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03/07/2023 | FRANCE | N°21/01014

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 03 juillet 2023, 21/01014


RLG/LP







COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 145 DU TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS





FFAIRE N° : N° RG 21/01014 - N° Portalis DBV7-V-B7F-DLSL



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section commerce - du 9 Septembre 2021.



APPELANTE



S.A.S. LA SOCIÉTÉ DE MANUTENTION ET DE TRANSPORT (SAS MANUTRAP)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Myriam TREI

L, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH





INTIMÉ



Monsieur [V] [O] [B]

[Adresse 4] -

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par M. [M] [Y] (Défenseur syndical ouvrier)
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RLG/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 145 DU TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

FFAIRE N° : N° RG 21/01014 - N° Portalis DBV7-V-B7F-DLSL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section commerce - du 9 Septembre 2021.

APPELANTE

S.A.S. LA SOCIÉTÉ DE MANUTENTION ET DE TRANSPORT (SAS MANUTRAP)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Myriam TREIL, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉ

Monsieur [V] [O] [B]

[Adresse 4] -

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par M. [M] [Y] (Défenseur syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,

Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère,,

Mme Annabelle CLEDAT, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 avril 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 3 juillet 2023

GREFFIER Lors des débats Valérie SOURIANT,conseillère.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.

Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [B] a été embauché le 1er août 2016, en qualité de chauffeur manutentionnaire, dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel, par la SAS Manutrap.

Par avenant en date du 2 mai 2018, son contrat de travail initial s'est transformé en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Par requête en date du 28 novembre 2019 M. [V] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre afin de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail et condamner la SAS Manutrap à lui payer diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 9 septembre 2021 le conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- Prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail de M. [V] [B] aux torts exclusifs de l'employeur,

- Dit et jugé que cette résolution judiciaire s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SAS Manutrap à payer à M. [V] [B] les sommes suivantes :

37.976,81 euros à titre de salaires, provisions, du 1er juillet 2019 au 30 Novembre 2020,

3.797,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés du 1er juillet 2019 au 30 Novembre 2020,

2.513,18 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

6.701,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

670,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

6.701,79 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné LA SAS Manutrap à remettre à M. [V] [B] sous astreinte de 10 euros par jour de retard sur soixante jours, les fiches de paie conformes du 1er juillet 2019 au 30 novembre 2020,

- Débouté M. [V] [B] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SAS Manutrap de sa prétention au titre de section,

- Condamné la partie défenderesse aux éventuels dépens de l'instance.

Suivant déclaration au greffe en date du 28 septembre 2021, la SAS Manutrap a relevé appel de ce jugement.

Par acte d'huissier en date du 26 novembre 2021, la SAS Manutrap a fait signifier sa déclaration d'appel à M. [V] [B].

M. [V] [B] a constitué en appel le 29 décembre 2021 par la représentation d'un défenseur syndical.

Par mention au dossier en date du 10 février 2022, la Cour d'Appel a demandé à l'appelante de justifier de la signification de ses conclusions à l'intimé et, à défaut, de présenter ses observations sur le moyen soulevé d'office tiré de la caducité de sa déclaration d'appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile.

Par arrêt du 3 octobre 2022 la cour a :

- Dit que la déclaration d'appel de la SAS Manutrap n'est pas caduque ;

- Renvoyé l'affaire à la conférence virtuelle de mise en état du jeudi 12 janvier 2023 à 9 heures pour dernières conclusions au fond et, à défaut, clôture et fixation ;

- Dit que les dépens de l'incident resteront à la charge du Trésor public.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DE L'APPELANTE

Selon ses dernières conclusions reçues au greffe par voie électronique le 28 octobre 2021 et notifiées à l'intimé par lettre recommandée reçue le 18 février 2022, la SAS Manutrap demande à la cour de :

INFIRMER le Jugement du Conseil de Prud'Hommes du 09 Septembre 2021,

DEBOUTER M. [V] [B] en sa demande de résolution du contrat de travail qui le liait à la SAS Manutrap,

DEBOUTER M. [V] [B] en toutes ses demandes indemnitaires ;

CONDAMNER M. [V] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS Manutrap expose, en substance, que :

- l''essentiel de son activité consistait à assurer les activités de logistique, de manutention et de livraison en vertu d'un contrat de sous-traitance du 31 mai 2016, qui la liait aux société LGD BUT et GDI BUT ;

