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13/03/2023 | FRANCE | N°21/01009

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 2ème chambre, 13 mars 2023, 21/01009


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



2ème CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 122 DU 13 MARS 2023





N° RG 21/01009

N° Portalis DBV7-V-B7F-DLSB



Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 26 août 2021, enregistrée sous le n° 21/00592.



APPELANTE :



Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. Bazar Import's

[Adresse 3]

La Marina

[Localité 4]



Représentée par Me Charles Nathey de la Selarl

Jurinat, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.



INTIMEE :



S.A.R.L. Bazar des îles, prise en la personne de son gérant, Monsieur [K] [O]

[Adresse 2]...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 122 DU 13 MARS 2023

N° RG 21/01009

N° Portalis DBV7-V-B7F-DLSB

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 26 août 2021, enregistrée sous le n° 21/00592.

APPELANTE :

Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. Bazar Import's

[Adresse 3]

La Marina

[Localité 4]

Représentée par Me Charles Nathey de la Selarl Jurinat, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIMEE :

S.A.R.L. Bazar des îles, prise en la personne de son gérant, Monsieur [K] [O]

[Adresse 2]

Chez Forum Caraïbes

[Localité 5]

Représentée par Me Jacques Witvoet, de la SCP Morton & Associés, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience du 9 janvier 2023 devant Monsieur [G] [U], les avocats ne s'y étant pas opposé.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries devant la cour composée de:

Monsieur Frank Robail, président de chambre,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 mars 2023.

GREFFIER lors des débats et du prononcé : Mme  Armélida Rayapin, greffier.

ARRÊT :

- Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Frank Robail, président de chambre et par Mme  Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte notarié en date du 10 novembre 2010, la société Bazar des îles, bailleresse, a conclu un bail commercial avec la société Bazar Import's portant sur des locaux à usage commercial situés [Adresse 1], d'une superficie au rez-de-chaussée de 1 520 m2 et à l'étage de 705 m2, soit une superficie totale de 2 225 m2.

Le bail, d'une durée de 9 ans, a été consenti moyennant un loyer annuel HT de 312 000 euros payable en 12 termes égaux de 26 000 euros HT chacun.

Par jugement en date du 7 octobre 2016, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Bazar Import's. Un plan de continuation a été arrêté à son profit par jugement du 31 mai 2018.

Par mémoire notifié le 15 mars 2018, la société Bazar Import's a sollicité auprès de son bailleur une révision du loyer à 18 000 euros par an, demande à laquelle la société Bazar des îles n'a pas donné de suite.

Par acte d'huissier du 25 mai 2018, la société Bazar Import's a fait assigner la société Bazar des îles devant le président du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, statuant en matière de loyers commerciaux, afin d'obtenir une baisse du montant du loyer.

Par jugement du 18 avril 2019, le juge des loyers a désigné un expert avec pour mission de :

- se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- visiter les lieux, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées,

- décrire les locaux, déterminer leur surface, dire et justifier le cas échéant l'application d'un coefficient de pondération,

- donner son avis sur l'existence d'une modification notable des facteurs locaux, au cours du bail expiré, ayant eu une incidence favorable sur le commerce considéré,

- donner un avis sur la valeur locative des locaux à compter du 1er juillet 2014 en tenant compte :

- de tous les éléments mentionnés aux articles L. 145-33, L. 145-34, R. 145-2 et suivants du code de commerce,

- de toutes références pertinentes de fixations amiables et judiciaires,

- éventuellement des usages observés dans la branche d'activité considérée.

Mme [H] [C] épouse [B], l'expert, a déposé son rapport définitif le 2 mars 2020.

Entre-temps, par jugement en date du 13 février 2020, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Bazar Import's, fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 13 février 2020 et désignant Maître [X] [W] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 26 août 2021, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a :

débouté Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, de sa demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire déposé par Mme [H] [C], épouse [B], le 3 mars 2020,

débouté Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, de sa demande de modification du loyer fixé par acte notarié conclu entre la SARL Bazar Import's d'une part, et la SARL Bazar des îles d'autre part, le 10 novembre 2010,

condamné Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, à payer à la SARL Bazar des îles, la somme de 1 200 euros d'indemnités de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamné maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par jugement du 18 avril 2019.

Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 24 septembre 2021, en visant expressément en ses critiques chacun des chefs de son dispositif.

Le 9 novembre 2021, Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions à la société Bazar des îles.

La société Bazar des îles a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 21 décembre 2021.

L'ordonnance de clôture de la mise en état est intervenue le 3 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 janvier 2023, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 13 mars 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ Maître [X] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bazar Import's, appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 avril 2022 par lesquelles l'appelante demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

- le dire bien-fondé ,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 26 août 2021,

Statuant à nouveau,

- homologuer le rapport d'expertise du 2 mars 2020 de Mme [T] épouse [B],

- fixer le loyer dû par la société Bazar Import's à la société Bazar des îles à une somme de 21.182,30 euros par mois HT-HC, et ce à compter du 1er juillet 2014,

- condamner la société Bazar des îles à 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Charles Nathey, de la SELARL Jurinat, avocat aux offres de droit.

2/ La société Bazar des îles, intimée :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juillet 2022 par lesquelles l'intimée demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le 26 août 2021 dans toutes ses dispositions,

- dire que l'appelante ne démontre pas l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence défavorable, susceptible d'entraîner une variation de plus de 10 % de la valeur locative,

- dire que la situation du local ne justifie pas une baisse de loyer,

En conséquence, débouter le liquidateur judiciaire de sa demande de révision à la baisse du loyer,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que le nouveau loyer ne peut être inférieur à la somme de 23 400 euros HT-HC, l'éventuelle baisse du loyer ne pouvant excéder 10 % de la valeur locative, c'est-à-dire du loyer acquitté au cours de l'année précédant la demande de révision,

- dire que la SARL Bazar Import's n'a engagé son action que le 15 mars 2018,

- juger que l'éventuel nouveau loyer ne peut pas s'appliquer avant cette date,

En tout état de cause,

- débouter le liquidateur judiciaire de la SARL Bazar Import's de toutes ses demandes,

- condamner le liquidateur judiciaire de la société Bazar Import's à payer la somme de 8 000 euros à la société Bazar des îles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

L'appel, interjeté dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur la demande d'homologation du rapport d'expertise

En vertu de l'article 246 du code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.

Par conséquent, le juge est libre de faire siennes les conclusions du rapport d'expertise et d'apprécier souverainement leur objectivité, leur valeur et leur portée.

En outre, le rapport d'expertise judiciaire n'est pas un accord ni une transaction susceptible d'être homologué par le juge, mais un outil technique contenant des éléments lui permettant de statuer sur les demandes qui lui sont présentées par les parties.

Au cas présent, le juge du fond a rejeté la demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire établi par Mme [H] [C] épouse [B] en relevant que l'homologation consiste à conférer un effet ou un caractère exécutoire à un acte après un contrôle de légalité ou d'opportunité. Il a retenu que ce contrôle n'avait pas à être réalisé en l'espèce et qu'il n'était pas lié par les conclusions de l'expert.

L'appelante soutient que cette motivation est incompréhensible d'une part parce qu'en déniant la légalité à ce rapport, le tribunal aurait refusé de tirer les conséquences légales de sa propre décision ayant ordonné l'expertise, d'autre part parce que le tribunal a estimé ne pas être lié par les conclusions de l'expert, mais a motivé le rejet des demandes du preneur sur la base de ces mêmes conclusions.

Cette argumentation est cependant infondée. En effet, comme le rappelle justement l'intimée, libre d'apprécier le contenu du rapport d'expertise, le tribunal mixte de commerce ne pouvait pas homologuer un rapport technique qui n'est pas susceptible de l'être, étant observé que le rejet de son homologation n'est pas incompatible avec la prise en considération des constatations et conclusions dudit rapport à l'occasion de l'examen ci-après de la demande de réduction du loyer commercial en litige.

