COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRET N° 258 DU 6 MAI 2024
N° RG 23/00411 -
N° Portalis DBV7-V-B7H-DR4A
Décision attaquée: ordonnance référé du président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 12 avril 2023, dans une instance enregistrée sous le n° 2022R00034
APPELANT :
Monsieur [N] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Laurent PHILIBIEN, de la SELARL FILAO AVOCATS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMEE :
Madame [K] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Hubert JABOT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 janvier 2024, en audience publique, devant M. Thomas Habu Groud, conseiller chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposé.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
M. Thomas Habu Groud, conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 avril 2024. Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l'absence d'un greffier.
GREFFIER,
Lors des débats et du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRÊT :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 3 mai 2014 à effet du même jour, Mme [K] [E] [J] a donné en location gérance à M. [N] [B] [G], pour une durée d'une année renouvelable tacitement d'année en année, le fonds de commerce de restaurant à l'enseigne '[6]' lui appartenant et exploité dans les locaux sis à [Adresse 7], moyennant une redevance mensuelle de 1 500 euros HT, soit 1 627,50 euros TTC ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 octobre 2021 et reçue par M. [G] le 18 octobre suivant, le conseil de Mme [J] a notifié à ce dernier sa décision de mettre un terme à la location-gérance à l'échéance du 30 septembre 2022 ;
Ce congé a été renouvelé par acte d'huissier de justice signifié à la personne de M. [G] le 15 décembre 2021 ;
Par courrier recommandé du 28 juillet 2022, le conseil de M. [G] a indiqué à Mme [J] que celui-ci ne s'estimait pas lié par ce congé dès lors que la date du 30 septembre 2022 ne correspondait pas au terme du contrat et qu'il remettait en cause la validité de ce dernier faute de justification de l'existence du fonds de commerce loué;
Par acte d'huissier de justice du 22 novembre 2022, Mme [J] a fait appeler M. [G] devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE aux fins de voir :
- déclarer valable au fond et en la forme le congé du 15 décembre 2021 à effet du 30 septembre 2022,
- valider ce congé,
- déclarer M. [N] [G] occupant sans droit ni titre du fonds de commerce '[6]' sis [Adresse 7],
- ordonner à M. [G] la remise du fonds de commerce '[6]' à son propriétaire, Mme [J],
- ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef,
- condamner M. [N] [G] 'au paiement' jusqu'au départ effectif des lieux :
** d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer, charges comprises, qui serait dû si le bail s'était poursuivi,
** 1 500 euros au titre des frais irrépétibles (ensuite portés oralement à 3 000 euros), ainsi qu'aux dépens, en ce compris le coût du congé et de l'assignation ;
En réponse, M. [G] demandait à titre principal l'annulation de l'assignation du 22 novembre 2022 et, à titre subsidiaire, le rejet des demandes de Mme [J], ainsi que, en toute hypothèse, la condamnation de cette dernière à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Par ordonnance de référé contradictoire du 12 avril 2023, le juge des référés :
- a rejeté l'exception de nullité de l'assignation du 22 novembre 2023 soulevée par M. [G],
- a constaté la validité du congé délivré par Mme [J] à M. [G] par acte d'huissier en date du 15 décembre 2021 portant sur le fonds de commerce [6],
- a constaté que M. [G] était occupant sans droit ni titre dudit fonds de commerce,
- a ordonné l'expulsion de M. [G] et celle de tous occupants de son chef,
- a condamné M. [G] 'au paiement' à titre provisionnel d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer actualisé, charges incluses, jusqu'à complète libération des lieux,
- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- a dit que M. [G] sera tenu au paiement des dépens de la procédure,
- et a rappelé que cette décision est assortie de plein droit de l'exécutoire ;
Par déclaration parvenue au greffe par voie électronique (RPVA) le 25 avril 2023, M. [N] [G] a relevé appel de cette ordonnance, y intimant Mme [K] [J] et y fixant expressément les chefs de jugement critiqués comme suit :
- le rejet des exceptions de nullité de l'assignation soulevées par M. [G],
- le constat de la validité du congé délivré par Mme [J] [K] à M. [N] [G] par acte d'huissier en date du 15 décembre 2021 portant sur le fonds de commerce [6] depuis le 30 septembre 2022,
- le constat que M. [G] serait occupant sans droit ni titre dudit fonds de commerce [6] depuis le 30 septembre 2022,
