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19/09/2022 | FRANCE | N°20/002071

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 19 septembre 2022, 20/002071


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 125 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 20/00207 - No Portalis DBV7-V-B7E-DGRS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 16 décembre 2022 - Section Activités Diverses -

APPELANT

CENTRE INTERPROFESSIONNEL DE SANTE AU TRAVAIL (CIST) pris en la personne de son Président, M.[N] [X]

[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Maître Jean-Marc DERAINE de la SELARL DERAINE et ASSOCIES (Toque 23), avocat au barreau d

e GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame [Y] [K]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître Roland ...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 125 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 20/00207 - No Portalis DBV7-V-B7E-DGRS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 16 décembre 2022 - Section Activités Diverses -

APPELANT

CENTRE INTERPROFESSIONNEL DE SANTE AU TRAVAIL (CIST) pris en la personne de son Président, M.[N] [X]

[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Maître Jean-Marc DERAINE de la SELARL DERAINE et ASSOCIES (Toque 23), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame [Y] [K]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître Roland EZELIN de la SELARL CABINET ROLAND EZELIN (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [K] a été embauchée par le Centre Interprofessionnel de Médecine du Travail (CIMT), devenu Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST), à compter du 6 avril 1999 par contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire médicale.

Par lettre du 26 août 2013, l'employeur convoquait Mme [K] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 11 septembre 2013.

Par lettre du 17 septembre 2013, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [K] saisissait le 30 octobre 2016 le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir le versement de diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 16 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a :
- jugé nulle la clause de mobilité exprimée par l'employeur en appui de la demande de licenciement,
- jugé que le licenciement de Mme [K] [Y] était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST), en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
* 10130 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5121 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 3376 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST), en la personne de son représentant légal, à remettre à Mme [K] [Y], sans délai, l'attestation Pôle Emploi modifiée, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- débouté le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST), en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle,
- condamné le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST), en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de l'instance.

Selon deux déclarations reçues au greffe de la cour le 18 février 2022 et le 19 février 2022, enregistrées respectivement sous les no RG 20/00207 et 20/00211, le CIST formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 21 janvier 2020.

Par ordonnance du 18 mars 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures sous le no RG 20/00207.

Par ordonnance du 12 mai 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 20 juin 2022 à 14H30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 10 mai 2022 à Mme [K], le CIST demande à la cour de :
- juger que Mme [K] ne pouvait refuser de déférer à la clause contractuelle de mobilité signée par elle le 6 avril 1999,
En conséquence,
- juger que le licenciement de Mme [K] repose sur un ensemble de faits qui lui sont imputables et qui constituent une violation des obligations résultant de son contrat de travail justifiant la rupture de celui-ci,
- constater que Mme [K] a été remplie de ses droits au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu'au titre de son préavis,
- constater que son attestation Pôle Emploi lui a été remise par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 novembre 2013,
En conséquence,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CIST soutient que :
- la salariée a refusé de déférer à la clause de mobilité figurant dans son contrat de travail, désorganisant, par voie de conséquence, le service,
- la mobilité demandée à Mme [K] était conforme aux intérêts légitimes de l'association,
- la clause de mobilité était conforme au droit, la zone géographique étant suffisamment définie,
- le CIST était titulaire d'un agrément au moment où il a demandé l'application de la clause de mobilité à la salariée,
- les demandes indemnitaires de la salariée sont infondées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 août 2020 au CIST, Mme [K] demande à la cour de :
- confirmer le jugement querellé,
- débouter le CIST de ses demandes,
- condamner le CIST à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Mme [K] expose que :
- la clause figurant dans son contrat de travail est vague, sans engagement de mobilité expresse et à une époque où le CIST n'avait pas d'agrément,
- la référence à la zone du département dans la clause est inappropriée,
- il s'agit en réalité d'une modification substantielle de son contrat de travail, en méconnaissance de la confirmation de son maintien à son poste,
- son poste a été maintenu après son licenciement, le rendant injustifié.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Pour être licite, une clause de mobilité doit définir de manière précise la délimitation de la zone géographique d'application dans laquelle le salarié accepte d'être muté et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée

En l'espèce, la lettre de licenciement du 17 septembre 2013, qui fixe les limites du litige, précise: " Lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 11 septembre dernier en présence de Monsieur [G], délégué du personnel, je vous ai exposé les motifs retenus contre vous aux fins d'une éventuelle mesure de licenciement.
J'ai pris bonne note de vos observations et de votre position.
Je vous notifie par la présente votre licenciement pour le motif suivant : "Refus de votre mutation de votre poste de travail de Saint Martin à Jarry alors que votre contrat de travail comporte une clause de mobilité". Votre préavis, d'une durée de deux mois que nous vous dispensons d'effectuer, commencera à courir dès réception du présent courrier".

