La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2022 | FRANCE | N°21/007421

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 19 septembre 2022, 21/007421


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 133 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00742 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKYW

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 juin 2021 - Section Encadrement.

APPELANTE

ASSOCIATION SEVE PARADI A TI MOUN
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame [U] [V] épouse [Z]
[Adres

se 5]
[Localité 1]
Représentée par M. [N] [F] (défenseur syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositi...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 133 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00742 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKYW

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 juin 2021 - Section Encadrement.

APPELANTE

ASSOCIATION SEVE PARADI A TI MOUN
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame [U] [V] épouse [Z]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par M. [N] [F] (défenseur syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [V] [U], épouse [Z], a été embauchée par l'association Seve Paradi A Ti Moun par contrat CUI à compter du 3 février 2014, puis par contrat à durée déterminée à compter du 3 février 2016 en tant qu'animatrice, et enfin, par avenenant du 1er septembre 2017 en qualité de directrice polyvalente en CLSH et périscolaire.

Par lettre du 28 décembre 2019, l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 13 janvier 2020, et lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 16 janvier 2020, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour faute grave.

Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [V] [U], épouse [Z] saisissait le 10 février 2020 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, aux fins d'obtenir le versement de diverses indemnités liées à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 8 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- jugé que Mme [V] [U] épouse [Z] n'a pas commis de faute grave vu sa fonction de Directrice de l'association,
- dit que le licenciement de Mme [V] [U] épouse [Z] était sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamné l'association Seve Paradi A Ti Moun, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [V] épouse [Z] les sommes suivantes :
* 816,13 euros à titre de retenue sur salaire pour mise à pied conservatoire,
* 1997,21 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 5824,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4420,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 11493,77 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de l'allocation Pôle Emploi,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire, sont de droit exécutoires en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des 3 derniers mois des salaire s'élevant à 1473,56 euros,
- ordonné à l'association Seve Paradi A Ti Moun de remettre à Mme [V] [U] épouse [Z] son attestation Pôle Emploi dûment rectifiée, sous astreinte de 10,00 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification du jugement,
- débouté Mme [V] [U] épouse [Z] du surplus de ses demandes,
- débouté l'association Seve Paradi A Ti Moun de toutes ses prétentions,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions conformément à l'article 515 du code de procédure civile,
- condamné l'association Seve Paradi A Ti Moun aux éventuels dépens de l'instance.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 5 juillet 2021, l'association Seve Paradi A Ti Moun formait régulièrement appel dudit jugement.

Par ordonnance du 17 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état prononçait la clôture de l'instruction et renvoyait la cause à l'audience du lundi 23 mai 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, du 30 septembre 2021, régulièrement notifiées à Mme [V] [U], épouse [Z], l'association Seve Paradi A Ti Moun demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel,
En conséquence,
- infirmer le jugement contesté en tout point, sauf en ce qu'il a débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes,
- juger que le licenciement repose sur une faute grave de la salariée et subsidiairement sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [Z] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la même, outre les entiers dépens au paiement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

L'association soutient que :
- les griefs sont établis par les pièces du dossier,
- compte tenu des fonctions de la salariée, ces griefs justifient le licenciement pour faute grave,
- la salariée ne peut qu'être déboutée de ses demandes, notamment de versement de dommages et intérêts et de rappels de salaire.

Selon ses dernières conclusions, notifiées le 20 décembre 2021 à l'association Seve Paradi A Ti moun, Mme [V] [U], épouse [Z], demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- faire droit à sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 2866 euros pour délivrance d'une attestation Pôle Emploi erronée lui causant un préjudice financier,
- de condamner l'association Seve Paradi A Ti Moun au paiement de la somme de 6993,46 euros au titre de rappels de salaire du mois de septembre 2017 au mois de décembre 2018,
- de condamner l'association Seve Paradi A Ti Moun à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter l'association Seve Paradi A Ti Moun de toutes ses demandes.

