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19/09/2022 | FRANCE | N°21/000151

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 19 septembre 2022, 21/000151


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 131 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00015 - No Portalis DBV7-V-B7F-DIWL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 15 décembre 2020 - Section Commerce -

APPELANTE

ENTREPRISE [D] [B] TRAVAUX PUBLICS, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST

BART

INTIMÉ

Monsieur [V] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Maître Estelle SZWARCBART-HUBERT de ...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 131 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00015 - No Portalis DBV7-V-B7F-DIWL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 15 décembre 2020 - Section Commerce -

APPELANTE

ENTREPRISE [D] [B] TRAVAUX PUBLICS, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur [V] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Maître Estelle SZWARCBART-HUBERT de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [R] a été embauché par l'entreprise individuelle Monsieur [B] [D] par contrat "nouvelles embauches" à durée indéterminée à compter du 1er mai 2006 en qualité de transporteur.

Par lettre du 24 avril 2018, l'employeur convoquait le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 7 mai 2018.

Par lettre du 15 mai 2018, l'employeur notifiait à M. [R] son licenciement pour faute grave.

Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [R] saisissait le 18 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir le versement de diverses sommes liées à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement de départage rendu contradictoirement le 15 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- dit que le licenciement pour faute grave dont M. [R] [V] [Z] a fait l'objet était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [B] [D] à verser à M. [R] [V] [Z] les sommes suivantes :
* 14901,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3725,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 372,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 21458,54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, somme qui sera assortie des intérêts à taux légal à compter du 18 janvier 2019, date de la saisine du conseil de prud'hommes,
* 433,30 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 6 au 21 avril 2017,
* 43,33 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,
- débouté M. [R] [V] [Z] du surplus de ses demandes,
- condamné M. [D] [B] à verser à M. [R] [V] [Z] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] [B] aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 7 janvier 2021, Monsieur [B] [D] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 23 décembre 2020.

Par ordonnance du 12 mai 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 20 juin 2022 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à M. [R] le 17 novembre 2021, M. [B] [D] demande à la cour de :
- réformer la décision critiquée en ce qu'elle a :
* dit que le licenciement pour faute grave dont M. [R] [V] [Z] a fait l'objet était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* condamné M. [B] [D] à verser à M. [R] [V] [Z] les sommes suivantes :
. 14901,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3725,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 372,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 21458,54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, somme qui sera assortie des intérêts à taux légal à compter du 18 janvier 2019, date de la saisine du conseil de prud'hommes,
. 433,30 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 6 au 21 avril 2017,
. 43,33 euros au titre des congé payés sur rappel de salaires,
* condamné M. [D] [B] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau,
A titre principal,
- juger que le licenciement de M. [R] repose sur une faute grave,
- débouter M. [R] de ses demandes tendant au paiement de l'indemnité de licenciement,
de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés sur préavis, de l'indemnité de licenciement, du rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et des congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- condamner le même aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- juger que le licenciement de M. [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- statuer ce que de droit sur les demandes de M. [R] tendant au paiement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés sur préavis, de l'indemnité de licenciement, du rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et des congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- débouter M. [R] de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire :
- limiter à 5000 euros le montant des indemnités pour licenciement abusif à verser à M. [R],
En tout état de cause :
- condamner M. [R] aux dépens et au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer la décision en ce qu'elle a :
* débouté M. [R] de sa demande en paiement de la somme de 5558,16 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de déclaration,
* débouté M. [R] de sa demande en paiement de la somme de 5558,16 euros au titre de dommages et intérêts pour non-remise de l'attestation FIMO.

