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28/11/2022 | FRANCE | N°22/004101

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 02, 28 novembre 2022, 22/004101


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET No573 DU 28 NOVEMBRE 2022

No RG 22/00410
No Portalis DBV7-V-B7G-DN26

Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, décision attaquée en date du 08 avril 2022, enregistrée sous le no 2021R00017.

APPELANTE :

S.A.S. Magden' Chance
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
Dont le siège social est sis chez [K] [U]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentée par Me Céline Carsalade de la Selarl Carasalade

Céline, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIME :

Monsieur [B] [U]
[Adresse 5]
[Adre...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET No573 DU 28 NOVEMBRE 2022

No RG 22/00410
No Portalis DBV7-V-B7G-DN26

Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, décision attaquée en date du 08 avril 2022, enregistrée sous le no 2021R00017.

APPELANTE :

S.A.S. Magden' Chance
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
Dont le siège social est sis chez [K] [U]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentée par Me Céline Carsalade de la Selarl Carasalade Céline, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIME :

Monsieur [B] [U]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]

Représenté par Me Pierre Kirscher de la Selas St Barth Law, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2022, devant Madame Annabelle Clédat, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposé, puis mise en délibéré devant la cour composée de :
Madame Annabelle Clédat, conseillère, présidente,
Madame Marie-José Bolnet, conseillère,
Madame Valérie Marie-Gabrielle, conseillère

Les parties ont été avisés à l'issue des débats de ce que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 28 novembre 2022.

GREFFIER : Lors des débats ainsi que lors du prononcé Mme Armélida Rayapin.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisés conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Annabelle Clédat,présidente,et par Mme Armélida Rayapin, greffière à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 27 décembre 2013, M. [B] [U] et ses enfants, M. [K] [U] et Mme [X] [U], ont constitué la Sas Magden'Chance.

M. [B] [U], nommé président de cette société, lui a consenti un apport en nature de la propriété bâtie à usage d'habitation située à [Localité 6] cadastrée section AL no[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] dont il était propriétaire depuis 2010 et dans laquelle il résidait. En contrepartie, il a bénéficié de 2600 parts sociales sur 2.602, ses deux enfants disposant d'une part chacun.

Aux termes de deux autres actes authentiques du même jour, M. [B] [U] a fait donation à son fils [K] et à sa fille [X] de 1.299 parts sociales de la Sas Magden'Chance chacun, conservant uniquement deux parts sociales.

Par la suite, M. [B] [U] a édifié sur le terrain apporté à la société un bâtiment à usage d'habitation divisé en appartements destinés à la location qu'il a financé avec ses fonds propres à hauteur de 1.629.568 euros. Il a ainsi bénéficié d'un compte courant d'associé de ce montant qui a fait ultérieurement l'objet de remboursements partiels.

Le 27 mai 2021, M. [B] [U] a démissionné de son poste de président et son fils, M. [K] [U], a été nommé en remplacement.

Par courrier du 02 août 2021, M. [B] [U] a mis en demeure la société Magden'Chance de lui rembourser la somme de 1.502.121,34 euros au titre de son compte courant d'associé.

Par acte du 15 octobre 2021, il a assigné cette société devant le président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre statuant en référé afin d'obtenir sa condamnation à lui payer à ce titre la somme provisionnelle de 1.500.000 euros.

Par ordonnance du 08 avril 2022, le juge des référés a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Magden'Chance,
- condamné la société Magden'Chance à verser à M. [B] [U] la somme provisionnelle de 1.482.121,34 euros, en deniers ou quittance, au titre du compte courant d'associé détenu par ce dernier,
- dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance,
- débouté la société Magden'Chance de sa demande de délais de paiement,
- débouté la société Magden'Chance de sa demande d'expulsion de M. [B] [U],
- débouté la société Magden'Chance de sa demande de provision et de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation de la villa située lieudit [Adresse 5], cadastrée AL [Cadastre 1] à [Localité 6],
- enjoint M. [B] [U] à remettre à la société Magden'Chance les clés des logements locatifs ainsi que les documents comptables originaux de la société depuis sa constitution, sous astreinte,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

La société Magden'Chance a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 22 avril 2022, en indiquant que son appel portait expressément sur tous les chefs de jugement, à l'exception de la remises des clés et des documents sous astreinte, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 26 septembre 2022.

