COUR D'APPEL DE BASSE- TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 217 DU 12 MAI 2023
N° RG 22/00730
N° Portalis DBV7-V-B7G-DO5B
Décision déférée à la cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 20 juin 2022, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 20/00008.
APPELANTS :
Madame [P] [N] [G]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Maître Christelle Reyno, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Madame [D] [X] [G]
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Localité 13]
Représentée par Maître Christelle Reyno, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Madame [L] [I] [G]
[Adresse 21]
[Localité 15]
Représentée par Maître Christelle Reyno, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Monsieur [U] [H] [G]
[Adresse 20]
[Adresse 20]
[Localité 14]
Représenté par Maître Christelle Reyno, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
INTIMEE :
S.A.S. Nacc
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Valérie Fructus-Barathon de la Selarl Fructus-Barathon Avocats, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
SARL B-Squared Investments,
[Adresse 12]
[Localité 18]
Représentée par Me Valérie Fructus-Barathon de la Selarl Fructus-Barathon Avocats, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Frank Robail, président,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
Monsieur Thomas Habu Groud,conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 avril 2023. Le délibéré a ensuite été prorogé à ce jour en raison de l'absence du greffier.
GREFFIER lors des débats et lors du prononcé Madame Armélida Rayapin, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Frank Robail, Président de chambre, et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte notarié des 14 février et 2 mars 1983, la Société Générale de Banque aux Antilles, ci-après SGBA, a ouvert dans ses livres un compte courant au profit d'[Y] [U] [G] et de son épouse commune en biens, [Y] [R] [F], assorti d'une ouverture de crédit de 400.000 francs, qui était garantie par une hypothèque conventionnelle sur deux biens situés sur la commune de [Localité 15], cadastrés AC n°[Cadastre 7] et AV n°[Cadastre 6].
Par jugement réputé contradictoire du 18 décembre 1986, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a condamné M. [Y] [G] à payer à la SGBA la somme de 121.449,91 francs avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 1985.
Le 16 juillet 2013, au visa de cette décision, la société NACC déclarant venir aux droits de la SGBA en vertu d'une cession de créance en date du 31 août 2010, a procédé à une inscription d'hypothèque judiciaire sur les immeubles cadastrés AC n°[Cadastre 7] et AV n°[Cadastre 6], subdivisé en AV [Cadastre 10] et AV [Cadastre 11], afin de garantir une créance d'un montant de 63.438,73 euros.
[Y] [R] [F] est décédée le [Date décès 4] 2005 et [Y] [U] [G] le [Date décès 1] 2014, laissant pour leur succéder leurs enfants, parmi lesquels Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G].
Par acte du 14 janvier 2020, ces quatre héritiers ont assigné la société NACC devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre afin de voir :
- constater que l'obligation de paiement de la créance visée par l'hypothèque judiciaire dont se prévaut la société NACC est prescrite,
- constater que cette obligation n'est corroborée par aucun titre exécutoire puisque le jugement du 18 décembre 1986 est non avenu,
- constater que la société NACC ne justifie pas être détentrice de la créance sur [Y] [G],
- annuler l'hypothèque judiciaire déposée le 16 juillet 2013,
- ordonner sa mainlevée et la radiation des inscriptions correspondantes.
Par jugement contradictoire du 20 juin 2022, le juge de l'exécution a :
- débouté les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné solidairement Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G] chacun à payer à la société NACC la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens,
- rejeté le surplus des demandes des parties.
Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G] ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 05 juillet 2022, en indiquant expressément que leur appel, qui tendait à l'annulation ou à la réformation du jugement, portait sur chacun de ses chefs de jugement expressément visés.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 13 février 2023.
Le 15 septembre 2022, en réponse à l'avis du 05 septembre précédent donné par le greffe, les appelants ont fait signifier la déclaration d'appel à la société NACC, qui avait remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique depuis le 31 août 2022.
Les appelants ont remis au greffe leurs conclusions le 03 octobre 2022.
