La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2024 | FRANCE | N°22/00609

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 03 juin 2024, 22/00609


GB/LP







COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 128 DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



AFFAIRE N° : RG 22/00609 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DOPF



Décision déférée à la Cour : Jugement du conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section industrie - du 17 Mai 2022.





APPELANTE



Madame [L] [C]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Myriam MASSENGO LACAVE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/S

T BARTH (58)





INTIMÉE



S.A.R.L. [JO]

[Adresse 4] -

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître Lucien TROUPE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH (Toque 1)

...

GB/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 128 DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

AFFAIRE N° : RG 22/00609 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DOPF

Décision déférée à la Cour : Jugement du conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section industrie - du 17 Mai 2022.

APPELANTE

Madame [L] [C]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Myriam MASSENGO LACAVE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH (58)

INTIMÉE

S.A.R.L. [JO]

[Adresse 4] -

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître Lucien TROUPE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH (Toque 1)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 03 juin 2024

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [C] [L] épouse [IL] a été embauchée par la société Le Fournil d'Antan par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, pour le remplacement d'une employée absente pour congé maternité, à compter du 29 novembre 2013 jusqu'au 8 juin 2014, en qualité de vendeuse.

La relation de travail est devenue à durée indéterminée, par signature d'un contrat de travail à durée indéterminée, pour les mêmes fonctions, à compter du 6 février 2014.

A la suite du rachat de la société Le fournil d'Antan par la SARL [JO], un avenant au contrat de travail du 1er décembre 2018 a prévu la poursuite du contrat de travail de Mme [C] en qualité de responsable magasin non cadre, à temps plein.

A compter du 12 novembre 2019, Mme [C] épouse [IL] a été placée en arrêt de travail pour maladie ordinaire.

Par lettre du 26 décembre 2019, l'employeur notifiait à Mme [C] un avertissement.

Par lettre du 8 janvier 2020, l'employeur convoquait Mme [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 28 janvier 2020 et lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 13 février 2020, l'employeur notifiait à Mme [C] son licenciement pour faute grave.

Par lettre du 2 mars 2020, l'employeur précisait à la salariée les motifs de son licenciement, suite à sa demande par courrier du 20 février 2020.

Mme [C] épouse [IL] [L] saisissait le 29 mai 2020 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir :

- fixer la moyenne de ses trois derniers mois de salaires bruts à 1651,33 euros,

- fixer la moyenne de ses douze derniers mois des salaires bruits à 1652,08 euros,

- déclarer irrecevables les pièces 27, 34, 35, 38, 39, 40, 42 et 57 produites par la Sarl [JO],

A titre principal,

- juger le licenciement nul,

- et par conséquent, condamner la Sarl [JO] à lui verser à ce titre 13216,67 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- et par conséquent, condamner la Sarl [JO] à lui verser à ce titre 11564,48 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- ordonner à la Sarl [JO] de lui remettre l'attestation Pôle emploi rectifiée, les bulletins de paie de janvier et février 2020 rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à venir,

- condamner l'employeur à lui verser :

* 4956,25 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale auprès de la médecine du travail,

* 4946,25 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire,

* 3304,17 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 330,42 euros de congés payés afférents,

* 2650,22 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1524,32 euros au titre de rappel de salaire correspondant aux jours de mise à pied conservatoire du 18 janvier au 13 février 2020,

* 152,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents au rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire du 18 janvier au 13 février 2020,

* 13216,67 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl aux entiers dépens,

Par jugement de départage rendu contradictoirement le 17 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- débouté Mme [C] [L] épouse [IL] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [C] [L] épouse [IL] à verser à la SARL [JO] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL [JO] aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 juin 2022, Mme [C] épouse [IL] formait appel dudit jugement, dont le pli de notification ne comporte pas la mention de la date de réception, en ces termes : 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. L'appel tend à la réformation des chefs de jugement ci-après énoncés en ce qu'il a été décidé de :

- débouter Mme [C] [L] épouse [IL] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [C] [L] épouse [IL] à verser à la SARL [JO] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL [JO] aux entiers dépens'.

Par ordonnance du 20 mars 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :

- rejeté la demande tendant à voir juger que la déclaration d'appel était caduque,

- renvoyé l'affaire à la conférence virtuelle de mise en état du 25 mai 2023 à 9 heures pour dernières conclusions au fond et, à défaut, clôture et fixation,

- laissé les dépens de l'incident à la charge de l'intimée.

Par ordonnance du 25 mai 2023, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 19 juin 2023 à 14h30.

Par arrêt avant dire droit au fond en date du 25 septembre 2023, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, la cour d'appel de céans a :

- prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture,

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à la conférence virtuelle de la mise en état du jeudi 23 novembre 2023, en vue de parfaire l'échange des conclusions entre les parties,

- réservé toutes autres demandes ainsi que les dépens.