Mme [V] [U] épouse [Z] expose que :
- les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir la matérialité des griefs reprochés,
- elle est fondée à solliciter le paiement d'un reliquat de salaire dû,
- sa demande de dommages et intérêts relatifs à la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée est également justifiée, eu égard au préjudice financier qu'elle a subi.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 16 janvier 2020, qui fixe les limites du litige, précise : "En effet, initialement vous avez été recrutée en contrat de travail aidé (CUI) pour tenir l'emploi d'animatrice au sein de notre association laquelle gère un ALSH (Accueil de Loisirs Sans Hébergement) et plusieurs autres activités liées à la petite enfance.
Par la suite vous avez évolué à divers autres postes jusqu'à être promue le 1er septembre 2017 aux fonctions de Directrice de centre polyvalente en CLSH et PÉRISCOLAIRE.
Au motif de mieux vous occuper de vos enfants, vous avez sollicité et obtenu à compter de juillet 2019 que votre activité soit exercée à temps partiel.
Ce changement s'est malheureusement accompagné d'une modification substantielle de vos rapports de travail tant avec le personnel placé sous votre autorité que vis-à-vis de la hiérarchie.
Ainsi, depuis octobre 2019, vous attestez d'un tel désintéressement pour les affaires du centre placé sous votre responsabilité au point que vous adoptez un comportement totalement inadapté frôlant l'insubordination et fortement empreint de désinvolture, d'irrespect voire d'indiscipline, à travers notamment votre refus manifeste d'exécuter les consignes données par la directrice générale et les tâches vous incombant.
Vous entretenez désormais avec les membres de votre équipe une relation de travail faite de tensions, de critiques acerbes, de propos déplacés à caractère suffisamment démotivant qu'ils ont généré plusieurs plaintes sur votre façon de servir au préjudice de l'Association.
Les quelques réunions de travail provoquées depuis, à l'initiative de la direction générale, dans le but de tenter de rétablir une cohésion d'ensemble sont demeurées vaines.
Bien plus grave encore, nous avons eu à déplorer de votre part de nombreux jours d'absence non autorisés et injustifiés et ce, pendant une période des pointe de l'activité d'accueil des jeunes enfants.
En effet, alors que vous étiez inscrite sur le tableau de service du 20 décembre 2019, nous avons relevé que, sans prendre soin de prévenir la direction générale de l'association, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail.
Or, vous ne pouviez ignorer l'importance de votre présence précisément ce jour-là car il s'agissait de l'arbre de Noël des enfants de l'école voisine dont l'organisation était placée sous votre responsabilité.
Ce n'est que le 22 décembre 2019, à 9h30 que vous vous êtes manifestée pour la première fois afin d'aviser la directrice générale sous la forme d'un message écrit (SMS) de votre absence de la seule journée du 22 au motif "j'ai une panne au niveau de la voiture".
Il n'a pas pu vous échapper que le 22 décembre 2019 se déroulait la fête de Noël des enfants de l'ALSH (Accueil de Loisirs Sans Hébergement) : un projet pour lequel vous étiez porteur et chargée de réalisation.
Le 23 et 24 décembre 2019, vous n'avez donné aucun signe de vie faisant valoir, sans nul doute, votre droit légitime à récupération.
Le 25 décembre 2019, jour de Noël, c'est à 22h42 que vous avez informé la direction de l'ALSH (Accueil de Loisirs Sans Hébergement) par SMS de votre absence de 5 jours (du 26 au 31 décembre 2019 inclus). Le motif allégué : "ma nounou m'a fait faut bon, donc j'ai personne pour garder mes enfants".
Cet état de fait est intolérable et met en cause la bonne marche du service. Il vous a valu d'être convoquée à un entretien préalable de licenciement assorti d'une mise à pied prononcée à titre conservatoire par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2019.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 13 janvier 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave".

La fiche de poste annexée au contrat de travail de la salariée précise qu'elle est placée sous l'autorité de la directrice générale et que ses missions, en tant que directrice, sont les suivantes:
- En fonction de son emploi du temps, effectuer l'ouverture du centre à 6h25 mn et la fermeture
- Gérer le fonctionnement du centre en l'absence de la directrice générale
- Consulter le cahier de transmission lors de sa prise de fonction
- Ecrire tous messages et paiement des parents sur le cahier de liaison
- Accueillir et encadrer les enfants dont elle a la charge
- Développer l'autonomie et l'épanouissement des enfants du centre, par la mise en place des activités en rapport avec les objectifs du projet pédagogique
- Remettre aux parents la facture de garde du mois
- Organiser et animer les différents fêtes festives
- Veiller à l'hygiène et à la sécurité du matériel du centre
- Toujours veiller à la sécurité des enfants lors : des sorties détentes, pédagogiques ou pédestres, lors des baignades en mer et le trajet en bus
- Veiller à l'entretien des salles après chaque activité et le rangement du matériel utilisé
- Ne jamais oublier le rôle et la responsabilité d'un animateur dans sa fonction

