La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2024 | FRANCE | N°23/00720

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 06 mai 2024, 23/00720


JD/LP





COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N°109 DU SIX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE



AFFAIRE N° : N° RG 23/00720 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DSZC





Décision déférée à la Cour : Arrêt de renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 1er Février 2021 statuant sur appel du jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section encadrement - du 28 Mas 2017.





APPELANTE



Madame [VW] [F]

[Adresse 6]

[Adresse

6]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann PEDLER (SELEURL PEDLER AVOCATS), avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOU...

JD/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N°109 DU SIX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

AFFAIRE N° : N° RG 23/00720 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DSZC

Décision déférée à la Cour : Arrêt de renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 1er Février 2021 statuant sur appel du jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section encadrement - du 28 Mas 2017.

APPELANTE

Madame [VW] [F]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann PEDLER (SELEURL PEDLER AVOCATS), avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Marc DERAINE (SELARL DERAINE & ASSOCIES), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Judith DELTOUR, présidente de chambre, présidente,

Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère,

Mme Pascale BERTO, vice-présidente placée auprès du premier président,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 mai 2024

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Judith DELTOUR, présidente de chambre et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

Procédure

Mme [VW] [F] a été engagée le 15 juillet 1999, par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe en contrat à durée indéterminée en qualité de conseillère privée, elle a occupé des fonctions de conseillère en gestion de patrimoine. Par acte d'huissier de justice du 27 août 2015, puis par lettre du 14 septembre 2015, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé le 25 septembre 2015. Par lettre du 7 octobre 2015, l'employeur lui a notifié un avertissement. Contestant cette sanction et estimant avoir subi une discrimination, par requête du 17 décembre 2015, Mme [F] a saisi le conseil des prud'hommes pour obtenir le paiement d'indemnités.

Par jugement contradictoire rendu le 28 mars 2017, le conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre a

- annulé l'avertissement notifié par courrier du 7 octobre 2015 à Mme [F] [VW] ;

- rejeté toutes les autres demandes liées au préjudice moral résultant de la sanction injustifiée, au préjudice subi en raison du manque à gagner sur le poste promis, au titre de fonction de directeur d'agence, au titre du préjudice moral pour discrimination,

- condamné la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à payer à Mme [F] [VW] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe de sa demande reconventionnelle relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 11 avril 2017, la SA caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a interjeté appel.

Par arrêt rendu le 1er février 2021, la cour d'appel a

- constaté la prescription relative aux faits de discrimination antérieurs au 17 décembre 2010,

- débouté la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la somme sollicitée au titre de la réparation de la discrimination syndicale,

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre,

y ajoutant a

- condamné Mme [F] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont à la charge de Mme [F] [VW].

L'arrêt a été rectifié le 5 juillet 2021, pour remplacer dans le dispositif la mention 'confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre' par 'confirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre sauf en ce qu'il a annulé l'avertissement notifié le 7 octobre 2015 et condamné la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à verser à Mme [F] la somme de 1 000 euros et aux entiers dépens'.

Parallèlement, suite à une inaptitude professionnelle constatée par le médecin du travail le 1er février 2022, Mme [F], en arrêt de travail depuis le 27 août 2015, a été licenciée pour inaptitude professionnelle le 12 avril 2022. Par jugement rendu le 16 mai 2023, en application des dispositions de l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire, c'est-à-dire par le président, l'assesseur consulté, le pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a dit que la maladie professionnelle déclarée par Mme [F] est due à la faute inexcusable de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe son employeur et ordonné avant-dire droit une expertise médicale.

Suivant déclaration de pourvoi de Mme [F], par arrêt rendu le 19 avril 2023, la Cour de cassation a

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il constate la prescription de l'action relative aux faits de discrimination antérieurs au 17 décembre 2010, déboute Mme [F] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du préjudice financier et au titre du préjudice moral pour discrimination et en ce qu'il la condamne aux dépens et à verser à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er février 2021 entre les parties, rectifié le 5 juillet 2021 ;

- remis sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

- condamné la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe aux dépens ;

en application de l'article700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe et l'a condamné à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros.

Suivant déclaration de saisine du 6 juillet 2023, conclusions du 31 août 2023 et par dernières conclusions communiquées le 8 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Mme [F] a demandé au visa des articles 1222.1, 1132.1, 1132.3, 1132.4, 1134.1, 1134.5, 5213.6, 1152.1 à 1152.4, 1154.1, 4121.1, 4121.2, des articles 564 et 566 du code de procédure civile, et de la Convention nationale collective des salariés de caisses régionales de Crédit agricole mutuel, du jugement avant-dire droit du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 16 mai 2023,

- d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes du 28 mars 2017, en ce qu'il n'a pas accédé aux demandes de Mme [F] sur la discrimination syndicale dont elle a été la

victime et la réparation des préjudices qui en résultent ;

- dire et juger que Mme [F] a été victime de discrimination en raison de son activité syndicale, qu'elle a été victime de harcèlement moral du fait du non-respect des préconisations du médecin du travail, qu'elle a été victime de discrimination en raison de la santé, que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral, que le licenciement pour inaptitude médicale professionnelle de Mme [F] est nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, en raison du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat ;

En conséquence,

1. Indemnisation liée à la discrimination liée aux activités syndicale,

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 506 506 euros, au titre du préjudice financier subi ;

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

À titre subsidiaire

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 454 450 euros au titre du préjudice financier subi ;

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

À titre infiniment subsidiaire,

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 304 928 euros au titre du préjudice financier subi ;

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

2. Indemnisation liée au harcèlement moral:

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

3. Indemnisation liée à la prévention du harcèlement moral:

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral ;

4. Indemnisation liée à la discrimination en raison de la santé

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamner la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 800 euros au titre du préjudice financier ;

5. Indemnisation liée au manquement à l'obligation de sécurité,

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi ;

6. Indemnisation liée au licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 100 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

7.

- débouter la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Guadeloupe de ses demandes,

8.