Par ordonnance du 28 mars 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 15 avril 2024 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTION DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à la Sarl [JO] le 17 novembre 2023, Mme [C] épouse [IL] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes,

Et statuant à nouveau,

- fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 1651,33 euros bruts,

- fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire à 1652,08 euros bruts,

A titre principal,

- juger le licenciement nul,

- et par conséquent, condamner la Sarl [JO] à lui verser à ce titre :

* 13216,67 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

* 13216,67 euros d'indemnité spécifique de licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- et par conséquent, condamner la Sarl [JO] à lui verser à ce titre 11564,48 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner l'employeur à verser :

* 3304,71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi que 330,42 euros de congés payés afférents,

* 2650,22 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1524,32 euros au titre de rappel de salaire correspondant aux jours de mise à pied conservatoire,

* 4946,25 euros de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire,

- condamner la Sarl [JO] à la remise de l'attestation Pôle emploi rectifiée, les bulletins de paie de janvier et février 2020 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à venir,

- condamner la Sarl [JO] à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl [JO] aux entiers dépens,

- dire que les sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine de la juridiction.

Mme [C] épouse [IL] soutient que :

- son licenciement est nul, compte tenu des faits de harcèlement moral dont elle a été victime,

- il est, à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et séreuse, les faits reprochés n'étant pas établis et l'employeur ayant épuisé à la date de celui-ci son pourvoir disciplinaire,

- ses demandes de nature salariale et indemnitaires sont justifiées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 mars 2024 à Mme [C] épouse [IL], la Sarl [JO] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

- débouter Mme [C] épouse [IL] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [C] épouse [IL] [L] à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- condamner Mme [IL] aux entiers dépens.

La Sarl [JO] expose que :

- les faits reprochés à la salariée sont établis par les pièces versées aux débats,

- aucun fait de harcèlement moral ne pourra être retenu,

- les demandes de la salariée sont injustifiées.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [C] épouse [IL] se prévaut de faits de harcèlement moral dès sa prise de fonctions en qualité de responsable de magasin le 1er décembre 2018, caractérisés, selon elle, par des instructions visant à lui faire réaliser des tâches relevant d'un poste de gérant et non de responsable de magasin, ainsi que des directives de l'épouse de l'employeur destinées à lui confier en permanence des missions en dehors de ses horaires de travail.

Au soutient de ses allégations, Mme [C] épouse [IL] verse aux débats :

- une attestation de M. [IL] [N], son époux, exerçant la profession de foreur, en date du 9 février 2020, précisant : 'Depuis le 1er août 2019, jour où Mme [JO] a fait une chute dans ses escaliers, ma femme allait faire tous les jours les courses pour la boulangerie, ainsi que les dépôts d'espèces à la banque avec sa voiture personnelle, cela jusqu'à début d'octobre où il a commencé à y avoir des tensions entre nous suite à l'utilisation de notre véhicule personnel neuf (novembre 2018). Il m'est même arrivé à 2 ou 3 reprises d'aller avec ma femme récupérer des boissons à la cave [Localité 2] [Localité 1] avec mon propre véhicule, une Peugeot partner, plus approprié qu'une 308 pour les boissons. Toutes ces activités étaient faites par ma femme en dehors de son temps de travail puisque le matin à 4h45, elle partait travailler à la boulangerie, ou encore quand elle était en repos. D'autre part, Mme [JO] [U] a commencé à émettre son opinion sur notre vie de couple, d'abord en critiquant les cours de danse que prenait ma femme le mardi soir, mais aussi en émettant des doutes quant ma paternité en stipulant que ma femme n'était pas une personne de bien et qu'elle me mentait depuis des années. J'en avais la preuve devant les yeux, en me désignant ma fille qui était présente'.

- une attestation de Mme [C] [A], soeur de la salariée, exerçant la profession d'auxiliaire de santé vétérinaire, en date du 1er février 2020, indiquant : 'Je soussignée Mme [C] [J] atteste sur l'honneur toutes affirmations de ma part. (...) Je tiens à ajouter que Mme [JO] est une personne qui s'est montrée intrusive chez ma soeur. Etant sa voisine, je n'ai pu que le constater. J'ai également pu me rendre compte que ma soeur faisait énormément de choses pour Mr et Mme [JO], que ce soit en dehors des heures de travail, par exemple courses, dépôts à la banque ou alors à titre personnel, nourrir les animaux durant leurs absences, s'occuper de leurs enfants, véhiculer Mme [JO]. Et j'ai aussi pu entendre à plusieurs repris Mme [JO] donner des directives concernant les tâches qu'elle doit effectuer à son travail et ce au domicile de ma soeur'.