- l'expulsion de M. [G] et de tous occupants de son chef,
- la condamnation de M. [G] à verser, à titre provisionnel, une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer augmenté des charges, jusqu'à complète libération des lieux,
- le rejet des demandes de M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamnation de M. [G] aux entiers dépens $gt;$gt; ;
Cet appel a été fixé à bref délai à l'audience du 25 septembre 2023 par ordonnance du président de chambre du 23 mai 2023 et avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel a été notifié à l'appelant par le greffe par voie électronique le même jour ;
Cette déclaration d'appel a été signifiée à Mme [J] par acte de commissaire de justice du 31 mai 2023, en même temps que les premières conclusions d'appelant ;
L'intimée a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l'avocat adverse, par RPVA, le 12 juin 2023 ;
Par ordonnance du 2 août 2023, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de ce siège a rejeté la demande de Mme [J], intimée, aux fins de radiation du rôle de l'appel interjeté par M. [N] [G] à l'encontre de l'ordonnance de référé du 12 avril 2023 ;
L'appelant a conclu une première fois par acte remis au greffe par RPVA le 22 mai 2023, puis notifié à l'avocat adverse par même voie le 12 juin 2023 ; il a conclu une seconde et dernière fois par acte remis au greffe et notifié à l'intimée par RPVA le 22 septembre 2023 ;
L'intimée a conclu également à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés à l'appelant par RPVA respectivement les 26 juin 2023 et 28 août 2023 ;
A l'audience du 25 septembre 2023, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 15 janvier 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 18 avril 2024 , par mise à disposition au greffe. Les parties ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l'absence d'un greffier.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières conclusions d'appelant, M. [N] [G] conclut aux fins de voir :
- le recevoir en son appel et l'y dire bien fondé,
A titre liminaire
- dire et juger nulle l'assignation en référé du 22 novembre 2022,
- dire et juger irrecevables les conclusions du 26 juin 2023 et du 28 août 2023,
Par conséquent
- infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
- débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
A ces fins, M. [G] prétend notamment :
Sur la nullité de l'assignation
- que l'assignation introductive d'instance ne mentionnait aucun article, texte réglementaire ou jurisprudence et ne contenait aucun moyen de droit en violation de l'article 56 du code de procédure civile,
- qu'il en a subi un grief puisqu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits sur le fondement retenu par le juge des référés, savoir l'article 873 du code de procédure civile, lequel n'a pas été soumis au contradictoire des parties,
Sur l'irrecevabilité des conclusions d'intimée
- que les conclusions de Mme [J] du 26 juin 2023 ne contiennent qu'une demande de sursis à statuer, à l'exclusion d'une demande d'infirmation ou d'annulation de tout ou partie de l'ordonnance, et ce, en violation de l'article 954 du code de procédure civile,
- les conclusions du 28 août 2023, en ce qu'elles contiennent des demandes non contenues dans les premières écritures, sont donc irrecevables pour n'avoir pas été remises au greffe dans le délai de l'article 905-2 du même code,
Sur les demandes de Mme [J]
- que si le juge des référés a fondé sa décision sur l'article 873 du code de procédure civile sans respect du principe du contradictoire, Mme [J] n'avait ni invoqué ni rapporté la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite,
- que si ce même juge a retenu que le maintien dans les lieux du preneur constituait un trouble manifestement illicite en raison du congé qui lui avait été délivré et a considéré que le contrat initial d'une année s'était renouvelé pour une durée indéterminée au regard de la clause y stipulée et des articles 1214 et 1215 du code civil, ces deux articles ne s'appliquent pas audit contrat puisque celui-ci a été conclu en 2014 et ces articles résultent d'une ordonnance du 10 février 2016,
- que ce même juge reconnaît d'ailleurs en son ordonnance que ce contrat souffrait d'une 'certaine ambiguïté rédactionnelle', tout en l'interprétant pour considérer qu'il s'était renouvelé pour une durée indéterminée et pouvait être résilié à tout moment, alors même qu'une telle ambiguïté excluait le caractère manifeste de l'illicéité de son maintien dans les lieux,
- qu'en réalité, ce contrat n'est pas ambigu et ne peut être interprété que comme un contrat à durée déterminée dès lors qu'il y est écrit qu'il 'se poursuivra ensuite d'année en année par tacite reconduction à défaut de congé donné 3 mois à l'avance (...)',
