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27/03/2023 | FRANCE | N°22/00121

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 2ème chambre, 27 mars 2023, 22/00121


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



2ème CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 147 DU 27 MARS 2023





N° RG 22/00121

N° Portalis DBV7-V-B7G-DM2P



Décision déférée à la cour : jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 09 novembre 2021, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 16/00197.



APPELANTE :



Madame [A], [G] [P] [K]

Née le 05 juillet 1967 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 10]



Représentée par Me Alber

te Albina Collidor, avocat au barreau de-Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.



INTIMEE :



Madame [M] [O] [T]

Né le 16 octobre 1970 à [Localité 7] ( Martinique)

[A...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 147 DU 27 MARS 2023

N° RG 22/00121

N° Portalis DBV7-V-B7G-DM2P

Décision déférée à la cour : jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 09 novembre 2021, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 16/00197.

APPELANTE :

Madame [A], [G] [P] [K]

Née le 05 juillet 1967 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Alberte Albina Collidor, avocat au barreau de-Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIMEE :

Madame [M] [O] [T]

Né le 16 octobre 1970 à [Localité 7] ( Martinique)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie Fresse, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Annabelle Clédat chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frank Robail, président de chambre,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 mars 2023.

GREFFIER  lors des débats ainsi que lors du prononcé : Mme Armélida Rayapin, greffière.

ARRÊT :

- Arrêt rendu publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- Signé par M. Frank Robail, Président de chambre et par Mme  Armélida Rayapin, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [A] [K] et Mme [M] [T] ont conclu devant notaire un pacte civil de solidarité le 21 novembre 2006, enregistré le 22 novembre 2006 au tribunal d'instance de Fort-de-France.

Ce pacte a été dissous le 15 janvier 2013.

Au cours de leur vie commune, elles avaient acquis en indivision deux immeubles, chacune pour moitié :

- deux parcelles de terre comprenant une construction rurale en très mauvais état à [Localité 8] (06), lieudit [Localité 5],

- une parcelle de terre supportant un bâtiment à rénover et une parcelle à usage de chemin à [Localité 10], lieudit [Localité 6].

Elles exerçaient par ailleurs toutes les deux l'activité d'infirmières libérales à [Localité 10], au sein d'une même structure.

Par acte du 22 décembre 2015, Mme [K] a assigné Mme [T] en partage judiciaire devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Basse-Terre.

Par jugement du 15 juin 2017, le juge aux affaires familiales a principalement :

- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties,

- dit que l'indivision comprenait le bien immobilier de [Localité 8], le bien immobilier de [Localité 10] et le (ou les) cabinet(s) d'infirmières libérales à [Localité 10],

- ordonné l'attribution préférentielle du bien situé à [Localité 10] à Mme [K],

- débouté Mme [K] de sa demande d'attribution préférentielle du bien de [Localité 8] à Mme [T],

- renvoyé les parties devant Maître [H], notaire à [Localité 4], désignée pour procéder aux opérations de liquidation et de partage,

- commis le juge aux affaires familiales pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

Le 17 mars 2021, Maître [H] a dressé un procès-verbal de difficultés.

Par jugement du 09 novembre 2021, le juge aux affaires familiales a principalement :

-déclaré recevable la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'indemnité d'occupation due par Mme [K],

- rejeté cette fin de non recevoir,

- fixé la valeur locative du bien immobilier situé à [Localité 10] à 900 euros par mois,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation de ce bien due par Mme [K] à 720 euros par mois d'octobre 2012 jusqu'au partage définitif,

- condamné Mme [K] à rapporter à l'indivision une indemnité d'occupation de 720 euros par mois depuis le 15 octobre 2012 jusqu'au partage définitif,

- attribué à Mme [K] une indemnité de gestion du bien immobilier de [Localité 10] d'un montant de 10.000 euros, à titre de créance sur l'indivision,

- attribué en pleine propriété à Mme [T] les deux parcelles situées à [Localité 8],

- renvoyé les parties devant le notaire pour procéder au partage de l'indivision en tenant compte des éléments jugés,

- partagé les dépens et laissé à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles.

Mme [K] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 10 février 2022, en limitant son appel aux chefs de jugement par lesquels le premier juge a :

- rejeté la demande de prescription d'une partie de l'indemnité d'occupation,

- fixé la valeur locative du bien immobilier situé à [Localité 10] à 900 euros par mois,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation de ce bien due par Mme [K] à 720 euros par mois d'octobre 2012 jusqu'au partage définitif,

- condamné Mme [K] à rapporter à l'indivision une indemnité d'occupation de 720 euros par mois depuis le 15 octobre 2012 jusqu'au partage définitif.