- par courrier du 24 décembre 2018, les sociétés LGD BUT et GDI BUT ont mis un terme au contrat de sous-traitance qui les liait avec effet au 31 mai 2019 ;

- la société LDG BUT a conclu un nouveau contrat de sous-traitance avec la société par action simplifiée Team Logistic System Antilles Guyane (TLS AG) concernant les activités de logistique, le 22 Mai 2019 ;

- afin de sauvegarder les emplois des salariés travaillant comme chauffeurs-manutentionnaires, elle a signé avec la société par action simplifiée Team Logistic System Antilles Guyane (ci-après SAS TLS AG), le 31 mai 2019, un accord cadre en vertu duquel la SAS TLS AG s'engageait à reprendre l'ensemble des salariés des activités de manutention et de transport avec leur ancienneté et leurs droits acquis aux congés payés et éventuels RTT.

- M. [B] s'est, ainsi, vu notifier, tout comme ses collègues chauffeurs manutentionnaires, la poursuite de son contrat de travail au sein de la SAS TLS AG, à compter du 1er juin 2019 ;

- le transfert des activités de manutention et de livraison de la SAS Manutrap vers la SAS TLS AG s'impose aux salariés ;

- M. [V] [B] n'a jamais contesté le transfert de son contrat de travail et ne s'y est jamais formellement opposé ;

- en conséquence, il n'est plus salarié de la SAS Manutrap depuis le 1er juin 2019 mais devait devenir salarié de la SAS TLS AG ;

- M. [V] [B] ne s'est jamais présenté à son nouvel employeur et n'a pas signé le nouveau contrat de travail soumis par la SAS TLS AG en dépit de tous les courriers, relances et sommation.

Selon ses dernières conclusions reçues au greffe le 25 mai 2022 et notifiées à l'appelante le 23 mai 2022, M. [V] [B] demande à la cour de :

CONFIRMER LA DÉCISION QUERELLÉE sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse et de l'astreinte par jour de retard, allouée pour la remise des fiches de paie conformes,

- PRONONCER LA RÉSOLUTION JUDICIAIRE DE SON CONTRAT DE TRAVAIL aux torts exclusifs de l'employeur ;

- DIRE ET JUGER QUE CETTE RÉSOLUTION JUDICIAIRE s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- CONDAMNER la SAS Manutrap au paiement des sommes suivantes :

Salaires, provision, du 1er juillet 2019 au 30 avril 2022 : 58 752,62 euros

Indemnité compensatrice de congés payés du 1er juillet 2019 au 09 avril 2022 : 5 875,26 euros

Indemnité légale de licenciement : 2 992,52 euros

Indemnité de compensatrice de préavis : 6 701,82 euros

Indemnité de compensatrice de congés-payés : 670,18 euros

Article700 du code de procédure civile : 300,00 euros

- CONDAMNER la SAS Manutrap à lui payer les sommes suivantes :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 53 614,56 euros

Dommages et intérêts pour cause absence d'entretien professionnel : 3 000,00 euros

Dommages et intérêts pour préjudices subis : 5 000,00 euros

Dommages et intérêts pour résistance abusive et de l'exécution déloyale du contrat de travail : 10 000,00 euros

Intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil des prud'hommes

la remise, sous astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard, des fiches de paie conformes à compter du la juillet 2019 à ce jour.

