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19/12/2022 | FRANCE | N°21/006511

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 19 décembre 2022, 21/006511


VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 200 DU DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00651 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKQJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - section industrie - de Pointe-à-Pitre du 20 Mai 2021.

APPELANTE

S.A.R.L. MARBRERIE DE LA JAILLE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sully LACLUSE (SELARL LACLUSE et CESAR) (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉ

Monsieur [B] [J]
[Adresse 4],
[Adresse

4]
[Localité 2]
Représenté par Me Jérôme NIBERON (SCP MORTON et ASSOCIES) (Toque 104), avocat postulant inscrit au au barrea...

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 200 DU DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00651 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKQJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - section industrie - de Pointe-à-Pitre du 20 Mai 2021.

APPELANTE

S.A.R.L. MARBRERIE DE LA JAILLE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sully LACLUSE (SELARL LACLUSE et CESAR) (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉ

Monsieur [B] [J]
[Adresse 4],
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Jérôme NIBERON (SCP MORTON et ASSOCIES) (Toque 104), avocat postulant inscrit au au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH - et par Me Jean-Laurent REBOTIER (SELAS AGIS), avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 novembre 2022, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 19 décembre 2022.

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [J] a été embauché par la société Marbrerie de la Jaille suivant contrat de travail à durée indéterminée du 18 octobre 2017, en qualité de Technico-commercial.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2019 M. [B] [J] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 21 janvier 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 janvier 2019, M. [B] [J] s'est vu notifier une mise à pied immédiate à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2019 la société Marbrerie de la Jaille a notifié à M. [B] [J] son licenciement pour faute grave.

Soutenant que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [B] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre par requête du 31 mai 2019, afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 20 mai 2021 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- Dit et jugé le licenciement de M. [B] [J] sans cause réelle et sérieuse ;
- Dit nécessaire, pour le calcul des différentes indemnités, l'établissement du salaire de référence ;
En conséquence ;
- Prononcé une réouverture des débats devant le bureau de jugement du 17 juin 2021 ;
- Ordonné à la partie demanderesse de porter les originaux lisibles des éléments versés et justifiant du calcul des commissions ;
- Ordonné à la partie défenderesse de porter les éléments comptables nécessaires à la vérification du calcul de la rémunération variable ;
- Ordonné à la partie demanderesse à mieux se pourvoir concernant le détail des heures supplémentaires calculées.

M. [B] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 juin 2021.

Les parties ont conclu et l'ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2021, la société Marbrerie de la Jaille demande à la cour d'INFIRMER le jugement querellé en ce que il a :
- Dit l'action de M. [J] [B] est parfaitement fondé en droit et le reçoit dans sa demande ;
- Dit et juge le licenciement de M. [J] [B] sans cause réelle et sérieuse ;
- Prononcé une réouverture des débats devant le bureau de jugement du 17 juin 2021
- Ordonné à la partie défenderesse de porter les éléments comptables nécessaires à la vérification du calcul de la rémunération variable
STATUANT A NOUVEAU, de :
DIRE que le licenciement contesté repose sur la faute grave du salarié et à défaut sur un motif réel et sérieux
DIRE insuffisamment fondée la demande faite à la Marbrerie de la Jaille d'avoir à porter les éléments comptables nécessaires à la vérification du calcul de la rémunération ;
DIRE n'y avoir lieu à réouverture des débats
DEBOUTER M. [B] [J] de ce chef de demande
CONDAMNER le même, outre les entiers dépens, au versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2021, M. [B] [J] demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
LE REFORMER pour le surplus,
FIXER à la somme de 5.590,78 euros son salaire brut moyen ;
CONDAMNER la société La Marbrerie de la Jaille à lui payer :
- 4.387,77 euros à titre du rappel de ses commissions, outre 438,78 euros de congés payés afférents ;
- 24.283,66 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 2.428,37 euros de congés payés afférents ;
- 5.590,78 euros à titre de la mise à pied conservatoire, outre 559,08 euros de congés payés afférents ;
- 1.980,07 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 5.590,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 559,08 euros à titre de congés payés afférents ;
- 11.181,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- les entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur le licenciement

A / S'agissant de la cause du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis. La preuve en incombe à l'employeur.