- que le contrat de location-gérance est nul dès lors qu'il n'existe aucun fonds de commerce créé par Mme [J],
- que cette dernière ne justifie d'aucun droit sur la parcelle qu'il occupe,
Sur la demande reconventionnelle de Mme [J]
- que Mme [J] refuse tout paiement de l'indemnité d'occupation à laquelle il a été condamné à son profit, alors même qu'avant sa saisine du juge des référés elle passait au restaurant pour les récupérer,
- qu'elle le met ainsi dans l'impossibilité de régler les arriérés de loyers et les indemnités d'occupation,
- et qu'au soutien de sa demande de dommages et intérêts de 30 000 euros, elle ne démontre ni faute, ni préjudice, ni lien de causalité ;
Pour le surplus des explications de M. [G], il est expressément renvoyé à ses dernières écritures ;
2°/ Par ses propres dernières écritures, Mme [K] [J] conclut quant à elle aux fins de voir :
- débouter M. [G] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
- déclarer recevable sa demande reconventionnelle et, y faisant droit,
- condamner M. [G] au paiement des redevances de la location arriérées, soit depuis le 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023,
- juger que l'indemnité d'occupation égale au montant des loyers sera due jusqu'à libération des lieux,
- Vu l'article 1240 du code civil,
- juger que le comportement de M. [G] est fautif en ce qu'il refuse sans raison légitime de restituer le fonds de commerce à l'expiration du contrat,
- 'condamner M. [G] à titre de dommages et intérêts à la somme de 30 000 euros',
- le condamner en outre à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, sous distraction ;
Mme [J] précise à ces fins :
- que ses dernières conclusions ont été remises au greffe dans le délai de la loi, puisque sa demande de radiation de l'appel formée devant le premier président a suspendu ce délai et a donné lieu à une ordonnance du 2 août 2023 dont la notification l'a fait courir à nouveau, et ce jusqu'au 2 septembre 2023,
- que la cour devra adopter les motifs du premier juge pour rejeter la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance,
- que, sur le fond, elle 'est propriétaire d'un fonds de commerce de restauration dénommé '[6]' situé sur la plage de [Localité 5] à [Localité 3] qu'elle a exploité, avant de consentir une location gérance pour une durée d'un an avec tacite reconduction à M. [G] suivant acte du 3 mai 2014 avec le matériel décrit à l'inventaire annexé audit contrat.',
- qu'à la date d'expiration du congé délivré le 15 décembre 2021 à effet du 30 septembre 2022, M. [G] a refusé de restituer le fonds de commerce, s'est abstenu de payer le loyer et s'est maintenu dans les lieux pour poursuivre leur exploitation, nonobstant la publication de l'avis de fin de location gérance dans deux journaux d'annonces légales,
- que c'est à juste titre que le premier juge a constaté que le maintien dans les lieux de M. [G] constituait un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du code de procédure civile,
- que l'appelant ne formule aucun moyen de fait ou de droit pour contredire l'existence d'un tel trouble,
- que si le contrat de location gérance initial a été conclu avant l'entrée en vigueur, en 2016, des nouveaux articles 1214 et 1215 du code civil, ce contrat s'est ensuite renouvelé tacitement d'année en année, si bien qu'à compter de cette entrée en vigueur du 1er octobre 2016, le contrat renouvelé a donné naissance à un nouveau contrat de location gérance à durée indéterminée qui pouvait donc être résilié à tout moment,
- qu'elle était donc fondée à donner congé avec un préavis de 6 mois conformément à l'article 1211 du code civil,
- que par ailleurs, la question de savoir si le contrat de location gérance est nul excède la compétence du juge des référés et est de toute façon étrangère à la solution du litige puisque si nullité il y avait, le contrat serait censé n'avoir jamais existé,
- et qu'en outre, la location gérance porte sur un fonds de commerce et le locataire gérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une question relative à la propriété du terrain ou du local d'exploitation ;
Pour le surplus de ses explications, il est expressément renvoyé aux écritures de Mme [J] ;
MOTIFS DE L'ARRET
I- Sur la recevabilité de l'appel
Attendu qu'il n'est ni argué ni justifié de la signification de l'ordonnance querellée avant que M. [G] n'en interjetât appel, si bien que cet appel doit être déclaré recevable au plan du délai pour agir ;
II- Sur la recevabilité des conclusions de l'intimée remises au greffe les 26 juin 2023 et 28 août 2023
Attendu qu'en application de l'article 905-2 al 2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai d'un mois à compter de la notification des premières conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ;