Mme [T] a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 03 mars 2022.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 23 janvier 2023.

A cette date, l'affaire a été évoquée en chambre du conseil conformément à l'article 435 du code de procédure civile compte tenu du risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée pouvant résulter de la publicité des débats. A l'issue, la décision a été mise en délibéré au 27 mars 2023, par mise à disposition au greffe.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ Mme [A] [K], appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022 par lesquelles l'appelante demande à la cour :

- de la recevoir en son appel,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté la demande de prescription d'une partie de l'indemnité d'occupation,

- fixé la valeur locative du bien immobilier situé à [Localité 10] à 900 euros par mois,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation de ce bien due par Mme [K] à 720 euros par mois d'octobre 2012 jusqu'au partage définitif,

- condamné Mme [K] à rapporter à l'indivision une indemnité d'occupation de 720 euros par mois depuis le 15 octobre 2012 jusqu'au partage définitif,

- statuant à nouveau :

- de débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de juger que 'l'indemnité d'occupation de Mme [T]' pour la période comprise entre le 15 octobre 2012 et le 31 août 2016 est prescrite,

- de fixer la valeur locative du bien sis à [Localité 10] à 620 euros par mois,

- de fixer le quantum de l'indemnité d'occupation due à l'indivision à 620 euros 'et la créance de Mme [T] sur Mme [K] à la moitié de la valeur locative', soit à 310 euros,

- de fixer en conséquence 'la créance de Mme [T] sur l'indemnité d'occupation due par Mme [K]' à la somme de 18.600 euros pour la période comprise entre septembre 2016 et septembre 2021,

- à titre subsidiaire :

- de fixer le quantum de l'indemnité d'occupation due à l'indivision à 720 euros / 2 (valeur locative de 900 euros - 20% /2) et 'la créance de Mme [T] sur Mme [K]' à la moitié de la valeur locative, soit à la somme de 360 euros,

- en conséquence, de fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 21.600 euros pour la période comprise entre septembre 2016 et septembre 2021,

- de renvoyer les parties devant Maître [H] pour terminer les formalités de partage et de 'juger que le notaire devra déduire de l'indemnité due à l'indivision la créance de Mme [T] égale à la moitié de la valeur de l'indemnité d'occupation',

- de condamner Mme [T] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

2/ Mme [M] [T], intimée :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 juillet 2022 par lesquelles l'intimée demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté la demande de prescription d'une partie de l'indemnité d'occupation, au motif que ses conclusions du 30 janvier 2017 sont constitutives d'une demande en justice interruptive de prescription,

- fixé la valeur locative du bien immobilier situé à [Localité 10] retenue par Maître [H] dans le projet de partage après consultation d'un expert judiciaire à 900 euros par mois,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation de ce bien due par Mme [K] à 720 euros par mois d'octobre 2012 jusqu'au partage définitif,

- condamné Mme [K] à rapporter à l'indivision une indemnité d'occupation de 720 euros par mois depuis le 15 octobre 2012 jusqu'au partage définitif.

- 'de confirmer le jugement des chefs de jugement non soumis à la cour',

- de condamner Mme [K] au paiement d'une amende civile pour procédure abusive et au paiement de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- de condamner Mme [K] au paiement d'une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. En l'espèce, l'appel limité de Mme [K] n'a pas déféré à la cour les chefs de jugement relatifs à l'indemnité de gestion pour le bien de [Localité 10], à l'attribution préférentielle du bien de [Localité 8], aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, il n'y a pas lieu de confirmer le jugement de ces chefs ainsi que le demande l'intimée dans ses conclusions, puisqu'ils ont désormais acquis force de chose jugée.

Sur la recevabilité de l'appel :

Aucun élément du dossier ne permettant d'établir que l'appel interjeté par Mme [K] aurait pu être tardif, en l'absence de preuve d'une signification préalable, il convient de le déclarer recevable.

Sur la prescription de l'indemnité d'occupation :

Conformément aux dispositions de l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

L'article 815-10 dispose que les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise. Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.

Il est par ailleurs parfaitement constant qu'une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, en vertu de l'article 2241 du code civil.

En l'espèce, conformément au projet d'état liquidatif, Mme [T] a demandé, aux termes de ses dernières conclusions de première instance, qu'une indemnité d'occupation soit mise à la charge de Mme [K] pour le bien immobilier de [Localité 10] du 15 octobre 2012, date de la jouissance divise, jusqu'au partage.