- une attestation de Mme [C] [X], soeur de la salariée, exerçant la profession d'AESH, en date du 28 février 2020, mentionnant : 'Je suis venue en vacances en Guadeloupe voir ma famille du 2 au 15 février 2019. Famille que je vois peu, dû à la distance. Pour cela, Madame [IL] [L] avait posé des congés du 4 au 10 février, ainsi que 2 jours de repos (le 2 et 3/02) afin de profiter de ma venue. Malheureusement, ma soeur n'a pu pleinement profiter de ses congés, car elle fut tout le temps sollicitée par Madame [JO] [U], qui lui demandait d'effectuer certaines tâches concernant son travail de responsable de boulangerie. Je me souviens que Mme [JO] [U] lui demandait de refaire, et ce à maintes reprises, les plannings et aussi de faire les entretiens pour les vendeuses potentielles, sans compter les allers-retours sur Jarry. J'ai aussi constaté, ainsi que ma famille, que Mme [JO] [U] était très présente au domicile de Mme [IL], soit elle venait seule, soit avec ses cinq enfants. Mais souvent la présence de Mme [JO] au domicile de ma soeur concernait le travail. Et quand celle-ci ne venait pas, cela se passait au téléphone. Ce n'est qu'à partir du jeudi soir que Mme [JO] a commencé à ne plus demander à ma soeur d'effectuer des tâches pour la boulangerie. Je me suis même permise de dire à ma soeur que cela n'était pas normal puisqu'elle était en congé et que Mme [JO] n'avait aucun droit de la solliciter ainsi, Mme [IL] étant en congé. Je tiens à dire que, malheureusement, je n'ai pu profiter comme il se doit de la présence de ma soeur, nous avons perdu presque une semaine à cause des demandes excessives de Mme [JO] [U]'.

- une attestation de Mme [V] [S], mère de la salariée, retraitée, en date du 2 mars 2020, précisant : '1°) Mme [JO] m'a téléphoné afin de m'informer qu'elle avait en sa possession un enregistrement vocal et visuel du magasin dans lequel ma fille discutait avec une autre vendeuse et que ses propos ne lui ont pas plus ! 2°) que si ma fille ne s'excusait pas, elle serait vindicative d'une manière forte, qu'elle en avait les moyens financiers, qu'elle avait un bon avocat et gagnait toujours les procès intentés contre son mari 'Boulangerie [JO]'. J'ai été très choquée de l'appel de cette personne, sachant que j'étais la mère de [L] ; elle aurait pu s'en abstenir ! Je connais personnellement son mari M. [JO] [DN] depuis 1987, lorsqu'il était encore apprenti boulanger. Ses parents étaient mes amis ! Décédés hélas depuis !'

- une attestation de M. [C] [O], père de la salariée, retraité, en date du 9 mars 2020, indiquant : 'Ma fille est devenue responsable magasin au 01/12/2018, mais responsable est un futile mot. Cela a duré 15 jours, puis elle est passée bonne à tout faire. Mme [JO] n'hésitait pas à venir à son domicile alors qu'elle venait de terminer sa journée, des fois accompagnée de ses 5 enfants, restant jusqu'à 20h. Elle appelait ma fille de jour et même de nuit pour lui venir en aide. Le jour, pour faire les courses du magasin (boissons ou dépôt d'argent jusqu'à aller à Jarry, d'autres fois pour des entretiens d'embauche etc...) Et de nuit le jour où elle a fait une chute dans l'escalier chez elle alors que son mari était présent. Au mois de septembre 2019, pendant les vacances de la famille [JO], ma fille a dû gérer seule la boulangerie, les dépôts d'argent, les courses, ainsi que l'entretien de leur maison et de leurs animaux. Il m'est arrivé d'accompagner ma fille pour les achats des boissons et des dépôts à la Bred et tout cela hors heures de travail. Mi octobre 2019, ma fille a commencé à se plaindre auprès de Mme [JO] sur le fait qu'elle utilisait sa voiture personnelle pour faire les courses et les dépôts. Mme [JO] lui a répondu qu'elle était payée en tant que responsable et qu'elle devait faire ce qu'on lui disait. Début novembre, ma fille est tombée malade (dépression diagnostiquée, maladie de grave Basedow, elle est même suivie par un psychiatre). Pourtant, sans arrêt ma fille a subi un véritable acharnement de la part de ses patrons sur plan professionnel avec même des dénigrements auprès de proches'.

- une attestation de Mme [C] épouse [WK] [M], tante de la salariée, sans profession, en date du 28 février 2020, relatant les faits suivants : 'Demeurant à proximité de Mme [IL], j'ai constaté depuis fin 2018 la présence régulière voire quotidienne de Mme [JO] et de ses 5 enfants à son domicile, et ce quelle que soit l'heure de la journée ou de la soirée. Nous avons eu à partager plusieurs repas familiaux, Noël, anniversaire, avec la famille [JO] au complet. Il y a plusieurs mois déjà, Mme [IL] m'a fait part de son extrême fatigue et agacement d'avoir à supporter la présence de Mme [JO] et enfants à son domicile aussi fréquemment ou encore d'avoir la responsabilité de faire des courses pour la boulangerie en dehors de ses heures de travail. Autre fait : alors que Mme [JO] avait fait une chute chez elle, c'est Mme [IL] qu'elle a appelée dans la nuit pour lui porter secours alors que son époux était présent dans la pièces voisine....'.

