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27/03/2023 | FRANCE | N°21/00810

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 2ème chambre, 27 mars 2023, 21/00810


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



2ème CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 142 DU 27 MARS 2023





N° RG 21/00810

N° Portalis DBV7-V-B7F-DK75



Décision déférée à la cour : jugement du juge aux afffaires familiales du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 8 juin 2021, dans une instance enregistrée sous le n° 16/01343.



APPELANTS :



Madame [V] [G]

née le 06 mai 1997 à [Localité 7] ( Haîti)

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]



Madame [X] [

G]

née le 31 janvier 1976 à [Localité 7] (Haïti)

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]



Monsieur [N] [O] [G]

né le 21 octobre 1999 à [Localité 9]

[Adresse 11]

[Adresse 1...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 142 DU 27 MARS 2023

N° RG 21/00810

N° Portalis DBV7-V-B7F-DK75

Décision déférée à la cour : jugement du juge aux afffaires familiales du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 8 juin 2021, dans une instance enregistrée sous le n° 16/01343.

APPELANTS :

Madame [V] [G]

née le 06 mai 1997 à [Localité 7] ( Haîti)

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]

Madame [X] [G]

née le 31 janvier 1976 à [Localité 7] (Haïti)

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]

Monsieur [N] [O] [G]

né le 21 octobre 1999 à [Localité 9]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]

Ayant tous pour avocat Me Simon Relut, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIMES :

Monsieur [M] [P] [E]

né le 24 octobre 1973 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Monsieur [I] [U] [Y]

né le 29 septembre 1935 à [Localité 10] ( Rhône)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [A] [Y]

né le 08 mars 1971 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Ayant tous pour avocat Me Jacques Floro, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

PARTIE JOINTE :

MINISTERE PUBLIC, en la personne de M. le procureur général (réquisitions écriters de M. SCHUSTER, vice-procureur placé auprès de M. le procureur général)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Annabelle Clédat chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frank Robail, président de chambre,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 27 mars 2023.

GREFFIER lors des débats et du prononcé : Mme Armélida Rayapin, greffière.

ARRÊT :

- Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- Signé par M.Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

[N] [O] [G], né le 21 octobre 1999 aux [Localité 9] en GUADELOUPE, a été reconnu par sa mère, Mme [X] [G] le 9 novembre 1999 et par M. [L] [R] [Y] le 24 novembre 1999 à la mairie du [Localité 6] ;

[V] [G], dont la mère qui l'a reconnue est Mme [X] [G], est née le 6 mai 1997 à [Localité 7] en HAITI et a été reconnue par M. [L] [R] [Y] le 8 novembre 2001 à la mairie du [Localité 6] ;

Le 18 janvier 2013, M. [L] [R] [Y], né à [Localité 10] le 15 octobre 1956, a établi et transmis à Me [J] [D], notaire, un testament olographe aux termes duquel il indiquait:

- avoir reconnu [V] [G] et [N] [G] 'sous la foi d'une déclaration mensongère', et moyennant promesse de leur part de refuser son héritage, à défaut de quoi 'ils devr(ai)ent faire la preuve de leur filiation avec (lui)',

- et nommer [M] [P] [E], né le 24 octobre 1973 aux [Localité 9] (GUADELOUPE) en qualité de légataire universel ;

[L] [Y] est décédé le 31 décembre 2013 ;

Par acte d'huissier de justice du 13 juin 2016, M. [M] [E], M. [I] [Y] et M. [A] [Y] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE Mme [V] [G] et Mme [X] [G], cette dernière ès qualités de représentante légale de [N] [G], en contestation de la filiation de [V] et [N] [G] à l'égard du défunt [L] [R] [Y] ;

Par jugement mixte, au fond et avant-dire-droit, du 8 juin 2021, le tribunal:

- a déclaré recevables les attestations versées par les parties adverses,

- a déclaré recevable cette action en contestation de paternité,

- a ordonné avant-dire-droit une mesure d'expertise biologique aux fins de procéder à un examen comparatif des empreintes génétiques de [I] et [A] [Y], proches du défunt [L] [Y], d'une part, et de [N] et [V] [G], d'autre part,

- a sursis à statuer sur les autres demandes,

- et a réservé les dépens ;

L'expert désigné a déposé rapport définitif de ses opérations, daté du 28 novembre 2019, le 21 janvier 2020, en suite de quoi les trois demandeurs sus-désignés ont conclu aux fins de voir principalement annuler les actes de reconnaissance de paternité établis respectivement les 24 novembre 1999 pour [N] [G] et 8 novembre 2001 pour [V] [G] ;

