VS/RLG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 196 DU DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
AFFAIRE No : RG 20/00102 - No Portalis DBV7-V-B7E-DGJF
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 11 décembre 2019 - Section Activités Diverses -
APPELANTE
SASU ETHOS SECURITE Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉS
Monsieur [N] [U]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Maître Myriam MASSENGO LACAVE (Toque 58), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (AJ TOTALE)
Maître [Z] [L] de la SELARL AJAassociés, ès qualité de mandataire ad hoc de la « SOCIETE DAUPIN SECURITE PRIVEE »
[Adresse 8]
[Localité 4]
Non représenté
ASSOCIATION AGS CGEA DE FORT DE FRANCE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Maître Frédéric FANFANT de la SELARL EXCELEGIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (Toque 67)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 octobre 2022 date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé successivement au 19 décembre 2022.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] [U] a été embauché par la SARL Daupin Sécurité Privée (DSP) suivant contrat à durée indéterminée du 11 février 2008 en qualité d'agent de prévention et de sécurité.
En dernier lieu, M. [U] travaillait sur le site du magasin Ecomax à [Localité 7] :
- à temps plein de 151,67h/mois
- au taux horaire de 10,85 euros brut/h équivalent à 1.645,62 euros bruts mensuels + primes (ancienneté,
13e mois, habillage, transport),
- Statut employé classé niveau IV échelon 1, coefficient 210.
- l'entreprise appliquant l'accord de branche 2008 sécurité Guadeloupe et la convention collective
Prévention et sécurité (IDCC1351).
M. [N] [U] a été élu délégué du personnel pour une durée de 4 ans le 17 novembre 2015.
Le 9 février 2018, il a été informé par son employeur que le magasin Ecomax avait confié le marché de sécurité à la société WSP (Wock Sécurité Privée) dirigée par M. [O] [B], opérant transfert des contrats de travail de l'ensemble personnel à compter du 12 février 2018.
M. [U] s'est vu présenter la signature non pas un avenant de transfert, mais d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée (à temps plein) au nom cette fois de la société Ethos Sécurité, également dirigée par M. [O] [B], selon les conditions suivantes :
- Perte de l'ancienneté acquise
- Diminution du taux horaire de 10,85 euros à 10,20 euros bruts/heure
- Période d'essai de 2 mois
M. [U] a refusé de signer en raison de la diminution du salaire proposée. Malgré ce refus, l'employeur lui a appliqué ces conditions.
Par courrier recommandé daté du 23 mars 2018, la société Ethos Sécurité lui a adressé une seconde proposition d'avenant à son contrat de travail à effet au 01 mai 2018, portant les modifications suivantes :
- diminution de son temps travail : passage d'un temps plein à un temps partiel de 106 h
- diminution de salaire de 600 euros environ : passage à 1081,12 euros brut/mois
M. [U] a à nouveau refusé cette modification réclamant le maintien de sa rémunération antérieure, demande rejetée par un courrier daté du 2 mai 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 4 mai 2018, la société Ethos Sécurité a convoqué M. [U] à entretien préalable pour rupture conventionnelle prévue pour le 17 mai suivant.
Au cours de cet entretien durant lequel il était accompagné d'un délégué syndical, M. [U] a rappelé qu'il ne pouvait pas être ainsi procédé à la rupture de son contrat en cette forme en raison de son statut de salarié protégé titulaire d'un mandat.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 2018, la société Ethos Sécurité a répondu que M. [U] n'aurait jamais fait l'objet d'un transfert de son contrat de travail en rejetant la faute sur Daupin au motif que cette dernière ne lui aurait pas transmis les éléments nécessaires au transfert.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 juin 2018, la société Ethos Sécurité a informé M. [U] de l'application d'une modification unilatérale de son contrat de travail à compter du 2 août 2018, pour motifs économiques dans le cadre d'une réorganisation de l'activité :
- diminution de son temps travail : passage à un temps partiel de 108 h
- diminution de salaire réduit à 1.101,60 euros brut/mois
lui imposant un délai de réponse de 1 mois et qu'en cas de refus, la société engagerait à son encontre une procédure de licenciement pour motif économique.