- condamner la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [F] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions communiquées le 31 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a demandé, au visa notamment des articles 564 et 566 du code de procédure civile, de l'absence de survenance ou de révélation d'un fait qui ait pu se manifester au cours de l'instance d'appel,

- juger irrecevables les demandes de Mme [F] visant à la reconnaissance d'un harcèlement moral et d'un manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral ainsi que ses demandes en paiement des sommes respectivement de 50 000 euros et 30 000 euros au titre du préjudice subi ;

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;

Au visa de l'article L 1152-1 du code du travail,

- dire et juger que Mme [F] est défaillante dans la démonstration d'une quelconque 'discrimination syndicale', qu'elle est défaillante dans la démonstration d'une quelconque 'discrimination en raison de la santé';

En conséquence,

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a débouté Mme [F] de toutes ses demandes au titre d'une discrimination ;

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de ses demandes en paiement de la somme de 506 506 euros à titre de préjudice financier subi et 50 000 euros à titre de préjudice moral le tout à titre principal , 454 450 euros à titre de préjudice financier subi et 50 000 euros à titre de préjudice moral à titre subsidiaire et 304 928 euros à titre de préjudice financier subi et 50 000 euros à titre de préjudice moral ;

À titre infiniment subsidiaire,

- débouter Mme [F] de sa demande en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de préjudice subi pour 'discrimination en raison de la santé' outre 800 euros au titre du préjudice financier ;

Par ailleurs, sur les demandes nouvelles de Mme [F],

- dire et juger que Mme [F] est défaillante dans la démonstration d'un ' harcèlement moral' et d'un manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral ;

- débouter Mme [F] de ses demandes en paiement des sommes respectivement de 50 000 euros et 30 000 euros au titre du préjudice subi à ce titre ;

- constater que Mme [F] ayant été défaillante à démontrer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une quelconque discrimination ;

En conséquence,

- dire et juger que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité, dire et juger le licenciement pour inaptitude de Mme [F] intervenu le 12 avril 2022 fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande en paiement de la somme de 100 000 euros à titre d'un licenciement nul inexistant mais aussi de sa demande en paiement de la même somme à titre subsidiaire à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

À titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, si par extraordinaire il était jugé que le licenciement de Mme [F] était sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que Mme [F] ne saurait réclamer une somme supérieure à 32 200 euros ;

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [F] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Suivant avis du 20 juillet 2023, les parties ont été avisées de la tenue de l'audience le 5 février 2024. A cette audience, les parties ayant repris les demandes figurant dans leurs écritures, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendu le 6 mai 2024.

Motifs de la décision

L'identité de l'intéressée est [VW] [A], elle a été recrutée sous son nom d'épouse [F]

Le conseil des prud'hommes était saisi par Mme [F] de demandes

- d'annulation de l'avertissement notifié le 7 octobre 2015

- de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de la sanction injustifiée,

- de paiement de 202 978,23 euros au titre du préjudice subi en raison du manque à gagner sur le poste promis, de 97 920 euros au titre de la fonction de directeur d'agence,

- de 20 000 euros au titre du préjudice moral pour discrimination,

- de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt de la cour d'appel est définitif en ce qu'il a débouté la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la somme sollicitée au titre de la réparation de la discrimination syndicale. Il est également définitif en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande d'annulation de l'avertissement notifié par courrier le 7 octobre 2015.

La Cour de cassation a retenu que la cour d'appel avait violé les textes relatifs à la prescription en matière de harcèlement considérant que si la salariée faisait état d'une discrimination syndicale ayant commencé en 2000, d'une rétrogradation qu'elle avait subie en novembre 2002 et du refus systématique des postes sur lesquels elle avait été candidate à compter de 2005, elle faisait valoir que cette discrimination s'était poursuivie tout au long de sa carrière en terme d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait qu'elle se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription.

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et la cour est, actuellement saisie suivant renvoi après décisions de la Cour de cassation.

Sur les demandes nouvelles en appel

En application des dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, applicable au litige, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée. Même si elles sont formées en cause d'appel, les juridictions statuant en matière prud'homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence.

Les demandes de 'dire et juger que Mme [F] a été victime de harcèlement moral du fait du non-respect des préconisations du médecin du travail', 'que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral' n'ont pas été formées devant le conseil des prud'hommes saisi en 2015 ni d'ailleurs devant la cour d'appel dans sa composition primitivement saisie ; ainsi en est-il également des demandes relatives au licenciement. Ces demandes sont pourtant recevables, en vertu du texte rappelé, d'autant que la décision rendue sur renvoi après cassation ne constitue pas une nouvelle instance mais permet de poursuivre l'instance initiale.

La fin de non-recevoir soutenue par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel est écartée.

Sur la discrimination syndicale

En application des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, [...] notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de [...] ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, [...]. L'article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail précise : 'Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail'.

Selon l'article L. 2141-8 du code du travail, les dispositions des articles L.2141-5 à L.2141-7 sont d'ordre public ; toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

Suivant l'article L 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présent des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte [...] Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Comme déjà rappelé, au visa de la réforme de la prescription résultant de la loi du 17 juin 2008 et notamment l'article 26, considérant que la salariée faisait état d'une discrimination syndicale ayant commencé en 2000, d'une rétrogradation en 2002 et du refus systématique des postes sur lesquels elle s'était porté candidate à compter de 2005, elle faisait valoir que cette discrimination s'était poursuivie tout au long de sa carrière en terme d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait qu'elle se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription. Ainsi tant que le fait générateur de discrimination perdure et produit ses effets illégaux, la prescription ne peut pas courir.

Si le terme 'discrimination' figure dans la demande au conseil des prud'hommes, il n'est jamais complété par l'adjectif 'syndicale', prioritairement soutenue et débattue devant la cour d'appel.

S'agissant de la lettre d'embauche du 15 juillet 1999, elle précise 'vous serez affectée dans un premier temps à l'agence siège en qualité de conseiller privé, sous la responsabilité hiérarchique de M. [K] [E], directeur d'agence, dans le cadre de missions et d'objectifs qui vous seront par ailleurs précisés. En fonction de votre implication et de vos résultats, vous pourriez prendre à terme la responsabilité de l'espace professionnel de [Localité 4] courant 2000. Votre situation hiérarchique sera la suivante PQE 505 PQI 97 soit 602 points'.

