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19/09/2022 | FRANCE | N°20/006651

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 19 septembre 2022, 20/006651


VS-GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 127 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 20/00665 - No Portalis DBV7-V-B7E-DHWG

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 septembre 2020 - Section Agriculture -

APPELANTE

S.A.R.L. SAINT JACQUES AGRICULTURE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître Anis MALOUCHE de la SELARL MALOUCHE et MAPANG Avocats (Toque 125), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur [V] [W]

[J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Socrate-Pierre TACITA (Toque 92), avocat au barreau de GUADELOUPE/S...

VS-GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 127 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 20/00665 - No Portalis DBV7-V-B7E-DHWG

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 septembre 2020 - Section Agriculture -

APPELANTE

S.A.R.L. SAINT JACQUES AGRICULTURE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître Anis MALOUCHE de la SELARL MALOUCHE et MAPANG Avocats (Toque 125), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur [V] [W] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Socrate-Pierre TACITA (Toque 92), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [J] [V] [W] a été embauché par la SARL Saint-Jacques Agriculture par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2017 en qualité d'ouvrier agricole polyvalent, avec conservation de l'ancienneté acquise depuis le 1er août 2012 dans son précédent emploi auprès de l'EARL Galaxie 1, reprise par la SARL Saint-Jacques Agriculture.

A la suite d'un entretien préalable à son licenciement en date du 19 octobre 2018, l'employeur notifiait à M. [J], par lettre du 29 octobre 2018, son licenciement pour faute grave.

M. [J] saisissait le 28 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir le versement de diverses indemnités liées à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 16 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré que M. [J] [W] était recevable en sa demande,
- jugé que le licenciement de M. [J] [W] était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SARL Saint-Jacques Agriculture, en la personne de son représentant légal, à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes :
* 9000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3032 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 2100 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [J] [W] de sa demande au titre des heures supplémentaires,
- débouté la partie défenderesse de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Saint-Jacques Agriculture aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 septembre 2020, SARL Saint Jacques Agriculture formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 17 septembre 2020.

Par ordonnance en date du 12 mai 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 20 juin 2022 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique à M. [J] le 29 juillet 2021, la SARL Saint-Jacques Agriculture demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- condamner M. [J] [W] à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :
- les griefs reprochés au salarié sont établis, observation étant faite que M. [J] a reconnu leur réalité,
- les fautes commises par le salarié ont porté atteinte à la pérennité de l'exploitation et caractérisent un manquement grave à l'exécution de bonne foi du contrat de travail,
- le salarié connaissait l'importance de ses tâches au regard du cahier des charges commerciales.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2022 à la SARL Saint-Jacques Agriculture, M. [J] demande à la cour de :
- déclarer l'appel de la SARL Saint-Jacques Agriculture injustifié,
- débouter la SARL Saint-Jacques Agriculture de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a statué comme suit :
*déclaré que M. [J] [W] était recevable en sa demande,
* jugé que le licenciement de M. [J] [W] était sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la SARL Saint-Jacques Agriculture, en la personne de son représentant légal, à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes :
. 9000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3032 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 2100 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Saint-Jacques Agriculture au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose que :
- les faits reprochés ne sont pas justifiés par les pièces versées aux débats,
- la société ne justifie pas davantage de conséquences néfastes sur l'activité de l'entreprise, ni de dommages pour l'exploitation.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 29 octobre 2018, qui fixe les limites du litige, précise : "(...) Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Le mardi 25 septembre 2018, vous étiez affecté à l'oeilletonnage, vos horaires de travail étaient de 6h00 à 10h00 et de 10h30 à 13h00.
A 12h00 votre responsable Monsieur [K] [U] est passé contrôler le travail, et il vous a trouvé votre sabre à la main en train de couper des herbes pour vos animaux.
Au lieu d'effectuer le travail qui vous avait été donné pour votre journée, cela faisait déjà un bon moment que vous vous adonniez à vos activités personnelle au vu du gros tas d'herbe que vous aviez déjà coupé. A votre départ à 13 heures, vous n'aviez pas terminé le travail qui vous avait été donné pour votre journée de travail.
Le jeudi 27 septembre 2018, vous avez quitté votre poste de travail à 12h00 sans aucune autorisation, sans avoir averti votre responsable et sans avoir terminé le travail qui vous avait été donné pour votre journée alors que vos horaires de travail étaient de 6h00 à 10h et 10h30 à 13h00.
Ce sont de tels comportements qui sont à l'origine de tout le retard qui a été accumulé dans l'exécution des travaux.
Bien que vous ayez reconnu les faits, et que vous ayez présenté vos excuses, les explications recueillies auprès de vous ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation quant à la gravité des faits qui vous sont reprochés.
En votre qualité d'ouvrier agricole, vous êtes tenu d'exécuter les ordres qui vous sont donnés, de respecter les consignes de travail et de respecter les règles applicables au sein de l'exploitation.
Malgré plusieurs mises en garde verbales et avertissements, votre comportement ne change pas.
Vos agissements nuisent à la bonne marche de l'exploitation et ont des répercussions sur l'organisation du travail.
Suite aux différentes réunions que nous avons eues sur la situation de l'exploitation, vous connaissez les difficultés que l'exploitation rencontre ainsi que les pertes dont elle a dû faire face suite à la destruction totale de la bananeraie lors du passage du cyclone MARIA et donc l'importance de la reprise de la production.
Votre comportement désorganise l'exploitation, porte atteinte à la pérennité de l'exploitation et met en péril la survie même de l'exploitation.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'exploitation s'avère impossible.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave".