- une attestation de Mme [SP] épouse [AE] [KA], coiffeuse, en date du 21 février 2020, précisant : 'Mi octobre, j'étais chez M. et Mme [JO] à la boulangerie quand Mme [IL] est arrivée au domicile de ceux-ci. Mme [JO] a demandé à Mme [IL] d'aller chercher les boissons et faire des courses pour la boulangerie à la cave [Localité 2] et au marché. Puis aller à Petit Casino pour sa maison, prendre des bouteilles d'eau. Sur sa table à manger, Mme [JO] avait disposé de l'espèce, sa carte bleue, des tickets restaurant, ainsi qu'une enveloppe de dépôt d'espèces (pour la banque) et le reste pour ses achats. Je sais que Mme [IL] ne travaillait pas cet après-midi là, que j'avais rendez-vous tout de suite après avec elle. Début novembre, Mme [JO] m'a demandé de passer à son domicile afin de sortir un mail au sujet de la vente de ma maison qu'elle devait acheter. Mais à la place, elle n'a fait que me dénigrer Mme [IL]. Je suis repartie de chez eux sans mon mail et à chacune de nos rencontres, elle ne faisait que de me faire écouter un enregistrement de Mme [IL] et une dénommée [I] qu'elle aurait enregistrées à leur insu, en mettant un micro dans le téléphone fixe de la boulangerie (d'après ses dires)'.

- une attestation de M. [Y] [MS], agriculteur, en date du 12 février 2020, indiquant : 'A plusieurs reprises, généralement l'après-midi pendant que je buvais mon café à la boulangerie maison [JO], j'ai aidé Mme [IL] [L] à décharger sa voiture, soit de boissons, soit de courses diverses pour la boulangerie'.

- une attestation de M. [H] [E], retraité, en date du 18 février 2020, suivant laquelle : 'Depuis mon appartement, [Adresse 3], fin juillet 2019, j'ai constaté une présence régulière (plusieurs fois par semaine), la présence de Madame [JO] accompagnée de ses enfants et parfois de Mr [JO] exploitant une boulangerie sis [Adresse 4], chez Madame [IL] [L] et ce jusqu'à novembre 2019".

- une attestation de Mme [B] [G], restauratrice, en date du 17 juin 2021, qui a travaillé en tant que vendeuse en boulangerie pour M. et Mme [JO] du 10/07/19 au 30/09/19, précisant : 'Je témoigne avoir reçu pour directive de la part de Monsieur et Madame [JO] que les dimanches, une fois le stock de pain vendu étant mis à disposition par les ouvriers-boulangers travaillant jusqu'au milieu de la matinée, nous devions fermer la boutique car le stock ne pouvait être réapprovisionné. Cette directive a toujours été donnée à l'oral en tant que consigne de travail. Ainsi, durant ma période de travail, il m'est arrivé ainsi qu'à mes collègues [L] [C] et [I] [T] de fermer la boulangerie de manière anticipée le dimanche faute de stock de pain'.

- une attestation de Mme [MG] [YR], barmaid, en date du 3 juillet 2022, précisant que 'Je soussignée Mme [MG] [YR] avoir vu Mme [IL] [L] payer ses marchandises en temps et en heure avec ticket-restaurant de son mari ou liquidités, ce qu'elle faisait déjà depuis 5 ans à l'époque de Mr [TH] [K]. Quand Mr et Mme [JO] ont repris l'entreprise, j'étais enceinte, j'ai dû me mettre en arrêt maternité parce que j'ai failli perdre mon bébé à 4 mois de grossesse à cause des travaux qu'on a dû faire avec mes collègues, le père et le mari de [L]. Quand je venais déposer mon arrêt-maladie, elle me payait une boisson ou une viennoiserie qu'elle me payait directement devant moi ou les autres vendeuses. Elle s'est pliée en quatre pour l'entreprise, et même quand elle ne travaillait pas elle devait courir à droite ou à gauche pour Mr et Mme [JO] (courses, garde des enfants de Mr et Mme [JO] ou tout simplement faire la fermeture). Mme [IL] a toujours été là pour eux et quand elle a eu ses problèmes de santé ils lui ont tourné le dos'.

- un courrier en date du 20 novembre 2019, adressé par la salariée à son employeur, précisant notamment : 'Le lundi 4 novembre 2019, votre épouse Madame [JO] [U] s'est rendue à mon domicile, dans la soirée aux alentours de 19h00. Malgré la présence de mon mari et de mes parents, Madame [JO] [U] a fait un esclandre, m'accusant de ne pas respecter les horaires d'ouverture et de fermeture de la boulangerie' et 'Afin de remettre à Madame [JO] [U] mon arrêt maladie en main propre, de la une conversation démarre sur le parking où Madame [JO] [U] m'accuse de certaines choses que j'avais dite, et me fait part de l'installation de micros avec enregistrement (sonore et audio) et que vous m'aviez enregistrée à mon insu ainsi que le reste du personnel, au sein de la boulangerie'.