Pour conclure à la prescription partielle de cette demande, Mme [K] soutient :

- qu'aucune indemnité d'occupation n'est due pour la période antérieure à la dissolution du pacte civil de solidarité intervenue le 13 janvier 2013, par analogie avec les règles applicables en matière de divorce,

- que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation est prescrite pour la période antérieure au mois 31 août 2016, puisque le jugement du 15 juin 2017 ne contenait aucune disposition à ce titre et que Mme [T] a formé pour la première fois une demande chiffrée de ce chef devant le notaire.

Cependant, l'analogie avec le divorce est totalement infondée dans la mesure où, en présence d'un régime de communauté, l'indivision post-communautaire ne prend naissance qu'à la date à laquelle le divorce prend effet entre les époux en ce qui concerne leurs biens. Or, en l'espèce, le pacte civil de solidarité conclu par les parties le 21 novembre 2006 instaurait entre elles un régime d'indivision dès sa signature pour toutes les acquisitions à compter de cette date. Cette indivision s'est donc simplement poursuivie après la dissolution du pacte et perdurera jusqu'au partage.

En conséquence, Mme [K] n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne serait redevable d'aucune indemnité d'occupation antérieurement au 13 janvier 2013.

Pour le surplus, il convient de constater que Mme [K] soutient que la demande de Mme [T] serait prescrite pour la période antérieure au 31 août 2016, sans toutefois indiquer clairement quel serait selon elle l'événement interruptif de prescription qui serait survenu en septembre 2021. La cour comprend néanmoins qu'elle se réfère aux dernières conclusions remises au greffe par Mme [T] le 08 septembre 2021, qui sont évoquées dans le jugement déféré, aux termes desquelles elle formalisait une demande chiffrée au titre de l'indemnité d'occupation.

Cependant, le premier juge a parfaitement rappelé que des conclusions signées par un avocat et transmises à la partie adverse qui font état d'une réclamation au titre de l'indemnité d'occupation, même à titre reconventionnel, sont interruptives de prescription, conformément à l'article 2241 précité.

Or il ressort des énonciations du jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 4] du 15 juin 2017 que, par conclusions notifiées le 30 janvier 2017, Mme [T] avait sollicité la désignation d'un notaire chargé notamment de procéder à l'estimation du bien situé à [Localité 10] et de déterminer le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [K] depuis octobre 2012.

En pièce 25 de son dossier, Mme [T] produit ces conclusions, régulièrement signées par son avocat et notifiées par RPVA à la partie adverse le 30 janvier 2017, qui contiennent bien la demande relative à l'indemnité d'occupation due par Mme [K] depuis octobre 2012. Il est indifférent à ce titre que la demande n'ait pas été chiffrée, et qu'elle ne l'ait été qu'en 2021, dès lors que le principe du paiement de cette indemnité était expressément sollicité.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que ces conclusions valaient demande en justice et qu'elles avaient interrompu le cours de la prescription quinquennale.

C'est également à bon droit que le premier juge a considéré que cet effet interruptif avait joué nonobstant le fait que le jugement du 15 juin 2017 ne prononçait aucune condamnation au titre d'une indemnité d'occupation et ne statuait pas sur cette demande, dès lors qu'il renvoyait les parties devant le notaire. Il convient de préciser sur ce point que l'instance en partage n'a pas été éteinte par cette décision, de sorte que l'interruption a continué de produire ses effets conformément à l'article 2242 du code civil.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation depuis octobre 2012 n'était pas prescrite.

Sur le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [K] :

Il est constant que le montant de l'indemnité d'occupation due, en vertu de l'article 815-9 précité, par l'indivisaire qui jouit seul d'un bien indivis est apprécié souverainement par les juges du fond, qui peuvent se fonder sur la valeur locative du bien occupé.

En l'espèce, le premier juge a relevé que le notaire avait fixé le montant de l'indemnité d'occupation à 900 euros par mois 'en fonction de la valeur locative du bien' et 'après consultation de l'expert judiciaire'. Considérant que l'attestation de valeur produite par Mme [K] pour contester cette évaluation n'était pas probante, le juge aux affaires familiales a retenu la valeur locative proposée par le notaire et lui a appliqué un abattement de 20% pour déterminer le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [K].

Mme [K] conteste ce raisonnement en indiquant que la valeur locative retenue par le notaire n'a aucun fondement contradictoire, tandis qu'elle verse aux débats un avis de valeur qui fait état d'une valeur locative de 620 euros.

Il est constant que le rapport de l'expert qui a servi de base à la détermination de la valeur vénale du bien situé à [Localité 10] ne contenait aucune détermination de la valeur locative de ce bien.

