La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2024 | FRANCE | N°22/00484

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 03 juin 2024, 22/00484


GB/LP











COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 127 DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



AFFAIRE N° : RG 22/00484 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DODC



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - section encadrement- de Pointe-à-Pitre du 12 Avril 2022.





APPELANTE



S.E.L.A.R.L. PHARMACIE BERTHELOT [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître Aude HAMELIN, avocat plaidant inscri

t au barreau de MONT-DE-MARSAN & par Maître Béatrice FUSENIG de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (Toque 48)



INTIMÉE



Ma...

GB/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 127 DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

AFFAIRE N° : RG 22/00484 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DODC

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - section encadrement- de Pointe-à-Pitre du 12 Avril 2022.

APPELANTE

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE BERTHELOT [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître Aude HAMELIN, avocat plaidant inscrit au barreau de MONT-DE-MARSAN & par Maître Béatrice FUSENIG de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (Toque 48)

INTIMÉE

Madame [I] [G] épouse [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître Christophe CUARTERO, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH (Toque 101)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 juin 2024

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Madame Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [G] épouse [K] [I] a été embauchée par la Snc Pharmacie du carrefour, devenue Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 juillet 2006 en qualité de secrétaire comptable.

Par lettre du 14 avril 2020, l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique.

Mme [G] épouse [K] [I] acceptait le 14 mai 2020 le contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre du 28 mai 2020, l'employeur lui notifiait les motifs de son licenciement pour raison économique et la rupture d'un commun accord à l'issue de l'expiration du délai de réflexion.

Mme [G] épouse [K] [I] saisissait le 6 octobre 2020 le conseil de prud'hommes aux fins de voir :

- juger que son salaire de référence était de 4051,44 euros bruts,

- juger que la Société Pharmacie Berthelot n'a pas notifié valablement le motif économique justifiant la rupture de son contrat de travail,

- juger que la Société Pharmacie Berthelot a manqué à son obligation de reclassement dans le cadre du licenciement pour motif économique,

- juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

- juger que la Société Pharmacie Berthelot n'a pas notifié valablement l'indication de sa priorité de réembauche,

- juger vexatoires les conditions de la rupture du contrat de travail,

En conséquence :

- condamner la Sarl Pharmacie Berthelot à lui verser les sommes suivantes :

* 97234,56 euros et subsidiairement celle de 48617,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12154,32 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'indication de la priorité de réembauche,

* 12154,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions vexatoires,

- 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire.

Par jugement rendu contradictoirement le 12 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- reçu la requête de Mme [G] épouse [K] et l'a déclarée fondée,

- condamné la Selarl Pharmacie Berthelot Destrelland, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [G] épouse [K] [I] les sommes suivantes :

* 48617,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12154,32 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'indication de la priorité de réembauche,

* 6077,16 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions vexatoires,

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la partie défenderesse de ses demandes reconventionnelles ainsi que de celle relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la partie défenderesse aux éventuels dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 mai 2022, la Sarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 21 avril 2022, en ces termes : 'Objet/Portée de l'appel :

- reçoit la requête de Mme [G] épouse [K] et l'a déclarée fondée,

- condamne la Selarl Pharmacie Berthelot Destrelland, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [G] épouse [K] [I] les sommes suivantes :

* 48617,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12154,32 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'indication de la priorité de réembauche,

* 6077,16 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions vexatoires,

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la partie défenderesse de ses demandes reconventionnelles ainsi que de celle relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la partie défenderesse aux éventuels dépens de l'instance'.

Par ordonnance du 14 mars 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture d'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 15 avril 2024 à 14h30.

Par avis adressé le 24 avril 2024, la cour à invité les parties à faire valoir leurs observations, jusqu'au 29 avril 2024 au plus tard, sur le moyen relevé d'office tiré de l'absence de justification de l'existence d'une demande visant à bénéficier d'une priorité de réembauche prévue par l'article L. 1233-45 du code du travail, cet article étant invoqué dans leurs écritures.

Dans sa note en délibéré communiquée à la cour et à la salariée intimée, la société fait valoir que Mme [K] n'a pas manifesté son souhait de bénéficier de la priorité de réembauche qui lui avait régulièrement été notifiée et qu'elle ne correspondait pas aux profils de postes vacants après la rupture de son contrat de travail.