Attendu qu'aux termes de l'article 524 du code de procédure civile, la demande de radiation suspend les délais impartis à l'intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911 et ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation ;
Attendu que les premières conclusions de M. [G], appelant, remises au greffe le 22 mai 2023, n'ont été signifiées à l'intimée, avant toute constitution de sa part, que par acte de commissaire de justice du 31 mai 2023 (en même temps que la déclaration d'appel), si bien que, même en l'absence d'interruption du délai d'un mois imposé à l'intimée pour conclure ou former appel incident, celui-ci aurait expiré, en application de l'article 641 du code de procédure civile, le 30 juin 2023, de quoi il ressort en tout premier lieu que les conclusions remises au greffe le 26 juin 2023 sont recevables ;
Mais attendu que, plus encore, il est constant que par acte de commissaire de justice du 23 juin 2023, soit dans le susdit délai, Mme [J] a saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de radiation pour inexécution de la décision querellée ; et que l'ordonnance rejetant cette demande n'a été rendue que le 2 août 2023 ;
Attendu qu'il en résulte qu'en application de l'alinéa 4 de l'article 524 sus-rappelé, cette saisine a 'suspendu' le délai d'un mois de l'article 905-2 al 2 sus-rappelé et que, en application de son alinéa 5, le délai d'un mois n'a 'recommencé à courir' qu'à compter de la décision du 2 août 2023, soit, en application de l'article 642 du code de procédure civile, jusqu'au 4 septembre 2023 (le 2 étant un samedi et le 3, un dimanche) ; qu'il s'en infère que les conclusions remises au greffe par l'intimée le 28 août 2023 sont recevables ;
III- Sur la nullité de l'assignation de M. [G] devant le premier juge en date du 22 novembre 2022
Attendu qu'au soutien de son exception de nullité dirigée contre l'assignation devant le premier juge M. [G] invoque les dispositions des articles 56 et 114 du code de procédure civile, aux termes desquelles :
- pour l'article 56, l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée, un exposé des moyens en fait et en droit, la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé et l'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire,
- pour l'article 114, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public et la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;
Mais attendu que l'article 115 du même code dispose que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ;
Attendu que M. [G] estime que l'assignation litigieuse manquait en moyens de droit;
Or, attendu que ni lui ni Mme [J] ne versent aux débats en cause d'appel l'acte ainsi incriminé, si bien que la cour est empêchée d'exercer son contrôle à cet égard, alors même qu'il appartient à la partie qui excipe de la nullité d'un acte d'en faire la preuve ; que M. [G], en ne le produisant pas, s'interdit de faire cette preuve ;
Mais attendu que le premier juge, par des motifs que ne conteste pas Mme [J], auteur de ladite assignation, a constaté que celle-ci était en effet dépourvue de moyen de droit à l'appui des demandes y formulées, cependant qu'il a également relevé que ce manquement aux exigences sus-rappelées de l'article 56 du code de procédure civile avait été régularisé par les conclusions postérieures de la demanderesse, en ce que celles-ci faisaient expressément référence aux articles 1211 et suivants du code civil ;
Attendu que M. [G], qui ne produit pas davantage ces conclusions adverses de première instance, ne conteste pas ce constat ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en ce que le juge des référés, au constat de la régularisation de l'irrégularité contenue dans l'assignation litigieuse, a rejeté son exception de nullité ;
IV- Sur les demandes de Mme [J] au titre du congé délivré à M. [G] par acte de commissaire de justice du 15 décembre 2021 à effet du 30 septembre 2022
Attendu qu'en ses conclusions d'intimée (page 5), Mme [J] excipe expressément du trouble manifestement illicite retenu par le premier juge et, partant, des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile aux termes duquel le juge des référés du tribunal mixte de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que le maintien dans les lieux d'un locataire gérant auquel a été régulièrement signifié un congé constitue un trouble manifestement illicite pour son cocontractant;