Il soutient que :
- le refus illégitime de M. [R] de charger le véhicule de façon optimale est établi par les pièces du dossier,
- le salarié ne démontre pas avoir effectué les transports visés par les bons de commande supposés concernés par une prétendue surcharge,
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve,
- le refus de M. [R] d'accomplir toute tâche à compter du 25 avril 2018 est également démontré par les pièces versées aux débats,
- les demandes indemnitaires et de dommages et intérêts du salarié ne sont pas justifiées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 12 janvier 2022 à l'entreprise individuelle M. [B] [D], M. [R] demande à la cour de :
- débouter l'entreprise [B] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave,
En conséquence,
- condamner l'entreprise [B] [D] au versement des sommes suivantes :
* 3752,44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 372,54 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
* 21458,54 euros à titre d'indemnité de licenciement, majorée des intérêts à taux légal à compter de la présente saisine,
* 433,30 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée,
* 43,33 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée,
Et statuant à nouveau :
- constater l'absence de déclaration pour l'année 2015,
- condamner l'entreprise [B] [D] à la régularisation de sa situation pour l'année 2015,
- constater l'absence de remise de l'attestation FIMO,
- ordonner la remise de l'attestation FIMO,
- condamner l'entreprise [B] [D] au versement des sommes suivantes :
* 20489,92 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5588,16 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de déclaration,
* 5588,16 euros à titre de dommages et intérêts pour non-remise de l'attestation FIMO,
- condamner l'entreprise [B] [D] au versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que :
- il a alerté son employeur, avant le licenciement, du dépassement des chargements qu'il lui était demandé de livrer,
- les attestations versées aux débats par l'employeur sont irrégulières ou de complaisance,
- son refus d'exécuter les tâches confiées par l'employeur était légitime,
- ses demandes indemnitaires sont fondées.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 15 mai 2018, qui fixe les limites du litige, précise : "Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Vous êtes employé en qualité de transporteur depuis le 01 mai 2006.
Par le passé, nous avons eu à sanctionner votre refus de procéder au chargement complet du camion, dans les limites réglementaires. C'est ainsi que par courrier du 19 mars 2018, nous vous avons adressé un avertissement suite à l'interpellation d'un de nos clients qui s'est plaint de ce que la commande que vous lui avez livrée était inférieure en quantité à celle qu'il avait passée. Il nous a même expressément indiqué ne plus accepter aucune livraison qui devait être faite par vous dans le futur. Nous espérions que cet avertissement conduirait à une amélioration de votre comportement.
Nous avons, à regret, constaté que vous refusiez de nouveau d'obtempérer et de charger complètement le camion. C'est ainsi que nous devions encore être interpellé par 2 autres clients, nous indiquant que vous leur aviez livré une quantité inférieure à celle qu'ils avaient commandée. En notre présence, vous avez délibérément demandé à l'opérateur du tractopelle de cesser de remplir le camion, alors même que celui-ci n'était pas complètement rempli. Pire et depuis le 25 avril dernier, vous refusez de charger le camion, de livrer nos clients et donc d'exécuter la moindre tâche découlant pourtant de vos fonctions. Vous vous présentez parfois sur votre lieu de travail, mais sans rien faire et en dépit de nos demandes tendant à ce que vous exécutez vos tâches. Votre attitude désorganise profondément l'entreprise, porte atteinte à son image et cause des pertes financières.
Votre insubordination répétée et injustifiée met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 07 mai 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet";

* Quant au grief relatif aux livraisons incomplètes de clients :

L'employeur verse aux débats les pièces suivantes :
- une attestation dactylographiée, dépourvue de document d'identité, en date du 10 mars 2018, de M. [A] [L], responsable de la société TAG, qui indique "avoir refusé le chargement de la livraison du 5 mars 2018 sur le chantier de [Localité 3], effectué par M. [R] [V] chauffeur salarié de l'entreprise [D] [B] Transport pour les faits suivants : - Le chargement était incomplet. Depuis cet incident et ayant eu un différend avec le chauffeur, nous refusons désormais tout chargement provenant de ce dernier".
- une attestation, également dactylographiée et dépourvue de document d'identité, émanant du responsable de la société Synergie BTP, dont le nom n'est pas précisé, en date du 30 mars 2018, indiquant qu'il "atteste par la présente que le chargement de la livraison du 27 mars 2018, effectué par Monsieur [R] [V] chauffeur salarié de l'entreprise [D] [B] Transport : - Le chargement était incomplet au tonnage commandé. De ce fait, nous avons dû demander une régularisation quant à la facture en y incluant des pénalités".
- une attestation dactylographiée, datée du 25 avril 2018, dépourvue de document d'identité, de M. [S], gérant de l'entreprise [S] Construction, précisant "par la présente ne pas avoir réceptionné le chargement de tuf du 25 avril 2018 provenant de [D] Transport. Ce chargement a été acheminé par le camion [Immatriculation 1] conduit par Monsieur [R] [V], en cause la non-conformité dudit chargement en effet, le nombre de m3 ne correspondait pas à ma commande".

L'employeur produit également les attestations suivantes, complétant celles précitées :
- celle de M. [S] [Y], gérant de l'entreprise [S] Construction, réalisée de manière dactylographiée le 7 janvier 2020, qui précise attester "par la présente ne pas avoir réceptionné le chargement de TUF du 24 avril 2018 provenant de l'entreprise [D] [B] Transport. Ce chargement a été acheminé par le camion [Immatriculation 1] conduit par Monsieur [V] [R], salarié de l'entreprise [D] [B], en cause de non-conformité dudit chargement. En effet, le nombre de m3 ne correspondait pas à ma commande de 10m3".
- celle de M. [N] [J], directeur général, responsable des chantiers de la société Synergie BTP, établie de manière dactylographiée sur un formulaire Cerfa le 13 janvier 2020, accompagnée d'une pièce d'identité précisant qu'il "atteste par la présente que le chargement de la livraison du 27 mars 2018 effectué par Monsieur [R] [V], chauffeur salarié de l'entreprise [D] [B] Transport : le chargement était incomplet au tonnage demandé de 12m3. De ce fait nous avons dû demander une régularisation quant à la facture en y incluant des pénalités".
- celle de M. [A] [L], responsable de la société TAG, établie de manière dactylographiée sur un formulaire Cerfa, le 14 janvier 2020, à laquelle une pièce d'identité était jointe, précisant "avoir refusé le chargement de la livraison du 05 mars 2018 sur le chantier de [Localité 3] effectué par Monsieur [V] [R], chauffeur salarié de l'entreprise [D] [B] Transport, pour les faits suivants : - Le chargement était incomplet à ma commande de 13 m3. Depuis cet incident et ayant un différend avec ledit chauffeur, nous refusons désormais tout chargement provenant de ce dernier".

