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19/12/2022 | FRANCE | N°21/003171

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 19 décembre 2022, 21/003171


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 199 DU DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00317 - No Portalis DBV7-V-B7F-DJO6

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 juillet 2019 - Section Activités Diverses -

APPELANTE

E.U.R.L. EPS MARSHALL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS

Monsieur [P] [Z] [U] [J]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par M

aître Dominique TAVERNIER (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

S.A.R.L. MIB
[Adresse 2]
[Localité 3]...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 199 DU DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00317 - No Portalis DBV7-V-B7F-DJO6

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 juillet 2019 - Section Activités Diverses -

APPELANTE

E.U.R.L. EPS MARSHALL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS

Monsieur [P] [Z] [U] [J]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Maître Dominique TAVERNIER (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

S.A.R.L. MIB
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 novembre 2022, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 19 décembre 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE.

Monsieur [P] [U]-[J] a été embauché par l'EURL EPS MARSHALL en qualité d'agent de prévention et de sécurité dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour la période du 1er octobre 2016 au 31 mars 2017 puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à temps complet à compter du 1er avril 2017.
Son contrat de travail a été conclu conformément à la Convention Collective Nationale des Entreprises de Prévention et de Sécurité no 3196 et à l'article 1224-1 du Code du Travail, aux accords des 16 juin 1997, 2 juin 1998, 16 juillet 1999 ainsi qu'à l'accord du 5 mars 2002, aux accords de branche du 26 juillet 2007 et 15 septembre 2008 ainsi qu'à l'accord BINO du 11 mars 2009.
Monsieur [P] [U]-[J] exerçait ses fonctions sur les sites du Centre Hospitalier Gérontologique de [6] [Localité 5].
Le 29 mai 2017, le Centre Hospitalier Gérontologique de [6] attribuait le marché de mise à disposition d'agents SSIAP et de prestation de surveillance pour la sécurité des biens et des personnes à la société MIB et ce, à compter du 1er juillet 2017.
La société MIB sollicitait le 30 mai 2017 de l'EURL EPS MARSHALL qu'elle lui fasse parvenir dans un délai de dix jours la liste des salariés transférables ainsi que leur contrat de travail, les justifications de formation, la copie de leur carte professionnelle en cours de validité, la copie de la fiche d'aptitude médicale, la copie de leur pièce d'identité ainsi que leurs six derniers bulletins de paie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 juin 2017, la société MIB communiquait à l'EURL EPS MARSHALL la liste des cinq salariés retenus.
Monsieur [P] [U]-[J] n'ayant pas été retenu par la société MIB au titre des salariés transférables sans qu'il en soit averti et s'étant vu remettre par l'EURL EPS MARSHALL son reçu pour solde de tout compte ainsi que son certificat de travail le 5 juillet 2017 a attrait les sociétés EPS MARSHALL et MIB devant le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre à l'effet qu'il soit statué sur le sort de son contrat de travail ainsi que sur les conséquences financières liées à l'exécution dudit contrat.
Par jugement contradictoire et en premier ressort du 17 juillet 2019, le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre a :
- Déclaré recevable la requête de Monsieur [U]-[J] [P] [Z].
- Dit que l'E.U.R.L. EPS MARSHALL était l'employeur de Monsieur [U]-[J].
En conséquence :

- Condamné l'EURL EPS MARSHALL en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [U]-[J] les sommes suivantes :

§ 18 023,28 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2017 au 1er juillet 2018
§ 18 023,28 € à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2018 jusqu'au prononcé du jugement
§ 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Ordonné à l'EURL EPS MARSHALL en la personne de son représentant légal, de remettre les bulletins de paie correspondant sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement.
- Mis hors de cause l'EURL MIB.
- Débouté l'EURL MIB de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à l'encontre de Monsieur [U]-[J] [P] [Z] et de la société EPS MARSHALL.
- Débouté l'EURL MARSHALL de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamné l'EURL EPS MARSHALL aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 15 mars 2021, l'EURL EPS MARSHALL relevait appel du jugement dont la date de notification n'est pas établie au dosier.
Par celle-ci, l'EURL EPS MARSHALL précisait que son appel portait sur chacun des chefs du jugement

En suite de l'avis donné par le greffe le 28 avril 2021, la société EPS MARSHALL faisait signifier les 11 et 12 mai 2021 à Monsieur [U]-[J] et à la société MIB sa déclaration d'appel ainsi que ses conclusions remises au greffe le 7 avril.

Monsieur [P] [U]-[J] a constitué avocat le 18 mai 2021 et la société MIB le 2 juin 2021.