S'agissant des faits en date du 25 septembre 2018, l'employeur verse aux débats l'attestation de M. [K] [U], responsable d'exploitation, précisant : "Le mardi 25 septembre 2018, Monsieur [J] [W] était affecté à l'oeilletonnage à la pince sur la parcelle [Adresse 4]. A 12 heures, je suis passé contrôler le travail dars parcelle [Adresse 4] et j'ai trouvé Monsieur [J] [V] [W] le sabre à la main en train de couper de l'herbe pour ses animaux. Cela faisait un bon moment qu'il coupait de l'herbe car il y avait près de lui un gros tas d'herbe déjà coupé. Lorsqu'il est parti à 13h00, il n'avait pas terminé le travail qui lui avait été donné pour sa journée.
Lors de l'entretien préalable le 19 octobre 2018, Madame [L], la directrice des ressources humaines m'a appelé pour redire avec précision les faits qui se sont produits, ce que j'ai fait et en ma présence, Monsieur [J] [W] a reconnu que le 25 septembre 2018 à 12h00 que je l'ai trouvé en train de couper des herbes pour ses animaux au lieu de faire son travail. Il a dit avoir fait une bêtise et s'est excusé".
L'employeur verse également aux débats un procès verbal de constat d'huissier en date du 26 juin 2019, suivant lequel le salarié a adressé à son employeur un message sur son portable le 24 octobre 2018, soit quelques jours après l'entretien préalable, indiquant "Bonjour Monsieur [S], je tenais à vous présenter toutes mes excuses pour l'herbe que j'ai pris pour mes animaux pendant mon heure de travail".
Il résulte des éléments repris ci-dessus que l'employeur produit des éléments permettant de justifier la matérialité des faits reprochés au salarié. M. [J] ne saurait valablement alléguer que les travaux de désherbage et d'effeuillage dont il a pris l'initiative ont été réalisés dans l'intérêt de l'entreprise, et à défaut de directives précises, alors qu'il ne conteste pas avoir procédé à ceux-ci dans un but personnel pour nourrir ses animaux, point qu'il avait reconnu devant son responsable puis par message adressé à son employeur, et qu'il ne conteste pas qu'il était affecté à des tâches d'oeilletonnage dont il résulte de l'attestation précitée qu'elles n'ont pas été terminées.

Concernant les faits reprochés le 27 septembre 2018, la cour observe que l'employeur ne verse pas de pièces aux débats permettant de vérifier leur réalité, alors que le salarié produit deux attestations de témoins, conformes aux dispositions des articles 200 et suivants du code de procédure civile, l'ayant aperçu à son poste de travail à 12h00.

Dans ces conditions, seul le grief relatif à la coupe d'herbes pour ses animaux durant le temps de travail de M. [J] est matériellement établi par les pièces du dossier.
S'il n'est pas justifié que le défaut de respect des directives de l'employeur le 25 septembre 2018 ait eu des répercussions notables sur le fonctionnement de l'entreprise, le manquement du salarié, eu égard à sa durée, à ses conséquences défavorables sur l'organisation de son travail et au fait qu'il avait été destinataire de quatre précédents avertissements aux mois d'août et septembre 2018, pour non respect des directives relatives à ses absences sans autorisation, justifie son licenciement non pas pour faute grave, mais pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement est réformé sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

Quant à l'indemnité compensatrice de préavis :

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il convient de confirmer la somme allouée à M. [J] à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à deux mois de salaire, soit la somme de 3032 euros.

Quant à l'indemnité de licenciement :

En application des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail, il convient de confirmer la somme allouée par les premiers juges à M. [J], qui comptait une ancienneté de six années et cinq mois, incluant le délai de préavis, à titre d'indemnité de licenciement, soit 2100 euros.

Quant aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement pour cause réelle et sérieuse étant justifié, M. [J] ne pourra qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts présentée à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

En application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, M. [J], qui ne sollicite plus le versement d'une somme à titre d'heures supplémentaires, est réputé avoir abandonné sa demande en cause d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 16 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre M. [J] [V] [W] et la SARL Saint-Jacques Agriculture, en ce qu'il a condamné la SARL Sait-Jacques Agriculture à verser à M. [J] [V] [W] la somme de 3032 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2100 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

Réforme et statuant à nouveau sur les autres chefs de demandes,

Dit que le licenciement de M. [J] [V] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [J] de sa demande de versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes formulées à ce titre,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/006651
Date de la décision : 19/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 16 septembre 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-09-19;20.006651 ?
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