Nonobstant les prétentions contraires, il ne s'agit pas d'un engagement inconditionnel ou même d'une promesse d'évolution, puisqu'elle est rédigée au conditionnel, subordonnée à des conditions liées à l'implication du salarié et à ses résultats, en outre elle est limitée dans le temps. Il ne s'agit même pas d'une promesse.

L'entretien d'évaluation pour l'année 2000 met en évidence que Mme [F] a sollicité en terme d'évolution

1- gestion de patrimoine,

2- conseiller privé

3- suivi de télé-conseiller. L'évaluateur a indiqué qu'elle avait le profil pour le métier de conseiller privé vendeur. Il met en évidence notamment s'agissant des axes de progrès et points à améliorer 'se former sur la maîtrise de l'outil' et 'impulsivité' 'se repérer'. L'évaluation indique que les résultats sont atteints 'travail efficace sur les portefeuilles' 'poursuivre et renforcer les concours de service pour accompagner les inspecteurs'.

À compter du 2 juillet 2001, la salariée a été 'nommée de manière définitive au poste de chargé de clientèle particuliers à l'agence Miquel [...] affectée sous la responsabilité de M. [U] [B] dans le cadre de missions et d'objectifs qui vous seront par ailleurs précisés. Votre situation hiérarchique devient donc Points de qualification de l'emploi 430 Points de qualification individuelle 172 = 602 points'.

L'entretien d'évaluation pour l'année 2001 met en évidence que Mme [F] n'a rien sollicité en terme d'évolution. L'appréciation de la maîtrise de l'emploi met en évidence de nombreux points à améliorer, des objectifs 'globalement' atteints.

Le 12 novembre 2002, elle a été avisée qu'en vertu de conventions collectives son 'emploi de chargé de clientèle particuliers est désormais rattaché à la fonction repère analyste d'affaires. Cet emploi relève du niveau analyste-animateur et de la famille vente et services clientèle. La description de cette fonction repère figure dans l'annexe de la convention collective.' Il en résultait un écart de 7 points de salaire hiérarchique mensuel ainsi décomposé : Points de qualification de l'emploi 430 deviennent 440 à compter du 1er juillet 2002, Points de qualification individuelle 172 deviennent 169, 0 points de diplôme, pas de points spécifiques = 609 points, soit une amélioration de la situation salariale de Mme [F].

L'entretien d'évaluation pour l'année 2002 fait apparaître que Mme [F] est 'en attente d'une évolution de carrière'. L'évaluateur a indiqué 'excellent travail au cours de l'exercice, cela laisse augurer une bonne année commerciale 2003, challenge indispensable concourant à l'amélioration du PNB de l'entreprise.'

L'entretien d'évaluation pour l'année 2003 met en évidence au titre de l'évaluation des compétences de Mme [F] des moyennes de 3,35/ 3,48 entre 'niveau maîtrise professionnelle conforme 3" et 'niveau expertise 4' s'agissant des compétences et savoirs, une moyenne de 3,66/3,63 s'agissant des aptitudes et qualités et une moyenne générale de 3,59/3,62 et précise que les objectifs ont été atteints à 127%.

L'entretien d'évaluation pour l'année 2004 met en évidence une moyenne de 3,27 entre 'niveau maîtrise professionnelle conforme 3 et niveau expertise 4' s'agissant des compétences, une moyenne de 3,11 s'agissant du savoir faire une moyenne de 3 pour le savoir être et 3,9 pour les aptitudes et qualités. Elle a indiqué qu'elle souhaitait être nommée directeur d'agence [Localité 3] [Localité 2] à [Localité 8]. L'évaluateur a précisé que l'orientation devrait passer par la fonction de DAA (directeur d'agence adjoint). Le 20 janvier 2005, lui a été notifié le rejet de sa candidature pour l'offre d'emploi de directeur d'agence habitat.

Le 29 novembre 2004, la salariée a bénéficié d'une évolution de son salaire de qualification de dix-huit points.

L'entretien pour l'année 2005 met en évidence au titre de l'évaluation des compétences de Mme [F] une moyenne de 3,69 entre 'niveau maîtrise professionnelle conforme 3 et niveau expertise 4' s'agissant des compétences et savoirs, une moyenne de 3,60 s'agissant du savoir faire, 3,83 pour le savoir être et 3,50 pour les aptitudes et qualités, Elle a indiqué qu'elle souhaitait être nommée directeur d'agence adjoint [Localité 3] [Localité 2] à [Localité 8]. La salariée évoque une 'certaine saturation sur une clientèle consciencieusement accompagnée pendant six ans' et son souhait d'accéder à un poste de management. L'évaluateur a précisé 'orientation naturelle compte tenu de la fonction occupée'.

En 2007, la salariée a profité d'un second accord de translation mettant en place une nouvelle grille salariale et elle a bénéficié au titre de son poste de chargée de clientèle d'une augmentation de salaire brut ( de 3 588,26 à 3 638,67 euros ) .

L'entretien pour l'année 2008 met en évidence au titre de l'évaluation des compétences de Mme [F] une moyenne de 3 entre 'niveau maîtrise professionnelle conforme 3 et niveau expertise 4' s'agissant des savoirs généraux, une moyenne de 3 s'agissant du savoir faire, une moyenne de 3,17 pour le savoir être et 3,38 pour les aptitudes et qualités. Elle a indiqué qu'elle souhaitait être nommée conseiller privé. L'évaluateur a précisé que les compétences et aptitudes permettaient ces évolutions. Le 15 décembre 2008, lui a été notifié le rejet de sa candidature au poste de directeur d'agence adjoint.

Le 24 juin 2009, une nouvelle augmentation a été notifiée à Mme [F] (+ 20,91 euros par mois à compter du 1er janvier 2009). Ayant postulé au poste de conseiller privé, sa candidature a été retenue, elle a été nommée le 26 octobre 2009 avec une augmentation de salaire (de 3 883,02 à 4 026,02 euros). Elle a bénéficié d'une nouvelle augmentation de salaire en novembre 2009 (4 081,28 mensuels).

