COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 372 DU 11 JUILLET 2024
N° RG 22/01206 -
N° Portalis DBV7-V-B7G-DQGH
Décision attaquée: jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 21 octobre 2022, dans une instance enregistrée sous le n°2022J00004
APPELANTE :
S.N.C. Sèvres 23
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Lea Gredigui, de la SELARL OVEREED, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART(postulant)
Assistée par Me Michaël Beulque de la société DE CONTI AVOVATS, avocat au barreau de la GUYANE (plaidant)
INTIMES :
Monsieur [V] [J]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Béatrice Fusening, de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (postulant)
Assisté par Me Aude Hamelin, avocate au barreau de MONT DE MARSAN (plaidant)
S.A.S. STPA
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Béatrice Fusening de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (postulant)
Assistée par Me Aude Hamelin, avocate au barreau de MONT DE MARSAN (plaidant)
S.E.L.A.R.L. Ajassociés, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société STPA
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Béatrice Fusening, de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (postulant)
Assistée par Me Aude Hamelin, avocate au barreau de MONT DE MARSAN (plaidant)
INTERVENANTE FORCEE :
S.E.L.A.R.L. Ajassociés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société STPA.
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Béatrice Fusening, de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (postulant)
Assistée par Me Aude Hamelin, avocate au barreau de MONT DE MARSAN (plaidantt)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
M. Thomas Habu Groud, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 juin 2024 Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l'absence d'un greffier .
GREFFIER,
Lors des débats et du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRÊT :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, la SNC Sèvres 23 a loué à la SARL STPA, suivant contrat de location n°1702046GUA du 25 avril 2017, un camion de marque Volvo modèle FMX 450 6x4 Bras 24t + caisson neuf, pour une durée de 60 mois, moyennant :
- un dépôt de garantie de 19.175 euros, non rémunéré et remboursable en fin de contrat, en contrepartie et sous réserve de l'acquisition du matériel par le locataire,
- 24 loyers de 2.985,93 euros HT chacun, puis 36 loyers de 2.156,50 euros HT chacun.
En vertu d'une promesse d'achat datée du même jour, la société STPA s'est engagée à acquérir le bien loué au terme de la location, moyennant le prix de 19.175 euros, pouvant donner lieu à compensation avec le dépôt de garantie.
Les engagements de la société STPA étaient garantis par le cautionnement solidaire de son gérant, M. [V] [J], dans la limite de 186.284 euros en principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard.
Le matériel a été livré à la société STPA le 24 avril 2017.
Par jugement du 21 décembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société STPA. Dans ce cadre, Maître [N] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL Ajassociés, prise en la personne de Maître [S] [I], en qualité d'administrateur judiciaire.
Par courrier du 22 janvier 2021, la société Sèvres 23 a revendiqué auprès de l'administrateur judiciaire la propriété du matériel loué et sollicité sa restitution.
Par courrier du 12 février 2021, l'administrateur a confirmé que le matériel se trouvait bien dans l'entreprise et a fait savoir à la société Sèvres 23 qu'il entendait poursuivre le contrat en cours.
Le 1er avril 2021, la société Sèvres 23 a saisi le juge-commissaire d'une requête en revendication afin d'obtenir la restitution du matériel loué, qui n'a pas prospéré.
Par courrier du 15 juillet 2021, adressé en copie à l'administrateur judiciaire, la société Sèvres 23 a mis en demeure la société STPA de cesser toute sous-location non autorisée du matériel loué, sous peine de résiliation de plein droit du contrat de location, conformément à son article 9.
Par courrier du 30 août 2021, la société Sèvres 23 a adressé à la société STPA et à son administrateur un avis de résiliation du contrat de location pour violation de ses articles 4 et 5 et sollicité la restitution du matériel, ainsi que le paiement d'une somme de 26.890,45 euros au titre de l'indemnité de résiliation, de l'indemnité forfaitaire de 10%, de l'assurance et des frais.
