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05/12/2022 | FRANCE | N°19/006671

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 05 décembre 2022, 19/006671


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 168 DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 19/00667 - No Portalis DBV7-V-B7D-DDBJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 9 mai 2019 - Section Industrie -

APPELANTE

Maître [W] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL GRANDS RESEAUX CARAIBES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Nicole Colette COTELLON (Toque 35), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS

Monsi

eur [P] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Dominique TAVERNIER (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUP...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 168 DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 19/00667 - No Portalis DBV7-V-B7D-DDBJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 9 mai 2019 - Section Industrie -

APPELANTE

Maître [W] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL GRANDS RESEAUX CARAIBES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Nicole Colette COTELLON (Toque 35), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS

Monsieur [P] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Dominique TAVERNIER (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

AGS-CGEA DE FORT DE FRANCE
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 décembre 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [K] [P] a été embauché par la SARL Grands Réseaux Caraibes (GRC) par contrat à durée indéterminée à compter du 6 mai 1996 en qualité de maître ouvrier.

M. [K] saisissait le 22 décembre 2017 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir le paiement des sommes suivantes :
* 7532,96 euros à titre de remboursement de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017,
* 6736,28 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016,
* 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par son employeur du droit du travail,
* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la remise de son certificat de congés payés pour décembre 2014 et l'année 2015 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, - le remboursement des éventuels dépens.
Par jugement rendu contradictoirement le 9 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- dit que l'action de M. [K] [P] était parfaitement fondée en droit et l'a reçu dans sa demande,
- condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal à régler à M. [K] [P] les sommes suivantes :
* 7532,96 euros à titre de remboursement de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017,
* 7183,20 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016,
* 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par son employeur du droit du travail,
* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal de remettre à M. [K] [P] les certificats de congés payés de décembre 2014 et de l'année 2015 sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant sur trois mois au huitième jour après notification du jugement,
- dit que le conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- débouté la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal du surplus de ses demandes,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 23 mai 2019, la SARL Grands Réseaux Caraibes formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 10 mai 2019, en ces termes : "L'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 9 mai 2019 en ce qu'il a :
- condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal à régler à M. [K] [P] les sommes suivantes :
* 7532,96 euros à titre de remboursement de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017,
* 7183,20 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016,
* 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par son employeur du droit du travail,
* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal de remettre à M. [K] [P] les certificats de congés payés de décembre 2014 et de l'année 2015 sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant sur trois mois au huitième jour après notification du jugement,
- dit que le conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- débouté la SARL Grands Réseaux Caraibes en la personne de son représentant légal du surplus de ses demandes,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SARL Grands Réseaux Caraibes aux entiers dépens".

Par ordonnance du 25 mai 2020, le magistrat chargé de la mise en état a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité,
- rejeté la demande tendant à la radiation de l'affaire,
- renvoyé l'affaire à l'audience virtuelle de mise en état du 22 octobre 2020 à 9 heures pour conclusions éventuelles au fond et, à défaut, clôture et fixation,
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance principale.

Par jugement du 3 septembre 2021, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GRC et désigné Me [T] [W] ès-qualités de liquidateur.

Par acte d'huissier du 23 février 2022, l'AGS-CGEA a été assignée en intervention forcée par M. [K] [P] devant la cour d'appel de Basse-Terre. Elle n'a toutefois pas constitué avocat dans le cadre de la présente affaire.

Par ordonnance du 23 juin 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 19 septembre 2022 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021 à M. [K], Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, demande à la cour de :
- déclarer la société recevable en son appel,
- prononcer la recevabilité de l'intervention volontaire de Me [T] [W], agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes,
- constater la méconnaissance par l'intimé du mécanisme de l'abattement spécifique relatif aux frais professionnels des salariés du bâtiment instauré de longue date dans l'entreprise,
- constater la transmission dématérialisée du certificat destiné à la caisse des congés payés et l'absence de preuve formelle d'un quelconque préjudice subi par le salarié dans le traitement de ses congés payés,
- constater que tous les bulletins de paye versés aux débats par M. [K] au titre des années 2014 et 2015 font état des heures supplémentaires qui ont été acquittées par l'employeur,
- constater le défaut d'établissement des préjudices allégués par l'intimé,
En conséquence,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le même, outre les entiers dépens, au versement d'une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes soutient que :
- l'abattement litigieux est mis en place depuis longtemps au sein de la société et constituait une simple faculté offerte à l'employeur, à défaut de refus exprès du salarié,
- cet abattement de 10% constitue un avantage pour le salarié dans la mesure où sa rémunération nette est supérieure lorsqu'il est appliqué,
- le salarié ne peut se prévaloir d'aucun préjudice résultant de l'application de cet abattement,
- le salarié ne justifie pas du défaut de transmission des certificats de congés payés qu'il allègue, alors qu'il a versé aux débats des relevés informatiques de ceux-ci et que l'employeur a régularisé en cours de procédure les déclarations et indemnités,
- le salarié ne justifie pas des heures supplémentaires dont il demande le règlement, dès lors que les décomptes qu'il produit sont imprécis et qu'il ne prend pas en compte les heures supplémentaires rémunérées dont la mention apparaît sur ses fiches de paie,
- les différents préjudices allégués par le salarié ne sont pas établis.