M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 2 octobre 2018 aux fins d'obtenir la constatation du transfert de son contrat de travail à la société Ethos Sécurité et la condamnation de celle-ci au versement de diverses sommes liées à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement rendu contradictoirement le 11 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré recevable la requête de M. [N] [U],
- pris acte que la partie demanderesse a déclaré à l'audience, se désister de la demande de mise en cause formulée à l'encontre de la SASU Wock Sécurité Privée,
- constaté que la SASU Ethos Sécurité est titulaire du marché Ecomax [Localité 7] depuis le 12 février 2018,
- jugé que la SASU Daupin Sécurité Privée n'est plus l'employeur de M. [N] [U] depuis le 12 février 2018,
- jugé que le contrat de travail de M. [N] [U] a fait l'objet d'un transfert conventionnel vers la SASU Ethos Sécurité à compter du 12/02/2018,
En conséquence,
- condamné la SASU Ethos Sécurité, en la personne de son représentant légal, à procéder à la reprise des éléments du contrat de travail de M. [N] [U], à savoir :
* L'ancienneté acquise au sein de Daupin Sécurité Privée,
* Sa classification niveau V, échelon I, coefficient 210, catégorie employé,
* Son salaire de base avec un taux horaire de 10,85 euros bruts par heure pour un temps plein de 151,67 heures par mois et la prime de 13ème mois,
* Son statut protecteur issu de son mandat de délégué du personnel,
ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,
- condamné la SASU Ethos Sécurité, en la personne de son représentant légal, à verser à M. [N] [U] les sommes suivantes :
* 7408,22 euros à titre de rappel de salaires,
* 740,08 euros au titre de congés payés afférents,
* 1000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les diverses condamnations emportent intérêts légaux à compter du 02/10/2018,
- débouté la SASU Ethos Sécurité de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- débouté la SASU Wock Sécurité Privée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis hors de cause la SASU Wock Sécurité Privée,
- mis hors de cause la SASU Daupin Sécurité Privée,
- mis hors de cause la délégation Unedic Ags CGEA,
- condamné la SASU Ethos Sécurité aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 23 janvier 2020, la SASU Ethos Sécurité a formé appel dudit jugement, qui lui était notifié le 6 janvier 2020.
Par ordonnance du 16 septembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience.
Par arrêt du 6 décembre 2021, la cour a :
- Rabattu l'ordonnance,
- Ordonné la réouverture des débats,
- Dit que la SASU Ethos Sécurité devra communiquer à la cour et aux autres parties, avant le 28 février 2022, tous documents afférents à l'état d'avancement de la procédure collective de la SARL Daupin Sécurité Privée,
- Invité la partie la plus diligente à faire procéder, le cas échéant, à la désignation d'un mandataire ad hoc,
- Invité les parties à parfaire l'échange de leurs conclusions et à en justifier auprès de la cour,
- Réservé toutes autres demandes ainsi que les dépens.
M. [N] [U] a versé aux débats :
- un jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre prononçant la clôture de la procédure collective de la société Daupin Sécurité Privée le 03 janvier 2021 pour insuffisance d'actif ;
- une ordonnance rendue le 4 mars 2022 par la présidente du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre désignant la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [Z] [L], en qualité de mandataire ad hoc de la société Daupin Sécurité Privée chargé de la représenter dans l'instance pendante devant la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre et l'opposant à M. [N] [U].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2020, la SASU Ethos Sécurité demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité et le mérite de l'appel,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- juger qu'aucun transfert du contrat de travail de M. [U] n'a pu avoir lieu au sein de la SASU Ethos Sécurité,
- juger que c'est à bon droit qu'u nouveau contrat de travail lui a été proposé, ce dernier ayant d'ailleurs été accepté par M. [U],
En conséquence,
- le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [U] au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SASU Ethos Sécurité expose, en substance, que :
- l'entreprise sortante n'a pas respecté ses obligations permettant la reprise du marché, alors qu'elle avait accompli les diligences pour se faire connaître de celle-ci,
- aucune autorisation de transfert des salariés titulaires d'un mandat de représentant du personnel n'a été demandée par la société sortante,
- dès lors, le contrat de travail de M. [U] n'a pas pu être transféré,
- le salarié ne pourra qu'être débouté de ses demandes.