Le magistrat en charge de la mise en état rendait une ordonnance de clôture le 9 juin 2022, la cause étant renvoyée à l'audience de plaidoiries du 5 septembre 2022.

L'affaire a été mise en délibéré au 7 novembre 2022, le délibéré étant prorogé au 19 décembre 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.

En l'état de ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2021 notifiées à la société MIB et à Monsieur [U]-[J] par voie électronique le même jour, l'EURL EPS MARSHALL demande à la Cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et d'infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes entrepris en toutes ses dispositions.
Elle lui demande de statuer de nouveau, de juger qu'elle n'est plus l'employeur de Monsieur [U]-[J] depuis le 1er juillet 2017, de déclarer irrecevables les demandes formulées à son encontre comme étant mal dirigées et de débouter Monsieur [U]-[J] et la société MIB de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire, l'EURL EPS MARSHALL demande à la Cour de débouter Monsieur [U]-[J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
En tout état de cause, l'EURL EPS MARSHALL sollicite la condamnation de Monsieur [U]-[J] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens de l'instance.

L'EURL EPS MARSHALL soutient, à l'appui de ses demandes, qu'elle s'est conformée aux dispositions légales s'agissant de l'attribution du marché opéré par le Centre Hospitalier Gérontologique de [6] au profit de la société MIB et qu'elle a remis à la société MIB l'ensemble des éléments nécessaires au transfert des salariés, au rang desquels Monsieur [U]-[J].
Elle précise qu'elle a, en suite de la perte de ce marché, mis fin au contrat de travail de Monsieur [U]-[J] en lui remettant son certificat de travail et son reçu pour solde de tout compte puisque ce dernier était, selon elle, devenu le salarié de la société MIB.
A cet égard, l'EURL EPS MARSHALL se prévalant des dispositions combinées des articles 2.3.1., 2.3.3 et 3.1.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2021 relatifs à la reprise du personnel en cas de transfert de marché fait plaider que l'entreprise entrante était tenue de reprendre, en effet, 100 % des salariés transférables justifiant d'une ancienneté de quatre années mais aussi 85 % des salariés transférables justifiant d'une ancienneté inférieure à quatre années.
Elle soutient que la société MIB ne justifie pas que Monsieur [U] [J] ne faisait pas partie des 85 % des salariés ayant moins de quatre années d'ancienneté devant être repris et que, partant, il doit être considéré que son contrat de travail a été transféré à la société MIB, laquelle a refusé de poursuivre la relation de travail.
Elle ajoute que c'est d'ailleurs ce qu'a retenu la Cour d'Appel de Basse Terre dans un arrêt du 8 mars 2021 qui a infirmé le jugement rendu le 17 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre dans une espèce concernant Madame [N] [X], ancienne salariée de l'EURL EPS MARSHALL, ayant saisi dans les mêmes conditions et dans le même temps que Monsieur [U]-[J] la juridiction du travail sur le sort de son contrat de travail que la société MIB avait également refusé de reprendre pour les mêmes raisons.
Subidiairement, l'EURL EPS MARSHALL fait valoir qu'elle n'est, en tout état de cause, plus l'employeur de Monsieur [U]-[J] pour lui avoir remis ses documents de fin de contrat et que dès lors aucun rappel de salaire ne saurait lui être réclamé en l'absence de tout contrat de travail. Elle ajoute qu'elle ne peut davantage être tenue au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de Monsieur [U]-[J].
Elle sollicite, enfin, l'allocation de frais irrépétibles.
Monsieur [P] [U]-[J] a pris un jeu de conclusions notifiées à la société MIB et à l'EURL EPS MARSHALL par voie électronique le 11 août 2021.
Par celles-ci, Monsieur [U]-[J] sollicite, à titre principal, l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de constater que son contrat de travail a été transféré à la société MIB à compter du 1er juillet 2017 et de condamner la société MIB à lui verser ses salaires pour la période du 1er juillet 2017 jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de Basse terre à intervenir à savoir pour la période du 1er juillet 2017 au 1er juillet 2018 une somme dont il ne précise pas le montant et la somme de 55 571 € pour la période du 1er juillet 2018 au 1er aout 2021.
Monsieur [U]-[J] demande encore la condamnation de la société MIB à lui verser la somme de 1 501,94 € à compter du 1er septembre 2021 jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de Basse Terre.
Il lui demande aussi de condamner la société MIB à établir les bulletins de salaire correspondant sous astreinte de 50 € par jour de retard et à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
A titre subsidiaire, Monsieur [U]-[J] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'EURL EPS MARSHALL était son employeur et de condamner cette dernière à lui verser des salaires pour la période du 1er juillet 2017 jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de Basse Terre à intervenir, à savoir pour la période du 1er juillet 2017 au 1er juillet 2018 la somme de 18 023,28 € et la somme de 55 571,78 € pour la période du 1er juillet 2018 au 1er août 2021.
Il demande également la condamnation de l'EURL EPS MARSHALL à lui verser la somme de 1 501,94 € par mois à compter du 1er septembre 2021 jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de Basse-Terre, à établir les bulletins de salaires correspondant sous astreinte de 50 € par jour de retard, à lui payer la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral outre la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
En tout état de cause, Monsieur [U]-[J] sollicite la condamnation solidaire des sociétés EPS MARSHALL et MIB à lui payer la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur [U]-[J] rappelle que dans le cadre du transfert du marché au bénéfice de la société MIB, cette dernière aurait refusé de reprendre son contrat de travail.