- des arrêts de travail du 12/11/19 au 19/11/19, du 19/11/19 au 19/12/19, du 19/12/19 au 17/01/20, ces derniers précisant notamment 'maladie Basedow'.

- une attestation de suivi de la médecine du travail en date du 21 novembre 2019 indiquant : 'poursuite de l'arrêt maladie, à revoir à reprise du travail'.

- une attestation du Docteur [ER], psychiatre, en date du 30 mars 2021, précisant que Mme [IL] [Z] est suivie depuis le mois de mai 2020 suite à un conflit à son ancien travail, qui a nécessité un traitement antidépresseur en place depuis novembre 2019,

- plusieurs attestations d'employeurs ou salariés afférentes à des périodes de travail de Mme [C] épouse [IL] en dehors de celle relative au contrat de travail en cause.

Il résulte des éléments repris ci-dessus que Mme [C] épouse [IL] établit l'existence de faits répétés ayant consisté à la solliciter régulièrement pour l'accomplissement de tâches en lien avec son poste, en dehors de son temps de travail. Elle présente également des éléments de fait relatifs aux directives données en ce sens par l'épouse du gérant, lequel ne pouvait les ignorer, du fait de sa présence sur les lieux ou du courrier de la salarié du 20 novembre 2019.

Toutefois, la salariée ne justifie pas, par les pièces produites, que les tâches confiées relevaient des fonctions du gérant et non des siennes, alors qu'elle était responsable du magasin.

Dans ces conditions, Mme [C] épouse [IL] produit seulement des éléments repris ci-dessus relatifs aux sollicitations récurrentes de son employeur en dehors de son temps de travail pour l'accomplissement de tâches, ainsi que des pièces médicales relatives à un syndrome dépressif à compter du mois de novembre 2019 et un suivi, notamment pour la maladie de Basedow, qui pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur réfute les allégations de la salariée en précisant l'existence de liens d'amitié étroits entre les parties jusqu'à la dégradation de ceux-ci.

Il produit :

- deux attestations du 9 février 2021, émanant de Mme [W] [M], dépourvues de pièce d'identité, relatives au dédommagement de la salariée pour les services rendus à M. et Mme [JO] relatifs pour le gardiennage des animaux de leur maison en leur absence et concernant la chute de Mme [JO] à son domicile à l'issue de laquelle la salariée avait manifesté le souhait de s'occuper de cette situation.

- des échanges de messages téléphoniques mettant en évidence les liens personnels entre l'employeur et la salariée.

- six attestations de salariés ou anciens salariés de la société indiquant avoir travaillé dans de bonnes conditions au sein de la boulangerie [JO].

- une attestation de Mme [T] [I], dépourvue de pièce d'identité, précisant : 'Je soussignée Mlle [T] [I] atteste sur l'honneur que Mme [IL] [L] , responsable du personnel de l'entreprise 'Maison [JO]' est venue accompagnée de Mme [JO] dans la même voiture de cette dernière le lundi 28 octobre 2019 vers 18h30 effectuer un contrôle ménage, Mme [IL] était souriante de bonne humeur'.

- une attestation de Mme [UW] [D], sans profession indiquée, en date du 8 février 2021, suivant laquelle : 'M. et Mme [JO] se sont installés en Guadeloupe en octobre 2018. Nous sommes restés amis après leur départ. Je suis allée leur rendre visite en avril 2019 (billets d'avion qu'ils m'ont offerts) et j'ai pu constater le travail de la responsable de leur nouveau magasin (où M. [JO] gère la partie fabrication et Mme [JO] la partie administrative et logistique). Elle voulait s'occuper elle-même des plannings afin de pouvoir s'octroyer les horaires de travail qui lui plaisaient sans même en faire de même avec ses collègues, chose que Mme [JO] a reprise en main quand elle s'en est aperçue. Elle demandait ses payes en avance de ses collègues (j'ai moi-même établi son chèque de paye le 30 avril afin d'avancer Mme [JO] dans ses démarches, qui devait joindre la comptable pour établir la fiche de paye en avance). Nous avons bouleversé notre emploi du temps pour lui rendre service et sommes allées lui déposer le chèque en main propre à son domicile (elle nous a invitées à prendre un verre chez elle, invitation que nous avons refusée, faute de temps). La responsable connaissait les patrons avant d'être leur employée, profitait de son statut 'd'amie' et n'a pas hésité à se servir d'infos personnelles de manière déloyale contre Mr et Mme [JO]'.