En premier lieu, la cour observe que, si l'employeur produit ces trois attestations, pour des faits survenus le 5 mars 2018, 27 mars 2018 et 24 avril 2018, il ne se prévaut dans ses écritures que des deux derniers incidents au soutien du licenciement du salarié, le premier ayant été l'objet d'un précédent avertissement adressé au salarié.

En second lieu, le juge doit apprécier la valeur probante des attestations qui lui sont soumises et en apprécier la portée. Les attestations produites, seulement dactylographiées, complétées sur la question du tonnage en cause et faisant débat entre les parties, sont insuffisantes, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, pour établir, à défaut de tout autre document, de type facture, bon de commande et de livraison, corroborant objectivement les mentions qu'elles comportent. Le seul bon de commande du 27 mars 2018, dont le tonnage a été corrigé manuellement, est insuffisant pour établir la réalité des griefs reprochés, étant observé que les autres pièces se rapportent à des dates distinctes de celles des faits en cause.

Par suite, ce grief ne peut être retenu comme étant matériellement établi.

* Quant au grief relatif au refus du salarié d'exécuter ses taches depuis le 25 avril 2018 :

L'employeur produit les attestations suivantes :
- celle de M. [U] [W], chauffeur routier, en date du 16 janvier 2020, qui précise : "j'atteste avoir assisté au refus de Monsieur [R] [V] d'exécuter les ordres de Monsieur [D]. Depuis le 24 avril 2018, ce dernier venait au travail mais n'effectuait aucune tâche donnée par Monsieur [D] ou était absent sans avoir alerté à l'avance ou posé un jour de congé".
- celle de M. [T] [C], chauffeur de poids lourd, en date du 13 janvier 2020, qui indique : "Salarié de l'entreprise [D], j'atteste par la présente que Monsieur [R] [V] à partir du 24 avril 2018, ce dernier ne venait pas travailler tous les jours. Il n'était pourtant pas en congés. Quand il venait, il refusait d'obéir à Monsieur [D]. Il ne faisait rien et ne conduisait aucun camion".
- celle de M. [H], chef d'équipe, en date du 17 janvier 2020, qui précise : "j'atteste par la présente m'être rendu sur le parc de Monsieur [D] [B], mon employeur. A maintes reprises depuis le 24 avril 2018 et durant ces passages, j'ai pu assister au refus de Monsieur [R] [V] d'obéir aux ordres de mission transmis par Monsieur [D]. Ce dernier refusant catégoriquement d'effectuer ses rotations et restait assis à ne rien faire".

Le salarié, qui ne conteste pas avoir refusé d'exécuter les instructions de l'employeur, fait valoir que sa démarche procédait d'un souhait de s'abstenir de transporter et livrer un chargement dépassant le poids maximum autorisé. Il produit des courriers du 10 mars 2018, du 17 avril 2018, du 15 mai 2018 et du 22 mai 2018 dans lesquels il alerte l'employeur sur sa responsabilité pénale en cas de surcharge du camion.
Le salarié verse également aux débats plusieurs bons de livraison compris entre le 27 janvier 2017 et le 22 janvier 2018, portant la mention de volumes compris entre 19 et 20 m3. Si, comme l'ont souligné les premiers juges, les parties ne s'accordent pas sur le poids roulant autorisé à retenir, il appert qu'en retenant une moyenne de 1400 kg/m3, les chargements évoqués par M. [R] se situaient entre 26600 kg et 28000 kg, soit au-delà du poids maximal de chargement.
L'employeur précise que les bons de livraison fournis par le salarié ne justifient pas de ce qu'il avait la mission de procéder auxdits transports, dès lors qu'il résulte des pièces du dossier, en particulier des attestations versées aux débats, qu'il pouvait conduire différents camions. Toutefois, il n'est pas établi que les chargements en cause, à défaut de pièces administratives y afférentes, ne lui étaient pas attribués, alors que, ainsi que le souligne M. [R], l'avertissement du 19 mars 2018 précise qu'il était affecté au camion immatriculé [Immatriculation 1] visé par les bons de commande précités et qu'il convient de relever que les attestations relatives à la pluralité de camions conduits par le salarié demeurent imprécises sur les périodes concernées par cette situation. De surcroît, les bons de commande, de livraison ou de pesée produits par l'employeur, ne permettent pas de justifier le poids des chargements en cause pour la période concernée, dès lors qu'ils sont antérieurs à celle-ci, voire corrigés à la main.