Il poursuit en indiquant qu'il se serait rapproché de l'EURL EPS MARSHALL à l'effet de l'interroger sur les formalités entreprises par elle en vue de son transfert mais qu'il n'aurait obtenu aucune réponse.
Monsieur [U]-[J] soutient que la société MIB n'a pas établi être libérée de son obligation de procéder au transfert de son contrat de travail et soulève que l'EURL EPS MARSHALL n'a pas respecté les dispositions de l'article 2.3.1. de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel.
Monsieur [U]-[J] expose qu'il disposait dès lors de deux actions :
- L'une à l'encontre de l'entrepreneur entrant qui, par sa négligence, a fait obstacle au transfert de son contrat de travail
- L'autre à l'encontre de l'entreprise sortante qui est toujours son employeur.
En l'état des dernières conclusions notifiées à l'EURL EPS MARSHALL et à Monsieur [U] [J] par voie électronique le 8 décembre 2021, la société MIB demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de dire et juger l'action de Monsieur [P] [U]-[J] mal dirigée en tant qu'elle la vise, de dire que Monsieur [U]-[J] est salarié de la société EPS MARSHALL, de débouter Monsieur [U]-[J] et la société EPS MARSHALL de toutes leurs demandes, fins et prétentions et de les condamner à lui régler la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société MIB fait plaider qu'il résulte du Cahier des Clauses Techniques particulières (CCTP) du marché public en cause que le « périmètre sortant » visé à l'article 1er de l'avenant du 28 janvier 2011 se limite à cinq agents.
Elle expose que sur les sept dossiers transmis par l'entreprise sortante, elle aurait repris cinq agents à temps complet et que partant elle aurait satisfait aux exigences des dispositions applicables.
Elle ajoute qu'elle n'a pas retenu Monsieur [U]-[J] dès lors que la condition d'ancienneté de 4 années n'était pas remplie le concernant.
Pour le surplus des explications des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le sort du contrat de travail.

Il est constant que les modalités de reprise des salariés des entreprises de prévention et de sécurité sont régies en cas de perte de marché par l'avenant du 28 janvier 2011 et l'accord du 5 mars 2002.
Il est encore constant que l'article 1er dudit accord édicte dans son alinéa 1er que « pour la compréhension des dispositions du présent accord, il est expressément convenu que par les termes de « périmètre sortant » il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire. »
Par ailleurs, il s'évince des dispositions de l'article 2.2 que sont transférables, dans les limites précisées à l'article 2.3 ci-après, les salariés visés à l'article 1er qui remplissent les conditions suivantes à la date du transfert effectif :
- Disposer des documents d'identité et d'autorisation de travail en cours de validité, requis par la réglementation en vigueur ;
- Pour les salariés assujettis à cette disposition, être titulaire de l'aptitude professionnelle démontrée par la détention d'un titre ou par la conformité aux conditions d'expérience acquise en application des dispositions réglementaires en vigueur ;
- Pour les salariés assujettis à cette obligation, être titulaire de la carte professionnelle délivrée par la Préfecture ou du récépissé attestant de la demande de carte professionnelle ;
- De justifier des formations règlementairement acquises dans le périmètre sortant et être à jour des éventuels recyclages nécessaires pour l'exercice de la qualification attribuée et/ou la nature du site (notamment par exemple SSIAP, sûreté aéroportuaire, etc) ;
- D'effectuer plus de 50 % de son temps de travail sur le périmètre sortant – ou au service de celui-ci pour le personnel d'encadrement opérationnel – cette condition étant appréciée sur les 9 mois qui précèdent le transfert. Dans cette hypothèse, l'entreprise entrante doit proposer au salarié transféré un volume horaire au moins équivalent à la globalité de son horaire précédent effectué sur le périmètre sortant objet du transfert.
- A la date du transfert, avoir accompli au moins 900 heures de vacations sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents ; cette condition étant appréciée sur les 9 derniers mois qui précèdent le transfert. Dans cette hypothèse, l'entreprise entrante doit proposer au salarié transféré un volume horaire au moins équivalent à la globalité de son horaire précédent effectué sur le périmètre sortant objet du transfert ; Pour tous les représentants du personnel affectés sur le périmètre sortant, les heures consacrées à l'exercice de leur mandat électifs ou désignatifs sont considérées comme des heures de vacation sur le site concerné pour le calcul des 900 heures ou de la durée calculée au prorata ;
- Etre titulaire d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent qui satisfait lui-même aux conditions de transfert ;
- Ne pas être dans une situation de préavis exécuté ou pas ;
- Ne pas avoir été reconnu médicalement inapte à tenir le poste.
Les salariés ne satisfaisant pas à l'intégralité des conditions énoncées ci-dessus sont exclus de la liste des salariés transférables et restent salariés de l'entreprise sortante.(?) »