Le 25 octobre 2022, la société NACC a conclu en réponse et la SARL B-Squared Investments, venant aux droits de la société NACC par suite d'un acte de cession de créance et d'un mandat de gestion du 30 avril 2022, est intervenue volontairement à la procédure.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 février 2023, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 24 avril 2023. Ce délibéré a ensuite été prorogé au 12 mai 2023 en raison de l'absence du greffier.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G], appelants:
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 03 octobre 2022 par lesquelles les appelants demandent à la cour :
- de les recevoir en leur appel,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes et les a condamnés, chacun, à payer à la société NACC la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- de constater que l'obligation de paiement de la créance visée par l'hypothèque judiciaire dont se prévaut la société NACC est prescrite,
- de constater que cette obligation n'est corroborée par aucun titre exécutoire puisque le jugement du 18 décembre 1986 est non avenu,
- de constater que la société NACC ne justifie pas être détentrice de la créance sur [Y] [G],
En conséquence :
- d'annuler l'inscription d'hypothèque judiciaire déposée le 16 juillet 2013 et publiée le 22 juillet 2013 sous les références d'enliassement 9714P31 2013V435 sur les biens immobiliers appartenant aux ayants-droit d'[Y] [G] situés sur la commune de [Localité 15], lieudit [Adresse 16], comprenant un terrain cadastré section AC n°[Cadastre 7] et un ensemble de constructions y édifiées, ainsi que des biens immobiliers situés sur la commune de [Localité 15], [Adresse 17], cadastrés AV n°[Cadastre 6] et subdivisés en deux parcelles AV [Cadastre 10] et AV [Cadastre 11],
- d'ordonner la mainlevée de cette hypothèque judiciaire,
- d'ordonner la radiation des inscriptions d'hypothèques judiciaires auprès du bureau de la publicité foncière de Basse-Terre,
- de condamner la société NACC à payer à chacun des appelants la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
2/ La SAS NACC, intimée, et la SARL B-Squared Investments, venant aux droits de la société NACC, intervenante volontaire :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022 par lesquelles ces parties demandent à la cour :
- de déclarer la société B-Squared Investments, régulièrement subrogée dans les droits de la société NACC par suite de l'acte de cession de créance sous seing privé en date du 30 avril 2022, recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
- de dire et juger les consorts [G] mal fondés en leur appel,
- de les en débouter,
- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- au regard de leur mauvaise foi et résistance abusive, de les condamner 'solidairement chacun' à payer à la société NACC la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'appel :
Il ne ressort d'aucun élément de la procédure que l'appel interjeté par les consorts [G] aurait pu être formé tardivement. Il sera donc déclaré recevable.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société B-Squared Investments :
Conformément aux dispositions de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
En l'espèce, la société B-Squared Investments indique qu'elle a intérêt à intervenir à l'instance d'appel en sa qualité de cessionnaire de la créance détenue précédemment par la société NACC à l'égard d'[Y] [G].
Elle verse aux débats une attestation de cession de créance et de mandat de gestion datée du 30 avril 2022 indiquant que, par acte du même jour, la société NACC lui a cédé un portefeuille de créances parmi lesquelles figurait celle détenue à l'encontre de [G] [Y]. De son côté, aux termes du même acte, la société B-Squared Investments a désigné la société NACC comme son recouvreur et mandataire pour le recouvrement de toutes les créances cédées.
Nonobstant les contestations élevées par les appelants concernant le fait que la société NACC aurait ou non été titulaire de la créance en cause, qui seront examinées ultérieurement, il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que la société B-Squared Investments justifie d'un intérêt à intervenir volontairement à la procédure d'appel aux côtés de la société NACC. Son intervention volontaire sera donc déclarée recevable.
Sur la régularité de l'inscription d'hypothèque judiciaire :
Conformément aux dispositions de l'article 2412 du code civil dans sa version en vigueur à la date de l'inscription prise par la société NACC :
'L'hypothèque judiciaire résulte des jugements soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus. [...]
Sous réserve du droit pour le débiteur de se prévaloir, soit en cours d'instance, soit à tout autre moment, des dispositions des articles 2444 et suivants, le créancier qui bénéficie d'une hypothèque judiciaire peut inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant actuellement à son débiteur, sauf à se conformer aux dispositions de l'article 2426. Il peut, sous les mêmes réserves, prendre des inscriptions complémentaires sur les immeubles entrés par la suite dans le patrimoine de son débiteur.'