En l'absence de conclusions post-expertise des défendeurs dûment représentés, le tribunal, par jugement contradictoire rendu le 8 juin 2021 entre, d'une part, MM [M] [P] [E], [I] [U] [Y] et [A] [Y], demandeurs, et d'autre part, désormais, compte tenu de l'accession en cours d'instance de [N] [G] à la majorité, Mme [V] [G], Mme [X] [G] et M. [N] [G], défendeurs :

- a annulé la reconnaissance du 8 novembre 2001 de M. [L] [R] [Y] sur [V] [G], née le 6 mai 1997 à [Localité 7] en HAITI,

- a annulé également la reconnaissance du 24 novembre 1999 faite au [Localité 6] de M. [L] [R] [Y] sur [N] [O] [G], né le 21 octobre 1999 aux [Localité 9] en GUADELOUPE,

- a ordonné que ces mentions soient portées en marge de l'acte de naissance de chaque enfant sur les registres d'état civil et partout où besoin sera,

- a condamné solidairement Mme [X] [G], Mme [V] [G] et M. [N] [G] à payer la somme de 1 500 euros aux trois demandeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 26 juillet 2021, Mme [V] [G], Mme [X] [G] et M. [N] [G] ont relevé appel de ce jugement, y intimant M. [P] [E], M. [I] [Y] et M. [A] [Y] et y mentionnant que les chefs de jugement critiqués sont ceux par lesquels le tribunal judiciaire :

- a annulé la reconnaissance du 8 novembre 2001 de M. [L] [R] [Y] sur [V] [G], née le 6 mai 1997 à [Localité 7] en HAITI,

- a annulé également la reconnaissance du 24 novembre 1999 faite au [Localité 6] de M. [L] [R] [Y] sur [N] [O] [G], né le 21 octobre 1999 aux [Localité 9] en GUADELOUPE,

- a ordonné que ces menstions soient portées en marge de l'acte de naissance de chaque enfant sur les registres d'état civil et partout où besoin sera,

- a condamné solidairement Mme [X] [G], Mme [V] [G] et M. [N] [G] à payer la somme de 1 500 euros aux trois demandeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

Cet appel a été orienté à bref délai pour l'audience du magistrat rapporteur du 29 novembre 2021 ;

Avis de fixation à bref délai et d'avoir à signifier cette déclaration d'appel a été notifié par RPVA au conseil des appelants le 8 septembre 2021, en suite de quoi ceux-ci, par actes d'huissier de justice séparés des 9 et 10 septembre 2021, ont fait signifier à chacun des intimés ladite déclaration et cet avis de fixation à bref délai ;

MM [I] [Y], [A] [Y] et [M] [E] ont constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l'avocat adverse par RPVA le 22 septembre 2021 ;

A l'audience du 29 novembre 2021, l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 28 mars 2022 en raison des mouvements sociaux qui affectaient la GUADELOUPE, alors même que par conclusions remises et notifiées le 26 précécent, les consorts [G] avaient sollicité la jonction de cette instance avec une procédure enrôlée distinctement sous le n° RG 21/1069 ;

Par arrêt contradictoire du 23 mai 2022, la cour d'appel de ce siège a renvoyé le dossier à la mise en état pour jonction avec l'affaire sus-visée, rouvrant ainsi implicitement mais nécessairement les débats ;

Par mention au dossier du 5 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à jonction en raison de la caducité de l'appel enrôlé sous le n° RG 21/1069, laquelle avait été prononcée par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 5 septembre 2022 ;

Les appelant ont conclu au fond par actes remis au greffe et notifiés aux intimés par RPVA le même jour, soit le 7 octobre 2021 ;

Les intimés ont conclu au fond quant à eux par acte remis au greffe et notifié aux adversaires le 26 octobre 2021 ;

Le dossier de l'affaire a été communiqué au ministère public, lequel, par une note manuscrite, a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour ;

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 17 octobre 2022 et l'affaire fixée et évoquée à l'audience du magistrat rapporteur du 23 janvier 2023, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe ;

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

1°/ Par leurs dernières conclusions d'appelants, les consorts [G] souhaitent voir, au visa des articles 331, 332, 333 et suivants du code civil, de la reconnaissance volontaire de M. [L] [Y] des enfants [V] et [N] [G] en date des 8 novembre 2001 et 21 octobre 1999 et de la possession d'état d'enfant naturel de [N] et [V] [G] :

- prononcer l'irrecevabilité de l'action menée par M. [E] et les consorts [Y],

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- 'se prononcer sur telle mesure d'instruction comme superfétatoire',

