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03/06/2024 | FRANCE | N°23/00227

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 03 juin 2024, 23/00227


GB/LP









COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 129 DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



AFFAIRE N° : RG 23/00227 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DRKP



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section commerce - du 26 Janvier 2023.





APPELANT



Monsieur [L] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme NIBERON de la SELARL SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRIES) MORTON & ASSOC

IES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH



INTIMÉE



S.A.R.L. CPH.PNEUMATEC, prise en la personne de son représentant légal en exercice.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Locali...

GB/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 129 DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

AFFAIRE N° : RG 23/00227 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DRKP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section commerce - du 26 Janvier 2023.

APPELANT

Monsieur [L] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme NIBERON de la SELARL SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRIES) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

S.A.R.L. CPH.PNEUMATEC, prise en la personne de son représentant légal en exercice.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Brice SEGUIER, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,

Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,

Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 juin 2024

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

********

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [K] [L] a été embauché par la Sarl Cph Pneumatec par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2007 en qualité de responsable technique.

Par lettre du 19 novembre 2019, l'employeur convoquait M. [K] à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique.

Par lettre du 12 décembre 2019, l'employeur notifiait à M. [K] son licenciement pour motif économique.

M. [K] saisissait le 3 décembre 2020 le conseil de prud'homes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir :

A titre principal :

- juger son licenciement nul,

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui verser la somme de 36000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la nullité du licenciement,

A titre subsidiaire,

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 33000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,

- condamner la Sarl Pneumatec à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir dans toutes ses dispositions.

Par jugement rendu contradictoirement le 26 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- débouté M. [K] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- débouté M. [K] [L] de sa demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [K] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauchage,

- dit que chaque partie conservera les frais de justice et les dépens de l'instance à leur charge.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 mars 2023, M. [K] formait appel dudit jugement, dont le pli de notification est revenu avec la mention 'pli avisé et non réclamé', en ces termes : 'Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté M. [K] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.

- débouté M. [K] [L] de sa demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et séreuse,

- débouté M. [K] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauchage'.

Par ordonnance du 14 mars 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 15 avril 2024 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 12 décembre 2023 à la Sarl Cph Pneumatec, M. [K] demande à la cour de :

- le recevoir en sa requête et l'y dire fondé,

A titre principal :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Et rejugeant :

- juger le licenciement nul,

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 36000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la nullité du licenciement,

A titre subsidiaire :

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 33000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,

- condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- son licenciement est nul, dès lors qu'il devait bénéficier de la protection contre le licenciement reconnue aux victimes d'accident du travail et que l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité de maintenir son contrat de travail,

- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, les difficultés économiques n'étant pas établies par les pièces versées aux débats,

- l'employeur a pourvu son poste avant même le terme de son contrat de travail,

- l'employeur a méconnu son obligation de reclassement,

- ses demandes indemnitaires sont fondées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 11 août 2023 à M. [K], la Sarl Cph Pneumatic demande à la cour de :

- sur la prétendue nullité du licenciement :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire formulée à titre principal pour licenciement nul,

- débouter M. [K] des demandes rappelées ci-dessous qu'il formule à titre principal :

* juger le licenciement nul,

* condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 36000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la nullité du licenciement,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans venait à juger nul le licenciement pour motif économique de M. [K] :

- ramener à de plus justes et raisonnables proportions le montant des dommages et intérêts alloués à ce titre en les fixant à la somme de 15750,042 euros, soit 6 mois de salaire (en dernier lieu 2625,07 euros bruts mensuels) en application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 alinéa 1er du code du travail,

Sur la prétendue absence de cause réelle et sérieuse et la prétendue violation de la priorité de réembauchage :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] :

* de sa demande indemnitaire formulée à titre subsidiaire (33000 euros) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* de sa demande indemnitaire formulée en tout état de cause (5000 euros) pour non-respect de la priorité de réembauchage,

- débouter M. [K] des demandes rappelées ci-dessous qu'il formule à titre subsidiaire (pour la première) et en tout état de cause (pour la deuxième) :

* juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 33000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamner la Sarl Cph Pneumatec à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour de céans venait à juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de M. [K],

- ramener à de plus justes et raisonnables proportions le montant des dommages et intérêts alloués à ce titre, en les fixant à la somme de 5250,14 euros, soit 2,5 mois de salaire (en dernier lieu 2635,07 euros bruts mensuels), en considération de l'ancienneté de M. [K] (12 ans) et en application du barème prévu à l'article L. 1235-3 alinéa 3 du code du travail pour une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés (soit 2,5 mois de salaire brut à compter de 10 ans d'ancienneté),

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens au titre de la première instance,

- puis statuant à nouveau, condamner M. [K] :

* à lui verser la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

* à supporter les entiers dépens de première instance,

- et à titre reconventionnel, condamner M. [K] :

* à lui verser la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

* à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel.