Attendu que ce congé a été délivré par acte d'huissier de justice du 15 décembre 2021 à effet du 30 septembre 2022, soit plus de 6 mois avant, Mme [J], bailleresse, estimant que la location gérance conclue le 3 mai 2014 pour une durée déterminée de 1 an stipulée renouvelable tacitement d'année en année (page 2 du contrat, chapitre 'DUREE'), s'est ensuite renouvelée tacitement pour une durée indéterminée en application des article 1214 et 1215 du code civil résultant de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 à effet du 1er octobre 2016, et que dès lors elle a pu faire application de l'article 1211 du même code aux termes duquel, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable, tandis que M. [G] prétend que ce contrat ne s'est renouvelé d'année en année que pour 1 an à chaque fois et que, partant, l'échéance du contrat renouvelé au moment du congé ne pouvait être celle qui lui était donnée au 30 septembre 2022 ;
Mais attendu que si, jusqu'à l'entrée en vigueur de cette réforme, le contrat, compte tenu de ses prévisons explicites à cet égard, a pu 'se poursuivr(e)' d'année en année pour une durée déterminée d'un an 'par tacite reconduction', la loi nouvelle résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 est applicable immédiatement au contrat reconduit, même tacitement, si bien que 'la reconduction' de ce contrat de location gérance du 3 mai 2014 s'est opérée le 3 mai 2017, soit après l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de cette ordonnance à valeur légistative, dans le cadre des dispositions de l'article 1214 al 2 nouveau du code civil, pour une durée indéterminée ;
Attendu qu'il en résulte qu'en application de l'article 1211, Mme [J] a pu y mettre fin à tout moment moyennant un préavis raisonnable ;
Attendu que ce préavis a été, au profit du locataire gérant, de 9 mois et 15 jours (signification du 15 décembre 2021 pour le 30 septembre 2022), voire plus puisque par LRAR du 14 octobre 2021, reçue par M. [G] le 18 suivant, le conseil de Mme [J] lui avait annoncé ce congé pour ce même 30 septembre 2022 ;
Attendu qu'il en résulte que, depuis cette date, M. [G] exploite et occupe les lieux d'exploitation du fonds de commerce litigieux sans droit ni titre et, partant :
- viole directement et ouvertement la règle de droit selon laquelle nul ne peut exploiter un fonds de commerce qui ne lui appartient pas ou qui ne lui a pas été donné en location,
- empêche tout aussi directement Mme [J] de disposer comme elle l'entend de ce fonds de commerce,
- et lui cause ainsi un trouble manifestement illicite ;
Attendu que la circonstance que M. [G] entende, après plus de 8 ans d'exploitation sur le fondement incontesté du contrat de location gérance du 3 mai 2014, renouvelé d'année en année puis de façon indéterminée en sa durée, remettre en cause les droits de Mme [J] sur le fonds de commerce de restauration à l'enseigne [6] objet de ce contrat, n'est pas de nature à nier ou exclure l'existence de ce trouble manifestement illicite, sa contestation à cet égard, sérieuse ou non, ne relevant pas de cette notion de trouble manifestement illicite ; et que, de toute façon, si même elle pouvait être tenue pour sérieuse, une telle contestation est expressément compatible avec les pouvoirs conférés à cet égard au juge des référés par l'article 873 al 1 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il convient par suite de confirmer l'ordonnance entreprise en ce que le juge des référés y a :
- constaté la validité du congé délivré par Mme [J] à M. [G] par acte d'huissier en date du 15 décembre 2021 portant sur le fonds de commerce [6],
- constaté que M. [G] était occupant sans droit ni titre dudit fonds de commerce,
- ordonné l'expulsion de M. [G] et celle de tous occupants de son chef ;
V- Sur les demandes provisionnelles de Mme [J]
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 873 al 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés du tribunal mixte de commerce peut accorder une provision au créancier ;
Attendu que devant le premier juge Mme [J] demandait le paiement des seules indemnités d'occupation dues jusqu'au départ effectif de M. [G] des lieux donnés en location gérance, tandis que devant cette cour, elle demande à nouveau de telles indemnités d'occupation, mais aussi :
1°/ le 'paiement des redevances de location arriérées, soit depuis le 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023",
2°/ la condamnation de M. [G], sur le fondement de la responsabilité délictuelle cette fois (article 1240 du code civil), à lui payer 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de privation de jouissance de son fonds de commerce ;
1°/ Attendu que force est de constater en premier lieu que M. [G] ne s'oppose pas à la demande de Mme [J] au titre des indemnités d'occupation, puisqu'en page 10 de ses écritures, chapitre D 1), il se borne, sur ce plan, à se plaindre de ce que cette dernière ne 'passe' plus, comme naguère, au restaurant pour récupérer ses redevances et refuse dans le même temps de lui communiquer ses coordonnées bancaires et tout paiement, toutes choses étrangères au principe et au quantum de ses obligations à cet égard et à l'égard des indemnités d'occupation dues depuis la fin de la location gérance ;