En l'espèce, la société NACC a fait inscrire le 16 juillet 2013 une hypothèque judiciaire sur des biens appartenant à [Y] [G] en vertu du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre le 18 décembre 1986, qui a condamné [Y] [G] à payer à la SGBA la somme de 121.449,91 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 1985.
Dans le bordereau d'inscription, la société NACC a précisé qu'elle venait aux droits de la SGBA en vertu d'un acte notarié de cession de créances établi le 31 août 2010.
Pour fonder leur demande d'annulation et de mainlevée de cette hypothèque judiciaire, les appelants remettent en cause la cession de créance et, partant, la qualité pour agir de la société NACC. Ils contestent également l'existence d'un titre exécutoire, le jugement du 18 décembre 1986 étant selon eux devenu caduc faute de signification dans le délai de six mois, et, en dernier lieu, ils concluent à la prescription de la créance détenue par la société NACC.
Sur la qualité pour agir de la société NACC :
Les appelants soutiennent, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, que la société NACC ne démontre pas qu'elle serait titulaire de la créance à la suite de la SGBA.
Ils font valoir à ce titre :
- qu'aucune signification de la cession de créance qui serait intervenue le 31 août 2010 n'a été faite 'aux parties appelantes',
- que l'extrait de l'acte de cession produit par la société NACC contient des anomalies remettant en cause sa force probante,
-que la créance n'est pas identifiable.
En réponse, la société NACC soutient en premier lieu que les consorts [G] sont irrecevables à contester sa qualité pour agir dans la mesure où ils l'ont judiciairement reconnue par le passé, et où ils ont également formulé des propositions de règlement.
Il est établi que, le 28 décembre 2012, [Y] [G] et ses huit enfants, dont Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G], ont fait délivrer une assignation à la veuve de [T] [M] [G], fils prédécédé du couple [G], afin d'être autorisés à procéder à la vente du terrain cadastré AV [Cadastre 11] au profit de Mme [N] [P] [G], conformément à une offre d'achat établie par cette dernière le 08 juin 2012.
Dans le cadre de cette assignation, les demandeurs ont expressément indiqué : 'Par acte sous seing privé du 23 février 2010, réitéré par [acte] authentique du 31 août 2010 [...], la SGBA a cédé la créance sus-indiquée avec tous ses accessoires et garanties à la SAS NACC, société de recouvrement de créance sise [Adresse 2] pour un montant de 62.980,16 euros. La SAS NACC, créancier inscrit, envisage de reprendre des poursuites à l'encontre de M. [G] [Y] et ses co-indivisaires pour recouvrer sa créance. [...] Dans le but d'apurer la dette qui s'élevait au 11 mai 2010 à la somme de 62.980,16 euros qui continue de s'accroître car porteuse d'intérêts et éviter une procédure d'exécution forcée, M. [G] [Y] et les héritiers de Mme [G] [Y], son épouse décédée, ont manifesté l'intention de vendre le terrain sis à [Adresse 17] [Localité 15]'.
Il est constant que les consorts [G], dont Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G], n'ont jamais contesté par le passé la qualité pour agir de la société NACC, et qu'ils ont même reconnu sa qualité de cessionnaire de la créance initialement détenue par la société SGBA à l'égard d'[Y] [G].
Cependant, l'aveu judiciaire ne peut résulter que de la reconnaissance d'un fait par une partie survenue au cours de l'instance dans laquelle est invoqué l'aveu.
Or, en l'espèce, la reconnaissance de la cession de créance au profit de la société NACC n'a été admise que dans le cadre d'une instance distincte, à laquelle la société NACC n'était d'ailleurs pas partie.
Dans ces conditions, aucun aveu judiciaire ne permet de déclarer irrecevable la contestation de la qualité pour agir de la société NACC dans le cadre de la présente instance.
Sur le fond, pour établir la réalité de la cession de créance intervenue à son profit, la société NACC verse aux débats en pièce 6 de son dossier un extrait authentique de la cession de créances intervenue entre elle et la SGBA, daté du 31 août 2010.
Il ressort de ce document qu'aux termes d'un acte reçu par Maître [A] le 31 août 2010, les parties ont déposé au rang des minutes de ce notaire l'acte sous seing privé de cession de créances qu'ils avaient conclu le 23 février 2010 ainsi que ses annexes, et réitéré la cession de créances.