Les parties sont unanimes pour considérer que Monsieur [U]-[J] remplissait les conditions posées par l'article 2.2 précité et qu'il était, par conséquent, un salarié transférable.

La société MIB n'a toutefois pas retenu Monsieur [U]-[J].

La société MIB a fait valoir en effet que le « périmètre sortant » au terme de l'examen du cahier des clauses techniques particulières du Centre Hospitalier Gérontologique du Raizet serait de trois salariés et qu'en en retenant cinq elle aurait largement rempli ses obligations contractuelles.
La société MIB, à l'appui de son raisonnement, s'est fondée sur la définition des besoins tels que définis d'une façon générale à l'article 1er du cahier des clauses techniques générales qui fait état de trois types de vacations :
- Les vacations de type 1 : 6 h – 13 h
- Les vacations de type 2 : 13 h – 20 h
- Les vacations de type 3 : 20 h – 6 h
vacations pour lesquelles le Centre hospitalier affecte sept agents.
Elle a donc estimé à 1 488 heures le nombre d'heures mensuelles pour assurer le marché et à dix le nombre d'agents nécessaires pour l'assumer.
Elle a considéré que le Centre Hospitalier affectant à la surveillance sept agents, elle n'aurait à affecter sur le site que trois de ses salariés.
Ce faisant, la société MIB n'a pas tenu compte de la nécessité d'assurer les compléments de journée estimés à 2 000 heures par le cahier des clauses techniques générales pour compenser les congés et absences de tout type des agents de l'hôpital non plus que celle d'assurer en plus les absences de l'agent de l'hôpital avec lequel il y a un travail en binôme durant les vacations de type 3.
Elle n'a pas davantage pris en compte les absences et congés de ses propres salariés raisonnant en mois plutôt qu'en année pour définir les besoins et le « périmètre sortant ».
Le calcul de la société MIB est donc erroné à la base et, en l'absence de pièces complémentaires notamment sur le nombre de salariés qui étaient affectés sur le site par la société prestataire, aucun élément tangible ne permet de retenir le chiffre de 5 proposé par l'intimée pour définir le « périmètre sortant » visé à l'article 1er de l'avenant du 28 janvier 2011.

L'argument de la société MIB selon lequel en reprenant cinq des sept salariés figurant sur la liste transmise par la société EPS MARSHALL elle aurait satisfait à ses obligations ne saurait, en conséquence, être reçu.

C'est également de manière non pertinente que la société MIB fait valoir que dans la limite du périmètre sortant ainsi défini à cinq personnes elle n'aurait eu l'obligation que de reprendre les salariés remplissant les conditions posées par l'article 2.2 de l'accord du 28 janvier 2011 et de son avenant du 5 mars 2002.
En effet, l'article 2.3.2 dispose quant à lui que « la liste des salariés que l'entreprise entrante doit obligatoirement reprendre est constituée :
- D'une part de 100 % des salariés figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante qui remplissent les conditions de transfert fixées à l'article 2.2 et justifient en même temps d'une ancienneté contractuelle de 4 ans ou plus. Les conditions d'ancienneté sont appréciées à compter de la date de transfert effectif des personnes transférables ;
- D'autre part de 85 % arrondis à l'unité inférieure, des salariés transférables au sens de l'article 2.2 mais qui ne remplissent pas cette condition de 4 ans d'ancienneté contractuelle. »
Dès lors que Monsieur [U]-[J] remplissait les conditions posées par l'article 2.2 mais qu'il ne remplissait pas la condition des 4 ans d'ancienneté contractuelle, il appartenait à la catégorie des 85 % des salariés transférables.