Le 09 mai 2022, en réponse à l'avis du 03 mai 2022 donné par le greffe, la société Magden'Chance a fait signifier la déclaration d'appel à M. [B] [U] qui a remis au greffe sa constitution d'intimé par voie électronique le 13 mai 2022.

La clôture est intervenue à l'audience du 26 septembre 2022, à laquelle l'affaire a été immédiatement évoquée. La décision a été mise en délibéré au 28 novembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ La Sas Magden'Chance, appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 mai 2022 par lesquelles l'appelante demande à la cour de :
"Sur la recevabilité de l'exception de nullité :
- juger que la société Magden'Chance ayant été défaillante en première instance, elle conserve la faculté de soulever, devant la cour de céans, la nullité de l'assignation ayant conduit à la saisine du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre par M. [B] [U],
- en conséquence, et statuant à nouveau :
- constater que l'assignation signifiée le 15 octobre 2021 ne mentionne pas valablement la date d'audience,
- prononcer la nullité de l'assignation et ses suites,
- la déclarer en conséquence recevable à soulever cette exception
A titre principal :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Magden'Chance de sa demande tenant à faire valoir la mise en péril de la société ainsi que le comportement d'abus de droit de M. [B] [U] agissant en connaissance de cause et au détriment des autres associés,
- en conséquence, et statuant à nouveau :
- rejeter toutes conclusions contraires comme injustifiées, en tout cas mal fondées,
- constater que la société Magden'Chance ne s'oppose pas à la demande de remboursement de compte courant,
- juger que M. [B] [U] a commis un "abus de droit" dans la mise en oeuvre de son droit au remboursement de son compte courant d'associé,
- juger que le remboursement du compte courant se fera à hauteur du solde restant dû réactualisé,
- juger que le remboursement du compte courant d'associé commencera à compter de l'expiration d'un délai jugé circonstancié commençant à courir à compter de la décision à intervenir,
- octroyer à la société Magden'Chance un échéancier de remboursement du compte courant d'associé comme suit : le remboursement pour moitié du montant total du compte courant d'associé lors de l'obtention d'un financement, puis pour le reste un remboursement par mensualités d'égale valeur sur 72 mois, jusqu'à épuisement total du compte,
A titre subsidiaire :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Magden'Chance de sa demande en délais de paiement alors qu'elle répondait précisément à l'obligation de remboursement de M. [B] [U] sans aucune forme de contestation de sa part,
- en conséquence et statuant à nouveau :
- rejeter toutes conclusions contraires comme injustifiées, en tout cas mal fondées,