Lorsque les juges considèrent que, contrairement à l'opinion de l'employeur, les faits invoqués par celui-ci pour licencier ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si les faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
"Vous avez été recruté aux fonctions de Technico-commercial en contrat de travail à durée indéterminée à effet du 19 octobre 2017 moyennant une rémunération mensuelle composée d'un fixe et d'une commission.
Depuis votre recrutement, vous vous êtes illustré par votre comportement réfractaire à toute mesure disciplinaire, cet état de fait vous a valu, par le passé, plusieurs rappels à l'ordre quant à la manière d'exécuter vos fonctions.
Les rapports de travail ont dégénéré à compter de septembre 2018, en raison du fait que vous ayez adopté un comportement particulièrement détestable, conséquence directe du retrait de votre permis de conduire, une situation que vous avez dissimulée à votre employeur qui l'a incidemment découverte à travers le constat d'une diminution sensible de vos tournées extérieures (en démarchage clientèle) et la présence systématique à vos côtés au volant de votre véhicule d'une tierce-personne.
Il s'en est suivi, de votre part, une agressivité manifeste tant à l'encontre de la direction et de vos collègues de travail que vis-à-vis de la clientèle de l'entreprise le tout matérialisée par une attitude discourtoise, des disputes incessantes, des insultes et injures, des actes d'intimidation, le dénigrement de l'entreprise ainsi que de ses dirigeants auprès de la clientèle, des réclamations injustifiées de commissions...
Parfaitement conscient de la portée d'une telle inconduite et sans doute en vue du risque d'une sanction disciplinaire, vous avez pris l'initiative, à la mi-novembre 2018, de solliciter une rupture conventionnelle qui fut acceptée par l'employeur. Cependant, dans le délai imparti (tout en ayant posé un arrêt maladie jusqu' au 30 décembre 2018) prétextant un retard dans le paiement de vos commissions, vous vous êtes rétracté de cette procédure le 18 décembre 2018.
Aujourd'hui, nous avons à déplorer de votre part les agissements fautifs suivants :
1) La décision que vous avez prise à notre insu consistant à modifier les données de base ayant servi à la détermination par nous du prix d'une prestation et l'instruction donnée à la secrétaire, sous la foi d'un mensonge, d'opérer une falsification comptable aboutissant à l'émission d'une facture nouvelle avec minoration du montant de la somme restant due par le client.
En effet, après enquête interne, il ressort les éléments de fait ci-après :
*Le 12 septembre 2018 vous avez effectué un devis de 2 730.00 euros sur la base d'un plan pour le client Mr [Z] du [Localité 3].
*Le 17 octobre 2018, ce devis a été transformé en commande dans un autre coloris donc avec un autre prix sur la base du même plan client par Mme [I] pour un montant de
3 319.00 euros.
*Le 19 octobre 2018 la prise de côtes définitives a été effectuée par Mr [I] au domicile et en présence du client lequel a souhaité apporter des modifications à sa commande du 17 octobre, ce qui a bien entendu occasionné un supplément de prix ;
*Mr [Z], d'accord sur ce supplément a déclaré à Mr [I] que ce supplément (non encore chiffré) serait réglé à présentation de la facture globale.
*Le 20 octobre 2018, Mr [I] a donc émis un supplément de commande JL19/46 de 1 100.00 euros pour ajout sur commande M3/36 du 17/102018 (soit un total à facturer de 4 419.00 euros) et inscrit manuellement ce supplément sur la fiche comptable-client accessible à tout le personnel dont vous, qui manipulez ces fiches pour l'établissement du montant de vos commissions ;
*Au moment de recevoir le règlement du Client, fin novembre, Mme [I] s'aperçoit d'une différence notable entre le prix réglé par le Client et le coût réel de la prestation. Interrogeant la secrétaire Mme [O] [L], cette dernière expliquera :
« En l'absence de Mr [I], Mr [J] m'a demandé de changer la facture de 4 419.00 euros No FA02556 du 13 novembre 2018 que j'avais établi sur la base de la fiche comptable-client.
Mr [J] m'a dit qu'il y avait une erreur, qu'il avait vu avec Mr [Z] le samedi 17 novembre 2018 et que Mr [I] était au courant de l'erreur et qu'il fallait modifier cette facture pour un montant de 3 194.20 euros.
Sur le logiciel comptable, j'ai donc remplacé la facture de 4 419.00 euros par celle de 3 194.20 euros. »
Il faut en déduire qu'outrepassant vos attributions et sans autorisation expresse, vous avez :
- Recalculé et modifié le prix d'une prestation préalablement déterminé par le Gérant,
- Ne pouvant personnellement accéder au logiciel comptable, donné instruction au secrétariat, sur la foi d'un mensonge, d'annuler une 1ère facture et de procéder à son remplacement par une nouvelle d'un montant inférieur sans correspondance avec les travaux effectivement réalisés,
- Cherché à compromettre une collègue de travail.
Il est évident qu'une telle façon d'agir reflète l'intention de nuire aux intérêts de la société.
Nous sommes dès lors en présence d'une faute professionnelle d'une particulière gravité qui ne peut demeurée impunie.
2) Votre comportement violent, injurieux à l'issu de l'entretien préalable
En présence de la secrétaire, vous avez tenté d'accaparer un document qui était apposé sur le bureau de Mme [I] obligeant le Gérant à vous l'arracher des mains.
3) Le vol de documents de l'entreprise
Nous sommes au regret de constater que malgré notre demande en ce sens, en parfaite violation des stipulations de l'article 12 du contrat de travail qui vous liait à l'entreprise, vous vous obstinez à ne pas nous restituer les talons des carnets de commandes et devis qui vous sont confiés par l'entreprise pour la détermination de vos commissions.
Il s'agit là d'un acte qui est pénalement répréhensible pour lequel nous nous réservons le droit de saisir la justice pénale.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de l'entretien du 21 janvier 2019 ne peuvent en aucun cas justifier les agissements d'une gravité exceptionnelle dont vous vous êtes rendu coupable et par lesquels vous avez volontairement tenté de nuire à l'entreprise. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise, s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date des présentes, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.
Les sommes vous restant vous seront adressées par courrier ainsi que votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle Emploi.
Vous avez la possibilité de faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification par lettre recommandé avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.".