Le poste de conseiller privé ayant été supprimé pour devenir conseiller en gestion de patrimoine dans le cadre d'un projet de distribution global (Pièce 21) dont il ressort pour l'essentiel des changements de terminologie, le 17 janvier 2011, l'employeur a notifié à la salariée qu'elle devait postuler sur des postes correspondant non seulement à ses attentes mais encore à son expérience et ses qualifications, que le processus d'affectation tiendrait compte de l'adéquation de son choix avec ses compétences et son potentiel et de l'intérêt de la caisse régionale. La salariée a postulé sur le poste de conseiller en gestion et patrimoine (cadre 3 G10) ; si elle soutient qu'elle a subi une rétrogradation, l'employeur démontre que le poste conseiller en gestion de patrimoine a succédé au poste conseiller privé, avec des missions identiques et que sa position personnelle G11 est restée inchangée, la position G10 étant réservée aux nouveaux embauchés ; ces éléments sont démontrés par les pièces N° 22, 23 et 24 produites par l'employeur.

Le 2 mars 2011, a été notifiée à Mme [F] l'impossibilité de donner suite à sa candidature 'sur l'un des postes de managers ouverts dans le cadre du processus de postulation'. Elle était invitée à postuler sur les postes de collaborateurs ouverts depuis le 22 février 2011.

L'évaluation de 2011 met en évidence des appréciations ou conformes au niveau d'exigence ou supérieures au niveau d'exigence. Elle précise que les marges de progrès sont concentrées sur le coeur de métier, dans les domaines fiscalité, succession, transmission et bilans patrimoniaux. 'Projet professionnel : manager réseau Grande Terre sud à moyen terme ; la salariée renouvelle son souhait d'évolution vers un poste de management au gré des opportunités à venir'. Le 13 décembre 2012, le supérieur a donné un avis favorable au projet d'évolution.

La candidature a donc été déposée avant cet avis du supérieur. Quoiqu'il en soit, la concordance entre sa prétention y compris s'agissant de la localisation, avec ses compétences et qualifications ne résulte d'aucune pièce. Si Mme [F] soutient qu'elle a subi une rétrogradation, l'employeur démontre que le poste conseiller en gestion de patrimoine a succédé au poste conseiller privé, avec des missions identiques et que la position personnelle G11 est restée inchangée, la position G10 étant réservée aux nouveaux embauchés ; ces éléments sont démontrés par les pièces N° 22, 23 et 24 produites par l'employeur.

L'évaluation de 2012 met également en évidence des appréciations et évaluations ou conformes au niveau d'exigence ou supérieures au niveau d'exigence, elle précise que sa contribution à l'atteinte des objectifs est satisfaisante, que l'expertise peut être renforcée par une formation, que dans le cadre d'une réorganisation, une autre dimension de sa contribution serait bénéfique à la Banque privée dans une fonction d'animation ou en appui du manager.

Celle de 2013 montre que l'objectif 1 est en cours d'acquisition, les objectifs 2 et 3 sont conformes au niveau, les compétences sont soit conformes soit supérieures au niveau, la formation est 'à prévoir en lien avec les évolutions souhaitées' . Le supérieur M. [ZA] a indiqué que les orientations en réponse aux attentes doivent être mises en oeuvre dans les délais et dans l'intérêt des parties. Mme [F] a indiqué être 'en attente de propositions concrètes quant à son évolution professionnelle'. Le supérieur a précisé que le traitement des attentes était en cours à la DRH.

Le 18 avril 2013, sa candidature au poste de directeur adjoint à [Localité 5] n'a pas reçu de suite favorable. Le 11 juillet 2013, sa candidature à la mission de soutien animation et pilotage commercial de la force de vente [Localité 2] n'a pas non plus reçu de suite favorable. De même, le 8 octobre 2013 sa postulation sur le poste de chargé de prescription et activité auto-conso-assurances au pôle expert CAFA et le 14 janvier 2014 au poste chargé de fonctionnement du réseau à l'unité fonctionnelle risques et conformité, ont été écartées.

L'évaluation de 2014 mentionne que l'intéressée a retrouvé une plus grande sérénité dans son travail, que cette évolution lui a permis d'amplifier sa contribution à l'atteinte des objectifs.

L'examen de ces pièces et la confrontation de ces éléments de fait excluent une discrimination.

Au soutien de son allégation d'une discrimination, Mme [F] compare sa situation à celle de Mme [D] [W], faisant valoir qu'elle était précédemment la secrétaire de direction du directeur commercial de l'époque et qu'elle est passée d'un poste non cadre classe 2 à un poste cadre classe 3.

Ayant trois ans de moins que Mme [F], Mme [W] a été embauchée le 1er août 1988, soit plus de onze ans avant Mme [F], de sorte que leur ancienneté et consécutivement leurs situations professionnelles ne sont pas comparables. Quoiqu'il en soit, Mme [W] est devenue cadre seulement le 20 janvier 2014, soit après vingt-six ans de travail et elle a passé un certificat spécial employé CA en 1997 (niveau bac) que n'a pas Mme [F]. Surabondamment, compte tenu de sa position personnelle (10) en 2019 son salaire était inférieur de près de 500 euros à celui de Mme [F] (11).

Le poste de directeur d'agence revendiqué par Mme [F], sur lequel elle calcule le manque à gagner qu'elle allègue est l'un des plus hauts de la hiérarchie bancaire, ce qui n'est pas contesté et elle ne justifie pas posséder les compétences pour ce poste ni même avoir suivi de formation spécifique. En effet, sa fiche de carrière ne mentionne aucun diplôme.