L'acte produit, qui n'est qu'un 'extrait authentique', reproduit donc des extraits de cet acte authentique, qui lui-même reproduit les termes de l'acte sous seing privé, ainsi que cela ressort expressément des énonciations contenues en pages 1 et 4 et en dernière page de l'extrait.
La nature même de la pièce produite rend inopérante l'argumentation des appelants relative à l'existence d'anomalies concernant notamment la numérotation des pages, la pagination, les paraphes et la signature des parties, qui feraient selon eux douter de son caractère probant, puisqu'il ne s'agit pas de l'acte authentique lui-même mais d'un simple extrait.
Au contraire, il est parfaitement établi que, par acte du 23 février 2010, réitéré le 31 août 2010, la SGBA a cédé des créances à la société NACC.
L'extrait authentique précise que les créances cédées étaient répertoriées dans deux listes intitulées SGBA2 et SGBA3, annexées à l'acte de cession du 23 février 2010.
S'agissant plus précisément de la créance détenue à l'égard d'[Y] [G], seul visé par l'extrait authentique en cause, ce qui explique que son nom ait été apposé de manière manuscrite sur la page de garde, ce document reproduit par extrait la teneur littérale de l'annexe du contrat de cession de créances SGBA 3 visant M. [G] dans ces termes :
Compartiment : CLIPRO
Client :1299045
Nom : EIMR [G] [Y]
Engagements : 18.393,98.
Il ressort de ces éléments, suffisamment détaillés, que la SGBA a bien cédé à la société NACC la créance qu'elle détenait à l'égard d'[Y] [G] suite à sa condamnation en principal, par jugement du 18 décembre 1986, au paiement de la somme de 121.449,91 francs.
Par ailleurs, cette cession de créance a été régulièrement signifiée à [Y] [G] conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, applicable à la cession de créances concernée compte tenu de sa date, qui dispose que le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.
Il est constant que le cessionnaire n'a pas à signifier au débiteur cédé l'intégralité de l'acte de cession mais simplement un extrait de cette cession rendant le transport certain.
En l'espèce, par acte du 23 avril 2012, la société NACC a signifié à [Y] [G] 'un acte de cession de créances en date du 31 août 2010 reçu par Maître [C] [A]', selon les termes de l'acte d'huissier.
Dans la mesure où l'acte de signification et l'acte du 31 août 2010 totalisaient 11 pages, ainsi que l'indique cet acte d'huissier, il est établi qu'[Y] [G] a bien reçu la copie de l'extrait authentique de la cession de créances entre la SGBA et la société NACC, précédemment analysé.
Compte tenu des énonciations de cet acte, il est établi qu'[Y] [G] a été régulièrement et suffisamment informé du transport de la créance le concernant au profit de la société NACC.
Dans la mesure où cette signification a été faite au débiteur cédé de son vivant, il est inopérant pour les appelants de reprocher à la société NACC de ne pas avoir signifié la cession de créance 'aux parties appelantes' (page 4 de leurs conclusions), ceci d'autant que l'inscription de l'hypothèque judiciaire a également été faite du vivant d'[Y] [G].
Il est également indifférent, pour apprécier la qualité de la société NACC à faire inscrire l'hypothèque judiciaire, de relever qu'elle a fait signifier le jugement du 18 décembre 1986 à l'une des héritières d'[Y] [G] le 21 juin 2018 (page 6 des conclusions d'appelants).
Enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'acte de cession de créances n' avait pas à viser expressément le jugement de condamnation prononcé à l'encontre d'[Y] [G] le 18 décembre 1986 pour permettre à la société NACC de s'en prévaloir afin de faire inscrire une hypothèque judiciaire.
En effet, l'article 1.1 de l'acte sous seing privé du 23 février 2010 portant cession de créances, reproduit dans l'extrait authentique, disposait que la SGBA cédait les créances avec tous leurs accessoires et leurs garanties.
Cette disposition était conforme à l'article 1692 du code civil dans sa rédaction applicable à la présente cession de créances, qui disposait que la vente ou cession d'une créance comprenait les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque.
Or, en application de ce texte, il a toujours été admis que le titre exécutoire détenu par le cédant contre le débiteur constituait un accessoire de la créance.