Il résulte des pièces de l'employeur que les relations professionnelles entre les parties se sont structurées autour de liens préalables et étroits d'amitié entre celles-ci, point qui ressort également des attestations versées aux débats par la salariée. Dans ces conditions, il appert que les sollicitations de Mme [JO] en vue de la réalisation de tâches de la part de la salariée en dehors de son temps de travail et que sa présence à son domicile résultent du contexte amical dans lequel les parties ont volontairement articulé leurs relations professionnelles. Le seul incident relaté par la salariée dans son courrier du 20 novembre 2019, relatif à la journée du 4 novembre 2019 est contesté dans une lettre en réponse de l'employeur en date du 13 décembre 2019, puis du 8 janvier 2020. Dans ces conditions, il ne peut être retenu de faits de harcèlement moral, l'employeur justifiant que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par suite, et en l'absence de harcèlement moral, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [C] épouse [IL] de sa demande de condamnation de l'employeur au versement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur le licenciement :

En ce qui concerne la nullité du licenciement :

En l'absence de harcèlement moral, Mme [C] épouse [IL] n'est pas fondée à solliciter, pour ce motif, le prononcé de la nullité de son licenciement et le versement d'une indemnité pour licenciement nul.

Le jugement est confirmé sur ce chef de demande.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 13 février 2020, qui fixe les limites du litige, étant observé que les termes de la lettre du 2 mars 2020 précisant les motifs sont identiques, précise : 'Nous vous avons reçue le 28 janvier 2020 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivantes:

Vol répété de produits et marchandises au sein de l'entreprise

Au titre de votre fonction de responsable de magasin, vous aviez pour mission de contrôler et préserver l'intégrité, notamment en quantité, de la marchandise proposée à la vente aux clients de l'entreprise.

Il a été porté à notre attention en date du 21 novembre 2019 par les autres membres du personnel que vous procédiez régulièrement depuis plusieurs mois en l'absence de la direction, à des retraits importants de marchandises (boissons, viennoiseries, gâteaux, poulets...) que vous vous accapariez soit directement soit par l'intermédiaire de votre époux qui se présentait dans l'établissement en votre nom, et ce sans les payer à la caisse et les notant en perte afin que vos agissements échappent à notre vigilance.

Profitant par ailleurs de votre position hiérarchique pour imposer le silence à vos collègues témoins de vos agissements.

Un tel comportement est constitutif d'un vol.

L'enquête approfondie auprès de l'ensemble des autres salariés et les diligences externes de recherche que nous avons menées ont confirmé l'ensemble de ces faits que vous n'avez d'ailleurs pas niés lors de votre entretien.

Il s'agit d'une exécution particulièrement déloyale du contrat de travail, que nous qualifions de faute grave.

Non-respect des horaires d'ouverture et de fermeture de l'établissement

Au titre de votre fonction de responsable de magasin, vous aviez pour mission de procéder vos jours de travail à l'ouverture et à la fermeture de l'établissement à la clientèle aux heures fixées par la direction.

Il a été porté à notre attention en date du 21 novembre 2019 par les autres membres du personnel que vous procédiez régulièrement en l'absence de la direction et pour des raisons de convenances personnelles, d'une part à l'ouverture tardive et d'autre part à la fermeture prématurée de l'établissement à la clientèle.

N'hésitant ni à faire patienter pendant de longues minutes les clients qui s'étaient présentés à l'horaire normal d'ouverture, ni à l'inverse à fermer les portes alors que ces clients étaient encore en terrasse au magasin en train de consommer.

Profitant là encore de votre position hiérarchique pour imposer le silence à vos collègues.

L'enquête approfondie auprès de l'ensemble des autres salariés et les diligences externes de recherche que nous avons menées auprès de la clientèle habituelle de l'entreprise ont confirmé l'ensemble de ces faits graves et préjudiciables à l'entreprise.

L'ensemble de ces faits constitue un exécution particulièrement déloyale du contrat de travail, aggravée compte tenu de vos fonctions de responsable de magasin au sein de l'entreprise, causant un préjudice évident à la société.

Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé'.

S'agissant des faits de vol de marchandise, il résulte des pièces du dossier que la salariée a été relaxée, par jugement du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre en date du 18 octobre 2023. Dès lors que les faits de la prévention devant le tribunal correctionnel sont similaires à ceux de vol reprochés dans le cadre de la procédure de licenciement, qu'il n'est pas établi qu'un recours ait été exercé à l'encontre du jugement précité du tribunal correctionnel et qu'une telle décision définitive de la juridiction pénale statuant au fond sur l'action publique a autorité absolue de la chose jugée au civil quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de la personne à laquelle le fait est imputé, le grief de vol de marchandises ne pourra pas être retenu.