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2020 l'AGS CGEA de Fort-de-France demande à la cour de :
- la recevoir en ses conclusions et la déclarer bien fondée,
- constater que la société Ethos Sécurité est titulaire du marché Ecomax [Localité 7] depuis le 12 février 2018,
- constater que la société Ethos Sécurité est in bonis,
En conséquence,
- juger que la société Daupin Sécurité Privée n'est plus l'employeur de M. [U] depuis le 12 février 2018,
- mettre hors de cause la délégation Unedic AGS,
En tout état de cause,
- juger que sont notamment exclues de la garantie :
* les charges sociales patronales et les charges sociales salariales qui ne seraient pas d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi,
* les frais divers de gestion et d'équipement des entreprises avancés par les salariés (achat de petit matériel, de fournitures diverses, etc.),
* les créances des dirigeants et des mandataires sociaux,
* les créances résultant de l'exécution des décisions de justice, et non du contrat de travail (frais de justice, article 700 du code de procédure civile, astreinte, dommages et intérêts pour résistance abusive, etc.),
* les créances résultant d'une action dirigée contre l'employeur, et non de l'exécution du contrat de travail (cotisations " mutuelle ", diverses prestations sociales non reversées par l'employeur),
* en l'absence de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires nés après la date du jugement prononçant le redressement judiciaire (article L. 3253-8 1er alinéa du code du travail),
* les indemnités de rupture des salariés licenciés hors des différentes périodes légales de garantie (article L. 3253-8 2ème du code du travail),
* en cas de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires de poursuite d'exploitation dépassant la limite de garantie fixée en durée et en montant à 1, 5 mois de salaires habituels nets, et à 3 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale (article L. 3553-8 5ème du code du travail),
* les créances dépassant, par salarié, toutes créances confondues, le montant général des avances fixé articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
- juger que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail, le plafond de garantie applicable en l'espèce étant le plafond 6,
- juger qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux article L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants et L. 3253-17 du code du travail,
- juger que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance et l'article 700 du code de procédure civile sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de Fort-de-France.
L'AGS CGEA de Fort-de-France expose que :
- la société Ethos est devenue l'employeur de M. [U] suite à la perte du marché,
- elle avait pour obligation la reprise de l'ensemble du personnel,
- la société Ethos Sécurité ne saurait prétendre ne pas avoir eu connaissance des informations relatives à M. [U] pour lequel elle a procédé aux formalités Urssaf et au paiement du salaire,
- l'AGS CGEA devra être mise hors de cause.
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2020, M. [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- constater que son contrat de travail a fait l'objet d'un transfert conventionnel vers Ethos Sécurité à compter du 12/02/18,
Et par conséquent,
- condamner la société Ethos Sécurité à la reprise des éléments de son contrat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard :
* reprise d'ancienneté au 01/08/1997 acquise au sein de Daupin Sécurité Privée,
* reprise de la classification niveau V, échelon 1, coefficient 210, catégorie employé,
* reprise de son salaire de base :
. Taux horaire de 10,85 euros bruts/heure pour un temps plein de 151,67h/mois
. Prime de 13ème mois
* reprise de son statut protecteur issu de son mandat de délégué du personnel,
- condamner la société Ethos Sécurité à lui payer un rappel de salaire de 7408,22 euros bruts, ainsi que 740,08 euros bruts de congés payés afférents,
- infirmer le jugement et condamner la société Ethos Sécurité à lui payer 10000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
A titre reconventionnel :
- condamner la société Ethos Sécurité à payer 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner à payer les sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,
- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
M. [U] fait valoir que :
- les dispositions conventionnelles prévoient le transfert de son contrat de travail en cas de changement d'attributaire du marché,
- il n'existait aucune impossibilité à la reprise de son contrat de travail par la société Ethos, celle-ci ayant d'ailleurs été effective,
- aucune autorisation de l'inspecteur du travail n'était nécessaire à son transfert,
- la société Ethos ne pouvait pas imposer de modification de son contrat de travail,
- il est fondé à solliciter la reprise des éléments du contrat de travail précédent,
- sa demande de dommages et intérêts est justifiée.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
I / Sur le transfert du contrat de travail
Il est constant que les modalités de reprise des salariés des entreprises de prévention et de sécurité sont régies en cas de perte de marché par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002.
L'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité dispose que :
« Sont transférables, dans les limites précisées à l'article 2.3 ci-après, les salariés visés à l'article 1er qui remplissent les conditions suivantes à la date du transfert effectif :
- Disposer des documents d'identité et d'autorisation de travail en cours de validité, requis par la réglementation en vigueur ;
- Pour les salariés assujettis à cette disposition, être titulaire de l'aptitude professionnelle démontrée par la détention d'un titre ou par la conformité aux conditions d'expérience acquise en application des dispositions réglementaires en vigueur ;
- Pour les salariés assujettis à cette obligation, être titulaire de la carte professionnelle délivrée par la Préfecture ou du récépissé attestant de la demande de carte professionnelle ;
- De justifier des formations réglementairement acquises dans le périmètre sortant et être à jour des éventuels recyclages nécessaires pour l'exercice de la qualification attribuée et/ou la nature du site (notamment par exemple SSIAP, sûreté aéroportuaire, etc) ;
- D'effectuer plus de 50 % de son temps de travail sur le périmètre sortant – ou au service de celui-ci pour le personnel d'encadrement opérationnel – cette condition étant appréciée sur les 9 mois qui précède le transfert. Dans cette hypothèse, l'entreprise entrante doit proposer au salarié transféré un volume horaire au moins équivalent à la globalité de son horaire précédent effectué sur le périmètre sortant objet du transfert.