Par une note en délibéré communiquée au greffe de la cour et à la société appelante, Mme [K] sollicite la confirmation du jugement déféré s'agissant de la priorité de réembauche, précisant que le bénéfice de celle-ci n'a pas été porté à sa connaissance avant la lettre de rupture en date du 28 mai 2020, qu'elle a fait régulièrement valoir verbalement auprès de l'employeur son souhait d'y avoir droit et que, si un doute subsiste, il doit lui profiter.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 12 octobre 2023 à Mme [K], la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et fondé,

Y faisant droit,

- réformer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [K] [I] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [K] [I] à lui payer les sommes suivantes :

* 4000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

* 10000 euros par application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] [I] en tous les dépens,

- dire que ceux d'appel pourrons être recouvrés directement par la Selarl Derussy-Fusenig-Mollet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4] soutient que :

- les difficultés économiques sont établies par les pièces du dossier,

- l'obligation de reclassement a été respectée,

- la salariée occupant le seul poste relevant de sa catégorie, aucun critère de l'ordre des licenciement ne devait être fixé ni mis en oeuvre,

- la lettre de licenciement mentionnait la priorité de réembauchage et la salariée ne correspondait pas aux postes vacants à l'issue de la rupture de son contrat de travail,

- contrairement à ses allégations, le poste de la salariée n'a pas été pourvu.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 13 décembre 2023 à la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4], Mme [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter subséquemment la société Pharmacie Berthelot de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Pharmacie Berthelot à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pharmacie Berthelot aux entiers dépens.

Mme [K] expose que :

- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à défaut de difficultés économiques et de respect de l'obligation de reclassement,

- aucun document relatif au motif économique n'a été porté à sa connaissance au plus tard à la date de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle,

- elle a été remplacée à son poste,

- l'employeur n'a pas respecté la priorité de réembauchage,

- son licenciement a été prononcé dans des conditions vexatoires.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne le bien fondé du licenciement :

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Selon l'article L. 1233-4 du même code, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Aux termes de l'article L.1233-67 du même code, l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail.

Si en cas d'adhésion du salarié à un tel dispositif, le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties, il n'en demeure pas moins que cette rupture, qui découle d'une décision de licenciement prise par l'employeur, doit être justifiée par une cause économique réelle et sérieuse que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail, comme il peut contester la recherche de reclassement par l'employeur mais aussi l'ordre des licenciements ou la mise en oeuvre de la priorité de réembauche.

En l'espèce, la lettre de rupture du contrat de travail de la salariée du 28 mai 2020, qui fixe les limites du litige, précise : 'Je vous rappelle que par jugement en date du 24 avril 2020, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de notre société, la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4].

L'ouverture de cette procédure a été rendue nécessaire par les difficultés rencontrées par l'entreprise, qui enregistre une très forte dégradation de son chiffre d'affaires sur les trois derniers exercices.

Cette baisse résulte principalement des difficultés sectorielles rencontrées (diminution de la marge sur le prix du médicament), ainsi que de la baisse de fréquentation du centre commercial.

Dans ce contexte, la société subit, depuis bientôt trois ans, une diminution sensible de son résultat d'exploitation, et partant de son résultat net.

Seule une baisse des charges d'exploitation et partant, de la masse salariale, permettra un retour à l'équilibre, garant de la pérennité de l'entreprise.

A ces difficultés structurelles s'ajoutent des difficultés conjoncturelles liées à l'état d'urgence sanitaire décrété au cours du mois de mars 2020 et qui a impacté la pharmacie en termes de volume d'activité.

L'ensemble de ces éléments impose des mesures de restructuration de sorte que l'entreprise se trouve dans l'obligation de réduire la masse salariale.

Je vous précise néanmoins, qu'afin d'éviter votre licenciement, j'ai mis en oeuvre tous les moyens dont je dispose pour rechercher un poste de reclassement correspondant à votre profil tant en interne , qu'en externe vis -à-vis de sociétés tierces. A ce jour mes recherches n'ont pas abouti.

Votre poste appartenant à la catégorie professionnelle secrétaire comptable est concerné par cette mesure de licenciement.

Lors de l'entretien préalable du 12 mai 2020, je vous ai informé que j'étais contraint d'envisager votre licenciement.

Aussi, j'ai le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour raison économique (restructuration de l'entreprise consécutivement aux difficultés financières rencontrées et ayant conduit à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire).

Au cours de cet entretien, il vous a été remis les documents concernant la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Vous disposiez d'un délai de réflexion de 21 jours à compter du lendemain de la réception du formulaire soit jusqu'au 02 juin 2020.

En date du 14 mai 2020, vous avez accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Votre contrat de travail sera en conséquence rompu d'un commun accord à la date d'expiration du délai de réflexion et le solde de votre préavis sera payé directement au Pôle Emploi'.

Mme [K] allègue le défaut de difficultés économiques et l'absence de tentatives de reclassement.