Par acte du 22 décembre 2021, la société Sèvres 23 a assigné la société STPA, la société Ajassociés, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société STPA, et M. [J], ès qualités de caution solidaire de cette société, devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre afin de voir constater la résiliation de plein droit du contrat de location à la date du 30 août 2021, en application de l'article 9 de ce contrat et, en conséquence :
- condamner la société STPA à lui restituer le matériel loué sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- fixer la redevance d'utilisation à la somme mensuelle de 3.234,75 euros,
- condamner la société STPA à lui payer cette redevance à compter de la date de résiliation, intervenue le 30 août 2021, jusqu'à la date de restitution du véhicule loué,
- condamner solidairement la société STPA et M. [J], ès qualités de caution, à lui payer la somme de 26.890,45 euros se décomposant comme suit :
- 23.164,02 euros au titre de l'indemnité de résiliation,
- 2.316,40 euros au titre de la clause pénale,
- 1.410,03 euros au titre des primes d'assurance, frais et taxes de toute nature,
- outre les intérêts à échoir à compter du 30 août 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- condamner solidairement la société STPA et M. [J], ès qualités de caution, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En réponse, la société STPA, la société Ajassociés, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société STPA, et M. [J], ès qualités de caution solidaire de cette société, ont soulevé, à titre principal, l'incompétence du tribunal mixte de commerce au profit du juge-commissaire.
Subsidiairement, ils ont conclu au rejet des prétentions de la société Sèvres 23 et demandé reconventionnellement au tribunal :
- d'enjoindre à cette société, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de communiquer à la société STPA les factures en contrepartie des loyers perçus,
- d'enjoindre à la société Sèvres 23, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de communiquer tout document permettant à la société STPA de lever l'option d'achat du matériel et, subséquemment, la facture de cession définitive du matériel,
- de condamner la société Sèvres 23 au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance et une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 21 octobre 2022, le tribunal mixte de commerce a :
- débouté la 'société STPA' de sa demande principale tendant à voir dire et juger résilié de plein droit le contrat de location n°1702046GUA du 25 avril 2017, ainsi que toutes ses demandes en découlant,
- ordonné la communication par la société Sèvres 23 à la société STPA de tous documents permettant la levée de l'option d'achat prévue au contrat, ainsi que de l'intégralité des factures correspondant aux loyers payés par la société STPA au titre du contrat de location, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une durée de 6 mois,
- dit que le tribunal se réservait le pouvoir de liquider l'astreinte,
- débouté la société STPA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Sèvres 23 à payer à la société STPA la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Sèvres 23 a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 28 novembre 2022, en indiquant que son appel portait sur les chefs de jugement par lesquels le tribunal avait:
- débouté la 'société STPA' de sa demande principale tendant à voir dire et juger résilié de plein droit le contrat de location n°1702046GUA du 25 avril 2017, ainsi que toutes ses demandes en découlant,
- ordonné la communication par la société Sèvres 23 à la société STPA de tous documents permettant la levée de l'option d'achat prévue au contrat, ainsi que de l'intégralité des factures correspondant aux loyers payés par la société STPA au titre du contrat de location, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une durée de 6 mois,
- dit que le tribunal se réservait le pouvoir de liquider l'astreinte,
- débouté la société Sèvres 23 de sa demande tendant à voir condamner la société STPA et M. [J], en sa qualité de caution solidaire, à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Sèvres 23 à payer à la société STPA la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La procédure a été orientée à la mise en état.
Par actes du 10 février 2023, en réponse à l'avis du 17 janvier 2023 adressé par le greffe, la société Sèvres 23 a fait signifier la déclaration d'appel à la société STPA, à la société Ajassociés, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société STPA, et à M. [J], ès qualités de caution solidaire de cette société.
Par actes des 23 et 24 mars 2023, elle leur a fait signifier ses conclusions, remises au greffe le 24 février 2023.
Par acte du 23 mars 2023, la société Sèvres 23 a également assigné en intervention forcée la SELARL Ajassociés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société STPA adopté par le tribunal mixte de commerce le 24 novembre 2022.
Elle a dénoncé cette assignation à tous les intimés par actes des 3 et 4 avril 2023.
La société STPA, la société Ajassociés, ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société STPA, et M. [J], ès qualités de caution solidaire de cette société, ont régularisé leur constitution d'avocat par voie électronique le 19 mai 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 novembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 mars 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 27 juin 2024.Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l'absence d'un greffier .