- condamner les intimés au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

A ces fins, ils soutiennent en substance :

- qu'aux termes du jugement déféré le tribunal 'a cru bon pallier au procès civil à l'administration de la preuve des demandeurs agissant au soutien de leurs prétentions de contestation de la paternité des deux enfants ayant la possession d'état d'enfant naturel depuis 14 et 12 années de feu M. [L] [Y]' ,

- qu'en application de l'article 333 du code civil, lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable, mais ce dans un délai de prescription de 5 ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté,

- qu'au jour du décès de leur père [L] [R] [Y], [V] et [N] [G] avaient la possession d'état non équivoque d'enfants naturels à son égard, et ce depuis 12 ans pour [V] et depuis 14 ans pour [N], le sus-nommé s'étant toujours comporté à leur égard comme leur véritable père pour s'en être occupé durant toutes ces années et n'avoir de son vivant jamais contesté sa paternité,

- que l'irrecevabilité de l'action des intimés résulte donc en premier lieu de cette possession d'état d'enfants naturels de plus de 5 ans,

- qu'en outre, en application de l'article 331 du code civil, les demandeurs à la contestation de paternité n'y avaient pas qualité, puisqu'aucun d'eux n'est 'ni l'enfant, ni le père biologique réclamant la paternité, ou le ministère public', seuls habilités à agir de la sorte,

- qu'en effet, M. [E] était le compagnon du défunt et ne l'a épousé que quelques mois avant son décès, tandis que les consorts [Y], père et fils, sont des collatéraux au 3ème degré du même défunt,

- qu'ils avaient parfaite connaissance des enfants naturels de feu M. [Y] du vivant de leur mari et parent, mais ont attendu deux années après son décès pour agir en annulation de ces filiations,

- et qu'en toute hypothèse, ils 'contestent avoir eu connaissance à temps des convocations qui leur sont parvenues en vue d'une expertise biologique dont ils n'ont pas compris l'enjeu', si bien que le tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE ne pouvait valablement stigmatiser l'absence d'écritures de leur avocat ou les déclarations informelles de ce dernier pour 'sanctionner la filiation des enfants [G]' ;

2°/ Par leurs propres écritures d'intimés au fond, les consorts [E]/[Y] concluent quant à eux aux fins de voir :

- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [X] [G], Mme [V] [G] et M. [N] [G], in solidum, à leur payer une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;

Ils précisent à ces fins, pour l'essentiel :

- que [V] et [N] [G] sont bien les deux enfants du couple que formaient et forment encore M. [K] [S] et Mme [X] [G],

- que cependant, M. [S] n'a pas reconnu ses enfants biologiques,

- que feu M. [L] [Y], décédé le 31 décembre 2013, employait en son vivant parfois M. [S] pour des travaux de jardinage, lequel a fini, fin 1999, juste après la naissance de son fils [N] le 22 octobre 1999, par le solliciter de manière pressante, 'connaissant son altruisme', pour qu'il reconnaisse cet enfant comme étant le sien, arguant de la situation irrégulière en France de sa famille et de la possibilité pour la mère, dès lors qu'elle aurait un enfant français par son père, de séjourner régulièrement en GUADELOUPE,

- que M. [Y] a d'abord refusé puis, harcelé, a fini par y consentir en procédant à la reconnaissance de [N] le 24 novembre 1999,

- qu'il a subi la même pression deux ans plus tard pour l'enfant [V] [G], née le 6 mai 1997, pour laquelle il a à nouveau cédé et fait un acte de reconnaissance le 8 novembre 2001, moyennant engagement des père et mère biologiques de renoncer à sa succession dans l'avenir,

- que le testament olographe de [L] [Y] en date du 18 janvier 2013 énonce ces faits et cet engagement, cependant que dès après son décès en décembre 2013, M. [S] et Mme [G] ont adopté à l'égard de son conjoint survivant, [M] [E], légataire universel du défunt, des comportements agressifs et vindicatifs,

- que, plus encore, profitant de son absence en journée et prétendant venir récupérer l'héritage de leurs enfants, ils ont occupé la propriété du défunt et déboisé une partie du jardin pour entreprendre des fondations destinées à la construction d'une maison,

- qu'en première instance, les consorts [G] ont invoqué exclusivement, pour s'opposer à la nullité des actes de reconnaissance, les dispositions de l'article 333 du code civil au motif que cette contestation de filiation paternelle serait intervenue après une possession d'état conforme au titre qui aurait duré au moins 5 ans à compter de la reconnaissance contestée,