La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur la demande de réduction des loyers

L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que :

Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2°La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L'article R. 145-3 du même code précise que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Enfin, l'article L. 145-38 du même code énonce que :

« La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.

De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

En aucun cas il n'est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours ».

La majoration ou la diminution du loyer consécutive à une révision ne peut en principe excéder la variation de l'indice INSEE applicable. Le plafonnement du loyer révisé n'est écarté qu'en présence d'une modification matérielle des facteurs de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

En l'espèce, la décision déférée a rappelé qu'au cas présent, la modification matérielle des facteurs de commercialité s'apprécie entre la date d'application du loyer à réviser, soit le 10 novembre 2010, et la demande de révision, soit le 15 mars 2018.

Le rapport d'expertise judiciaire relève, que :

S'agissant des travaux - circulation ' stationnement, la ville de [Localité 9] a connu de nombreux travaux au cours de la période du 10 novembre 2010 au 20 novembre 2019, qui ont impliqué des problèmes de circulation supplémentaires et de stationnement :

le nouveau palais de justice a vu ses travaux durer 31 mois à compter de 2015 avec une circulation obligeant à passer sur le quai [Z] au lieu de monter vers Massabielle ;

le collège [8] a été entièrement repris en 2017-2018 et l'école maternelle de [6] fermée ;

le Mémorial Act a été inauguré en 2016 et les touristes (croisiéristes) passent par le quai [Z] pour s'y rendre ;

le stationnement sur place reste très compliqué, la sécurisation de la devanture du cinéma Renaissance depuis 2017 empêchant le passage et impliquant des difficultés de circulation et d'accès au parking de la place.

S'agissant des transports et de la population :

le site est proche de la gare routière reliant les communes de la [7] sud, le transport ayant été reconfiguré depuis 2011 avec les bus Karu'lis et amélioré en horaires et trajets depuis 2018 ;

la population de [Localité 9] est restée stable entre 2011 et 2016 ;

la rénovation urbaine est toujours en cours et permet la construction de nombreux immeubles, plutôt à Bergevin dans le secteur ouest de la ville, mais aussi Carénage, qui a bénéficié de la construction de nombreux logements groupés et d'établissements scolaires ;

Concernant la fréquentation et le nombre d'entreprises dans la zone :

la fréquentation touristique a évolué en termes de nombre de croisiéristes passant de 75.000 en 2010-2011 à une moyenne actuelle de 275.000 du fait de l'inauguration du nouveau terminal de croisière en 2014 ;

le nombre d'emplois dans la zone a diminué d'environ 19% précisément dans le secteur du commerce et du transport ;

des entreprises ont fermé dans la zone, notamment le MacDonald sur la place de la Victoire en 2015 et une entreprise relativement similaire en termes d'activité à celle de la requérante, en 2016 ;

Concernant les manifestations :

entre 2010 et 2014, les bateaux de la route du Rhum arrivaient place de la Victoire créant une dynamique avec la mise en place d'un village qui a été délocalisé sur le site du Mémorial Act ;

il existe de façon traditionnelle les défilés et manifestations du carnaval sur la commune tous les ans, sans changement particulier.

il n'est pas relevé d'ouvertures de locaux de même destination reflétant l'attractivité du secteur ;

la gestion de la ville connaît de grandes difficultés depuis de nombreuses années avec un déficit par habitant augmentant de façon continue ;

de façon plus générale, l'ouverture des grands centres commerciaux et des zones secondaires comme Dothémare, [V], Providence' a provoqué une fuite des clients vers ces structures où il est plus aisé de se garer ;

d'après des témoignages oraux recueillis auprès de professionnels et commerçants du secteur, de nombreux magasins ont fermé durant cette période et les chiffres d'affaires des magasins, mêmes les mieux exposés, ont chuté depuis 2012.