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ La SNC Sèvres 23, appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 septembre 2023, par lesquelles l'appelante demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- de réformer le jugement entrepris en tous ses chefs visés dans la déclaration d'appel,
- statuant à nouveau :
- de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de déclarer que la sous-location non autorisée des matériels loués par la société STPA est démontrée,
- de déclarer que cette sous-location non autorisée des matériels par le locataire caractérise une violation des articles 4 et 5 du contrat de location,
- de déclarer que cette sous-location non autorisée des matériels loués par le locataire caractérise une violation des dispositions des articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts,
- de déclarer que la société STPA s'est abstenue de réaction à réception de la mise en demeure et de la notification de l'avis de résiliation,
- de déclarer en conséquence résilié de plein droit le contrat de location liant la société Sèvres 23 à la société STPA à la date du 30 août 2021, en application de l'article 9 du contrat de location liant les parties,
- de condamner la société STPA à lui restituer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, le matériel loué en vertu du contrat de location, à savoir un camion de marque Volvo modèle FMX 450 6x4 Bras 24t + caisson neuf,
- de fixer la redevance d'utilisation à la somme mensuelle de 3.234,75 euros,
- de condamner la société STPA à lui verser cette redevance d'utilisation à compter de la date de résiliation du contrat de location, intervenue le 30 août 2021, jusqu'à restitution du véhicule loué,
- de condamner solidairement la société STPA, débitrice principale, et M. [J], en sa qualité de caution solidaire de cette dernière, à lui payer la somme de 26.890,45 euros comprenant :
- la somme de 23.164,02 euros au titre de l'indemnité de résiliation,
- la somme de 2.316,40 euros au titre de la clause pénale,
- la somme de 1.410,03 euros au titre des primes d'assurance, frais et taxes de toute nature, outre les intérêts à échoir à compter du 30 août 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- subsidiairement :
- de condamner la société STPA à lui restituer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, le matériel loué en vertu du contrat de location, à savoir un camion de marque Volvo modèle FMX 450 6x4 Bras 24t + caisson neuf,
- de fixer la redevance d'utilisation à la somme mensuelle de 3.234,75 euros,
- de condamner la société STPA à lui verser cette redevance d'utilisation à compter du terme du contrat de location, intervenu le 25 avril 2022, jusqu'à restitution du véhicule loué,
- en tout état de cause :
- de condamner solidairement la société STPA, débitrice principale, et M. [J], en sa qualité de caution solidaire de cette dernière, à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner solidairement aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance.
2/ La SAS STPA, la SELARL Ajassociés, prise en la personne de Maître [S] [I], ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société STPA, et M. [J], ès qualités de caution solidaire de la SAS STPA, intimés :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juin 2023, par lesquelles les intimés demandent à la cour:
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- de débouter la société Sèvres 23 de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- y ajoutant :
- de condamner la société Sèvres 23 à payer à la société STPA la somme de 5.000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- de condamner la société Sèvres 23 à payer à la société STPA la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Sèvres 23 en tous les dépens
- de dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par Maître Aude Hamelin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'appel
L'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse.
En outre, en vertu de l'article 644 du même code, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en Guadeloupe, le délai d'appel est augmenté d'un mois pour les personnes qui ne demeurent pas dans cette collectivité territoriale.
En l'espèce, la société Sèvres 23, dont le siège social est situé en Martinique, a interjeté appel le 28 novembre 2022 du jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 21 octobre 2022, avant même toute signification.
Son appel doit donc être déclaré recevable.
Sur les chefs de jugement dévolus à la cour
Conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, en l'absence de toute demande d'annulation du jugement ou d'indivisibilité du litige, l'appel formé par la société Sèvres 23 n'a déféré à la cour que les chefs de jugement visés dans sa déclaration d'appel, puisque les intimés n'ont pas formé d'appel incident.
Dès lors, n'ont pas été déférés à la cour les chefs de jugement relatifs au rejet de l'exception d'incompétence soulevée par les défendeurs en première instance, ainsi qu'au rejet de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
En conséquence, la cour n'aura pas à répondre à l'argumentation inopérante reprise de ces chefs dans les conclusions des intimés.
Sur la résiliation de plein droit du contrat de location
En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En outre, l'article 1353 dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Sur le fondement de ces textes, les premiers juges ont considéré :
- que la société Sèvres 23 ne rapportait pas la preuve de la sous-location qu'elle imputait à la société STPA, prohibée en vertu de l'article 4 des conditions générales du contrat de location,
- qu'au contraire cette dernière justifiait d'une activité de sous-traitance, qui n'était prohibée ni par le contrat, ni par le dispositif fiscal de la Loi Girardin Industriel,
- que la société Sèvres 23 devait donc être déboutée de sa demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit de ce contrat, en vertu de son article 9.