La salariée compare sa situation à celle d'autres salariés pour établir l'existence d'une discrimination syndicale. La production par la banque des fiches de carrière des salariés cités par la salariée met en évidence que :

- Mme [ET] [G], deux ans de moins que Mme [F] a été embauchée le 22 août 1988, onze ans avant elle, elle a un niveau bac +4 (bac économie, brevet de banque, institut technique de banque), elle est devenue cadre (qualification H) en 2002, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [SL] [BO]-[V], cinq ans de moins que Mme [F] a été embauchée le 15 novembre 1990, neuf ans avant Mme [F], elle a déclaré parler deux langues, elle a un niveau bac + 2, BTS en 1990 et brevet de banque en 1993, elle est devenue cadre (qualification H) en 2007, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [T] [SN], quatre ans de moins que Mme [F], a été embauchée le 11 juin 1991, août 1988, huit ans avant elle, elle a un bac G3 technique commerciale, devenue cadre (qualification H) en 2021 soit après vingt années d'exercice, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [EV] [C], sept ans de moins que la salariée, a été embauchée le 1er juillet 1991, huit ans avant Mme [F], a un BTS, un brevet de banque, et des diplômes en droit bancaire, en longue maladie en 2018, licenciée pour inaptitude professionnelle en 2019, venue de l'agence de [Localité 9], elle est devenue cadre (qualification H) en 2021, après vingt années d'exercice mais avec des qualifications supérieures à celles de Mme [F], leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [VU] [YY], six ans de moins que Mme [F], a été embauchée le 13 juillet 1988 soit onze ans avant Mme [F], est devenu cadre en 2008 (qualification H), elle possède un bac G2 de comptabilité et un certificat de qualification interne, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [J] [M] deux ans de plus que Mme [F] a été embauchée le 16 juillet 1987, cadre en 2009, après vingt deux ans d'exercice, elle a un bac littéraire, un DEUG de droit, un CAP de banque et un brevet de banque, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [N] [Y], cinq ans de plus que Mme [F] a été embauchée le 23 mai 1977 est devenue cadre le 1er juillet 2011, après trente sept ans d'exercice, elle a fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2023, elle a un bac littéraire, un CAP de banque et deux qualifications professionnelles internes,(l'une niveau inférieur au bac, l'autre niveau bac), leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- M. [H] [VS] un an de plus que Mme [F], embauché le 16 juin 1988, est devenu cadre (qualification H) le 30 juin 2019, il a un diplôme Bac + 2 en connaissance du crédit, il est bachelor en comptabilité bancaire, en fiscalité, il a passé des qualifications internes, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- M. [H] [SP] six ans de moins que Mme [F], embauché le 17 octobre 1990, est devenu cadre (qualification H) en 2017, il a un bac littéraire, un brevet CETCA, un certificat management bac +2, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- M. [LF] [P], huit ans de moins que Mme [F], a été embauché le 11 juillet 1990, après dix-sept ans, est devenu cadre le 31 décembre 2017, il a un bac + 2, qualification interne CETCA, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- M. [L] [R], douze ans de moins que Mme [F], embauché le 5 novembre 1998 avec un bac +2, bachelor en fiscalité, bachelor en comptabilité, ITB première année bac+5, directeur réseau en 2020, 43,46 heures par mois jusque 2001, a été recruté comme cadre, leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes ;

- Mme [VU] [I] deux ans de plus que Mme [F], a été embauchée le 20 octobre 1986, a accédé au grade supérieur (qualification H) le 31 mars 2015, après vingt neuf ans d'exercice, sans diplôme ; sa situation est objectivement la plus proche de celle de l'appelante mais son ancienneté est nettement supérieure à celle de Mme [F], de sorte que leurs situations professionnelles respectives ne sont pas équivalentes.

La qualité des entretiens d'évaluation n'ouvre pas un droit à un poste de direction ; il n'est ni allégué ni démontré que l'ancienneté est intrinsèquement suffisante pour accéder à un poste de direction, même si un poste de cadre a été obtenu par Mme [VU] [I] - deux ans de plus que Mme [F], embauchée le 20 octobre 1986, cadre le 31 mars 2015, après vingt neuf ans d'exercice.

Mme [F] expose qu'elle a eu une activité syndicale active depuis 2000 étant affiliée à la CGT et ayant participé à la création en 2008 d'une section CFDT. Aucune pièce ne confirme cette dernière affirmation. Elle produit pour démontrer ses activités syndicales :

- une attestation de M. [O] [IB] du 12 octobre 2016 relevant que Mme [F] a toujours affiché sa fibre sociale, qu'elle a créé en 2008 la section CFDT avec Mme [SL] [BO], qu'elle n'avait pas de mandat, qu'elle s'est investie dans la défense des salariés, qu'elle a participé à la lutte syndicale et aux mouvements de revendications, qu'elle s'est investie dans la défenses des salariés ;

- une liste SNECA-CGC/CFDT du 10 décembre 2009, où elle figure comme candidate au comité d'entreprise en qualité de suppléant au collège 3, l'un des titulaires est Mme [SL] [BO] (citée plus avant) Mme [N] [Y] étant également candidate suppléante comme délégué du personnel ;

- une liste SNECA-CGC/CFDT du 9 novembre 2009, qui présente les même caractéristiques et qui signée par Mme [SL] [BO] en qualité de délégué syndical CFDT ;

- une attestation de Mme [S], rédigée en termes généraux sur l'activité syndicale, qui indique seulement que Mme [F] 'fait partie de ces collègues sur lesquelles elle a pu compter'.

- une carte d'adhésion à la CGT pour l'année 2014.

Ces pièces ne sont pas de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, en ce que

- l'attestation de M. [IB] est rédigée en termes généraux et ne relate pas un combat syndical ou des mouvements de revendication auxquels l'intéressée aurait participé en s'opposant à la direction et ne décrit pas une discrimination syndicale ; son auteur a été licencié 15 mai 2012 suivant autorisation du 20 avril 2012, débouté de toutes ses demandes au titre de la discrimination syndicale par arrêt du 18 septembre 2023 ;

- l'attestation de Mme [Z] est rédigée en termes trop généraux pour seulement démontrer une activité syndicale, elle ne décrit pas une discrimination syndicale ;

- les listes SNECA-CGC/CFDT sur lesquelles Mme [F] a été candidate mettent en évidence que Mme [BO], délégué syndical donc beaucoup plus exposée, a accédé au statut cadre en 2007, de sorte que Mme [F] ne démontre aucune discrimination syndicale qui se serait caractérisée par une absence de promotion sur des postes de direction ou de cadre ;

- la carte d'adhésion est postérieure à toutes les demandes qui lui auraient, selon elle, été refusées pour motif de discrimination syndicale, à l'exception de celle du 14 janvier 2014 sur le poste de chargé de fonctionnement du réseau à l'unité fonctionnelle risques et conformité ;

Enfin, Mme [F] ne justifie d'aucune de ses allégations relativement à des 'tracts hostiles à sa personne, l'accusant d'être un 'sous-marin' de la direction composée de cadres essentiellement métropolitains', à son 'positionnement côté salarié 'obligé' [...] 'perçu par la direction comme une trahison', 'son intégration et son acceptation par ses collègues antillais et sa réussite [...] perçues par la direction comme une compromission incompatibles avec un poste de management'.