* S'agissant de la dissimulation à l'employeur du fait qu'il était affecté par une mesure de suspension administrative (1 mois) et judiciaire (6 mois) de son permis de conduire, un fait de nature à perturber le fonctionnement normal du service

M. [B] [J] reconnaît avoir fait l'objet d'une suspension de permis de conduire le 3 septembre 2018 mais affirme en avoir immédiatement informé son employeur et lui avoir indiqué
le 6 septembre 2018, que son beau-frère, M. [C], assurerait la conduite de son véhicule pour les déplacements en clientèle ; en outre, il avait inscrit M. [C] sur sa police d'assurance comme conducteur régulier de son véhicule.

M. [M] [C] atteste : « [B] [J] a eu une suspension de son permis de conduire le 3 septembre 2018. Jusqu'au 19 novembre 2018, [P] et moi nous somme relayés pour le déposer avant 7h00 le matin et revenir le chercher en fin de journée après 17h30 à la Marbrerie de la Jaille. [B] [J] m'a présenté le 6 septembre 2018 à Mr et Mme [G] qui étaient informés de la suspension de son permis. Ils devaient s'absenter tous les deux en fin de semaine pour 15 jours en métropole. Entre le 6 septembre et le 19 novembre 2018, je me suis organisé pour le conduire tous les jours à ses rendez-vous en clientèle qu'il concentrait sur la matinée ou l'après-midi. Je l'ai conduit avec son véhicule personnel et j'étais enregistré sur son assurance conducteur principal. (?) ».

Il s'ensuit que le bien fondé du grief n'est pas établi.

