COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N°151 DU 27 MARS 2023
Procédure gracieuse
N° RG 22/00307
N° Portalis DBV7-V-B7G-DNPS
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 8 février 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 21/01076.
Demandeur au recours gracieux :
Monsieur [G] [T]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Madame [I] [F]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Ayant tous deux pour avocat Maître Claude Christon, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Partie jointe
Ministère public, en la personne de M. le procureur général
Représenté par M. SCHUSTER, vice-procureur placé
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été appelée en chambre du conseil le 23 janvier 2023 devant Madame [O] [M] puis mise en délibéré devant la cour composé de :
Monsieur Frank Robail, président de chambre,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 mars 2023.
GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame Armélida Rayapin.
ARRÊT :
- arrêt contradictoire rendu publiquement ar mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- Signé par M. Frank Robail et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Le 6 juin 2019, M. [G] [T], ressortissant français né le 17 juillet 1975, a épousé à [Localité 4] (Haïti) Mme [I] [F], ressortissante haïtienne née le 4 octobre 1975.
Antérieurement à cette union, Mme [F] avait eu deux enfants, [W] [F], né le 26 janvier 2001 à [Localité 5] (Haïti) et [H] [F], née le 3 juillet 2002 à [Localité 2] (Haïti), tous deux de nationalité haïtienne.
Le 16 juin 2021, M. [U] a déposé auprès du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre une requête aux fins d'adoption simple de M. [W] [F] et de Mme [H] [F].
Par jugement gracieux rendu en chambre du conseil du 8 février 2022, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a rejeté la demande d'adoption simple formée par M. [G] [U] à l'égard de M. [W] [V] [D] [F] et de Mme [H] [E] [K] [F] et dit que les dépens de l'instance resteront à la charge du requérant.
Pour statuer ainsi, le tribunal judiciaire a considéré que les mentions de la page du formulaire « cerfa » relatif à la requête en adoption contenant les éléments d'identité de Mme [F] épouse [U] et des adoptés ne précisaient pas dans quelles conditions le consentement avait été donné devant le notaire. Il en a déduit que le document ne permettait pas de déterminer comment le notaire avait vérifié l'identité des déclarants. Le tribunal a ajouté que les mentions du document ne comprenaient pas la possibilité pour les adoptés de se rétracter.
M. [U] et Mme [F] ont interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe du tribunal judiciaire le 23 février 2023, y critiquant l'ensemble des chefs de jugement.
En l'absence de décision de rétractation des premiers juges et en application de l'article 952 du code de procédure civile, le dossier a été transmis par le greffe à la cour d'appel de Basse-Terre le 16 mars 2022.
L'affaire a été communiquée au ministère public le 29 avril 2022. M. Eric Ravenet, substitut général, a requis le 6 mai 2022 la confirmation du jugement déféré.
A l'issue de l'audience du 27 juin 2022 tenue en chambre du conseil, l'affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2022 par mise à disposition au greffe.
Par arrêt avant-dire-droit en date du 12 septembre 2022, la cour d'appel de Basse-Terre a ordonné la réouverture des débats et le rabat de l'ordonnance de clôture et a invité M. [G] [U] et Mme [I] [F] à produire l'acte notarié ayant reçu le consentement à l'adoption simple de [W] [V] [D] [F] et renvoyé l'affaire à l'audience du 23 janvier 2023.
A l'audience du 23 janvier 2023, l'ordonnance de clôture est intervenue et la décision a été mise en délibéré au 27 mars 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1°/ M. [G] [U] et Mme [I] [F], appelants :
Vu la déclaration d'appel remise au greffe du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre le 23 février 2022 par laquelle les appelants souhaitent voir :
- rétracter le jugement du 8 février 2022,
- prononcer l'adoption simple de [W] [V] [D] [F] né le 26 janvier 2001 à [Localité 5] (Haïti) et de [H] [E] [K] [F] née le 3 juillet 2002 à [Localité 2] (Haïti),
- dire que les enfants porteront le nom de l'adoptant et s'appelleront désormais [W] [V] [D] [F]-[U] et [H] [E] [K] [F]-[U],
- ordonner par application de l'article 362 du code civil que le dispositif de l'arrêt à intervenir soit mentionné ou transcrit sur les registres du service central de l'état civil,
- dire que cette transcription tiendra lieu désormais d'acte de naissance.
2°/ Le représentant du ministère public a pris des réquistions écrites tendant à la confirmation du jugement déféré.
MOTIFS DE L'ARRET
A titre liminaire, il convient de constater que l'appel, interjeté dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Il est de jurisprudence constante qu'en matière de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en 'uvre, même d'office, la règle de conflit de lois.
Aux termes de l'article 370-3 du code civil, les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant.
L'article 360 du code civil énonce que l'adoption simple est permise quel que soit l'âge de l'adopté et que si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption.
En outre, l'article 348-3, alinéa 2, du code civil dispose que le consentement à l'adoption est donné devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français.
Enfin, en vertu de l'article 363, alinéa 1er, du code civil, l'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier. Toutefois, si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir à cette adjonction.
En l'espèce, M. [U], le requérant à l'adoption, étant de nationalité française, sa demande est soumise à la loi française.
Il résulte des pièces versées aux débats que Me [R] [J], notaire à [Localité 4] (Haïti), a reçu le consentement à adoption simple de Mme [H] [E] [K] [F], par acte notarié en date du 17 mars 2022 et de M. [W] [V] [D] [F], par acte notarié en date du 22 mars 2022.
Ces derniers étant majeurs, le consentement de leur mère, Mme [F], n'est pas requis.
En outre, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le consentement à l'adoption devait inclure la faculté pour les adoptés de se rétracter dès lors que cette exigence, énoncée par l'article 1165 du code de procédure civile qui renvoie à l'article 348-3 du code civil, ne s'applique pas à l'adoption d'un majeur.
De plus, le requérant, qui n'a pas de descendance, fait état de liens affectifs forts avec les enfants de son épouse qui le considèrent comme leur père, étant précisé que la filiation paternelle des adoptés n'est pas établie.
Par conséquent, les conditions légales de l'adoption simple sont remplies et il sera fait droit aux demandes d'adoption de M. [U].
Par ailleurs, les adoptés, âgés de plus de treize ans, n'ont pas consenti à l'adjonction du nom de l'adoptant à leur nom. Les actes notariés dressés à Haïti ne comportent aucune mention afférente au nom des adoptés à la suite de leur adoption. En conséquence, ces derniers conserveront le nom de famille « [F] » sans adjonction du nom de l'adopté.
Les dépens de l'instance seront mis à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'appel de M. [G] [T] et de Mme [I] [F],
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 8 février 2022,
Statuant à nouveau,
Prononce l'adoption simple de [W] [V] [D] [F], né le 26 janvier 2001 à [Localité 5] (Haïti), par M. [G] [T] né le 17 juillet 1975 à [Localité 3],
Prononce l'adoption simple de [H] [E] [K] [F], née le 3 juillet 2002 à [Localité 2] (Haïti), par M. [G] [T] né le 17 juillet 1975 à [Localité 3],
Rejette la demande d'adjonction du nom de l'adoptant à celui des adoptés,
Ordonne la transcription de cette décision sur les actes d'état civil à la requête du Procureur de la République en application de l'article 362 du code civil,
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens.
Et ont signé,
La greffière Le président