Mme [F] doit donc être déboutée de ses demandes fondées sur la discrimination syndicale, d'infirmation du jugement du conseil des prud'hommes du 28 mars 2017 à ce titre et de paiement des sommes de 506 506 euros au titre du préjudice financier et 50 000 euros au titre du préjudice moral, mais également de ses demandes subsidiaires de paiement de 454 450 euros au titre du préjudice financier et 50 000 euros au titre du préjudice moral, de paiement de 304 928 euros au titre du préjudice financier et 50 000 euros au titre du préjudice moral.

Sur la discrimination fondée sur l'état de santé

Mme [F] soutient avoir subi une telle discrimination, elle fait valoir le non paiement d'une prime PEPA. L'employeur soutient la nouveauté de la demande et développe les conditions de paiement de cette prime, attribuée en tenant compte de la présence réelle des salariés dans l'entreprise.

La salariée produit :

- un bon d'examen du 23 août 2013 suite à un accident du travail ;

- un courriel du 10 décembre 2013 adressée à l'assistante sociale 'tu trouveras en pièce jointe une ordonnance du mois d'août 2013 par laquelle mon médecin traitant relève une grande souffrance morale et me demande de consulter le médecin du travail. C'est à ce moment que j'ai sollicité un entretien avec M. [BR]. Ces événements d'hier que je déplore, ne sont que la conséquence de la mauvaise prise en charge de ma situation et de l'absence de réponse concrète et de visibilité dans ma situation professionnelle malgré mes nombreux appels au secours. Je te remercie de m'aider pour obtenir ce rendez-vous le plus rapidement possible'. Les parties sont parfaitement silencieuses sur 'les événements' que Mme [F] 'déplore'.

- un courrier du 12 juillet 2013 '....je sollicite un entretien avec le directeur des ressources humaines. Je te remercie de le bien vouloir le solliciter à ce sujet...';

- un courriel du 10 janvier 2013 'dans le prolongement de notre entretien informel d'hier, je réitère ma demande de rendez-vous';

S'agissant de ces demandes de rendez-vous, il n'est pas démontré qu'elles n'ont pas eu de suite et l'évaluation de la salariée pour l'année 2013 ne fait pas mention d'une absence de suite donnée à ses demandes d'entretien.

- un courrier d'un médecin du travail du 15 janvier 2014 qui évoque 'des symptômes d'épuisement professionnel. Après une longue discussion avec elle, je lui explique qu'il serait souhaitable qu'elle puisse être en arrêt de maladie pendant 3 semaines . Afin qu'elle puisse prendre un peu de recul, je lui conseille aussi de prendre le traitement que vous lui avez proposé';

- un bon de visite au médecin du travail du 21 février 2014 qui indique 'mutation à un autre poste de façon urgente. Situation à étudier avec les ressources humaines (RV à fixer le plus rapidement possible)'.

Ces documents ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

- un certificat d'un médecin du travail du 8 septembre 2015, donc postérieur à l'arrêt de travail, qui l'a reçue et note qu'elle 'présente les signes d'un syndrome de burn out en rapporte avec un stress au travail';

- une fiche d'aptitude du 21 septembre 2015 postérieure à l'arrêt de travail, qui indique qu'elle est 'inapte temporaire à toutes activités professionnelles en rapport avec un stress au travail. Tout contact professionnel à proscrire';

- un 'rapport d'expertise' d'un psychologue clinicien du 6 octobre 2016, qui reprend les doléances de Mme [F], évoque un suivi hebdomadaire depuis janvier 2016 et indique notamment 'on peut par conséquent penser que le désir conscient de la direction est de faire en sorte que Mme [F] puisse craquer et démissionner de manière à réduire la charge représentée par son salaire. En effet du fait de son ancienneté son salaire constitue une masse importante dans les salaires à verser par la direction et par conséquent réduire cette somme sans prendre en compte le travail effectué, les efforts déployés, l'usure psychique, la charge mentale et la souffrance au travail constitue l'hypothèse la plus vraisemblable, qui pourrait expliquer l'absence totale de réponse à cet état de souffrance et de mal être' ;

Ce document, critiqué par l'employeur, n'a pas été dressé contradictoirement, nonobstant son titre, il n'a pas les caractéristiques d'un rapport d'expertise et il est établi par un psychologue qui a reçu l'intéressée pendant dix mois. Quoiqu'il en soit, il ne fait état d'aucune discrimination syndicale ou fondée sur l'état de santé.

Si Mme [F] soutient 'qu'il ne lui a été proposé aucune formation pour augmenter ses compétences et répondre de manière plus appropriée à la demande de clientèle', il est démontré qu'elle a été inscrite entre 2006 et fin 2015 à soixante-et-onze formations et présente à cinquante-six d'entre elles, dont trente-neuf depuis qu'elle a été nommée conseillère en gestion de patrimoine en 2011 et dix pour l'année pour 2013.

Elle fait également valoir qu'elle a été privée d'une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat suite à un accord de branche du 2 décembre 2021, versée à l'ensemble des salariés en 2022. Il n'est pas contesté que la salariée en arrêt de travail dans le cadre 'd'un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail' doit percevoir l'intégralité de son salaire, déduction faite de toutes indemnités compensatrices de salaires qui lui seraient versées. L'employeur a fait valoir les modalités de paiement.

La prime litigieuse instituée suivant accord du 2 décembre 2021 au profit des salariés des caisses régionales et entités associées de la branche crédit agricole mutuel précise notamment qu'elle est modulée en fonction du temps de présence sur les douze mois qui précèdent sa date de versement. Les congés de maternité, paternité, adoption et éducation ne sont pas pris en compte pour proratiser le montant de la prime. Elle est également modulée en fonction de la durée du travail prévue au contrat de travail sur les douze mois qui précèdent la date de sont versement.