*S'agissant de la rétractation d'une offre de rupture conventionnelle pourtant acceptée par l'employeur, pour un motif fallacieux

M. [B] [J] s'est rétracté dans les délais comme il en avait le droit.

Il s'ensuit que le bien fondé du grief n'est pas établi.

*S'agissant de la décision prise l'insu du chef d'entreprise consistant à modifier les données de base ayant servi à la détermination du prix d'une prestation, sous la fol d'un mensonge et en opérant une falsification comptable à travers à l'émission d'une facture nouvelle avec minoration du montant de la somme restant due par le client.

M. [B] [J] expose, en substance, que :
- M. [Z] n'était pas une relation personnelle mais un simple client ;
- le 12 septembre 2019, il a effectué un devis d'un montant de 2.730 euros sur la base d'un plan de travail donné par le client M. [Z] ;
- le 3 octobre 2018, Madame [Z] venait au magasin avec un plan de projet de cuisine pour faire établir un nouveau devis. Ce nouveau devis était effectué par Madame [I], en son absence au magasin, pour un montant total égal à 3.319 euros ;
- Or, en comparant les pièces chiffrées sur le devis et le plan de cuisine, il apparaît que Madame [I] avait omis une pièce d'une dimension de 1,35 x 0,65 m puisque les seules pièces chiffrées étaient :
1 pièce 2,16 x 0,65 m ;
1 pièce 1,54 x 0,65 m ;
1 crédence 1,05 x 0,70 m ;
1 pièce 1,28 x 0,514 m.
- le 17 octobre 2018, les époux [Z] revenaient au magasin pour confirmer la commande, enregistrée par Madame [I] et sans que cette information ne lui soit transmise ;
- le 19 octobre 2018, M. [I] effectuait la prise de côtes au domicile du client et effectuait le plan de fabrication le 20 octobre 2018 ;
- Or, il est facile de constater sur ce plan que les quatre grandes pièces dessinées ne correspondent pas aux dimensions de celles de la commande et que la grande crédence sous la hotte n'y figure pas ;
- En effet, les dimensions des pièces dessinées sont :
1 pièce 153,5 x 64,0 cm ;
1 pièce 214,5 x 71,0 cm ;
1 pièce 184,0 x 63,0 cm ;
1 pièce 72,00 x 40,0 cm
+ les petites crédences en 10,0 et 11,0 cm de haut.
- contrairement à ce qui est prétendu par la société, aucun bon de commande supplémentaire n'a été émis à ce moment-là par M. [I] (pièce adverse 10) ;
- le complément de commande ne peut avoir été fait qu'après la première livraison du plan de travail en raison de certains dysfonctionnements, comme le laisse apparaître les annotations du poseur sur les plans de fabrication initiaux (pièce adverse 11).
- le 17 novembre 2018, M. [Z] venait au magasin afin de signaler une erreur entre la commande et la facture éditée ;
- c'est ainsi qu'il a procédé à une vérification avec le client et effectué les rectifications demandées par ce dernier de manière manuscrite sur la facture.
- il a consulté la fiche client sur laquelle apparaissaient seulement les pièces chiffrées dans le devis du 3 octobre 2018 ; ne parvenant pas à retrouver le montant de 3.319 euros, il indiquait au client qu'il transmettrait sa demande avec une copie de la facture annotée à la comptabilité, et que la société se chargerait de le recontacter ; il informait M. [I] lors de son passage au magasin en fin de matinée et déposait une copie de la facture annotée sur le bureau de la secrétaire avec un post-it indiquant qu'il fallait faire un point sur la facture.