- que cependant, ainsi que constaté par le premier juge, les attestations versées aux débats par les défendeurs ne permettaient pas d'établir cette possession d'état, ce pourquoi une expertise génétique a été ordonnée,

- que cependant, l'expert n'a pu que dresser un procès-verbal de carence puisque les consorts [G], qui pourtant ont fini par pouvoir être convoqués par LRAR soit signées soit non réclamées, n'ont jamais répondu à ses convocations,

- que c'est à juste titre que le tribunal a tiré les conséquences des manquements des consorts [G] et a annulé les actes de reconnaissance du défunt [L] [Y],

- et qu'en appel, les appelants invoquent à nouveau et exclusivement l'irrecevabilité de l'action en contestation de paternité sur le fondement d'une prétendue possession d'état d'enfant naturel de [V] et [N] [G], alors même :

** que c'est par un jugement mixte, au fond et avant-dire-droit du 23  février 2018, que le tribunal a rejeté le seul moyen toujours soulevé par les appelants et a dit l'action des consorts [E]/[Y] recevable,

** que c'est ce jugement que contestent en réalité aujourd'hui les appelants, alors même qu'il était susceptible d'appel immédiat sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité,

** qu'aucun appel n'a été diligenté, ce pourquoi les consorts [G] 'ne sauraient prétendre remettre en cause la décision rendue sur la recevabilité de l'action en recherche de paternité dans le cadre de la présente instance.',

** et qu'ainsi, la cour, qui n'est pas saisie d'un appel contre la décision de recevabilité de l'action en contestation de paternité, en date du 23 février 2018, n'a pas à examiner la demande d'infirmation de cette décision ;

Sur le fond, à titre subsidiaire, les consorts [E]-[Y] expliquent que de toute façon les moyens des appelants pour contester la décision des premiers juges sont indigents, qui font l'aveu implicite que [L] [Y] n'était pas leur père biologique et qui se bornent à affirmer une possession d'état d'enfants naturels qui n'a jamais existé ;

***

Pour le surplus des explications et moyens de chacune des parties, il est expressément référé à leurs dernières écritures respectives ;

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité de l'appel

Attendu qu'il ne résulte d'aucun des éléments du dossier de la cause que l'appel des consorts [G] à l'encontre de la décision déférée aurait été tardif, si bien qu'en cet état il sera déclaré à cet égard recevable ;

II- Sur la nullité des actes de reconnaissance de paternité de feu M. [L] [Y] à l'égard de M. [N] [G] et de Mme [V] [G]

Attendu que l'action des consorts [E]-[Y] est fondée sur les dispositions des articles 332 et suivants du code civil, outre l'article 321 auquel renvoie l'article 334, en vertu desquelles :

- d'une part, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père,

- de deuxième part, lorsque la possession d'état est conforme au titre (les deux actes de reconnaissance de feu M. [L] [Y] au profit des enfants [N] et [V] [G]), seuls peuvent agir en contestation de paternité l'enfant lui-même, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable,

- de troisième part, l'action se prescrit par 5 ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté,

- et de quatrième et dernière part, à défaut de possession d'état conforme au titre, ladite action peut être engagée par toute personne qui y a intérêt dans le délai de 10 ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame ou a commencé jouir de l'état qui lui est contesté ;

Attendu qu'aucun des demandeurs à la nullité des deux actes de reconnaissance litigieux n'est l'enfant lui-même ou l'un de ses père, mère ou celui qui se prétend le parent véritable, au sens de l'article 333  al 1 sus-visé, si bien que la recevabilité de leur action au plan de la prescription est gouvernée par les dispositions résultant de la combinaison des articles 334 et 321 du code civil, et ce dès lors que leur lien avec le défunt dont la paternité est contestée et, partant, leur intérêt à agir sont démontrés et ne sont pas contestés, surtout celui de M. [E] en sa qualité de légataire à titre universel de son défaut époux [L] [Y] ;

Or, attendu que par jugement mixte, au fond et avant-dire-droit du 23 février 2018, le tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE (devenu plus tard tribunal judiciaire) a tranché définitivement, au sens procédural civiliste du terme qui ne signifie pas 'irrévocablement', la question de la recevabilité de la contestation de paternité de feu [L] [Y] engagée par les consorts [E]/[Y] à l'égard des deux appelants [V] et [N] [G] ; qu'en effet, avant et pour ordonner la mesure d'expertise biologique qui était seule habile à établir ou rétablir la vérité scientifique de la filiation invoquée par les sus-nommés sur la base des deux reconnaissances de paternité établies en son vivant à leur profit par feu M. [L] [Y], le tribunal a tranché cette question sur la base des articles 334 et 321 sus-visés au constat que la preuve n'était pas faite d'une possession d'état conforme à ces deux titres ;