La société Cph Pneumatec expose que :

- le salarié ne se trouvait nullement depuis le 1er août 2019 en situation d'arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle,

- il n'a pas contesté la décision devant la commission de recours amiable de l'organisme social,

- les difficultés économiques sont démontrées par les pièces du dossier,

- le poste du salarié a été supprimé et il n'a nullement été remplacé,

- le salarié n'a pas manifesté son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage,

- le salarié ne pourra qu'être débouté de ses demandes.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne la nullité du licenciement :

Aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

Selon l'article L. 1226-9 du même code, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En application des dispositions de l'article L. 1226-13 de ce code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident. Au cours de la période de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. Il en est ainsi, alors même qu'au jour du licenciement, l'employeur a été informé d'un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

La connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident peut notamment résulter de l'engagement par le salarié d'une procédure de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

La lettre de licenciement du 12 décembre 2019, qui fixe les limites du litige, précise : 'A la suite de notre entretien qui s'est tenu le 02 décembre 2019, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour le motif économique suivant dans les conditions posées à l'article L. 1233-3 du code du travail :

- Baisse du chiffre d'affaires 2019 par rapport à 2018 :

* Premier trimestre 2019 : baisse de 54% par rapport au premier trimestre 2018

* Deuxième trimestre 2019 : baisse de 8% par rapport au deuxième trimestre 2018

* Troisième trimestre 2019 : baisse de 22% par rapport au troisième trimestre 2018

- Cette baisse importante de notre activité nous oblige à supprimer votre poste de responsable technique au sein de notre entreprise.

En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre entreprise conformément à l'article L. 1233-4 du code du travail, nous n'avons pas trouvé de poste de reclassement'.

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que M. [K] a fait l'objet d'un premier accident du travail en date du 19 mai 2014.

Le 1er août 2019, M. [K] s'est vu remettre par le Docteur [Y] [M], médecin généraliste, un certificat médical initial, portant la mention d'un accident du travail de l'intéressé à la date du 31 juillet 2019, les lésions décrites faisant notamment état d'une lombosciatique. Il bénéficiait d'un arrêt de travail jusqu'au 20 août 2019, qui a ensuite été renouvelé par des arrêts de travail jusqu'au 1er janvier 2020.

L'examen des pièces du dossier met en évidence que la télétransmission réalisée auprès de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe (CGSS) par le médecin généraliste, relative à l'accident du 31 juillet 2019, a été réalisée en cochant la case 'rechute' et en visant la date de l'accident du travail du 19 mai 2014.

Par lettre du 19 août 2019 la CGSS informait l'employeur de la réception d'un certificat médical de rechute en date du 1er août 2019 concernant M. [K].

Par lettre du 21 août 2019, dont la date de notification ne figure pas au dossier, la CGSS informait l'employeur de sa décision de refus de reconnaître le caractère professionnel de la rechute du 1er août 2019, motif pris de ce que la lésion invoquée sur le certificat médical n'était pas imputable au sinistre référencé ci-dessus, soit celui du 19 mai 2014.

Par lettre du 25 août 2019, notifiée à son employeur le 28 août 2019, M. [K] rappelait à l'employeur les circonstances de son accident intervenu alors qu'il procédait à une intervention dans le cadre de son travail. Il indiquait qu'il avait été amené à transporter du matériel sur une grande distance dans le cadre de l'installation d'un réseau d'air, lui occasionnant une lésion de type sciatique. Il lui demandait d'accomplir les diligences en vue de déclarer son arrêt de travail comme étant un nouvel accident du travail.

Par courrier du 3 septembre 2019, dont la date de notification ne figure pas non plus au dossier, la CGSS informait M. [K] de ce qu'elle avait eu connaissance de l'accident dont il avait été victime récemment le 31 juillet 2019 et susceptible d'être considéré comme un accident du travail. La CGSS précisait que, nonobstant l'obligation pour l'employeur de déclarer tout accident dont il avait connaissance dans les 48 heures, aucune déclaration n'était parvenue à l'organisme social. La CGSS invitait le salarié à faire compléter par l'employeur le formulaire de déclaration d'accident du travail et, en cas de refus de sa part, à le remplir lui-même et à le lui retourner.

A la suite de sa convocation à un entretien préalable à son éventuel licenciement, M. [K] adressait à son employeur un courrier le 26 novembre 2019 lui rappelant qu'il s'était trouvé dans l'obligation d'accomplir les démarches auprès de la CGSS en vue de la reconnaissance de son accident du 31 juillet 2019 en tant qu'accident du travail.

Par lettre du 22 septembre 2020, soit postérieurement au licenciement du salarié intervenu pour motif économique le 12 décembre 2019, la CGSS lui adressait un courrier portant reconnaissance du caractère professionnel de son accident survenu le 31 juillet 2019.