S'agissant de la recherche de reclassement, l'employeur verse uniquement aux débats des courriers visant au reclassement externe de la salariée. S'agissant des tentatives de reclassement interne, l'employeur ne produit pas d'éléments aux débats sur ce point qui est critiqué par la salariée. Il convient de relever que l'employeur admet la création d'un poste de secrétaire administratif au cours de la période d'observation et postérieurement au licenciement de Mme [K], sans toutefois apporter de précisions relatives à l'impossibilité de proposer ce poste à l'intéressée par la seule mention dans ses écritures de ce que celle-ci ne pouvait pas remplir ces fonctions puisqu'elles ne correspondaient pas à sa formation, ni à ses capacités professionnelles.

Par suite, l'employeur ayant méconnu son obligation de reclassement, la rupture contrat de travail de Mme [K] s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il convient de tenir compte de l'ancienneté de la salariée de près de quatorze années, de son salaire moyen, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (56 ans), de l'absence d'éléments relatifs à sa situation à l'issue de la cessation des relations de travail étant observé que l'employeur n'est pas utilement contredit dans ses affirmations relatives à l'exercice par Mme [K] d'une activité indépendante d'intermédiaire du commerce en produits divers depuis le 1er mars 2021.

Par suite, il y a lieu de lui accorder la somme de 38000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est réformé sur ce chef de demande.

Sur la priorité de réembauche :

Aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique et mentionner le bénéfice de la priorité de réembauche soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L.'1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l' acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation .

Selon l'article L. 1235-13 du code du travail, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

L'examen de la lettre de rupture du 28 mai 2020 met en évidence la mention d'une priorité de réembauche dont bénéficie la salariée, en ces termes : 'Selon la loi, vous bénéficiez d'une priorité de réembauche durant le délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, à condition de faire part à l'entreprise de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année'.

Il n'est pas établi par les pièces du dossier que Mme [K] ait été informée, antérieurement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, de cette faculté de réembauche prioritaire.

Toutefois, Mme [K] ne peut se prévaloir du non respect de la priorité de réembauche par l'employeur au motif du recrutement d'un salarié après son licenciement, dès lors qu'il n'est pas justifié d'une demande de sa part, même verbale, visant à bénéficier de cette priorité de réembauche.

S'agissant de la tardiveté de 14 jours dans la transmission par l'employeur de sa faculté de bénéficier d'une telle priorité, Mme [K] ne justifie pas du préjudice en résultant.

Par suite, et en l'absence de doute de nature à profiter à la salariée, il convient d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :

Il résulte des articles 1231 et suivants du code civil que le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages et intérêts distincts des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture.

Mme [K] se prévaut de la soudaineté de son licenciement alors qu'elle comptait 14 années d'ancienneté. Elle souligne également les termes du compte rendu de son entretien préalable rédigé par le délégué du personnel y ayant assisté et mentionnant une décision de licenciement prise depuis le mois de juin 2019 suite aux conclusions du mandataire ad'hoc et à la conciliation, ainsi que le manque d'humanité consistant à ne pas avoir informé la salariée de son licenciement programmé depuis près d'un an.

Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à justifier des circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement de Mme [K], étant observé que la perspective de procéder à un licenciement dans le cadre des étapes d'une procédure collective ne saurait caractériser une faute de l'employeur, pas plus que l'effectivité d'une rupture afférente à un salarié disposant de près de 14 années d'ancienneté, laquelle a, au demeurant, été prise en compte pour la fixation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter la salariée de sa demande présentée à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle de l'employeur :

Compte tenu de l'issue du présent litige et eu égard à l'absence de caractère dilatoire des assertions de la salariée, celle-ci étant en droit de remettre en cause le bien-fondé de son licenciement, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande reconventionnelle de versement de dommages et intérêts au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes :

Comme il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, sans qu'il soit besoin de lui accorder un complément au titre des frais irrépétibles d'appel. Il conviendra de débouter Mme [K] de sa demande présentée sur ce fondement au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par voie de conséquence, la demande de la société Pharmacie Berthelot [Adresse 4] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devra être rejetée.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Pharmacie Berthelot [Adresse 4].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dit que le licenciement de Mme [G] épouse [K] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Confirme le jugement rendu le 12 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [K] [I] et la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4], sauf en ce qu'il a condamné la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4] à payer à Mme [G] épouse [K] [I] les sommes suivantes :

- 48617,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 12154,32 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'indication de la priorité de réembauche,

- 6077,16 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions vexatoires,

Infirmant et statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Condamne la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4] à verser à Mme [G] épouse [K] [I] la somme de 38000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [G] épouse [K] [I] de ses demandes de versement de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Déboute les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la Selarl Pharmacie Berthelot [Adresse 4] aux dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00484
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;22.00484 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award