- A la date du transfert, avoir accompli au moins 900 heures de vacations sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents ; cette condition étant appréciée sur les 9 derniers mois qui précèdent le transfert. Dans cette hypothèse, l'entreprise entrante doit proposer au salarié transféré un volume horaire au moins équivalent à la globalité de son horaire précédent effectué sur le périmètre sortant objet du transfert ; Pour tous les représentants du personnel affectés sur le périmètre sortant, les heures consacrées à l'exercice de leur mandat électifs ou désignatifs sont considérées comme des heures de vacation sur le site concerné pour le calcul des 900 heures ou de la durée calculée au prorata ;
- Etre titulaire d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent qui satisfait lui-même aux conditions de transfert ;
- Ne pas être dans une situation de préavis exécuté ou pas ;
- Ne pas avoir été reconnu médicalement inapte à tenir le poste.
Les salariés ne satisfaisant pas à l'intégralité des conditions énoncées ci-dessus sont exclus de la liste des salariés transférables et restent salariés de l'entreprise sortante.(?) ».
L'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité prévoit que :
"Dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante adresse par courrier recommandé à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à l'article 2.2 ci-dessus.
En parallèle, l'entreprise sortante adresse aux salariés concernés un courrier les informant qu'ils sont susceptibles d'être transférés. Ce courrier doit obligatoirement mentionner la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert. Elle informe également par courrier le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, de ce transfert ainsi que des dates précédemment mentionnées, en y joignant copie du courrier de l'entreprise entrante et en lui communiquant les éléments permettant de circonscrire le périmètre sortant en termes d'effectifs. Passé le délai de 10 jours et après mise en demeure par l'entreprise entrante par lettre recommandée avec avis de réception, restée sans suite dans les 48 heures ouvrables, celle-ci pourra refuser de reprendre le personnel qui restera alors au sein de l'entreprise sortante.
Cette liste, établie conformément au modèle en annexe sera transmise concomitamment sous format papier et électronique accompagnée pour chacun des salariés concernés :
- d'une copie de la pièce d'identité du salarié ;
- de son numéro de carte professionnelle ou, à défaut, du numéro de récépissé de demande de carte professionnelle ;
- d'une copie du contrat de travail et de ses avenants ;
- d'une copie des 9 derniers bulletins de paie ;
- d'une copie des plannings individuels des 9 derniers mois ou de tous autres éléments démontrant l'affectation au périmètre sortant sur cette période ;
- copie des diplômes et certificats nécessaires à l'exercice de l'emploi dans le périmètre sortant
- copie du dernier avis d'aptitude de la médecine du travail.
A cette occasion, l'entreprise sortante communique également à l'entreprise entrante la liste des salariés absents en précisant pour chacun d'eux la nature de l'absence et, le cas échéant -- notamment celui des absences pour congés - la date prévue de retour.
L'entreprise entrante accuse réception de cette liste et des pièces jointes dans les 5 jours ouvrables suivant la réception en mentionnant avec précision les pièces éventuellement manquantes. L'entreprise sortante transmet par tous moyens, y compris électroniques, les pièces manquantes dans les 48 heures ouvrables. A défaut de transmission dans les délais de l'intégralité des éléments énumérés ci-dessus pour un salarié donné, l'entreprise entrante pourra refuser le transfert de ce salarié, que l'entreprise sortante devra reclasser en fui conservant les mêmes classification et rémunération.
A compter de la notification par l'entreprise entrante prévue à l'article 2.1, l'entreprise sortante s'interdit, pour les salariés transférables, de procéder à une quelconque modification contractuelle et notamment concernant des éléments de statut et de rémunération, à l'exception de celles qui résulteraient d'une obligation légale ou d'un accord collectif d'entreprise ou de branche."