Il résulte de la chronologie des éléments ci-dessus rappelés que, malgré un certificat médical du 1er août 2019 portant mention d'un accident du travail initial survenu à la date du 31 juillet 2019, le formulaire de télétransmission à la CGSS a été rempli par le médecin généraliste avec la mention inexacte de ce que cet accident était une rechute de l'accident du travail en date du 19 mai 2014. Cette erreur est corroborée par l'attestation du Docteur [B] [J] en date du 25 février 2023, médecin généraliste, précisant que sa remplaçante, le Docteur [Y] [M] a 'déclaré un accident de travail le 01/08/2019 comme étant une rechute d'un AT de 2014". Or 'il s'agissait en fait d'un nouvel accident du travail qui a été corrigé ensuite et déclaré avec un certificat initial (d'ailleurs la demande émanait du médecin de la CGSS)'.

Si cette erreur a conduit à la décision du 19 août 2019 de refus de reconnaissance du caractère professionnel par la CGSS de l'accident de M. [K] du 31 juillet 2019, il appert que l'employeur était informé de l'absence de lien avec l'accident du travail de 2014 et, par voie de conséquence de l'absence de rechute. Il avait également connaissance, eu égard aux courriers de la CGSS et de M. [K], non seulement du lien entre ce nouvel accident et le travail du salarié, mais également de la nécessité d'initier une nouvelle procédure de déclaration de celui-ci en tant qu'accident indépendant de celui de 2014.

Il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'employeur ait accompli les démarches précitées.

Dans ces conditions, l'accident survenu le 31 juillet 2019 ayant un lien avec l'exercice des fonctions du salarié, dès lors qu'il est survenu par le fait de son travail, et l'employeur ayant connaissance de l'engagement par celui-ci d'une procédure tendant à la reconnaissance de celui-ci en tant qu'accident du travail, M. [K] est fondé à se prévaloir des règles protectrices prévues par l'article L. 1226-9 du code du travail, l'employeur ne pouvant se prévaloir de la seule décision de refus de la CGSS en date du 19 août 2019 ou de l'absence de recours du salarié devant la commission de recours amiable.

Or, l'existence d'une suppression de l'emploi du salarié par suite de difficultés économiques ne caractérise pas, à elle seule, l'impossibilité de maintenir, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, le contrat de travail d'un salarié.

Par suite, il convient de prononcer la nullité du licenciement de M. [K].

Le jugement est infirmé sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences de la nullité du licenciement :

Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Le licenciement de M. [K] ayant été déclaré nul en application de l'article L. 1226-13 du code du travail, celui-ci est fondé à solliciter le versement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du même code.

Compte tenu de son ancienneté de 12 ans et 9 mois, de son salaire moyen de 3000 euros, de son âge au moment du licenciement (52 ans) des difficultés pour retrouver un emploi, eu égard à sa reconnaissance par la Mdph en tant que travailleur handicapé pour la période du 21 mai 2018 au 20 mars 2023, de l'absence d'éléments versés aux débats sur sa situation à l'issue de la cessation des relations contractuelles, il convient d'accorder à M. [K] la somme de 30000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le jugement sera infirmé de ce chef de demande.

Sur la priorité de réembauche :

Aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

Selon l'article L. 1235-13 du code du travail, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Les parties s'accordent sur le fait que la lettre de licenciement du 12 décembre 2019 mentionne régulièrement une priorité de réembauche, à la condition que le salarié manifeste son souhait d'en bénéficier.

Le salarié verse aux débats une lettre en date du 20 décembre 2019 mentionnant son souhait d'être informé de toute éventualité de réembauche au sein de la société. Il joint le courriel du 27 décembre 2019 par lequel il a adressé cette lettre à la société.

L'employeur se borne à faire valoir que le salarié n'a pas formalisé son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage, sans s'expliquer sur cette lettre dont le courriel est adressé à la société.

Dans ces conditions, et alors que le salarié a formulé sa demande dans les délais requis, l'employeur n'a pas respecté sa priorité de réembauche, et ce d'autant plus que qu'il résulte des pièces du dossier que plusieurs emplois étaient vacants à l'issue de la rupture de son contrat de travail, dont il n'est pas démontré qu'ils n'auraient pas pu lui être proposés.

Il convient d'accorder à M. [K], eu égard aux éléments repris ci-dessus, la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Compte tenu de l'issue du présent litige, infirmant le jugement déféré, il convient de condamner la Sarl Cph Pneumatec à verser à M. [K] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La Sarl Cph Pneumatec sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 janvier 2023 entre M. [K] [L] et la Sarl Cph Pneumatec,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du licenciement de M. [K] [L] en date du 12 décembre 2019,

Condamne la Sarl Pneumatec à verser à M. [K] [L] les somme suivantes :

- 30000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la nullité du licenciement,

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche

- 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute la Sarl Cph Pneupatec de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Cph Pneumatec aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00227
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;23.00227 ?
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