Dans ces conditions, il est parfaitement démontré que la société NACC, qui était le cessionnaire de la créance initialement détenue par la SGBA à l'égard d'[Y] [G] par suite du jugement du 18 décembre 1986, pouvait se prévaloir de ce jugement pour faire inscrire une hypothèque judiciaire.
Au regard de ce qui précède, le moyen tiré de l'absence de qualité pour agir de la société NACC sera donc écarté.
Par ailleurs, ainsi que le souligne très justement l'intervenante forcée, la créance détenue par la société NACC à l'égard des héritiers d'[Y] [G] lui a été transmise par l'acte de cession de créances conclu le 30 avril 2022, dont elle prouve l'existence en versant aux débats l'attestation de cession de créance et mandat de gestion préalablement évoqué.
Il ressort de cette attestation que la société NACC lui a cédé la créance identifiée de la manière suivante :
Référence dossier NACC : 100144180098
Nom du dossier : SGBA 2 / EIMR [G] [Y]
Numéro dossier client : 1299045.
Dans la mesure où ces mentions correspondent à celle de la cession de la créance initialement détenue par la SGBA à l'égard d'[Y] [G] au profit de la société NACC, le transport de la créance est établi et il est démontré que la société B-Squared Investments est bien désormais le cessionnaire de cette créance avec tous ses accessoires.
Par ailleurs, cette cession de créance a valablement été signifiée aux débiteurs cédés par la notification des conclusions du 25 octobre 2022 et par la production de l'attestation de cession produite en pièce 26 du dossier de l'intervenante volontaire. Elle leur est donc opposable.
Sur l'existence d'un titre exécutoire :
Au visa de l'article 2412 du code civil précédemment rappelé et de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution, les appelants soutiennent qu'un jugement non avenu ne peut constituer un titre exécutoire permettant de procéder valablement à une mesure d'exécution forcée.
Or, ils indiquent que le jugement du 18 décembre 1986 rendu par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre est devenu caduc faute d'avoir été signifié conformément aux dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, qui prévoit que le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.
Si la référence à l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution est inopérante, puisque l'inscription d'une hypothèque judiciaire ne constitue pas une mesure d'exécution forcée, il est établi au regard de l'article 2412 que cette hypothèque ne peut être inscrite qu'en présence d'un jugement exécutoire.
En l'espèce, le jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre qui a condamné [Y] [G] à payer à la SGBA la somme de 121.449,91 francs avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 1985 a été rendu en l'absence du défendeur. Il était donc réputé contradictoire.
La société NACC verse aux débats en pièce 21 de son dossier un acte d'huissier dressé le 15 avril 1987 par lequel Maître [W], huissier de justice, a signifié à M. [Y] [U] [G] à la demande de la SGBA ' la grosse en forme exécutoire d'un jugement rendu réputé contradictoire et en premier ressort par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en son audience civile du 18 décembre 1986".
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, cet acte, signé par l'huissier instrumentaire et portant son sceau, prouve que la signification a bien été faite à la personne de son destinataire puisqu'il comporte la mention : 'A [Y] [U] [G] demeurant [Adresse 17] [Localité 15], en ce domicile où étant et parlant à : sa personne ainsi déclarée'.
Le fait que cette mention soit suivie d'un espace blanc non barré ne saurait remettre en cause l'authenticité de l'acte, ni son caractère probant.
Les appelants ne sont pas non plus fondés à alléguer, sans preuve, que le fait que la société NACC n'ait produit que deux pages de cet acte de signification, alors qu'il mentionnait quatre feuilles de papier au format 21x29,7, l'empêcherait de vérifier qu'il ne s'agissait pas en réalité d'un simple projet d'acte, dès lors que l'acte produit a été signé par l'huissier instrumentaire et que les pages complémentaires correspondaient à l'évidence au jugement signifié.
En conséquence, l'acte produit permettant de prouver que le jugement du 18 décembre 1986 a bien été signifié à [Y] [G] le 15 avril 1987, les appelants échouent à démontrer qu'il serait caduc et, tout au contraire, la société NACC démontre qu'elle a bien inscrit une hypothèque judiciaire sur la base d'un jugement exécutoire.
Ce moyen sera donc écarté.