L'article 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité précise les obligations à la charge de l'entreprise entrante, hors transferts de marché dans l'activité de sûreté aérienne et aéroportuaire régie par l'annexe VIII de la présente convention collective nationale. "La liste des salariés que l'entreprise entrante doit obligatoirement reprendre est constituée :
- D'une part, de 100 % des salariés figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante qui remplissent les conditions de transfert fixées à l'article 2.2 et justifient en même temps d'une ancienneté contractuelle de 4 ans ou plus. Les conditions d'ancienneté sont appréciées à compter de la date du transfert effectif des personnels transférables ;
- D'autre part, de 85 %, arrondis à l'unité inférieure, des salariés transférables au sens de l'article 2.2 mais qui ne remplissent pas cette condition de 4 ans d'ancienneté contractuelle.
Pour le seul calcul de l'effectif transférable, il est précisé que lorsqu'un salarié en CDI en absence est temporairement remplacé par un salarié en CDD il n'est pris en compte qu'une seule unité de salarié.
Ces pourcentages et plus généralement les obligations de reprise du personnel dans les conditions du présent accord s'appliquent au périmètre sortant tel que défini à l'article 1er ci-dessus, c'est-à-dire sans qu'il y ait lieu de prendre en compte une éventuelle modification du volume ou des qualifications professionnelles requises au sein du périmètre entrant.
Dans un délai de 8 jours ouvrables maximum à compter de la réception des dossiers complets des personnes figurant sur la liste des personnels transférables, l'entreprise entrante communique à l'entreprise sortante, par lettre recommandée avec avis de réception, la liste du personnel qu'elle se propose de reprendre."
En vertu de l'article 4 "Les salariés titulaires d'un mandat de représentation du personnel devront bénéficier des dispositions légales applicables en matière de protection et de transfert de contrat de travail.
L'entreprise sortante joindra la copie de l'autorisation de transfert des salariés concernés. Dans l'attente de la décision, les salariés concernés restent salariés de l'entreprise sortante.
Le sort des mandats des salariés protégés est régi conformément aux dispositions légales en vigueur."
La SASU Ethos Sécurité expose qu'elle a eu connaissance de l'obtention du marché de la sécurité des magasins Ecomax par courriel du 9 février 2018 ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2018, elle a écrit à la Société Daupin lui demandant communication des éléments concernant la reprise du personnel ; qu'en l'absence de réponse, elle a de nouveau sollicité la Société Daupin Sécurité qui, par courriel du 16 février 2018, lui a communiqué le bulletin de paie du mois de janvier 2018 pour 6 salariés dont M. [N] [U] ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2018, elle a écrit à la Société Daupin Sécurité PRIVEE lui rappelant ses demandes de communication des pièces afin d'apprécier ses obligations vis-à-vis des salariés et indiquant être dans l'impossibilité d'organiser la reprise de Messieurs [G], [U] et [C] ; que la Société Daupin Sécurité ne lui ayant pas transmis dans les délais les pièces visées à l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité, le contrat de M. [N] [U] ne lui a pas été transféré.
Il est cependant de jurisprudence constante qu'un manquement de l'entreprise sortante à son obligation de communiquer à l'entreprise entrante les documents prévus par l'accord ne peut empêcher un changement d'employeur qu'à la condition qu'il mette l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché. Il appartient dans ce cas au juge d'apprécier si l'éventuelle insuffisance des éléments fournis rendait impossible la reprise effective du marché.
En l'espèce, la reprise a été effective puisque M. [U] (comme ses collègues) a poursuivi sa relation de travail avec la société Ethos Sécurité sans avoir signé de contrat de travail ni d'avenant.
Au vu des articles 2.2 et 2.2.3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité et des pièces versées aux débats, M. [N] [U] remplissait les conditions requises pour être transféré.
Le 26/07/2018, la DIECCTE a confirmé le transfert du contrat de travail de M. [U] [N] vers la société Ethos Sécurité (pièce n 21).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le contrat de travail de M. [N] [U] a fait l'objet d'un transfert conventionnel vers la société Ethos Sécurité à compter du 12/02/2018.