Cependant Mme [O] [L], secrétaire commerciale de l'entreprise, atteste : « Le lundi 19 novembre 2019, 7h40, j'arrive au magasin. À peine arrivé, je dépose mes affaires personnelles, Mr [J] se précipite vers mon bureau pour m'expliquer une modification qu'il avait portée lui-même sur la facture du client Fréti qui se trouvait sur mon bureau. Il s'installe à mon bureau et m'informe que le client est déjà au courant du prix qui a été modifié et m'a bien précisé que Mr [I] lui aussi était informé de cette modification. À ce moment même, j'ai douté de mes attributions, mais en toute confiance, j'ai moi-même modifié la facture du client selon les données transmises par Mr [J], mais sans me rendre compte que les responsables n'étaient pas du tout au courant. Je passe un coup de fil à M. [Z] pour lui annoncer les modifications ainsi que le nouveau montant, il me répond qu'il est sur Jarry, qu'il sera là dans même pas 10 minutes et qu'il avait déjà vu avec Mr [J]. Mr [Z] s'installe au magasin, étant donné que j'étais avec une cliente, Mme [I] récupère le chèque déjà rempli et Mr [Z] dit " je suis d'accord avec le prix que l'on m'a annoncé" et là il récupère sa facture soldée et s'en va » (pièce 15 de l'appelante).

Rien ne permet de douter de la sincérité de ce récit, étant relevé que l'attestation répond aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

Il s'ensuit que le bien fondé du grief est établi.

*S'agissant du comportement violent et injurieux de M. [J] à l'issue de l'entretien préalable

A titre liminaire, il convient de préciser que ce grief ne saurait fonder le licenciement dans la mesure où celui-ci est intervenu après l'entretien préalable de M. [J].

M. [B] [J] expose, en substance, que :
- à la fin de l'entretien préalable, il a souhaité faire une photocopie d'un document cosigné par les parties ;
- pour l'en empêcher, M. [I] l'a agrippé par le bras et lui a porté un coup sur la main puis s'est jeté de nouveau sur lui lorsqu'il quittait la pièce ;
- il a déposé plainte suite à cet événement et bénéficié d'un arrêt de travail d'un jour.

M. [B] [J] produit effectivement un certificat médical du 21 janvier 2019, un avis d'arrêt de travail du même jour et un procès-verbal d'audition de la gendarmerie du 22 janvier 2022 (Pièces 8 et 9)

Cependant Mme [O] [L], secrétaire commerciale de l'entreprise, atteste : « Le lundi 21 janvier 2019, présente à mon poste de secrétaire commerciale, M. [J] se présente au bureau de Mr [I]. Mr [I] ferme la porte de son bureau afin de s'entretenir en toute intimité avec Mr [J]. J'entendais vaguement la discussion des deux puis quelques minutes après Mr [I] hausse un peu le ton afin de faire place à son autorité envers Mr [J], la porte s'ouvre, Mr [J] se précipite vers moi afin de me poser des questions suite aux faits exposés par Mr [I] lors de l'entretien, concernant l'affaire du client [Z]. Je lui réponds de vive voix tous les éléments concernant cette affaire et M. [J] reste stupéfait. Et là, M. [I] lui demande à nouveau les carnets de bons de commande du magasin, Mr [J] refuse totalement de coopérer et dit à Mr [I] : " je ne vous les rendrai pas". Mr [J] se dirige assez rapidement vers le bureau de Mr et Mme [I] et se jette sur un document posé sur le bureau de Mme [I] et dit :"Puisque c'est comme ça je vous le prends et vous le photocopie aussi!" Mr [I] lui demande de lui remettre le document arraché du bureau de Mme [I], présent à mon bureau à ce moment précis. Celui-ci refuse de remettre le document, se tourne vers mon bureau et fait des gestes pour ne pas céder à la remise du document. À cet instant, la tension est palpable, Mr [J] se tourne vers Mr [I] et là Madame [I] s'interpose entre les deux et me demande d'aller chercher [W] qui se trouve à l'atelier. Mr [I] lui se met à l'extérieur du magasin pour calmer la situation. M. [J] toujours dans le magasin et dit une phrase qui prouve certains faits : " je n'attendais que ça qu'il me touche !" avec un grand sourire de fierté. Et là, il s'adresse à Mme [I] mais la conversation était très courte car elle n'avait plus rien à lui dire. Il sort du magasin, se précipite vers Mr [I] qui était sorti afin de calmer les choses et là il se remet face à Mr [I] et l'insulte en pleine figure " on vous a sûrement coupé les couilles quand vous étiez petit" et là il s'en va tout fier. » (pièce17 de l'appelante).