- constater que la société Magden'Chance ne s'oppose pas à la demande de remboursement de compte courant,
- constater que les circonstances de l'espèce demandent de proroger l'avance au-delà du délai légal,
- juger que le remboursement du compte courant se fera à hauteur du solde restant dû réactualisé,
- juger que le remboursement du compte courant d'associé commencera à compter de l'expiration du délai jugé circonstancié commençant à courir à compter de la décision à intervenir,
- octroyer à la société Magden'Chance un échéancier de remboursement du compte courant d'associé comme suit : le remboursement pour moitié du montant total du compte courant d'associé lors de l'obtention d'un financement, puis pour le reste, un remboursement par mensualités d'égale valeur sur le nombre de mois qui sera retenu en considération des faits de l'espèce, jusqu'à épuisement total du compte,
Sur les demandes reconventionnelles :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il rejette l'expulsion de M. [B] [U] alors que ce dernier ne justifie valablement d'aucun titre et se prévaut d'un prêt à usage dont la société Magden'Chance, propriétaire des lieux, est tiers à cet accord,
- en conséquence, et statuant à nouveau :
- juger que M. [U] occupe la villa sis [Adresse 5], sans droit ni titre,
- ordonner à M. [B] [U] qu'il libère la villa sis [Adresse 5], la laisse libre de toute occupation et remette les clés au président de la société Magden'Chance à compter de la date du jugement à intervenir,
- juger que l'indemnité d'occupation s'élève à la somme de 4.500 euros mensuels augmentée de 150 euros mensuels au titre des charges,
-condamner M. [B] [U] au paiement de la somme de 22.500 euros augmentée de 750 euros pour les charges, au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er juin 2021 au 31 octobre 2021,
- juger qu'à défaut de paiement spontané de cette indemnité dans les 15 jours suivant le jugement à intervenir, la société Magden'Chance sera autorisée à obtenir paiement de cette indemnité d'occupation augmentée des charges afférentes relatives à la période du 1er juin 2021 au 31 octobre 2021 par compensation de celle-ci avec le compte courant d'associé de M. [B] [U] en diminuant d'autant ce dernier,
- condamner M. [B] [U] au paiement d'une indemnité d'occupation, contrepartie de la jouissance de la villa sis [Adresse 5], d'un montant mensuel de 4.500 euros augmenté de 150 euros au titre des charges, et ce jusqu'à ce qu'il libère ladite villa, la laisse libre de toute occupation et remette les clés au président de la société Magden'Chance,
- juger qu'en cas de retard de paiement de plus de 15 jours de l'indemnité d'occupation, ce paiement interviendra automatiquement par compensation avec le compte courant d'associé de M. [B] [U] en diminuant ce dernier du montant de l'indemnité d'occupation augmenté du montant des charges afférentes,
- ordonner à M. [B] [U] de restituer l'ensemble des documents comptables originaux relatifs à la société Magden'Chance depuis sa constitution, qu'il a en sa possession, ainsi que l'ensemble des clés des logements sis [Adresse 5], dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
En tout état de cause :

- condamner M. [U] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens".

La cour entend préciser qu'elle ne prendra pas en compte les conclusions notifiées par le RPVA dans le cadre de ce dossier le 21 juillet 2022 qui étaient adressées au premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, ni les conclusions datées du 07 septembre 2022 qui figurent dans le dossier de procédure de la société Magden'Chance qui sont adressées à "Mme la présidente de la deuxième chambre de la cour d'appel de Basse-Terre", qui ne saisissement pas la cour et n'ont en tout état de cause n'ont pas été notifiées par RPVA dans le cadre du dossier RG 22/410.

2/ M. [B] [U], intimé :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 07 juillet 2022 par lesquelles l'intimé demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en toutes ses dispositions querellées,
- de débouter la société Magden'Chance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner la société Magden'Chance à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

A titre liminaire, il convient de relever que dans la mesure où la société Magden'Chance n'a pas visé dans sa déclaration d'appel le chef de jugement relatif à la remise sous astreinte par M. [B] [U] des clés et des documents comptables de la société, la cour qui n'aura pas à statuer sur la prétention contenue sur ce point dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui apparaissent comme une simple reprise des conclusions de première instance.

Sur la nullité de l'assignation :

Conformément aux dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient notamment, à peine de nullité, et outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée.

En vertu de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, M. [B] [U] a fait délivrer à la société Magden'Chance une assignation à comparaître à l'audience du mardi 10 novembre 2021, alors que le 10 novembre 2021 était un mercredi.

Cependant, la consultation du dossier de première instance adressé à la cour permet de constater que Maître [O] s'est constituée pour la société Magden'Chance le 08 novembre 2021, qu'elle a adressé à cette date un courrier électronique au greffe en visant comme référence l'audience du 10 novembre 2021, qu'elle a remis au greffe des conclusions au fond le 09 novembre 2021 en vue de l'"audience des référés du 10 novembre 2021 à 9h30", et que suivant message du mardi 09 novembre 2021 visant en référence l'audience du 10 novembre 2021, elle a indiqué qu'elle ne s'opposait pas à la demande de renvoi formée par son contradicteur.