II / Sur la reprise des éléments du contrat de travail
L'article 3.1.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité édicte que "Dans l'avenant au contrat de travail prévu à l'article 3.1.1 ci-dessus, l'entreprise entrante doit obligatoirement mentionner la reprise des éléments suivants :
- l'ancienneté acquise avec le rappel de la date d'ancienneté contractuelle ;
- les niveau, échelon, coefficient et emploi constituant la classification ;
- le salaire de base et des primes constantes soumises à cotisation, payées chaque mois et figurant sur les 9 derniers bulletins de paie ainsi que les éventuels éléments bruts de rémunération contractuels à l'exclusion de ceux ayant le même objet déjà pris en charge sous une autre forme par l'entreprise entrante ;
- le salarié transféré aura droit à un congé sans solde équivalant aux droits acquis à la date du transfert et pris conformément aux dispositions légales régissant les conditions de départ en congé payé. Dans le cas où des dates de congés auraient déjà été convenues avec l'entreprise sortante, l'entreprise entrante devra accorder le congé sans solde dans le respect de ces dates. Il ne pourra être demandé au salarié concerné de « récupérer » les heures de congés sans solde (c'est-à-dire d'accomplir ultérieurement un nombre équivalent d'heures de travail effectif en compensation), ces heures devant être intégrées dans le temps de travail contractuel dû par ce salarié au sein de l'entreprise entrante et ce, quels que soient le mode et la périodicité du décompte du temps de travail en vigueur dans cette entreprise.
Le personnel bénéficie des accords collectifs et des régimes de retraite et de prévoyance de l'entreprise entrante, qui se substituent à ceux de l'entreprise sortante dès le premier jour de la reprise du marché. Les autres éléments de salaire non soumis à cotisations sociales ne sont pas repris, sauf ceux prévus par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Les usages et accords collectifs de l'entreprise entrante bénéficieront aux salariés transférés. Les usages collectifs ou autres avantages individuels en vigueur au sein de l'entreprise sortante ne sont pas transférés.
Il convient, en outre, de rappeler ici que la rémunération est un élément essentiel du contrat qui ne peut pas être modifié, ni dans son montant ni dans sa structure, sans l'accord du salarié ; que la réduction de la durée du travail opérée sans compensation salariale constitue une modification du contrat de travail que le salarié n'est pas tenu d'accepter ; qu'aucune modification même accessoire du contrat de travail ne peut être imposée à un représentant du personnel.
Enfin, selon son article 5, les dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité, "constituant un socle conventionnel a minima, aucun accord de groupe, d'entreprise ni d'établissement ne pourra y déroger, si ce n'est dans un sens plus favorable apprécié au niveau de chaque dérogation à l'une de ces dispositions.".
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU Ethos Sécurité, en la personne de son représentant légal, à procéder à la reprise des éléments du contrat de travail de M. [N] [U], à savoir :
* L'ancienneté acquise au sein de Daupin Sécurité Privée,
* Sa classification niveau V, échelon I, coefficient 210, catégorie employé,
* Son salaire de base avec un taux horaire de 10,85 euros bruts par heure pour un temps plein de 151,67 heures par mois et la prime de 13ème mois,
ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,
Il n'y a pas lieu, par contre, à reprise du statut protecteur issu du mandat de délégué du personnel du 17 novembre 2015, s'agissant d'un mandat de 4ans.
II / Sur la condamnation au paiement de rappels de salaire
La société Ethos a appliqué à M. [U], malgré son refus, une diminution de son temps de travail et de rémunération suite au transfert.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SASU Ethos Sécurité, en la personne de son représentant légal, à verser à M. [N] [U] les sommes de 7408,22 euros à titre de rappel de salaires et de 740,08 euros au titre de congés payés afférents, avec intérêts.
III / Sur la demande de dommages-intérêts
La résistance de la société Ethos Sécurité, en dépit d'une lettre de de l'inspection du travail en date du 26 juillet 2018, a causé à M. [N] [U] pertes de temps et tracasseries inutiles.
Il convient de condamner la société Ethos Sécurité à payer à M. [N] [U] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
IV / Sur la mise hors de cause de l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de Fort de France
La société Ethos Sécurité étant in bonis, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a mis l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de Fort de France hors de cause.
V/ Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Ethos Sécurité à payer à M. [N] [U] la somme de 1000,00 euros pour ses frais irrépétibles en 1ère instance.
Il convient d'y ajouter la somme de 1000 euros pour ses frais irrépétibles en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 11 décembre 2019, sauf en ce qui concerne la reprise du statut protecteur, et le rejet de la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
Infirmant et statuant à nouveau sur ces points,
Rejette la demande de reprise du statut protecteur issu du mandat de délégué du personnel du 17 novembre 2015 ;
Condamne la société Ethos Sécurité à payer à M. [N] [U] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Y ajoutant,
Condamne la société Ethos Sécurité à payer à M. [N] [U] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ethos Sécurité aux dépens.
Le greffier, La présidente,