Par conclusions, notifiées par voie électronique le 23 février 2022, à Me [T] [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, M. [K] demande le rabat de l'ordonnance de clôture, en vue de faire respecter le principe du contradictoire.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 février 2021, à Me [T] [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, M. [K] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
- si, par extraordinaire, la juridiction de céans devait estimer qu'il est inapproprié de condamner l'employeur à rembourser les sommes retenues au titre de l'abattement forfaitaire prélevé de décembre 2014 à avril 2017, condamner la société Grands Réseaux Caraibes à lui verser la somme de 7352,96 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'application injustifiée de l'abattement forfaitaire pour frais professionnels,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 7183,20 euros au titre des heures supplémentaires sur les années 2015 et 2016, 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l'employeur du droit du travail et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner la société Grands Réseaux Caraibes à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au remboursement des dépens éventuels.

Il expose que :
- l'employeur a pratiqué un abattement forfaitaire depuis l'année 2006 sans respecter la procédure y afférente, en particulier demander l'accord du salarié,
- il ne s'est pas conformé aux modalités de calculs, dès lors qu'il n'a pas réintégré les frais mensuels dans les bases de cotisations sociales,
- l'employeur ne peut se fonder sur les dispositions d'un texte qui ont été annulées par le Conseil d'Etat par décision rendue le 29 décembre 2004,
- l'abattement pratiqué a eu pour effet de réduire le salaire brut du salarié de manière injustifiée,
- sa demande de communication des certificats de congés payés est justifiée,
- il est fondé à solliciter le versement de la somme de 6736,28 euros correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées dès lors qu'il travaillait 39 heures par semaine, aucun octroi de repos compensateur ne pouvant lui être opposé,
- il justifie du préjudice subi du fait du non respect de la législation du travail et des retards de paiement en matière de salaire, de congés payés et de la remise des tickets restaurant.

MOTIFS :

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, il appert que le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance datée du 23 juin 2022.
Il convient de débouter M. [K] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, dès lors qu'aucune clôture de l'instruction n'avait été prononcée à la date de ladite demande.

Sur l'abattement forfaitaire spécifique :

En ce qui concerne le bien-fondé de l'abattement forfaitaire :

L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005, applicable au contrat de travail en cours dans l'espèce, dispose que les professions, prévues à l'article 5 de l'annexe IV du Code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculée selon les taux prévus à l'article 5 de l'annexe IV du code précité.
L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord.
À défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure mise en oeuvre par l'employeur consistant à informer chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d'un coupon-réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié. Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord définitif.
L'assiette des cotisations est alors constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres acquises aux intéressés, y compris, le cas échéant, les indemnités versées au travailleur salarié ou assimilé à titre de remboursement des frais professionnels, à l'exception de celles versées, d'une part, à certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par le travailleur salarié ou assimilé et, d'autre part, de celles versées au titre d'avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes. La liste limitative de ces exceptions est jointe en annexe du présent arrêté.
L'application de ces dispositions s'entend sans préjudice des dispositions du sixième alinéa de l'article R. 242-1 du Code de la sécurité sociale.

En l'espèce il y a lieu de constater que Me [T] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, ne justifie pas que les conditions précitées relatives à la mise en place de la déduction forfaitaire aient été respectées, dès lors qu'il n'est pas établi que le salarié ou les représentants des salariés aient été consultés.

Il convient de souligner que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 a été annulé par arrêt du Conseil d'État du 29 décembre 2004 (CE, 29 déc. 2004, no 254529, Fédération nationale de l'aviation marchande) et rétabli par l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005.

Dès lors, les dispositions antérieures, issues de l'arrêté du 20 décembre 2002, ne sauraient valablement être alléguées par Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, l'annulation par le Conseil d'Etat statuant au contentieux de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 autorisant les employeurs à pratiquer sur l'assiette des cotisations de sécurité sociale une déduction forfaitaire spécifique ayant privé de fondement juridique cette pratique jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 25 juillet 2005

Il résulte de l'analyse menée ci-dessus que l'abattement imposé au salarié est injustifié.

En ce qui concerne la demande de rappel de salaires :

En cas d'application de l'abattement pour frais professionnels, l'assiette des cotisations sociales se trouve réduite de 10 %. Ainsi que le précise Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire, le salaire net versé au salarié s'en trouve augmenté, étant précisé qu'il paie moins de cotisations sociales.

Dans ces conditions, M. [X] n'est pas fondé à solliciter un rappel de salaire brut, en l'absence de toute diminution de la rémunération qui lui a été versée.

Le jugement est infirmé sur ce point.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts :

Ainsi que le souligne le salarié, la pratique irrégulière de la déduction forfaitaire a entraîné une diminution de ses droits sociaux établis sur l'assiette de calcul des cotisations.