S'agissant des faits relatifs au comportement de la salariée qualifié par l'employeur comme étant désintéressé et inadapté, ainsi que le climat de tensions généré avec l'équipe, depuis le mois d'octobre 2019, l'association Seve Paradi A Ti Moun verse aux débats les attestations suivantes:
- celle de Mme [C] [E] [B], animatrice, qui précise : "* Manque de dialogue en tant que directrice avec le personnel. * beaucoup d'influence malheureusement sur les plus faibles. * donne des directives tout en critiquant le travail des autres. * toujours en possession du portable au moment du temps fort du travail en présence des enfants. * quand il faut mettre en pratique un atelier elle répond toujours oui. Mais elle ne donne ni de conseil ni d'accompagnement pour la bonne marche à suivre, une directrice totalement absente. Je fais référence sur mon témoignage à Mme [V] [U]"
- celle de Mme [Y] [M], directrice ACL, qui indique : "Un manque d'intéressement aux travaux de la structure par Mme [V] [U] qui est la directrice. Esprit destructive et militaire. Ne valorise jamais les enfants. Manque d'initiative. Prend le dessus sur les plus faibles. N'accompagne jamais, critique tout le travail et ne fait rien pour y remédier. Mme [V] propose pour proposer sans se préoccuper du besoin de la structure. N'évalue jamais, pas de jugement ou c'est un refus/. Elle est toujours sur son téléphone. Faire pour faire. Ne réunit jamais son équipe. Une individualité. Ne fait pas les tâches en tant que responsable d'une structure, d'une salle, du personnel".
- celle de Mme [K] [J], animatrice, qui témoigne : "Une directrice qui ne prend pas au sérieux son rôle de directrice. Toujours sur son portable, alors qu'elle est avec les enfants. Pas de dialogue professionnel avec les collègues. Refuse d'organiser son travail. Refuse de conseiller les animatrices sur le plan de travail. Trop brutale avec des petits, crie, lance des mots vulgaires. Refuse d'organiser le travail pour les animatrices. Influence les nouvelles animatrices vers le négatif. N'encadre pas les stagiaires. La direction n'a pas d'intérêt avec cet individu car c'est un danger public pour les enfants. Lors des sorties, n'a pas assez de surveillance sur les personnels et surtout les enfants. Elle fait tout ça pendant que la directrice générale n'est pas présente. Lance des propos de moqueries envers les animatrices, les critique pendant une animation. Lors d'une sortie au [Localité 3], elle connaissait déjà la route disant rien au chauffeur qui s'est trompé, alors que c'était déjà l'heure du repas pour les enfants qui étaient à sa charge. Je fais référence sur mon témoignage à Mme [V] [U] qui est la directrice de centre à Paradi A Ti Moun".
- celle de Mme [TU] [I], directrice générale, qui précise : "Mme [Z] [V] [U], en qualité de directrice générale du centre de loisirs Paradi A Ti Moun que je suis, je vous reproche votre comportement irresponsable sur le poste de travail que vous occupez en tant que directrice de centre. Je déplore une réduction volontaire de votre investissement dans les activités suivantes : * élaboration du projet d'animation et des programmes, * vos relations avec l'équipe pédagogique sont très distantes, une participation timide dans les réunions de travail, * encadrement des animatrices et des stagiaires,* votre participation et engagement en qualité de tuteur et de formatrice pour la bonne marche des différentes tâches, * manque de respect envers la hiérarchie, le fait de refuser d'exécuter une tâche, une responsabilité de manière intentionnelle,* manque de motivation et de prise d'initiative, un travail inachevé par rapport à votre engagement sur l'organisation de la fête de Noël et surtout l'arbre de Noël des enfants,* votre participation dans la mise en place des temps forts au sein de la structure et de l'école est moindre, *en qualité de directrice, votre incapacité de réunir l'équipe péda pour effectuer un travail d'équipe et de qualité".
- celle de Mme [LG] [G], directrice, qui indique : "J'ai constaté que Madame [Z] [V] [U] - empêche les animateurs de suivre une consigne, - ne fait pas ce dont elle est responsable, - ne communique avec personne dans l'entreprise, - ne s'intéresse à rien dans l'association".