L'expert résume la situation en indiquant que la tendance globale est à la préférence des clients vers les grands centres commerciaux et zones secondaires excentrées et que la ville a connu une perte de clientèle et donc les entreprises, une perte corrélative de chiffre d'affaires depuis l'année 2012. Il note néanmoins que l'activité de croisière permet un afflux de clients potentiels passant notamment par le quai de [Z] pour se rendre au Mémorial Act ou la gare routière de [6].

L'expert judiciaire conclut à l'absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence favorable sur le commerce de la société appelante.

Tant les constatations que les conclusions du rapport d'expertise judiciaire ne sont pas remises en cause par l'appelante. Elle soutient seulement que si l'expert n'a pas noté des éléments favorables des facteurs locaux de commercialité relatif au commerce considéré, il indiquerait a contrario que les facteurs de commercialité ont une incidence défavorable sur le commerce de la société Bazar Import's.

Cette interprétation ne peut cependant être retenue. D'une part, comme l'a souligné la décision entreprise, conformément à la mission qui lui a été confiée par jugement du 19 avril 2019, l'expert ne se prononce pas sur une éventuelle incidence défavorable des facteurs locaux de commerciaux précités. En outre, bien qu'il ait attiré l'attention des parties sur cette limitation de sa mission, le preneur n'a pas demandé une extension de celle-ci pour qu'il se prononce sur une éventuelle incidence défavorable. L'interprétation a contrario du rapport d'expertise judiciaire méconnaîtrait donc son sens clair et précis.

D'autre part, l'appelante ne met en exergue que les points négatifs relevés par le rapport d'expertise pour affirmer une évolution défavorable des facteurs locaux de commercialité. Mais, comme l'a justement relevé le tribunal mixte de commerce, les points négatifs relevés par le rapport d'expertise viennent contrebalancer les éléments positifs. Ainsi, si la ville de [Localité 9] est moins prisée par la clientèle locale, cette attractivité moindre est contrebalancée par une très forte augmentation de la fréquentation touristique qui a évolué en terme de nombre de croisiéristes passant de 75.000 en 2010-2011 à une moyenne actuelle de 275.000. Dès lors, la société preneuse a davantage connu un accroissement de la clientèle qu'une perte de celle-ci.

De plus, la décision déférée indique avec pertinence que si le fait que plusieurs commerces dans le même secteur d'activité aient fermé permet d'identifier d'éventuelles difficultés d'exploitation quant à cette activité, elle traduit également une baisse non négligeable de la concurrence pour la société Bazar Import's.

Enfin, ainsi que le souligne l'intimée, comme en première instance, l'appelante ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations d'une modification défavorable des facteurs locaux de commercialité.

En l'absence de démonstration par le preneur d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le loyer révisé est nécessairement plafonné et ne peut excéder, à la hausse ou à la baisse, la variation de l'indice applicable.

Le loyer mensuel en cours étant de 26.000 euros, le loyer révisé sur la base de l'indexation sur l'indice du coût de la construction tel que prévu au contrat de bail, est de 28.458 euros (26.000 x 1667 [ICC mars 2018] / 1523 [ICC mars 2009]).

L'expert judiciaire a retenu une valeur locative d'un montant mensuel de 21 182,30 euros HT et HC. Cette valeur n'est pas contestée par les litigants.

Dès lors, comme l'a justement retenu le tribunal mixte de commerce, la valeur locative fixée par l'expert étant inférieure au loyer en cours qui n'a jamais été révisé, ainsi qu'à la variation du coût de la construction, aucune réduction de loyer ne peut être prononcée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Me [X] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Bazar Import's, qui succombe en son appel, devra supporter les entiers dépens de l'instance d'appel.

Il paraît en outre équitable d'allouer à la société Bazar des Îles la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et Me [W], ès qualités, sera déboutée de sa demande à ce titre.

Enfin, la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles mis à la charge de Me [W], ès qualités.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Me [X] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Bazar Import's, à payer à la SARL Bazar des Îles la somme de 3 000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me [X] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Bazar Import's aux entiers dépens d'appel.

Et ont signé,

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01009
Date de la décision : 13/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-13;21.01009 ?
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