Par ailleurs, l'ordonnance de référé a été rendue contradictoirement à l'encontre de la société Magden'Chance, qui était bien représentée à l'audience du 16 mars 2022 par son conseil.

En conséquence, il est établi que malgré l'erreur affectant la date de l'audience initiale, la société Magden'Chance a parfaitement pu faire valoir ses moyens de défense et qu'elle n'est pas en mesure de rapporter la preuve du grief que lui aurait causé cette irrégularité.

Dans le cadre de ses conclusions, la société Magden'Chance écrit : "Le juge des référés ayant soulevé de bon droit le principe tenant à la nécessaire justification d'un grief, il s'avère qu'en rejetant le moyen ci-dessus exposé, il n'a pas su apprécier la réalité de la contrainte qu'une erreur de date pouvait entraîner sur le devenir de cette procédure. En effet, si l'on s'en tient au contenu de l'article 56 du code de procédure, l'appelante se conformant à ces exigences, fait néanmoins valoir un droit dans le cadre de la même défense. Droit qui en étant écarté d'office, suscite en outre et de facto un préjudice".

Cette argumentation n'étant pas compréhensible, la cour ne peut y répondre et ne pourra que confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation de l'assignation en l'absence de tout grief.

Sur la condamnation provisionnelle de la société Magden'Chance au remboursement du compte courant d'associé de M. [B] [U]:

Conformément aux dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal mixte de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, la société Magden'Chance a reconnu devant le premier juge que M. [B] [U] était titulaire d'un compte courant d'associé dont le montant s'élevait à 1.482.121,34 euros au 31 octobre 2021.

Dans le cadre de l'instance d'appel, aucune des parties ne remet en cause le montant de cette créance et la société Magden'Chance réaffirme qu'elle ne s'oppose pas à ce remboursement.

Cette obligation n'est donc pas sérieusement contestable et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a alloué une provision.

Cependant, afin d'obtenir des modalités de remboursement adaptées, la société Magden'Chance soutient en premier lieu que, comme tout droit, celui de solliciter le remboursement d'un compte courant d'associé est susceptible d'abus sur le fondement de l'article 1240 du code civil, et que M. [B] [U] a commis un abus fautif en demandant le remboursement de son compte courant d'associé alors qu'il savait que la société n'était pas en mesure d'y procéder immédiatement et en faisant échouer la demande de financement qu'elle avait recherchée en juillet 2021.

Pourtant, ainsi que l'a rappelé le premier juge, il est parfaitement constant que la caractéristique essentielle du compte courant d'associé, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d'être remboursable à tout moment, quelle que soit la situation financière de la société.

En l'espèce, aucune disposition des statuts de la société Magden'Chance n'a prévu d'exception à la règle du remboursement immédiat du compte courant d'associé.

Par ailleurs, le fait que M. [B] [U] n'ait pas répondu au courrier du gérant de la société Magden'Chance qui subordonnait le financement de la somme de 1.500.000 euros à la libération des lieux qu'il occupait jusqu'à présent ne saurait caractériser une quelconque faute, et encore moins l'intention de nuire évoquée dans les conclusions de l'appelante.

De la même façon, l'absence de trésorerie de la société Magden'Chance ou de toute possibilité de règlement immédiat de la créance de M. [B] [U], qui ne ressort en tout état de cause pas des pièces produites, n'est pas de nature à permettre de considérer que ce dernier aurait commis un abus de droit en sollicitant le remboursement de son compte courant au moment où il venait d'être remplacé dans ses fonctions de président.

En conséquence, la notion d'abus de droit n'est pas de nature à justifier un aménagement des modalités de remboursement du compte courant d'associé.

En second lieu, la société Magden'Chance soutient que dans la mesure où l'avance en compte courant présente la nature d'un prêt, il convient de faire application de l'article 1900 du code civil qui dispose que s'il n'a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l'emprunteur un délai suivant les circonstances.

Cependant, il est parfaitement constant que les dispositions de l'article 1900 du code civil, qui offrent au juge la possibilité de fixer un terme pour la restitution d'un prêt, ne sont pas applicables au compte courant d'associé, la cour de cassation rappelant, ainsi que cela a été précédemment indiqué, que la caractéristique essentielle du compte courant d'associé est, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d'être remboursable à tout moment (Com., 10 mai 2011, pourvoi no 10-18.749).