La salariée verse également aux débats les attestations suivantes :
- celle de Mme [P] [L], dont la profession n'est pas renseignée, qui précise : "[U] et moi avons travaillé au sein de l'association Paradi A Ti Moun. Nous avons l'occasion de travailler à la pause méridienne et en salle du mercredi, lors de ces moments, [U] gérait son groupe comme toute animatrice avec le sens du professionnalisme. Quant il s'agissait de l'animation dans les moments forts (anniversaire, fête finale, zumba party) elle faisait plaisir aux petits et grands dans les jeux, danse, etc....[U] était une animatrice respectueuse et rigoureuse.
- celle de Mme [W] [R], animatrice, qui témoigne : "J'ai travaillé avec Mme [U] [V], elle était en fonction de directrice référente au sein de l'association Paradi A Ti Moun. [U] est quelqu'un très dévouée, attentionnée, a le sens de l'organisation. Valoriser le travail de ses collègues. Redynamiser l'équipe avec laquelle elle travaille".
- Celle de Mme [T] [X], animatrice, qui indique : "J'atteste par le présent courrier que Madame [V] [U] que j'ai connue au sein de l'association Seve Paradi A Ti Moun en tant qu'animatrice lorsque mon 1er enfant fut inscrit à cette garderie en classe de CE1; Durant ses années de travail, elle s'en est occupée, elle était toujours présente aux différentes animations (comme les fêtes de noël organisées à la salle de l'étoile où c'est elle-même, Madame [U], qui l'animait). De plus lorsque mon 2ème enfant rentra à l'école et fut inscrit à la garderie en 2014, elle y était encore présente".
- celle de Mme [H] [D], en formation, qui indique : "Mme [V] [U], on me la présente en tant que directrice référente, mais franchement j'aurais dit que c'est elle qui mène la barque. Elle faisait tout, même ce qui n'était pas dans ses cordes. Comme gérer le planning des employés, définir la courbe du programme de la journée, porter le repas d'un endroit à un autre. Nous faisions des tâches ménagères hors normes, c'est-à-dire avec des seaux d'eau car les robinets et les chasses d'eau des toilettes ne fonctionnaient pas et je crois que jusqu'à maintenant c'est toujours dans le même état. [U] était la seule à gérer des groupes sans crier, sans s'énerver, que ce soit à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise. On se demandait parfois est-ce qu'elle est là tellement on l'entendait pas. Moi-même et d'autres filles, on se demandait quel est son secret. Par contre, son absence se remarquait tout de suite, car les autres filles plus anciennes tournaient en rond, même les parents voyaient ça. La petite bande d'hypocrites que forme le groupe de [I] ([G], [J], [M]), c'est à ce moment là que nous voyions qui est qui. A l'heure d'aujourd'hui, je peux affirmer que beaucoup de parents sont dégoûtés de cette entreprise et de ses employeurs, mais que malheureusement elles n'ont pas le choix car c'est la seule qui existe à [Localité 4]".
- celle de M. [K] [S], dont la profession n'est pas renseignée, qui précise : "Au moment de mon arrivée au sein de l'entreprise Paradi A Ti Moun, [U] [V] était ma directrice référente pendant les pauses méridiennes. Durant cette période, Mme [U] [V] dirigeait et effectuait son travail avec efficacité. Pour ma part, je n'ai jamais vu Mme [U] [V] dans l'incapacité d'effectuer son travail correctement, bien au contraire, m'a même permis de bien intégrer et m'adapter rapidement".
- celle de Mme [O] [A], dont la profession n'est pas renseignée, qui indique : "Je déclare par la présente de cette lettre, ayant travaillé pendant deux ans en collaboration avec Mme [V] [U] en tant qu'animatrice et collègue de travail, qu'elle n'a jamais été à l'encontre de ce qui lui était demandé au sein de son poste, ni même fait des gestes déplacés envers les enfants et les animatrices. Au contraire, elle a toujours été une bonne animatrice respectueuse et encadrante envers les enfants qu'elle gardait".
- celle de Mme [DH] [VE], sans profession, qui atteste : "Durant l'année 2018, j'ai eu l'occasion de travailler avec Mme [V] [U], Directrice référente au sein de l'association Paradi A Ti Moun. L'ambiance était bonne dans l'établissement avec Madame [V] car elle réussissait à réaliser les activités manuelles demandées tout en nous transmettant les informations débattues durant les différentes réunions. Elle était vraiment dans son rôle".