Attendu qu'il a été constaté ci-avant que le congé donné par Mme [J] à M. [G] avait pris effet à dater du 30 septembre 2022 ; que, par suite, plus aucune redevance contractuelle n'est due à compter du 1er octobre 2022, mais, en lieu et place, une indemnité d'occupation de la nature de celle à laquelle le premier juge a condamné M. [G] à titre provisionnel ; que si le premier juge ne fixe pas expressément, au dispositif de son ordonnance, le point de départ de ces indemnités d'occupation, il ressort de ses motifs explicites qu'elles ont été fondées sur la poursuite illicite par M. [G] de son exploitation du fonds litigieux depuis le 30 septembre 2022 ; que, de toute façon, l'obligation pour ce dernier d'indemniser Mme [J] de son occupation illicite à compter du 1er octobre 2022 et jusqu'à libération complète de ce fonds de commerce n'est pas sérieusement contestable, si bien que l'ordonnance querellée sera encore confirmée en ce que le juge y a condamné M. [G] au paiement d'une indemnité provisionnelle mensuelle égale au montant du dernier loyer et des charges, mais ce, avec cette précision que cette indemnité courre à compter du 1er octobre 2022;
2°/ Attendu qu'aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; et que sa mise en oeuvre impose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice ;
Attendu que Mme [J] prétend à un préjudice spécifique lié au maintien illicite de M. [G] dans les lieux et à son refus de restituer le fonds de commerce, sans produire le moindre élément qui ferait la preuve d'un préjudice distinct de celui qui se trouve indemnisé déjà par l'allocation d'indemnités d'occupation provisionnelles ; que la seule circonstance qu'elle prétende vouloir exploiter ce fonds personnellement ne suffit pas à caractériser et moins encore à quantifier son réel préjudice lié à l'empêchement fautif que lui occasionne la posture de l'appelant ; que, par suite, l'obligation qui fonde sa demande de dommages et intérêts provisionnels à l'encontre de M. [G] de ce chef, est sérieusement contestable, ainsi que le prétend à juste titre ce dernier, de sorte qu'il ne peut y avoir lieu à référé sur ce point au sens de l'article 873 al 2 du code de procédure civile, et que, dès lors, l'intimée doit être déboutée de ladite demande ;
VI- Sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel
Attendu que, succombant pour l'essentiel tant en première instance qu'en appel, M. [G] supportera tous les dépens de première instance et d'appel, si bien que l'ordonnance déférée sera encore confirmée du chef des premiers de ces dépens et que le sus-nommé sera débouté de sa demande au titre des dépens d'appel ;
Attendu que si l'appelant a déféré à la cour la disposition de l'ordonnance querellée par laquelle a été rejetée sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, ses dernières conclusions ne développent aucun moyen sur ce thème, puisqu'il s'y borne, tant en leurs motifs qu'en leur dispositif, à solliciter une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sans dire ou préciser qu'elle contiendrait les frais irrépétibles de première instance ; que, de la même façon, Mme [J] n'a formé aucun appel incident sur le rejet par le premier juge de sa propre demande au même titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance querellée en ce que ce juge des référés y a rejeté les demandes respectives des parties au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Attendu que, condamné aux dépens d'appel, M. [G] ne peut bénéficier des indemnités prévues par l'article 700 du code de procédure civile; qu'il sera donc débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Attendu que des considérations d'équité justifient de le condamner à indemniser l'intimée de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Dit recevable l'appel formé par M. [N] [G] à l'encontre de l'ordonnance du juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 12 avril 2023,
- Dit recevables les conclusions d'intimée remises au greffe par Mme [K] [J] les 26 juin 2023 et 28 août 2023,
- Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
- Précise que les indemnités d'occupation provisionnelles octroyées à Mme [K] [J] en cette ordonnance, ont pour point de départ la date du 1er octobre 2022,
- Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [K] [J] en dommages et intérêts provisionnels et l'en déboute,
- Déboute M. [N] [G] de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d'appel,
- Le condamne à payer à Mme [K] [J] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Hubert JABOT, avocats aux offres de droit.
Et ont signé,
La greffière, Le président,