Dès lors que son paiement est modulé en fonction du temps de présence sur les douze mois précédant la date de son versement et que les autres congés que ceux visés, sont pris en compte pour la proratiser, que Mme [F] n'est ni en congé de maternité, paternité, adoption ou éducation, et qu'elle n'est pas présente, elle ne peut pas en bénéficier.

La maladie professionnelle a été déclarée et reconnue en février 2019, il s'agit d'une 'dépression réactionnelle', un 'stress professionnel', il n'en résulte aucun lien avec une éventuelle déception de n'avoir pas bénéficié d'une promotion professionnelle qu'elle revendiquait sans qu'il soit démontré qu'elle avait les compétences techniques et professionnelles pour les obtenir.

Ces documents et éléments ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'une discrimination syndicale ou fondée sur l'état de santé.

S'agissant du harcèlement

En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Suivant l'article L. 1154-1 pris pour l'application notamment de l'article L. 1152-1, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [F] fait valoir un harcèlement lié au non-respect des préconisations du médecin du travail ayant conduit à son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle en se fondant sur les pièces produites au soutien de ses demandes au titre de la discrimination sur l'état de santé notamment sur son courriel du 10 décembre 2013 avec une ordonnance du mois d'août 2013 de son médecin traitant prescrivant la consultation du médecin du travail et faisant état d'une souffrance morale au travail. (Pièce 31 déjà citée) et un 'rapport d'expertise de M. [X] [HZ] suivant lequel 'Elle décrit un stress important lié à une charge de travail massive imposée par son poste mais également par l'absence de soutien et reconnaissance dont elle aurait besoin dans sa pratique quotidienne' (pièce N°37). Comme déjà indiqué ce 'rapport d'expertise' n'en est pas un en ce qu'il a été dressé le 6 octobre 2016, par un psychologue, qui reprend les doléances de Mme [F] et qui a suivi de manière hebdomadaire pendant les dix mois précédents l'intéressée (depuis janvier 2016) et qui indique notamment 'on peut par conséquent penser que le désir conscient de la direction est de faire en sorte que Mme [F] puisse craquer et démissionner de manière à réduire la charge représentée par son salaire. En effet du fait de son ancienneté son salaire constitue une masse importante dans les salaires à verser par la direction et par conséquent réduire cette somme sans prendre en compte le travail effectué, les efforts déployés, l'usure psychique, la charge mentale et la souffrance au travail constitue l'hypothèse la plus vraisemblable, qui pourrait expliquer l'absence totale de réponse à cet état de souffrance et de mal être' .

Si la maladie professionnelle reconnue en février 2019 est une 'dépression réactionnelle', un 'stress professionnel', il ne résulte pas des pièces une surcharge de travail imposée par son poste, par des remplacements intempestifs ou de longue durée, des exigences de résultat impossibles à tenir, une mise au placard, des critiques systématiques ou injustifiées ou publiques, des humiliations, commis par une plusieurs personnes désignées, tous éléments de fait pouvant laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

S'agissant du courrier d'un médecin du travail du 15 janvier 2014 qui évoque 'des symptômes d'épuisement professionnel', il ne caractérise pas un fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Le bon de visite du médecin du travail du 21 février 2014 qui indique 'mutation à un autre poste de façon urgente. Situation à étudier avec les ressources humaines (RV à fixer le plus rapidement possible)', est un document qui n'engage que son rédacteur et il fait état d'une 'mutation' et non d'une 'promotion' et il est contredit par l'évaluation rédigée pour l'année 2014 qui mentionne que l'intéressée a retrouvé une plus grande sérénité dans son travail.

Enfin la mention d'une 'absence de soutien et de reconnaissance dont elle aurait besoin dans sa pratique quotidienne' est particulièrement générale et fait davantage référence à la vie personnelle et familiale qu'à la vie professionnelle.

Ces éléments et documents, y compris les certificats médicaux, pris dans leur ensemble, ne caractérisent pas des faits précis et concordants, des agissements répétés laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En effet, en l'espèce, les circonstances qui ont pu conduire à la reconnaissance d'une maladie professionnelle ne suffisent pas à caractériser le harcèlement moral allégué.

Sur la prévention des risques professionnels :

La salariée soutient l'existence d'un manquement de l'employeur dans la prévention du harcèlement moral et un préjudice consécutif. L'employeur y oppose la nouveauté et l'absence de preuve de cette allégation.

En application des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'existence d'un harcèlement moral n'a pas été démontrée mais la salariée recherche la responsabilité de l'employeur au titre de l'obligation de prévention et de protection de la santé du salarié, l'obligation de prévention étant distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L.1152-1 du code du travail.

Si Mme [F] allègue l'absence d'un document unique d'évaluation des risques, sa présence a été constatée par l'inspection du travail. En effet, le 19 janvier 2015, l'inspection du travail tout en avisant la direction générale de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe 'd'une alerte d'une des organisations syndicales relative à une dégradation des conditions de travail des cadres, due à une augmentation de leur charge de travail, à un management jugé menaçant et répressif et à une perte de repère face à d'importantes évolutions du métier[...]il m'est apparu que le CRCAMG vit effectivement de nombreux changements qui confrontés au vécu des salariés peut générer des RPS pour certains d'entre eux notamment les cadres. J'ai pu également constater que les risques psycho-sociaux figurent dans le document unique d'évaluation des risques. Sa mise à jour était en cours lors de ma venue'. Est évoquée ensuite l'organisation de la durée du travail des cadres, 'avec la remise en place d'un CHSCT, le document unique d'évaluation des risques va pouvoir être présenté aux représentants du personnel. Cette consultation devrait être l'occasion d'aborder plus précisément la problématique des RPS. Ainsi si cela semble utile, pourra être discutée la possibilité de demandeur à la médecine du travail d'élaborer une fiche d'entreprise plus globale du moins pour certains thèmes ou publics. Cette phase réalisée, il conviendra qu'un plan d'action soit présenté et discuté en CHSCT afin de répondre à l'interrogation des représentants du personnel vis-à-vis de cette problématique.'