Sur la prescription de la créance :
L'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3, parmi lesquels figurent les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Antérieurement à la réforme de la prescription introduite par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, ce délai était de 30 ans s'agissant de l'exécution des décisions de justice exécutoires.
Au visa ces textes, les appelants soutiennent que l'action en exécution du jugement du 18 décembre 1986 est prescrite depuis le 19 juin 2016, sans s'expliquer sur cette date, et que la société NACC ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription durant ce délai.
Ils en déduisent que la société NACC ne pouvait pas procéder à une inscription d'hypothèque judiciaire, dont il convient pourtant de rappeler qu'elle est intervenue le 16 juillet 2013.
Par ailleurs, ils visent une jurisprudence dont il ressort que la prescription de l'action en paiement emporte l'extinction de l'hypothèque garantissant la créance. S'ils ne précisent rien à ce titre, il convient d'en déduire qu'ils fondent leur demande de mainlevée de l'inscription hypothécaire sur cette jurisprudence, pour le cas où la prescription du titre serait intervenue avant la présente décision.
En réponse, la société NACC indique que plusieurs actes interruptifs de prescription sont intervenus au fil des années, en qu'en tout état de cause elle a bénéficié d'une suspension du délai de prescription puisqu'elle s'est retrouvée dans l'impossibilité d'agir jusqu'à la connaissance de la dévolution successorale d'[Y] [G].
Il est établi que le jugement du 18 décembre 1986 est devenu exécutoire à la date de sa signification, le 15 avril 1987.
Le délai de prescription, initialement fixé à 30 ans, devait expirer le 15 avril 2017.
L'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 n'a pas modifié le terme de ce délai.
Néanmoins, plusieurs actes interruptifs de prescription sont intervenus, notamment des reconnaissances de dette émanant d'[Y] [G].
Il est en effet constant, en vertu de l'article 2240 du code civil, que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
A ce titre, par courrier du 18 août 2010, [Y] [G] a écrit à la société NACC pour lui indiquer : 'Je soussigné M. [Y] [U] [G] déclare que concernant l'affaire SGBA, que nous sommes en train d'effectuer à la vente afin d'honorer mes dettes'.
Par courrier du 17 avril 2011, [Y] [G] a encore écrit à la société NACC : 'J'accuse réception de votre correspondance en date du 22 mars 2011, ce dont nous vous en remercions. Pour y répondre, nous vous indiquons que tout était fait pour vous donner satisfaction le plus rapidement possible. En effet, je viens à nouveau solliciter de votre haute bienveillance pour vous informer que la vente reste paralysée'.
Ces courriers, qui établissent de manière non équivoque la reconnaissance par [Y] [G] de son obligation de régler les sommes dues à la société NACC au titre de la créance initialement détenue par la SGBA, ont interrompu la prescription.
Il n'y a pas lieu sur ce point de répondre au moyen inopérant tiré du fait que ces reconnaissances de dettes ne seraient pas intervenues avant la caducité du jugement et ne constitueraient pas un titre exécutoire, dès lors que le caractère exécutoire du jugement du 18 décembre 1986 a déjà été établi.
En revanche, l'offre d'achat d'un terrain appartenant à [Y] [G], formalisée par Mme [N] [G] le 08 juin 2012, ne saurait valoir reconnaissance par [Y] [G] du droit de celui contre lequel il prescrivait.
Ne constitue pas non plus un acte interruptif de prescription le courrier adressé par Maître [Z] à la société NACC le 28 mai 2013 dans lequel il évoquait une simple 'possibilité de rachat de la créance de la NACC avec tous ses accessoires et garanties par Madame [Y] [G] pour un montant de 45.000 euros' qui aurait été formalisée par courrier de cet avocat daté du 14 avril 2013, non produit. En effet, en l'absence de cette pièce, il n'est pas possible d'établir que cette proposition aurait été faite par [Y] [G], puisqu'elle a finalement été rejetée le 22 juillet 2013, non pas par lui, mais par sa fille Mme [N] [G]. En outre, il n'est pas établi que Maître [Z], auteur de ce courrier, aurait reçu mandat de la part d'[Y] [G] lui-même pour formuler cette proposition.