La société Sèvres 23 conteste cette analyse en cause d'appel en affirmant :
- que toute sous-location, y compris dans le cadre de la sous-traitance de marchés, est prohibée par l'article 4 des dispositions générales du contrat,
- que la sous-location est démontrée en l'espèce,
- que le contrat a donc été résilié de plein droit.
Il est parfaitement établi que l'article 4 des conditions générales du contrat de location conclu entre la société Sèvres 23 et la société STPA stipule que le locataire devra 'exploiter pour son propre compte le matériel loué et s'interdit de le sous-louer ou de l'exploiter dans le cadre d'une activité non éligible, conformément à l'article 199 undecies B du code général des impôts.
Pour soutenir que la société STPA aurait sous-loué le matériel mis à sa disposition dans le cadre du contrat de bail, la société Sèvres 23 se fonde exclusivement sur le bilan économique et social dressé par Maître [I], administrateur judiciaire de la société STPA, en vue de l'audience du 3 juin 2021.
Ce rapport indique, au titre de l'historique des difficultés : 'Ces tensions sont à l'origine de la création d'un passif social et fiscal qui a ainsi privé la société de la possibilité de soumissionner aux marchés publics de travaux. Afin de pallier ces difficultés, l'activité de la société a été orientée pour partie sur la mise en location de son parc de matériel industriel (machines, outils...) au profit des autres sociétés du groupe. Cette activité, outre les marchés de travaux réalisés, a permis à la société STPA de réaliser en 2019 un chiffre d'affaires à hauteur de 2.416 K€ et de dégager un bénéfice de 484 K€. En termes de perspectives, au-delà des entrées financières liées à la mise en location de son matériel au profit des autres sociétés du groupe, la société demeure titulaire d'un marché d'un montant de 350 K€ à réaliser courant 2020".
Le rapport poursuit en indiquant que la situation de l'exploitation au cours de la période d'observation a été marquée par un chiffre d'affaires en net recul en 2020 qui témoigne de 'la baisse d'activité de la société et son recentrage vers une activité de location de matériel'.
En ce qui concerne les prévisions d'activité, le rapport indique que 'le prévisionnel d'activité témoigne très bien du virage stratégique et de la réduction du volant d'affaires escompté par la société. En effet, dès 2021, la société va se concentrer sur la location de matériel de terrassement pour les autres sociétés du groupe et pour d'autres entreprises du domaine'.
Cependant, ce rapport, qui fait état d'orientations générales, ne permet aucunement de démontrer que la société STPA aurait sous-loué spécifiquement le matériel loué par la société Sèvres 23 en vertu du contrat en cause, alors que seule la sous-location de ce matériel est de nature à donner lieu à une résiliation de plein droit du contrat, en vertu de l'article 9 de ses conditions générales.
Cette preuve, qui incombe à la société Sèvres 23, est d'autant moins rapportée que le rapport de l'administrateur ne contient aucun inventaire du matériel et de l'outillage dont dispose la société STPA et qu'elle serait donc susceptible de louer.
Enfin, cette société, qui conteste toute sous-location, verse aux débats des contrats de sous-traitance conclus entre elle et la société KTPE, appartenant au même groupe, ainsi que les factures correspondantes, qui démontrent qu'elle a procédé, entre janvier 2020 et décembre 2021, à des travaux de terrassement qu'elle a facturés à la société KTPE. Dès lors, elle démontre que la mise à disposition de son matériel au profit de sociétés tierces n'intervient pas exclusivement dans le cadre de la location évoquée par l'administrateur.
La société Sèvres 23 échoue donc à prouver, au regard des seuls éléments sur lesquels elle se fonde, que le bien ayant fait l'objet du contrat de location n°1702046GUA du 25 septembre 2017 aurait bien été sous-loué.
Elle ne prouve pas non plus que ce bien aurait été exploité dans le cadre d'une activité non éligible, conformément à l'article 199 undecies B du code général des impôts.
Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat de location prévue par son article 9 en cas de non observation d'une des clauses contractuelles, et qu'ils l'ont déboutée de ses demandes subséquentes.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il débouté la société Sèvres 23 de sa demande principale tendant à voir dire et juger résilié de plein droit le contrat de location n°1702046GUA du 25 avril 2017, ainsi que toutes ses demandes en découlant, seule l'erreur matérielle affectant la désignation de la partie déboutée, visée dans le dispositif du jugement sous la dénomination 'société STPA', devant être rectifiée.
Sur l'arrivée du terme du contrat de location et ses conséquences
Pour le cas où la résiliation du contrat ne serait pas retenue, la société Sèvres 23 demande à la cour, pour la première fois en cause d'appel, de constater l'arrivée à son terme du contrat de location et d'ordonner la restitution du matériel loué, ainsi que le paiement d'une redevance par la société STPA.
L'appelante conteste la décision des premiers juges qui l'ont condamnée, sous astreinte, à fournir à la société STPA tous documents permettant la levée de l'option d'achat, cette décision revenant implicitement à considérer qu'elle était tenue de transférer la propriété du bien loué à la locataire au terme du contrat.
Elle demande au contraire à la cour de juger qu'elle n'est soumise à aucune obligation de rétrocession du matériel en fin de contrat de location et que la décision des premiers juges, qui met à sa charge une obligation de cession du matériel, viole la loi des parties et les dispositions claires et sans équivoque régissant les rapports contractuels.
Il n'est pas contestable que ni l'article 199 undecies B du code général des impôts, ni l'article 217 undecies du même code, ne subordonnent expressément l'octroi de l'avantage fiscal qu'ils instaurent à la rétrocession du matériel loué à l'exploitant en fin de contrat de location.
Néanmoins, cette rétrocession découle de l'esprit même de ce procédé de défiscalisation, dit loi Girardin Industriel. En effet, l'article 199 undecies B subordonne, notamment, la réduction d'impôt à la rétrocession d'une partie de celle-ci à l'entreprise locataire'sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant'. L'emploi de la conjonction de coordination 'et' est à ce titre éclairante de la vision du dispositif qu'avait le législateur et parfaitement cohérente avec l'objectif de cette loi, qui est de promouvoir l'investissement productif.
En ce qui concerne la relation contractuelle instaurée entre la société Sèvres 23 et la société STPA, il n'est pas contestable que les conditions générales du contrat de location prévoient, dans leur article 11 que 'le matériel doit être restitué, soit après la résiliation anticipée, soit à l'expiration du contrat de location, en bon état de fonctionnement et d'entretien'.
Cependant, par acte du même jour, la société Sèvres 23 a conclu avec la société STPA une promesse d'achat.
Aux termes de cet acte, la société STPA a promis 'irrévocablement d'acquérir les biens auprès du bénéficiaire, qui accepte cette promesse en tant que telle, tout en se réservant de la lever selon les modalités ci-après'.
Cet acte précise que 'le bénéficiaire pourra lever la présente promesse d'achat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à tout moment à compter de la date de fin de location prévue dans le contrat de location.'
Il indique encore que 'le promettant rachètera les biens dans l'état où ils se trouveront le jour de la vente pour le prix définitif de 19.175 euros HT. Le paiement du prix, sous réserve d'encaissement, entraînera le transfert de propriété des biens au promettant. Le paiement du prix pourra valablement être effectué par compensation en tout ou partie avec le dépôt de garantie effectué par le promettant au titre du contrat de location, dans la mesure où le contrat de location aura été exécuté, sans incident de quelque nature que ce soit, et en particulier, sans défaut de paiement jusqu'à son terme contractuel'.
De son côté, le contrat de location prévoyait, dans l'article 4 de ses conditions particulières : 'A la signature du contrat de location, le locataire versera au fournisseur un dépôt de garantie de 19.175 euros non rémunéré et remboursable en fin de contrat, en contrepartie et sous réserve de l'acquisition du matériel par le locataire. Ce dépôt de garantie ne pourra être affecté au paiement des loyers et accessoires et sera définitivement acquis au loueur en cas de non paiement, même partiel, d'un seul loyer, ou en cas de résiliation amiable ou judiciaire du présent contrat de location'.