Il ressort des éléments analysés ci-dessus, qu'il ne peut pas être reproché au salarié d'avoir refusé d'accomplir ses tâches, dès lors que la matérialité du refus illégitime allégué par l'employeur, qui est contredit par les pièces fournies par le salarié, n'est pas établi par les pièces du dossier.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

Quant au rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire :

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer la somme de 433,30 euros accordée par les premiers juges au titre des salaires afférents à cette période du 5 au 12 mars 2018, dont la réalité n'est pas utilement contestée par l'employeur, et celle de 43,33 euros au titre des congés payés y afférents.

Quant à l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents :

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il convient de confirmer la somme de 3725,44 euros allouée à titre d'indemnité compensatrice de préavis par les premiers juges à M. [R], qui comptait une ancienneté de plus de 12 années, et celle de 372,54 euros pour les congés y afférents.

Quant à l'indemnité de licenciement :

En application de la combinaison des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail et des termes du contrat de travail du salarié, il convient de confirmer la somme allouée par les premiers juges à M. [D], qui comptait une ancienneté de de 12 années et deux mois, incluant le délai de préavis, à titre d'indemnité de licenciement, soit 21458,54 euros.

Il convient d'assortir cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter, en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, non pas de la date de saisine du conseil de prud'hommes, mais, s'agissant d'une créance indemnitaire, de la date de la décision qui l'a déterminée, soit le 15 décembre 2020.

Quant aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L. 125-3 du code du travail, il convient, compte tenu de l'ancienneté du salarié de plus de 12 ans, de son âge au moment de la rupture de son contrat de travail et de l'absence d'éléments relatifs à sa situation à l'issue du licenciement, de confirmer la somme de 14901,76 euros accordée par les premiers juges à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 8 mois de salaire.

Sur les autres demandes :

Il convient de confirmer le rejet de la demande de dommages et intérêts formulée par M. [R] pour défaut de déclaration de l'employeur au titre de l'année 2015. Dès lors que l'employeur produit différents documents, notamment un état préparatoire DADS en euros, une lettre d'observation de l'URSSAF à la suite d'un contrôle opéré sur une période incluant l'année litigieuse et le journal de paye de l'année 2015 concernant M. [R], ne révélant pas d'anomalies, aucune faute ne pourra être retenue contre l'employeur. Ainsi que l'ont souligné les premiers juges, le relevé de carrière établi par la CGSS présente, au vu des éléments ci-dessus des mentions insuffisantes qu'il convient pour le salarié de clarifier en se rapprochant de cet organisme.

Il y a lieu de débouter M. [R] de sa demande de présentation par l'employeur de son attestation de formation Fimo permettant à une personne ayant le permis poids lourds, mais pas les diplômes nécessaires, d'accéder aux emplois de chauffeur routier. S'il ne peut être contesté que le salarié a suivi cette formation, il pouvait solliciter la délivrance, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'un justificatif auprès de l'organisme de formation, nonobstant le suivi des formations auquel l'employeur est tenu. De surcroît, le salarié, qui se borne à solliciter le versement de dommages et intérêts, pour non remise du certificat de formation, ne justifie pas de la réalité ni l'étendue du préjudice qu'il allègue. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] des dommages et intérêts à ce titre.
Il convient cependant d'ordonner, dans le cadre de la présente instance, la remise à M. [R] du certificat FIMO.

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [R] les frais irrépétibles qu'il a exposés, il convient de confirmer le jugement qui lui a alloué une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il soit nécessaire de lui accorder une somme complémentaire en cause d'appel.

En conséquence, l'entreprise [B] [D] devra être déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront mis à la charge de l'entreprise [B] [D].

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement de départage rendu le 15 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de pointe-à-Pitre entre M. [R] [V] [Z] et Monsieur [B] [D], sauf en ce qu'il a assorti l'indemnité de licenciement des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2019, date de la saisine du conseil de prud'hommes,

Réformant et statuant à nouveau sur ce chef de demande,

Assortit l'indemnité de licenciement des intérêts au taux légal à compter de la date du 15 décembre 2020, date du jugement,

Y ajoutant,

Ordonne la remise par M. [D] [B] à M. [R] [V] [Z] du certificat FIMO,

Déboute M. [D] [B] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [B] aux entiers dépens de l'instance.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/000151
Date de la décision : 19/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 15 décembre 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-09-19;21.000151 ?
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