En conséquence, si le notaire a recueilli l'avis de l'expert, cette démarche n'a pas été faite au contradictoire des parties.

Cependant, cette circonstance n'enlève rien à la pertinence de la valeur vénale retenue par le notaire.

En effet, l'avis de valeur établi à la demande de Mme [K] le 07 août 2021 fait état d'une valeur locative de 620 euros par mois, ce qui apparaît manifestement sous-évalué au regard de la description du bien telle qu'elle ressort du rapport d'expertise de M. [F].

Cette analyse est confirmée par la remarque, non contestée, de Mme [T] en page 11 de ses conclusions, qui indique que la même agence avait estimé la valeur vénale du bien à la demande de Mme [K] à 70.000 euros, alors que l'expert l'a fixée contradictoirement à 205.430 euros.

En conséquence, aucun élément probant ne permettant de remettre en cause la valeur locative retenue par le notaire, qui apparaît conforme au bien en cause, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a fixée à 900 euros par mois.

C'est également à bon droit que le premier juge a appliqué à cette somme un abattement de 20% afin de tenir compte de la précarité de l'occupation de l'indivisaire, et a évalué le montant de l'indemnité d'occupation à 720 euros par mois.

Cependant, Mme [K] reproche au jugement contesté de l'avoir condamnée à rapporter le montant de cette indemnité d'occupation dans son intégralité à l'indivision, et de ne pas avoir fixé la créance de Mme [T] à la moitié de cette valeur.

Sur ce point, Mme [K] commet une erreur de raisonnement, puisqu'il est parfaitement constant que l'indemnité d'occupation est due à l'indivision dans son intégralité, et non directement au coïndivisaire pour sa quote-part.

En effet, conformément à la méthodologie appliquée par Maître [H], les opérations de comptes, liquidation et partage imposent de déterminer le montant de l'actif de l'indivision, qui comprend le montant de l'indemnité d'occupation due par un coïndivisaire dans son intégralité, puis le passif de l'indivision, qui comprend le compte d'administration de chaque coïndivisaire pour l'ensemble des sommes qu'il a engagées pour le compte de l'indivision, avant de faire la balance et de déterminer les droits de chacune des parties, en tenant compte éventuellement des créances pouvant exister entre elles.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [K] à rapporter à l'indivision une indemnité d'occupation de 720 euros par mois depuis le 15 octobre 2012, date de la jouissance divise, jusqu'au partage définitif.

Ainsi que l'a indiqué le jugement déféré, au terme d'une disposition non contestée, les parties seront renvoyées devant Maître [H], notaire, qui procédera au partage de l'indivision en tenant compte des éléments ainsi jugés.

Sur la demande de dommages-intérêts et d'amende civile :

L'article 559 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

En se fondant sur ce texte, Mme [T] soutient que Mme [K] a commis un abus de droit en interjetant un appel manifestement abusif, destiné à retarder l'issue de la procédure et à ne lui verser aucune somme, mais également en citant au soutien de ses intérêts un arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre qui juge exactement l'inverse de ce qu'elle allègue.

Elle indique que ce comportement lui a causé un préjudice puisqu'elle attend de percevoir sa part dans l'indivision afin de pouvoir se reloger convenablement, étant réduite en l'état à vivre dans un ancien container sans électricité.

Cependant, la poursuite de la procédure en appel est une des manifestations du droit d'ester en justice, qui constitue un droit fondamental. L'abus du droit d'appel ne peut donc être retenu qu'en présence d'une faute caractérisée, dont la preuve incombe à celui qui s'en prévaut.

Or, le seul fait que l'appel interjeté par Mme [K] ait différé la réalisation du partage ne saurait suffire à établir le caractère dilatoire de son recours, alors qu'elle a développé une argumentation qui, sans être fondée, était néanmoins construite.

En ce qui concerne la citation erronée d'une jurisprudence, il convient de relever que l'erreur n'a à l'évidence pas été commise par Mme [K] elle-même.

En conséquence, le caractère fautif de son appel n'étant pas suffisamment démontré, Mme [T] sera déboutée de ses demandes à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [K], qui succombe à l'instance d'appel, sera condamnée aux entiers dépens.

Par ailleurs, l'équité commande de la condamner à payer à Mme [T] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de la débouter de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées,

Y ajoutant,

Déboute Mme [M] [T] de ses demandes de dommages-intérêts et d'amende civile,

Condamne Mme [A] [K] à payer à Mme [M] [T] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [A] [K] de sa propre demande à ce titre,

Condamne Mme [A] [K] aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Et ont signé,

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00121
Date de la décision : 27/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-27;22.00121 ?
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