Malgré une apparente contradiction entre l'obligation pour le locataire de restituer le bien au terme du contrat, la faculté d'achat prévue par le contrat de bail au profit de ce dernier et l'obligation d'achat prévue par la promesse d'achat, mais subordonnée à l'option du loueur, il se déduit de l'ensemble de ces dispositions contractuelles que la commune intention des parties était que la propriété du bien loué soit transférée au profit de la STPA si le contrat arrivait à son terme sans incident et sans défaut de paiement, l'option de la société Sèvres 23 n'étant prévue que pour lui permettre de s'y opposer en cas de difficulté.
Or, en l'espèce, il convient de constater que le contrat de location est arrivé à son terme le 25 avril 2022, sans que la société Sèvres 23 n'ait rapporté la preuve du moindre incident d'exécution ou du moindre défaut de paiement.
En conséquence, sauf à violer l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat qu'elle avait conclu avec la société STPA, la société Sèvres 23 ne pouvait, sans la moindre raison, refuser de lever l'option afin de permettre le transfert de propriété.
C'est donc à bon droit que les premiers juges lui ont ordonné, sous astreinte, de communiquer tous les documents permettant la levée de cette option.
En outre, le retard pris par le transfert de propriété n'étant imputable qu'à la société Sèvres 23, alors que le paiement du prix devait se faire par compensation avec le dépôt de garantie, il n'y a pas lieu de condamner la société STPA au paiement d'une redevance d'utilisation pour la période antérieure au transfert de propriété, dès lors que, de son côté, la société Sèvres 23 a conservé le dépôt de garantie, sans la moindre contrepartie.
Sur la communication sous astreinte des factures correspondant aux loyers payés
Conformément aux dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, alors qu'elle sollicite l'infirmation du chef de jugement l'ayant condamnée à communiquer, sous astreinte, à la société STPA, les factures correspondant aux loyers payés, la société Sèvres 23 ne développe aucun moyen au soutien de cette prétention.
En conséquence, ce chef de jugement sera confirmé.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Sur le fondement de ce texte, la société STPA demande à la cour de condamner la société Sèvres 23 à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle soutient que l'appelante, à travers sa gérante, la société Inter Invest, multiplie les recours, de parfaite mauvaise foi, en usant d'arguments non fondés juridiquement qui sont de nature à jeter le discrédit sur la société STPA et sur son dirigeant, qui a pris soin d'anticiper le règlement des difficultés en demandant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
S'il est constant que la société Sèvres 23 a multiplié les démarches tendant à obtenir la restitution du matériel loué depuis l'ouverture de la procédure de sauvegarde à l'égard de la société STPA, son attitude ne peut suffire à caractériser une intention de nuire ou une légèreté blâmable, qui seules permettraient de considérer qu'elle ait commis un abus de droit en interjetant un appel à l'encontre d'une décision qui ne lui était pas favorable.
La demande formée par la société STPA sera en conséquence rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Sèvres 23, qui succombe à l'instance d'appel, sera condamnée aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Hamelin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la société Sèvres 23 aux entiers dépens de première instance.
En outre, l'équité commande de le confirmer également en ce qu'il a condamné la même, au regard du caractère sériel du présent contentieux, à payer à la société STPA la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de la condamner à lui payer une somme supplémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel.
En conséquence, la société Sèvres 23 sera déboutée de sa propre demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par la SNC Sèvres 23,
Dans les limites des chefs de jugement déférés à la cour,
Rectifie l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement attaqué en ce qu'il indique :
Déboute la 'société STPA' de sa demande principale tendant à voir dire et juger résilié de plein droit le contrat de location n°1702046GUA du 25 avril 2017, ainsi que toutes ses demandes en découlant,
Dit que ce chef de jugement sera rectifié comme suit :
Déboute la 'société Sèvres 23' de sa demande principale tendant à voir dire et juger résilié de plein droit le contrat de location n°1702046GUA du 25 avril 2017, ainsi que toutes ses demandes en découlant,
Ordonne la mention de cette rectification en marge de la minute et des expéditions du jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 21 octobre 2022,
Sous réserve de cette rectification,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SNC Sèvres 23 de l'ensemble de ses prétentions,
Déboute la SAS STPA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne la SNC Sèvres 23 à payer à la SAS STPA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,
Condamne la SNC Sèvres 23 aux entiers dépens de l'instance d'appel,
Dit qu'ils pourront être recouvrés par Maître Aude Hamelin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Et ont signé,
La greffière, Le président