Concernent le non respect par la salariée des horaires d'ouverture et de fermeture de la boulangerie, l'employeur verse aux débats :

- une attestation de Mme [T] [I], dépourvue de pièce d'identité, en date du 22 novembre 2019, précisant : 'Je soussignée Mme [T] [I] atteste sur l'honneur que Mme [IL] [L] responsable du personnel de l'entreprise 'Maison [JO]' a quitté son poste de travail environ 45 minutes pour des raisons personnelles sans prévenir ni autorisation du patron M. [JO] [DN] le 1er novembre 2019. Par ailleurs, ce même jour Mme [IL] [L] m'a laissée seule malgré son poste de responsable à la fermeture de 13h30 alors que nous devions être à deux ce jour-là. Mme [IL] [L] étant responsable, ce devait être assidu, or ce ne fut pas le cas'.

- une attestation de Mme [P] [R], cliente de la boulangerie, en date du 24 novembre 2019, précisant : 'J'atteste que ce n'est pas la première fois que la boulangerie 'Maison [JO]' était fermée par [L] avant l'heure inscrite sur le panneau à l'entrée. Mon conjoint ainsi que moi-même avons pour habitude de prendre notre petit-déjeuner, ainsi que nos sandwichs à cet endroit. [L] a fermé le rideau sur nous alors que nous prenions notre petit déjeuner. Nous avons donc été contraints de laisser tasses, plateau, etc à l'extérieur de l'entreprise à la vue de tous'.

- une attestation de M. [F] [HI], client régulier de la boulangerie, en date du 24 novembre 2019, mentionnant : 'J'atteste avoir constaté la boulangerie 'Maison [JO]' baisser les rideaux pour fermeture, avant l'heure programmée de celle-ci. Avant certitude, nous avions déjà remarqué des fermetures à horaire différé, par Madame [L]',

- un relevé du 23 novembre 2019 des dates et heures de mise en route et de mise hors service de l'alarme de sécurité de la boulangerie, mentionnant, pour le dimanche 15 septembre 2019, une mise hors service à 13h23, et, pour le dimanche 6 octobre, une mise en service à 13h11,

- des documents relatifs à la télécollecte de la caisse effectuée le 15 septembre 2019 à 13h13 et le 6 octobre 2019 à 12h50.

L'examen de ces pièces met en évidence la justification par l'employeur de trois situations de non respect des heures de fermeture de la boulangerie, le 15 septembre 2019, le 6 octobre 2019 et le 1er novembre 2019. Les attestations de Mme [P] et de M. [F], nonobstant leur manque de précisions quant à la date des faits commis, permettent de retenir l'existence d'autres faits similaires. Elles démontrent surtout que la salariée a agi de manière particulièrement désinvolte, et dès lors fautive, puisqu'ils se sont retrouvés à la porte avec leur plateau.

La salariée ne saurait se prévaloir de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur dès lors que l'avertissement qui lui a été notifié par lettre du 26 décembre 2019 vise des faits distincts, ni alléguer que l'employeur avait eu connaissance des faits reprochés avant le 21 novembre 2019, alors que les pièces mentionnées ci-dessus attestent du contraire. Mme [C] épouse [IL] ne peut davantage se prévaloir du caractère vague des motifs de la rupture du contrat de travail, la lettre de licenciement étant suffisamment précise, ni de l'absence de règlement intérieur qui est sans incidence dès lors qu'aucune violation de celui-ci ne lui est reproché, ni du délai tardif de son licenciement au regard de la connaissance des faits dès le 21 novembre 2019, situation également inopérante dès lors que l'engagement de la procédure disciplinaire est intervenue moins de deux mois à l'issue de la connaissance de ceux-ci.

Toutefois, il appert que l'horaire de fermeture de la boulangerie n'a pas été respecté à plusieurs reprises par la salariée, incluant une mise en marche prématurée de l'alarme 7 minutes et 19 minutes avant l'horaire de 13h30 applicable et son absence le 1er novembre 2019, sans qu'il soit précisé les conséquences en termes de respect de l'horaire de fermeture alors que celle-ci a été assurée par une autre collaboratrice. Le défaut de respect des horaires de l'établissement par la salariée de manière réitérée et le fait qu'elle n'a pas hésité à laisser des clients à la porte, justifient le prononcé, compte tenu de ses fonctions de responsable magasin, du licenciement non pas pour faute grave, mais pour faute sérieuse, caractérisant une cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

Quant à la moyenne des salaires :

Il convient de fixer la moyenne des salaires de Mme [C] épouse [IL] à la somme de 1652,08 euros, correspondant à la moyenne de ses douze derniers mois, et non pas des trois derniers mois, et à celle de 1651,33 euros correspondant à la moyenne des trois derniers mois de salaires bruts de la salariée.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Quant à l'indemnité compensatrice de congés payés et les congés payés y afférents :

En application du 3ème alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, dans le dispositif de ses dernières écritures, Mme [C] épouse [IL] sollicite le versement de la somme de '3304,71 euros d'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi que 330,42 euros de congés payés afférents'.