Or, encore, attendu que si appel a été relevé de ce jugement le 11 octobre 2021 et a été enrôlé sous le n° RG 21/1069, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 5 septembre 2022, a déclaré cette déclaratrion d'appel caduque, en suite de quoi la demande de jonction de cet appel avec la présente instance engagée sur appel des consorts [G] à l'encontre du jugement postérieur du 8 juin 2021, a été rejetée ;

Attendu qu'il en résulte que la décision quant à la recevabilité de la contestation de paternité des consorts [E]/[Y], en tant qu'elle a été rendue entre les mêmes parties, sur le même objet et la même cause, a force de chose jugée et que les consorts [G] sont par suite irrecevables, ainsi que le soulèvent les intimés à juste titre, en leur fin de non recevoir à nouveau proposée sur les mêmes fondements des articles 332 et suivants du code civil ;

Attendu que sur le fond de la contestation de paternité, il est à constater en premier lieu que c'est encore à juste escient que le premier juge a relevé qu'il résultait des éléments produits aux débats, notamment le rapport de carence de l'expert judiciaire désigné par jugement du 23 février 2018, en date du 28 novembre 2019, que les consorts [G] se sont volontairement abstenus de répondre aux convocations de cet expert;

Attendu que ces derniers ne contestent d'ailleurs pas avoir bel et bien reçu diverses convocations, se bornant à prétendre :

- ne pas les avoir 'reçues à temps' sans en préciser les dates exactes et sans expliciter les empêchements légitimes qui auraient été les leurs,

- et n'en avoir pas 'compris l'enjeu', alors même qu'ils ne pouvaient ignorer les termes explicites à cet égard du jugement qui avait ordonné une expertise dont il faisait clairement dépendre la décision définitive à venir ;

Attendu qu'il est de toute façon démontré, par les dires de l'expert assermenté, qu'ils avaient été convoqués à plusieurs reprises par lettres simples ou recommandées ; qu'en particulier, les accusés de réception des lettres de convocation au rendez-vous du 8 octobre 2019 lui sont revenus dûment signés, sans pour autant que les intéressés comparussent devant lui ou même s'excusassent, et ceux des lettres de convocation pour un autre rendez-vous, celui du 14 novembre 2019, lui sont cette fois revenus avec la mention 'non réclamé' et démontrent que les consorts [G] ont sciemment refusé de se soumettre aux examens expertaux indispensables à l'établissement de la réalité éventuelle de leur filiation à l'égard du défunt [L] [Y] ;

Attendu que cette abstention volontaire destinée manifestement à interdire au tribunal qui avait ordonné la mesure d'expertise, d'apporter une réponse scientifique aux contestations litigieuses, jointe au testament olographe du défunt [L] [Y] en date du 18 janvier 2013 aux termes duquel il affirmait notamment avoir fait une reconnaissance mensongère de sa paternité à l'égard de [V] et [N] [G] moyennant l'engagement de leurs parents de ne point réclamer leurs parts dans sa succession, démontre à suffisance que ces deux derniers ne sont pas les enfants biologiques du sus-nommé défunt ;

Attendu qu'il échet par suite de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions relatives à l'annulation des deux reconnaissances de paternité en cause et aux suites formelles de cette double annulation ;

III- Sur les dépens et frais irrépétibles

Attendu que, succombant à nouveau en appel, les dépens de première instance resteront à la charge des consorts [G], de même que les frais irrépétibles auxquels, en équité, le premier juge les a condamnés ; que le jugement déféré sera donc également confirmé de ces deux chefs ;

Attendu que pour les mêmes motifs, les consorts [G] supporteront in solidum tous les dépens d'appel, ainsi que, en équité, une indemnité globale de 6 000 euros en réparation des frais irrépétibles qu'ils ont contraint les trois intimés à y engager ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Dit recevable l'appel formé par Mme [V] [G], Mme [X] [G] et M. [N] [G] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE du 8 juin 2021,

- Dit irrecevable, pour force de chose jugée, la fin de non recevoir soulevée à nouveau par les appelants à l'encontre de l'action en contestation de paternité des consorts [E]-[Y],

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Déboute les appelants de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel,

- Condamne Mme [V] [G], Mme [X] [G] et M. [N] [G], in solidum, à payer à MM [I] [Y], [A] [Y] et [M] [E] une somme globale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Et ont signé,

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00810
Date de la décision : 27/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-27;21.00810 ?
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