5 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

M. [V] [B] expose, en substance, que :

- il a été à l'origine de la création de l'entreprise le 16 mars 2016 et était actionnaire ainsi que salarié de la SAS Manutrap ; auparavant, il travaillait pour le compte de la SAS LGD (BUT) qui l'a licencié pour motif économique avec six autres salariés ; la SAS LGD les a incité à créer une société de transport et de manutention ; c'est ainsi, qu'ils sont devenus tous salariés-associés au sein de la SAS Manutrap ; la SAS LGD a contribué au financement de la SAS Manutrap ; les relations se sont dégradées avec l'arrivée de M. [Z] [U] et de M. [G] [X], décidée de manière unilatérale par M. [S], élu président ; il a constaté que la société faisait tout pour le tenir à l'écart en tant que salarié et en tant qu'actionnaire car il avait quelques informations sur les modifications juridiques qui étaient en train de s'opérer au sein de la SAS Manutrap ; par courriers recommandés datés du 16 octobre 2018 et du 9 novembre 2018, avec quatre autres collègues, ils n'ont pas cessé d'interpeller la SAS Manutrap pour obtenir certains documents pour l'assemblée générale extraordinaire fixée au 16 novembre 2018 ; par courrier recommandé daté du 20 novembre 2018, avec les quatre autres collègues, ils ont demandé des éclaircissements sur les projets en cours et sur les autres décisions prises, ils ont indiqué aussi que les associés n'avaient pas eu l'intégralité de leur prime exceptionnelle ainsi que la remise de certains documents déjà réclamés ; ils ont aussi sollicité la tenue d'une assemblée générale extraordinaire pour débattre des autres points qui étaient à l'ordre du jour et qui n'ont pas été traités ; par courriers recommandés datés du 7 janvier 2019 et du 7 février 2019, avec sept associés, ils ont demandé un rendez-vous concernant le contrat de sous-traitance BUT/Manutrap ; puis, il a appris la création d'une autre société dénommée SAS TEAM LOGISTIC SYSTEM (TLS), avec des changements qui ont été opérés sans la tenue d'assemblées générales statuaires ; l'activité de la nouvelle société a débuté à compter du 1er janvier 2019 ; la SAS TLS a fait pression sur lui pour qu'il accepte de signer un nouveau contrat de travail mais il a refusé car il n'avait pas de contrat de travail avec la SAS TLS.

- à compter du 1er juillet 2019, la SAS Manutrap a cessé de lui payer ses salaires alors que, chaque matin, il a continué à se présenter sur son lieu de travail ;

- il a toujours pu travailler avec le camion qui lui était dédié et qui portait toujours le logo de la SAS Manutrap ;

- par courrier recommandé en date du 17 octobre 2019, il a réclamé le paiement de ses salaires pour les mois d'août 2019, septembre 2019 et octobre 2019 ; il n'a jamais eu de réponse à son courrier du 17 octobre 2019 ;

- à la fin du mois d'octobre 2019, il s'est présenté sur son lieu de travail et a constaté que le camion avec lequel il travaillait avait disparu ; il s'est donc trouvé privé de son véhicule de travail ; la SAS Manutrap a refusé de lui fournir du travail ;

- par courrier recommandé en date du 15 janvier 2020, il a porté plainte contre les dirigeants de la SAS Manutrap et de la SAS TLS auprès du Procureur de la République.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions de l'appelante pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur le transfert du contrat de travail

L'article L. 1224-1 du code du travail dispose que « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ».

Il est de jurisprudence constante depuis un arrêt rendu en assemblée plénière par la Cour de Cassation le 15 novembre 1985 que cet article s'applique

« à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise » ; que l'entité économique implique un service distinct disposant de moyens propres ; qu'elle est entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celles-ci soient essentielles ou accessoires.

Il est également de jurisprudence constante que la seule perte d'un contrat de sous-traitance ne justifie pas le transfert automatique des contrats de travail en absence de preuve de ce que cette perte aurait entraîné le transfert d'une entité économique.

Si le transfert du contrat de travail intervenu dans le cadre légal de l'article 1224-1 du code du travail, s'impose au salarié, il en va différemment lorsque le transfert du contrat de travail intervient dans un cadre conventionnel.

Le changement d'employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l'accord exprès du salarié.

En l'espèce, le transfert proposé à M. [V] [B] devait intervenir en vertu d'un accord-cadre signé le 31 mai 2019 entre la SAS Manutrap et la SAS TLS AG, en suite de la perte du contrat de sous-traitance avec les sociétés LGD But et GDI But.

M. [V] [B] était donc en droit de refuser le transfert de son contrat de travail alors au surplus que la SAS Manutrap poursuivait par ailleurs son activité de transport.

Il s'en déduit que le contrat de travail de M. [V] [B] n'a pas été transféré à la société par action simplifiée Team Logistic System Antilles Guyane (ci-après SAS TLS AG) et qu'il est resté le salarié de la SAS Manutrap.

II / Sur la résiliation du contrat de travail

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l'employeur est à l'origine de manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Si la résiliation est prononcée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse voire ceux d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsqu'elle concerne un salarié protégé.

En l'espèce, M. [V] [B] reproche à la SAS Manutrap d'avoir cessé de lui fournir du travail et de payer ses salaires à compter de juillet 2019.