L'examen des attestation fournies par l'employeur, qui émanent de personnes majoritairement en poste au sein de la structure au mois de décembre 2019, met en évidence l'attitude inappropriée de la salariée, caractérisée par un désintérêt pour ses missions et un comportement à l'origine de tensions avec l'équipe de travail. Ces attestations ne peuvent valablement être remises en cause dans leur fiabilité, dès lors qu'elles sont concordantes, émanent de personnes exerçant des responsabilités différentes et qu'il n'est pas établi qu'une procédure pénale ait été initiée par la salariée en considération des allégations de subornation de témoin évoquées dans ses écritures. La circonstance que l'une des attestations soit datée du 13 décembre 2020, soit trois jours avant la date de la lettre de licenciement est sans incidence, dès lors qu'elle a pour objet de relater des faits reprochés par l'employeur depuis le mois d'octobre 2019.
S'agissant des attestations fournies par la salarié, et à l'exception de celle de Mme [R] [W] qui est mentionnée sur le planning de travail du mois de décembre 2019, il appert qu'elles émanent de personnes ayant collaboré avec la salariée durant une période antérieure à celle des faits reprochés. Dès lors, si elles mettent en exergue la qualité du travail de Mme [V] épouse [Z] depuis son embauche, elles ne permettent pas d'attester de celui-ci à partir du mois d'octobre 2019, période à compter de laquelle l'employeur évoque une dégradation de la réalisation par la salariée de ses missions. La seule attestation concise de Mme [W] [R] ne permet pas davantage de remettre en cause celles précitées et concordantes fournies par l'employeur.
La cour observe toutefois que les pièces du dossier ne mettent pas en évidence la réalité des tentatives vaines de la direction pour restaurer une bonne organisation de travail, invoquées dans la lettre de licenciement, celles-ci n'étant pas établies par les documents produits aux débats, ni, par voie de conséquence, les allégations de la persistance du comportement de la salariée à l'issue desdites tentatives.

S'agissant de l'absence de la salariée du 20 décembre 2019, celle-ci produit une attestation d'un médecin précisant que son état de santé justifie son absence du lieu de son travail à cette date. L'employeur ne conteste pas la possibilité alléguée par la salariée, en application de la convention collective en vigueur, de justifier cette absence sous 48 heures. Dès lors, il ne saurait être reproché à la salariée de ne pas s'être présentée à son poste de travail le 20 décembre, ni d'avoir justifié de cette absence le 22 décembre, observation étant faite que le SMS auquel l'employeur fait référence dans la lettre de licenciement, afférent à une panne de voiture, ne peut que concerner la journée du 22 décembre. La cour observe que la salariée avait prévenu l'employeur de cet incident à 9h30 et que les messages adressés en retour ne mettent pas en évidence une perturbation notable de la fête des enfants, l'employeur se bornant à adresser le planning de la semaine.
Concernant les absences de la salariée du 23 au 25 décembre, il appert que le planning précité ne prévoyait pas de temps de travail.
Enfin, et s'agissant de l'absence de la salariée du 26 au 31 décembre 2019, il ressort des pièces du dossier que celle-ci a prévenu son employeur le 25 décembre de difficultés d'organisation, plus particulièrement de garde d'enfants, et ceci à 22h42.
Il résulte des éléments analysés ci-dessus que seule la tardiveté de l'information de l'employeur d'une absence de la salariée à compter du 26 décembre peut être retenue, dès lors qu'elle fait suite à une période durant laquelle Mme [V] épouse [Z] était en repos lui permettant d'anticiper cette situation et que l'heure de prévenance ne permettait pas à l'employeur de prévoir une réorganisation du service.