Rien ne s'opposait donc au transfert du contrat de travail de Monsieur [U]-[J] ainsi que le fait justement observer l'EURL EPS MARSHALL et il est constant que la société MIB n'a donné aucune explication ni à Monsieur [U]-[J] ni à l'EURL EPS MARSHALL au fait qu'elle ne reprenait pas le contrat de travail du salarié.
La charge de la preuve reposant sur la société MIB, force est de constater que celle-ci n'établit pas que Monsieur [U]-[J] ne remplissait pas les conditions posées par les articles 2.2 et 2.3.2 précités.
Partant, la Cour considère que le changement d'employeur s'est donc opéré au jour de l'expiration du marché dont bénéficiait l'EURL EPS MARSHALL et que la société MIB est dès lors devenue le nouvel employeur de Monsieur [U]-[J] à compter du 1er juillet 2017.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que l'EURL EPS MARSHALL était l'employeur de Monsieur [U]-[J].

Monsieur [U]-[J] et la société MIB seront déboutées de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont articulées à l'encontre de l'EURL EPS MARSHALL.

Sur les demandes formées par Monsieur [U]-[J].

Dans le cadre de l'appel incident qu'il a formé au travers de ses conclusions, Monsieur [U]-[J] sollicite de la Cour qu'elle constate que son contrat de travail a été transféré à la société MIB à compter du 1er juillet 2017 et sollicite règlement de ses salaires.
La Cour observe que si le principe des sommes réclamées par Monsieur [U]-[J] est discuté par la société MIB, le quantum des sommes ne l'est pas.
En particulier le salaire de base de Monsieur [U]-[J] de 1 501,94 € n'a-t-il jamais fait l'objet de la moindre discussion tant devant le Conseil de Prud'hommes que devant la Cour; il sera donc retenu.
La Cour fait droit, en conséquence, à la demande de paiement de salaire telle que présentée par Monsieur [U]-[J] à compter du 1er juillet 2017 jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour.
La société MIB sera donc condamnée au paiement de la somme mensuelle de 1 501, 94 € à compter du 1er juillet 2017 jusqu'au prononcé du présent arrêt, soit la somme de 96 044, 80 € (quatre-vingt-seize mille quarante-quatre euros et quatre-vingt centimes).
La société MIB sera également condamnée à établir les bulletins de salaire correspondant sans toutefois qu'il n'apparaisse nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Monsieur [U]-[J] forme également une demande de réparation de son préjudice moral qu'il évalue à la somme de 10 000 €.
La Cour relève que Monsieur [U]-[J] sollicite l'allocation de dommages et intérêts par une déclaration de principe d'ordre général sans caractériser si peu que ce soit l'existence d'un préjudice dont il aurait personnellement souffert.
Sa demande sera donc écartée.

Sur les frais irrépétibles.

Aucune considération d'équité ne saurait commander de condamner la société MIB au paiement de frais irrépétibles au profit de l'EURL EPS MARSHALL.
En revanche, il apparait juste et équitable de condamner la société MIB à payer à Monsieur [U]-[J] la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société MIB qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement rendu le 17 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre entre Monsieur [P] [U]-[J], l'EURL EPS MARSHALL et la société MIB en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau,

Dit que l'EURL EPS MARSHALL n'est plus l'employeur de Monsieur [U]-[J] depuis le 1er juillet 2017.

Dit que Monsieur [U]-[J] est devenu le salarié le de la société MIB à compter du 1er juillet 2017.

Condamne la société MIB à payer à Monsieur [U]-[J] la somme de 96 044, 80 € (quatre-vingt-seize mille quarante-quatre euros et quatre-vingt centimes) au titre des salaires dus pour la période du 1er juillet 2017 au jour du prononcé de l'arrêt.

Déboute Monsieur [U]-[J] de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée en réparation de son préjudice moral.

Déboute Monsieur [U]-[J] et la société MIB de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions en ce qu'elles sont articulées à l'encontre de l'EURL EPS MARSHALL.

Déboute la société EPS MARSHALL de la demande formée au titre des frais irrépétibles.

Condamne la société MIB à payer à Monsieur [U]-[J] la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société MIB aux dépens.

La greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/003171
Date de la décision : 19/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 17 juillet 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-12-19;21.003171 ?
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