Enfin, ni le courrier adressé par la NACC au notaire chargé de la succession d'[Y] [G] le 30 janvier 2014 afin de l'informer du montant de sa créance, ni la signification à l'une des héritières d'[Y] [G] le 20 juin 2018 du jugement du 18 décembre 1986, n'ont interrompu la prescription, dès lors que ces actes ne constituaient ni des mesures conservatoires prises en application du code des procédures civiles d'exécution, ni des actes d'exécution forcée au sens de l'article 2244 du code civil, ni des interpellations au sens de l'article 2245.
Par ailleurs, il convient de rappeler que l'inscription d'une hypothèque judiciaire ne constitue pas une mesure conservatoire de nature à interrompre la prescription, pas plus que sa dénonciation.
Dès lors, le délai de prescription a été interrompu le 18 août 2010 puis le 17 avril 2011 par la reconnaissance par [Y] [G] du droit de la société NACC. En conséquence, le terme du délai de prescription a été reporté au 17 avril 2021.
Cependant, l'article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
A ce titre, il est parfaitement constant que le créancier se trouve dans l'impossibilité d'agir suite au décès de son débiteur jusqu'à ce qu'il ait connaissance de la dévolution successorale de ce dernier.
En l'espèce, la société NACC démontre que, suite au décès d'[Y] [G] survenu le [Date décès 1] 2014, elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'obtenir des informations concernant sa dévolution successorale, au moins jusqu'au 1er octobre 2019, date de sa dernière relance adressée au notaire chargé de la rédaction de l'acte de notoriété après décès concernant [Y] [G].
Il ressort en effet des échanges de courriels intervenus entre la NACC et Maître [S], de l'étude notariale Othily, que ce dernier s'était engagé le 28 juin 2018 à transmettre à la société NACC une attestation dévolutive et à remettre l'acte de notoriété à tout héritier qui le demanderait.
Cependant, les nombreuses relances postérieures, jusqu'au 1er octobre 2019, démontrent que le notaire n'a jamais transmis cette pièce.
Par ailleurs, le courrier de Mme [E] [G] adressé au notaire, produit en pièce 16 du dossier de l'intimée, démontre que l'acte de notoriété définitif n'était toujours pas établi à la date du mois de juillet 2018, l'acte signé le 07 avril 2014 comportant des erreurs, manifestes à lecture de cette pièce, qui avaient été signalées par les héritiers et qui devaient être rectifiées. Cet acte n'avait d'ailleurs pas été adressé aux héritiers, sauf apparemment à l'un d'entre eux.
En conséquence, la société NACC s'étant trouvée dans l'impossibilité de connaître la dévolution successorale de son débiteur au moins jusqu'au 1er octobre 2019, le délai de prescription a été suspendu à tout le moins du 03 janvier 2014 au 1er octobre 2019, soit durant 5 ans, 8 mois et 31 jours.
Dans ces conditions, il est établi que la prescription du titre exécutoire n'était pas acquise à la date d'inscription de l'hypothèque judiciaire, ce qui interdit son annulation, ni à la date de la présente décision, ce qui interdit sa mainlevée.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription et en ce qu'il a débouté les consorts [G] de l'ensemble de leurs demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:
Les consorts [G], qui succombent dans toutes leurs prétentions, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l'instance d'appel. Par ailleurs, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les a condamnés solidairement aux entiers dépens de première instance.
En revanche, si l'équité justifie leur condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il les a condamnés 'solidairement à payer chacun' la somme de 2.000 euros euros à la NACC au titre des frais irrépétibles de première instance, et, statuant à nouveau, la cour les condamnera in solidum à payer à la société NACC la somme de 2.000 euros à ce titre.
Enfin, l'équité commande de les condamner in solidum à payer à la société NACC la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et de les débouter de leur propre demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par la SAS NACC,
Déclare recevable l'intervention volontaire de la SARL B-Squared Investments,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées, sauf en ce qu'il a condamné solidairement Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G] chacun à payer à la société NACC la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme de ce seul chef et, statuant à nouveau,
Condamne in solidum Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G] à payer à la société NACC la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G] à payer à la SAS NACC la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Les déboute de leur propre demande à ce titre,
Condamne in solidum Mme [P] [V] [G], Mme [D] [X] [G], Mme [L] [I] [G] et M. [U] [H] [G] aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,
La greffière Le président