé, dans le courrier du 20 avril 2010, tant en son nom propre qu'en sa qualité de 'gérant majoritaire des deux personnes morales', les sociétés SOUALIGA CARAIBES et SHAH, n'est pas de nature à permettre à la cour de dénaturer ledit courrier, puisqu'il ne dit pas cela et qu'il n'est conforté d'aucun élément extérieur et objectif ; qu'il y a donc là un second motif d'irrecevabilité, pour défaut du droit d'agir, de l'action de la société BVI, subrogée dans les droits et actions de M. [C], à l'encontre de la société SHAH, en la personne de son liquidateur amiable ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal mixte de commerce a déclaré ladite action irrecevable ;

IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que, succombant en toutes ses demandes, la société BCI supportera tous les dépens de première instance et d'appel, ce pourquoi le jugement déféré sera encore confirmé du chef des premiers de ces dépens ;

Attendu que l'appelante sera subséquemment déboutée de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles d'appel ;

Attendu que des considérations d'équité justifient à la fois de confirmer le jugement querellé en ce que le tribunal y a condamné la BCI à indemniser la SELARL BCM, ès qualités, de ses frais irrépétibles de première instance et ainsi débouté nécessairement ladite BCI de sa propre demande de ce chef, et de la condamner, au surplus, à indemniser le même liquidateur amiable, ès qualités, de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur de la somme de 5 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Dit irrecevables et rejette par suite les conclusions de la S.A.S. BÂTIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (BCI) remises au greffe le 8 décembre 2023,

- Déclare la S.A.S. BÂTIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (BCI) recevable en son appel à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 8 février 2023,

- Confirme ce jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Déboute la S.A.S. BÂTIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (BCI) de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Condamne la S.A.S. BÂTIMENTS COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (BCI) à payer à la SELARL BCM, en la personne de Me [E] [G], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc à la liquidation amiable de la S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE DE L'ANSE HEUREUSE, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Et ont signé,

La greffière, Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00243
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.00243 ?
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