Le 30 décembre 2015, l'inspection du travail se disant alertée par le médecin du travail 'd'une situation de souffrance au travail touchant un grand nombre de vos salariés [...] plusieurs plaintes émanant de vos salariés sur le même sujet,[...] les institutions représentatives du personnel de votre établissement m'ont également alerté', annonce sa visite.

Le rapport du 27 septembre 2017 suite à des contrôles des 12 et 22 juin et 1er septembre 2017, a relevé :

- une absence de réunion du CHSCT à la demande de deux membres en avril 2017 ;

- un service RH en épuisement professionnel,

- une réaction d'un salarié de ce service RH le 7 avril 2017, qui avait dépassé la durée de temps travail maximale hebdomadaire avec des effets néfastes sur sa santé,

- une absence de déclaration d'accident de travail pour ce dernier salarié.

Ces événements qui matérialisent une insuffisance des mesures prises pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, se sont déroulés alors que Mme [F] était absente de l'entreprise, en arrêt de travail et ils concernent majoritairement des cadres. Mme [F] ne démontre pas avoir subi un préjudice personnel, direct et certain consécutif à cet état de fait. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la nullité du licenciement

La salariée invoque la nullité du licenciement et subsidiairement l'absence de cause réelle et sérieuse en se fondant sur l'exécution déloyale du contrat de travail, le harcèlement discriminatoire, la violation de l'obligation de sécurité. L'employeur fait valoir l'absence de lien entre le licenciement et les causes développées par l'intéressée, l'exécution loyale du contrat de travail et subsidiairement l'application des barèmes usuels en la matière.

Suivant l'article L.1235-3-1, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

L'existence d'une discrimination syndicale ou fondée sur l'état de santé, d'un harcèlement moral ne résulte pas de l'examen des pièces du dossier. L'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas démontrée non plus, dès lors qu'il n'est prouvé que la salariée a été recrutée pour occuper un poste de cadre, dont elle aurait été privée, ou qu'elle a été privée de travail ou laissée sans mission ni directive, alors que les entretiens périodiques démontrent qu'elle avait des objectifs et des missions et qu'elle a bénéficié de toutes les formations qu'elle a pu solliciter.

Comme déjà indiqué, le manquement de l'employeur à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs est établi. Cependant, il n'est pas intrinsèquement de nature à justifier la nullité du licenciement, il a été mis en évidence à une date où Mme [F] n'était pas dans l'entreprise et il concerne majoritairement des cadres et le service RH, il ne fait pas état de fait anciens susceptibles d'avoir eu des conséquences pour l'intéressée lorsqu'elle était dans l'entreprise, de sorte que la preuve n'est pas rapportée d'un lien entre ce manquement et le licenciement.

Sur la requalification du licenciement

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. Les règles protectrices applicables aux victimes d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Il incombe au salarié d'établir que l'inaptitude a une origine partiellement professionnelle et que l'employeur en était informé à la date du licenciement étant rappelé que la prise en charge par la sécurité sociale de l'arrêt de travail n'est qu'un élément de preuve parmi d'autres.

En l'espèce, la salariée a adressé un courriel à la DRH le 10 décembre 2013 mentionnant sa souffrance morale accompagné d'un certificat médical du 23 août 2013, alors qu'elle était en accident du travail. Un certificat médical du 15 janvier 2014 a préconisé un arrêt maladie de 3 semaines, un traitement et la rencontre avec le psychologue du travail en mentionnant des symptômes d'épuisement professionnel. Le bon de visite du médecin du travail du 21 février 2014 indiquait 'mutation à un autre poste de façon urgente. Situation à étudier avec les ressources humaines (RV à fixer le plus rapidement possible)'. Un comportement fautif entre le 12 mai 2015 et le 8 juin 2015 et les propos tenus par la salariée dans le cadre de cet incident, ont donné lieu à un audit (pièce N°2) qui a recommandé des sanctions contre Mme [F] et M. [ZA], sanctions qui sont définitives. Le certificat du 8 septembre 2015 mentionnait les symptômes d'un burn out.

Comme déjà indiqué le rapport de l'inspection du travail met en évidence des événements postérieurs à l'absence de Mme [F] et sans rapport avec sa situation personnelle, les certificats médicaux ayant été établis sur la seule déclaration de l'intéressée, sans qu'il soit démontré que les professionnels ont été informés des événements que Mme [F] déplorait en 2013, du risque de sanction suite à l'audit puis de la sanction.

En revanche, l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'une suite a été donnée à ses demandes de rendez-vous ou d'entretien pour se plaindre de sa situation, faisant valoir qu'aucune trace n'est conservée d'une demande de rendez-vous ou d'entretien et que les destinataires sont désormais retraités. Il ne rapporte pas la preuve d'une proposition de mutation à la salariée suivant l'avis du médecin du travail. Ces éléments caractérisent l'absence de prévention personnelle qui fonde la demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse. S'agissant d'un licenciement prononcé le 1er février 2022, les dispositions des articles 1235 et suivants du code du travail sont applicables à l'espèce, de sorte que l'employeur doit être condamné au paiement de 32 200 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [F] étant déboutée du surplus de ses demandes à ce titre.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. En application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée. La caisse régionale de Crédit agricole mutuel qui succombe est condamnée au paiement des dépens et de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elle est déboutée de ses demandes à ce titre.

Par ces motifs

La cour

Statuant dans les limites de la cassation,

- écarte la fin de non-recevoir soutenue par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe ;

- déboute Mme [VW] [A] épouse [F] de ses demandes au titre de la discrimination syndicale,

Y ajoutant

- Déboute Mme [VW] [A] épouse [F] de ses demandes au titre de la discrimination fondée sur la santé, au titre du harcèlement ;

- dit le licenciement prononcé le 1er février 2022 pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à payer à Mme [VW] [A] épouse [F] la somme de 32 200 euros,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe au paiement des dépens ;

- condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer à Mme [VW] [A] épouse [F] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00720
Date de la décision : 06/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-06;23.00720 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award