Ces faits, non contestés par la SAS Manutrap, présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et jugé que cette résiliation judiciaire s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III / Sur les conséquences financières de la résiliation du contrat de travail

La prise d'effet de la résiliation du contrat de travail doit être fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant, soit, en l'espèce, au 9 septembre 2021.

* Sur l'indemnité compensatrice de préavis

L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que « Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu inférieure à six mois, à un préavis dont la durée fixée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu compris entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienne de service continu d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis, une condition d'ancienneté de service plus favorable pour le salarié. ».

L'article L. 1234-5 du code du travail prévoit que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Il convient d'allouer à M. [V] [B] la somme de 4467,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2233,94 x 2 mois) la somme de 446,78 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

* Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.

L'article R. 1234-2 du même code, dans sa version issue du décret 2017-1398 du 25 septembre 2017, précise que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans, auquel s'ajoute un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

M. [B], qui a commencé à travailler à compter du 1er août 2016 et qui au 31 août 2021, avait une ancienneté de 5 ans et 3 mois, préavis inclus, se verra allouer la somme de 2932,04 euros au titre de son indemnité légale de licenciement [(2 233,94 euros x 25% = 558,48 euros x 5 ans) +558,48/12 x 3]

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

* Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, compte tenu de la taille de l'entreprise, de l'ancienneté du salarié de 5 ans et 3 mois, incluant la durée du préavis, de son âge au moment du licenciement, de son salaire brut mensuel et de l'absence de justification de sa situation à l'issue de son licenciement, il y a lieu de lui allouer la somme de 11. 169,97 euros (soit 5 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

IV / Sur l'arriéré de salaires

La résiliation judiciaire ayant pris effet au 9 septembre 2021 M. [V] [B], il est en droit d'obtenir le paiement de ses salaires du 1er juillet 2019 au 31 août 2021, soit la somme de 58'082, 44 euros (26 mois x 2233,94 euros) outre la somme de 5808,24 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

V/ Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d'entretien professionnel

M. [V] [B] ne justifiant pas du préjudice dont il demande réparation, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

VI / Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudices subis

M. [V] [B] ne justifiant pas du préjudice dont il demande réparation, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

VII / Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et exécution déloyale du contrat de travail

M. [V] [B] ne justifiant pas du préjudice dont il demande réparation, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

VIII / Sur la remise des fiches de paye

Il convient de condamner la SAS Manutrap remettre à M. [V] [B] une fiche de paye récapitulative des sommes versées en exécution du présent arrêt.

IX / Sur les intérêts

Les sommes allouées porteront intérêts à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes s'agissant des arriérés de salaire et de congés payés afférents, et à compter du jour de la présente décision s'agissant du surplus.

X / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Manutrap à payer à M. [V] [B] la somme de 300 euros pour ses frais irrépétibles en première instance.

Il convient d'y ajouter la somme de 1000 euros pour ses frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 9 septembre 2021 en ce qu'il a :

- Prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail de M. [V] [B] aux torts exclusifs de l'employeur,

- Dit et jugé que cette résolution judiciaire s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté M. [V] [B] de ses demandes de dommages et intérêts pour absence d'entretien professionnel, de dommages-intérêts pour préjudices subis et de dommages-intérêts pour résistance abusive et l'exécution déloyale du contrat de travail,

- Condamné la SAS Manutrap à payer à M. [V] [B] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté la SAS Manutrap de sa prétention au titre de section,

- Condamné la partie défenderesse aux éventuels dépens de l'instance ;

Réformant et statuant à nouveau sur le surplus,

Condamne la SAS Manutrap à payer à M. [V] [B] les sommes suivantes :

- 4467,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2233,94 x 2 mois) et 446,78 euros au titre des congés payés y afférents

- 2932,04 euros au titre de son indemnité légale de licenciement

- 11. 169,97 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 58'082,44 euros au titre des salaires du 1er juillet 2019 au 31 août 2021 outre 5808,24 euros au titre des congés payés y afférents

Y ajoutant,

Condamne la SAS Manutrap à payer à M. [V] [B] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les sommes allouées porteront intérêts à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes s'agissant des arriérés de salaire et de congés payés y afférents, et à compter du jour de la présente décision s'agissant du surplus ;

Condamne la SAS Manutrap aux dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01014
Date de la décision : 03/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-03;21.01014 ?
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