Au soutien de cette prétention, dans les motifs de la discussion, la salariée se prévaut de son droit à un préavis et aux congés payés y afférents.

Toutefois, la cour n'étant tenue que par le dispositif des écritures de la salariée, le droit à un préavis est sans incidence sur sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés et des congés payés y afférents, dont elle ne justifie au demeurant pas du bien fondé par d'autres éléments que le droit à un préavis.

Par suite, il convient de débouter la salariée de ces chefs de demandes.

Quant à l'indemnité légale de licenciement :

En application des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail, il convient d'allouer à Mme [C] épouse [IL] qui comptait une ancienneté de près de 6 ans et 6 mois, incluant le délai de préavis, la somme de 2650,22 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Quant au rappel de salaire de la mise à pied :

Le licenciement de Mme [C] épouse [IL] étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il convient de lui accorder la somme de 1524,32 euros au titre du rappel de salaire correspondant aux jours de mise à pied à titre conservatoire.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande présentée à ce titre.

Quant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement de Mme [C] épouse [IL] reposant sur une cause réelle et sérieuse, la salariée ne peut qu'être déboutée de sa demande présentée à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé sur ce chef de demande.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire :

Mme [C] épouse [IL] ne justifie pas, en se prévalant de la convocation à deux entretiens préalables, l'un lié à un avertissement et l'autre relatif au licenciement en cause, de circonstances brutales et vexatoires ayant entouré son licenciement.

Si elle fait valoir le haussement de ton de Mme [JO] en date du 19 novembre 2019, il appert que cette situation a été contestée par l'employeur dans son courrier du 13 décembre 2019, puis du 9 janvier 2020.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement ne ce qu'il a débouté Mme [C] épouse [IL] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire.

Sur l'absence de visite médicale :

Si Mme [C] épouse [IL] se prévaut d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, à défaut d'organisation d'une visite médicale après 1er décembre 2018, il n'est pas établi qu'elle devait bénéficier d'une telle visite à compter de cette date. Il résulte également des pièces du dossier que la salariée a été placée en arrêt de travail ininterrompu à compter du 12 novembre 2019, que l'employeur avait accompli les diligences pour lui permettre de bénéficier d'une visite de reprise à l'issue de son premier arrêt de travail, soit le 20 novembre 2019, la salariée étant conviée à une telle visite le 25 novembre 2019, puis qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire jusqu'à la date de son licenciement.

Dans ces conditions, Mme [C] épouse [IL] ne peut pas se prévaloir d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Sur les autres demandes :

Infirmant le jugement, il convient d'ordonner à la Sarl [JO] de remettre à Mme [C] épouse [IL] [L] les bulletins de salaires des mois de janvier et février 2020, lesquels pourront figurer sur une seule fiche de paie, ainsi que l'attestation Pôle emploi rectifiée, conformément au présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

En application du 4ème alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, Mme [C] épouse [IL], qui ne sollicite plus le versement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, ni une indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire, est réputée avoir abandonné ces demandes en cause d'appel.

Les condamnations produiront intérêts au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 1231-7 du code civil.

Chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Par suite, il convient d'infirmer le jugement et de débouter les parties de leurs demandes présentées sur ce fondement, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Infirmant le jugement déféré, chaque partie supporta la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement de départage rendu le 17 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [C] épouse [IL] [L], mais seulement en ce qu'il a débouté Mme [C] épouse [IL] [L] de ses demandes afférentes aux dommages et intérêts pour harcèlement moral, au prononcé de la nullité de son licenciement, à l'indemnité pour licenciement nul, à l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux dommages et intérêts pour absence de visite médicale, aux dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire, en ce qu'il a condamné Mme [C] épouse [IL] [L] à verser à la Sarl [JO] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la Sarl [JO] aux dépens de première instance,

Infirmant et statuant à nouveau sur les autres chefs de demandes,

Dit que le licenciement de Mme [C] épouse [IL] [L] repose sur une faute sérieuse, caractérisant une cause réelle et sérieuse,

Fixe la moyenne de trois derniers mois de salaires bruts de Mme [C] épouse [IL] [L] à la somme de 1651,33 euros,

Fixe la moyenne des douze derniers mois de salaires bruts de Mme [C] épouse [IL] [L] à la somme de 1652,08 euros,

Condamne la Sarl [JO] à verser à Mme [C] épouse [IL] [L] les sommes suivantes:

- 2650,22 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1524,32 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux jours de mise à pied à titre conservatoire,

Dit que les sommes produiront intérêts au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,

Ordonne à la Sarl [JO] de remettre à Mme [C] épouse [IL] [L] les bulletins de salaires des mois de janvier et février 2020, lesquels pourront figurer sur une seule fiche de paie, ainsi que l'attestation Pôle emploi rectifiés,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes subséquentes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00609
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;22.00609 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award