En conséquence, aucun aménagement des modalités de remboursement ne peut être envisagé sur le fondement de ce texte.

Il est également inopérant pour la société Magden'Chance de tenter de soutenir que le remboursement du compte courant d'associé de M. [B] [U] pourrait constituer un paiement préférentiel d'un créancier au détriment des autres, et donc une faute de gestion, alors qu'elle ne démontre pas qu'elle serait confrontée à des difficultés. Il est également vain de tenter de soutenir que ce paiement pourrait entraîner des difficultés et donc constituer a posteriori une faute de gestion (page 18 de ses conclusions).

Enfin, si la société Magden'Chance vise dans ses conclusions les dispositions de l'article 1343-5 du code civil qui prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues, elle ne formule aucune demande sur ce fondement.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Magden'Chance à payer à M. [B] [U] à titre provisionnel la somme de 1.482.121,34 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance et en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de délais de paiement.

Sur la demande d'expulsion et d'indemnité d'occupation :

Il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal mixte de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Par ailleurs, l'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Sur le fondement de ces textes, la société Magden'Chance a sollicité du juge des référés qu'il ordonne l'expulsion de M. [B] [U] des lieux loués et le condamne au paiement d'une indemnité d'occupation dès lors que, en se maintenant dans la villa suite à sa démission, alors que ce bien n'avait été mis à sa disposition que dans le cadre d'un avantage en nature lié à sa fonction de président, M. [B] [U] commettait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.

De son côté, M. [B] [U] s'est prévalu de l'existence d'un prêt à usage qui lui aurait été accordé et qui n'aurait pas fait l'objet d'un écrit en raison des relations familiales existant entre les parties. Il a justifié à ce titre qu'il avait saisi le tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy par assignation délivrée le 27 janvier 2022 afin de voir révoquer les donations faites à ses enfants, voire l'apport en nature fait à la société Magden'Chance, ou subsidiairement, de voir dire qu'il bénéficiait d'un prêt à usage dont le terme était fixé à son décès.

Pour rejeter les demandes reconventionnelles de la société Magden'Chance, le premier juge a retenu que la preuve d'un trouble manifestement illicite n'était pas rapportée dès lors que, si des éléments permettaient de laisser penser que le logement pouvait avoir été mis à la disposition de M. [B] [U] en tant que logement de fonction, ainsi que le montraient notamment les mentions relatives à un avantage en nature figurant sur ses fiches de paie, d'autre permettaient de rendre plausible l'existence d'un prêt à usage, dont la reconnaissance faisait l'objet d'un litige pendant devant une autre juridiction.

Dans le cadre de l'instance d'appel, la société Magden'Chance n'apporte aucune critique à ce raisonnement et se contente de reprendre son argumentation de première instance concernant l'existence d'un logement de fonction.

Pourtant, les incertitudes entourant la nature du titre ayant justifié l'occupation de cette villa par M. [B] [U] jusqu'au mois de mai 2021, qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher, ne permettent de retenir que, de manière manifeste, il serait désormais occupant sans droit ni titre de ce logement et que cette occupation constituerait donc un trouble manifestement illicite qu'il conviendrait de faire cesser.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société Magden'Chance de sa demande d'expulsion de M. [B] [U], ainsi que de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation pour la villa située lieudit [Adresse 5], cadastrée AL [Cadastre 1] à [Localité 6].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Magden'Chance, qui succombe à l'instance d'appel, sera condamnée aux entiers dépens.

Elle sera également condamnée à payer à M. [B] [U] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions contestées,

Y ajoutant,

Condamne la Sas Magden'Chance à payer à M. [B] [U] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sas Magden'Chance de sa propre demande à ce titre,

Condamne la Sas Magden'Chance aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Et ont signé,

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 22/004101
Date de la décision : 28/11/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-11-28;22.004101 ?
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