Cette déduction forfaitaire irrégulièrement pratiquée a eu un effet sur le calcul des cotisations sociales qui ont été réduites par l'effet de l'abattement de 10 %, lequel est appliqué sur le salaire brut servant d'assiette de calcul aux cotisations sociales de sa salariée. Dès lors, et ainsi que le souligne le salarié, se sont trouvés réduits ses droits relatifs :
- à ses indemnités journalières et au complément de la prévoyance en cas d'arrêt de travail,
- aux allocations chômage,
- aux allocations retraite.

Par suite se trouve caractérisé un préjudice subi par le salarié, la circonstance invoquée par Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, que le salarié ait perçu une rémunération nette supérieure à celle dont il aurait bénéficié en l'absence d'application de cette clause n'étant pas de nature à remettre en cause ledit préjudice.

Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [K] en lui allouant une indemnité de 2000 euros pour l'abattement forfaitaire injustifié.

Sur les heures supplémentaires :

Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié présente un décompte d'heures supplémentaires afférentes aux années 2015 et 2016, faisant état de ce que son horaire hebdomadaire est de 39 heures, soit du lundi au jeudi de 6h30 à 14h30 et le vendredi de 6h30 à 13h. Il verse également différents documents des organisation syndicales relatives aux demandes de mise en place des 35 heures. Le tableau récapitulatif, qui reprend les 4 heures supplémentaires hebdomadaires, soit un total de 376 heures pour les deux années en cause à hauteur de 6736,28 euros, est, dès lors, suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GRC, ne justifie pas des heures effectivement réalisées par le salarié, les notes de services versées aux débats concernant l'ensemble des salariés, mais précise à juste titre qu'il convient de déduire de la somme réclamée par M. [K], celles d'ores et déjà réglées à celui-ci à ce titre et figurant sur les bulletins de paie des années 2015 et 2016.
L'examen de ces bulletins de paie met en évidence le paiement au salarié des sommes de 856,66 euros pour l'année 2015 (106,64 € en janvier, 106,64 € en mars, 53,32 € en avril, 142,18 € en mai, 106,64 € en juillet, 35,92 € en septembre, 251,44 € en octobre, 53,88 € en novembre) et 917,83 euros pour l'année 2016 (233,48 € en janvier, 89,80 € en février, 89,80 € en mars, 53,88 € en avril, 53,88 € en mai, 35,92 € en juillet, 108,32 € en septembre, 54,16 € en octobre, 72,21€ en novembre, 126,38 € en décembre) au titre des heures supplémentaires.

Dans ces conditions, il convient d'accorder à M. [K] une somme de 4961,79 euros au titre des heures supplémentaires dues pour les années 2015 et 2016.

Le jugement est réformé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts :

M. [K] n'est pas fondé à se prévaloir d'un préjudice subi du fait du non respect par l'employeur de la législation du travail en invoquant la prescription des sommes indûment prélevées au titre de l'abattement forfaitaire, ni la prescription des sommes afférentes au rappel des congés payés, et ceci pour les années antérieures à 2014, dès lors qu'il ne justifie pas de leur réalité, ni de ce que cette prescription serait imputable à l'employeur.

De même, les retards systématiques dans le paiement de son salaire, de ses congés payé et dans la remise des tickets restaurant ne sont pas davantage établis, la circonstance que les salariés aient été amenés à initier des mouvement de grève ne pouvant pallier la démonstration de la réalité du préjudice le concernant.

Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice du fait du non respect de la législation du travail et des retards de paiement en matière de salaire, de congés payés et de remise des tickets restaurant.

Sur les autres demandes :

Dès lors qu'en application de l'article 1353 du code civil, il n'est pas établi que l'employeur ait remis au salarié le certificat de congés payés de décembre 2014 ni de l'année 2015, prévu par les dispositions de l'article D. 3141-34 du code du travail, il convient d'ordonner sa remise au salarié, sans qu'il soit toutefois nécessaire de prononcer une astreinte. Le jugement est réformé sur ce point.

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [K] les frais irrépétibles qu'il a exposés, il convient de confirmer la somme de 700 euros allouée par les premiers juges au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il soit besoin de lui allouer une somme complémentaire à ce titre en cause d'appel.

Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur de la SARL GRC devra être déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la SARL GRC.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déboute M. [K] [P] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Réforme le jugement rendu le 9 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre M. [K] [P] et la SARL Grands Réseaux Caraibes,

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de M. [K] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes aux sommes suivantes :
- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour abattement injustifié,
- 4961,79 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires pour les années 2015 et 2016,
- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à Me [T] [W], ès-qualités de liquidateur de la SARL Grands Réseaux Caraibes, de remettre à M. [K] [P] un certificat de congés payés de décembre 2014 et de l'année 2015,

Déboute M. [K] [P] de sa demande de rappel de salaire de décembre 2014 à avril 2017 et de sa demande de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur du droit du travail,

Déboute M. [K] [P] de sa demande de versement d'une somme complémentaire en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Me [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes, de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la SARL Grands Réseaux Caraibes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/006671
Date de la décision : 05/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-12-05;19.006671 ?
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