Rien ne permet de douter de la sincérité de ce récit, étant relevé que l'attestation répond aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le grief de violence ne peut être retenu contre M. [B] [J].

Par contre, les propos injurieux sont établis.

*S'agissant du vol de documents de l'entreprise

La société Marbrerie de la Jaille reproche à M. [J] de ne pas avoir restitué les 13 souches des carnets de commandes qu'il avait passées.

M. [J] soutient qu'il n'était en possession que d'un seul carnet, le carnet no 13, pour la simple raison qu'il utilisait encore ce carnet pour les prises d'ordre ; qu'à la fin de son contrat de travail, il a remis l'ensemble du matériel en sa possession, dont le carnet no 13, à la société Marbrerie de la Jaille.

Il ressort cependant de l'attestation susvisée de Mme [O] [L] (pièce 17 de l'appelante) que le 21 janvier 2019, M. [B] [J] a refusé de restituer à M. [I] « les carnets de bons de commande du magasin » lui disant " je ne vous les rendrai pas".

En tout état de cause, la cour relève que la remise du carnet no13 n'a été effective que le 25 mars 2019 alors que le salarié était mis à pied depuis le 21 janvier 2019 et licencié depuis le 20 février 2019.

Il s'ensuit que le bien fondé du grief est établi.

Conclusion

Il découle des développements qui précèdent que la société Marbrerie de la Jaille justifie d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis ; que le licenciement de M. [B] [J] était donc fondé sur une faute grave du salarié.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [B] [J] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

B / S'agissant des conséquences financières du licenciement

Le salarié licencié pour faute grave ne peut qu'être débouté de ses demandes d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents,

II / Sur le rappel des commissions

A l'appui de sa demande, M. [B] [J] produit un tableau détaillé des commissions qui lui sont dues par la société Marbrerie de la Jaille, ainsi que la photocopie des devis afférents, pour un total de 6767,20 euros dont à déduire la somme de 2379,43 euros perçue au titre du solde de tout compte, soit un reliquat de 4387,77 euros outre 438,77 euros au titre des congés payés afférents.

La société Marbrerie de la Jaille ne justifiant pas du paiement de ces sommes, il convient de faire droit à la demande.

III / Sur la demande relative au rappel d'heures supplémentaires

L'article L.3171-4 du code du travail dispose qu' « en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

En l'espèce, M. [B] [J] produit un tableau détaillé de ses horaires de travail du 16 octobre 2017 au 21 janvier 2019 ainsi qu'une photocopie de ses agendas 2017, 2018 et 2019.

La société Marbrerie de la Jaille produit cependant une attestation de [N] [F] qui occupait le poste de commercial au sein de la société Marbrerie de la Jaille du 30 décembre 2013 au 30 octobre 2017 et qui avant son départ a "travaillé en binôme avec M. [B] [J] pendant un mois octobre 2017) pour lui montrer toutes les taches incombant au poste", qui « Déclare que dans mes horaires de travail, je n'avais pas d'obligation de présence de 7 h à 17 h 30. En tant que commercial je faisais des rendez-vous extérieurs pendant ces horaires et des permanences dans le magasin aussi. Il m'arrivait de partir en RDV extérieur en début d'après midi de ne pas revenir après.(...) En tant que commercial je faisais mes horaires moi-même. Ces précisions sont apportées suite au témoignages que j'ai fait à la demande de M. [J] le 9/03/2020 où j'ai eu le sentiment d'avoir été manipulé un petit peu par lui. » (Pièce no18 ).

Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu de considérer que M. [B] [J] aurait effectué des heures supplémentaires à l'initiative de l'employeur.

La demande sera donc rejetée.

IV / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'apparaît pas inéquitable, en l'état des éléments du dossier, de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont engagés et qui ne seront pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 20 mai 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement de M. [B] [J] fondé sur une cause grave ;

Condamne la société Marbrerie de la Jaille à payer à M. [B] [J] la somme de 4387,77 euros à titre de rappel de commissions outre 438,77 euros au titre des congés payés afférents ;

Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties ;

Rejette le surplus des demandes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/006511
Date de la décision : 19/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-12-19;21.006511 ?
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