Conclusion :

L'analyse des éléments repris ci-dessus met en évidence la matérialité des griefs relatifs à l'attitude inappropriée de la salariée dans l'exécution de ses tâches, ayant eu pour notamment pour conséquence une dégradation des conditions de travail de l'équipe des collaborateurs, ainsi que la réalité du grief relatif à une absence à compter du 26 décembre 2019 dont l'employeur a été prévenu tardivement.
Il convient toutefois de tenir compte de la qualité des services de la salariée jusqu'au mois de septembre 2019, soit durant cinq années depuis son embauche, attestée par son évolution professionnelle d'animatrice à directrice, de la durée des faits pendant trois mois au cours desquels il n'est pas établi que l'employeur ait pris des mesures visant à initier une restauration des bonnes conditions de travail, ainsi que du défaut de justification de l'impossibilité immédiate de maintenir le contrat de travail de la salariée au regard de la nature des fautes et du défaut de mesures prises par l'employeur.
Dans ces conditions, les faits précités justifient le licenciement de la salariée, non pas pour faute grave, mais pour une cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

Quant à l'indemnité de préavis :

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il convient de confirmer la somme allouée à Mme [V] épouse [Z] à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à trois mois de salaire, soit la somme de 4420,68 euros.

Quant à l'indemnité de licenciement :

En application des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail, il convient de confirmer la somme allouée par les premiers juges à Mme [V] épouse [Z], qui comptait une ancienneté de sept années et trois mois, incluant le délai de préavis, à titre d'indemnité de licenciement, soit 1997,12 euros.

Quant aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement de la salariée étant justifié par une cause réelle et sérieuse, celle-ci ne peut qu'être déboutée de sa demande présentée à ce titre.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les rappels de salaire :

En ce qui concerne les salaires afférents à la mise à pied à titre conservatoire :

Le licenciement n'étant pas fondé sur une faute grave, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [V] épouse [Z] la somme de 816,31 euros à titre de rappel des salaires durant la période de mise à pied à titre conservatoire.

En ce qui concerne les salaires afférents à la période de septembre 2017 à décembre 2018 :

Mme [V] sollicite dans le dispositif de ses écritures la condamnation au versement de la somme de 6993,46 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période du mois de septembre 2017 au mois de décembre 2018, observation étant faite qu'elle établit un calcul jusqu'au mois de janvier 2020.

L'examen de ses bulletins de paie met toutefois en exergue une conformité de sa rémunération aux termes de son contrat de travail du 1er septembre 2017 et au volume horaire auquel elle était soumise, y compris à temps partiel, nonobstant la persistance d'une mention erronée d'un emploi d' "animatrice polyvalente" au lieu de "directrice polyvalente" sur lesdites fiches de paie.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande présentée à ce titre.

Sur les demandes afférentes à l'attestation Pôle Emploi :

En ce qui concerne la remise de l'attestation Pôle Emploi :

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la remise par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision, sans qu'il soit besoin de l'assortir d'une astreinte.

Le jugement est réformé sur ce point.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour remise d'une attestation Pôle Emploi erronée:

Il résulte du courrier daté du 18 février 2020, adressé par Pôle emploi à la salariée, que sa demande d'admission à l'allocation au retour à l'emploi (ARE) n'a pas pu recevoir de suite favorable, à défaut pour celle-ci d'avoir fourni les attestations employeur de ses contrats jusqu'au 16 janvier 2020.

Dès lors, Mme [V] épouse [Z] n'est pas fondée à se prévaloir d'un préjudice lié à des mentions erronées figurant dans l'attestation précitée qui auraient entraîné la privation de son droit à l'ARE.

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a accordé à la salariée des dommages et intérêts à ce titre et de la débouter de sa demande.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leurs demandes formulées à ce titre.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 8 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [V] [U] épouse [Z] et l'association Seve Paradi A Ti Moun, sauf en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Mme [V] [U] épouse [Z] était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné l'association Seve Paradi A Ti Moun à verser à Mme [V] [U] épouse [Z] les sommes suivantes :
* 5824,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 11493,77 à titre de dommages et intérêts pour refus d'allocation Pôle Emploi,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- assorti la remise de l'attestation Pôle emploi rectifiée d'une astreinte,
- condamné l'association Seve Paradi A Ti Moun aux éventuels dépens de lm'instance,

Infirme et statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Dit que le licenciement de Mme [V] [U] épouse [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [V] [U] épouse [Z] de ses demandes afférentes au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour refus de l'allocation Pôle Emploi,

Déboute Mme [V] [U] épouse [Z] de sa demande relative au prononcé d'une astreinte relative à la remise de l'attestation Pôle Emploi,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes formulées à ce titre,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/007421
Date de la décision : 19/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 08 juin 2021


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-09-19;21.007421 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award