En l'espèce, le contrat de travail de Mme [K] du 6 avril 1999, prévoit, en son article 3, intitulé "Horaire-Lieu de travail", la clause suivante : "Mademoiselle [Y] [K] se conformera à l'horaire du C.I.M.T., son lieu de travail sera la circonscription géographique couverte par l'Agrément du Service".

Il appert que Mme [K] travaillait, depuis son embauche, sur les secteurs des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Par lettre du 1er avril 2013, intitulée "mutation", l'employeur demandait à la salariée de rejoindre définitivement le siège de l'association sis à Jarry, en raison de la vacance des médecins du travail sur le secteur de Saint-Martin, et ceci en application de l'article 3 de son contrat de travail.
Plusieurs échanges de courriers sont ensuite intervenus entre les parties, par lesquels l'employeur a réitéré sa demande et la salariée a manifesté son désaccord sur celle-ci.

La cour observe que la clause selon laquelle le lieu de travail de Mme [K] sera la circonscription géographique couverte par l'agrément du Service n'est pas, à supposer qu'elle constitue une clause de mobilité, licite, en ce qu'elle ne détermine aucune zone géographique précise, la seule mention du secteur de l'agrément étant insuffisante pour justifier de la connaissance de la zone concernée par la salariée, observation étant faite qu'elle n'énonce pas d'engagement de mobilité.

Il est toutefois admis que nonobstant l'illicéité de la clause de mobilité, l'employeur du fait de l'exercice de son pouvoir de direction, est libre de procéder au changement de lieu de travail dans un même secteur géographique, ce qui constitue un simple changement des conditions de travail, et non une modification du contrat de travail supposant l'accord du salarié.

Au constat que le lieu de la mutation envisagée était situé sur une autre île, qu'il impactait notablement la vie personnelle et familiale de l'intéressée, ainsi que le rappelle Mme [K] dans ses écritures en citant l'avis de l'inspecteur du travail sur ce point, et qu'un poste de secrétariat était maintenu à Saint-Martin, sans que l'employeur se justifie sur le choix de procéder à la mutation de la salariée au regard de cette situation, il appert que celui-ci ne pouvait valablement procéder au changement du lieu de travail litigieux.

Il s'ensuit que le refus de Mme [K] de son changement d' affectation sur le site de Jarry, qui modifiait, ainsi qu'elle le soutient, son contrat de travail n 'est pas fautif et ne peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

Quant à l'indemnité compensatrice de préavis :

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il convient de confirmer la somme de 3376 euros allouée par les premiers juges à Mme [K], qui comptait une ancienneté de plus de 14 années, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions portées sur la fiche de paie du mois de novembre 2013, de l'attestation Pôle Emploi et du montant du virement réalisé par l'employeur en règlement du solde de tout compte, qu'elle n'a perçu que la somme de 1350,76 euros à ce titre.

Quant à l'indemnité légale de licenciement :

En application des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail, il convient de confirmer la somme allouée par les premiers juges à Mme [K], qui comptait une ancienneté de près de 14 années et sept mois, incluant le délai de préavis, à titre d'indemnité de licenciement, soit 2000 euros.

Quant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Il sera fait application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version à la date du licenciement, compte tenu de la référence non contestée dans la requête introductive d'instance à cet article, la mention d'un effectif d'un salarié portée sur l'attestation Pôle Emploi correspondant à celui de l'établissement.

Compte tenu de l'ancienneté de Mme [K] de 14 années et sept mois, incluant le préavis, de son âge (38 ans) au moment du licenciement, de l'absence d'éléments relatifs à sa situation à l'issue de celui-ci, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme [K] en raison de la perte injustifiée de son emploi en confirmant la somme de 10130 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes :

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi modifiée, sans qu'il soit besoin toutefois de prononcer une astreinte.

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il convient de confirmer le jugement qui lui a alloué une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il soit nécessaire de lui accorder une somme complémentaire en cause d'appel.

En conséquence, le CIST devra être débouté de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront mis à la charge du CIST.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2019 entre Mme [K] [Y] et le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST), sauf en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise de l'attestation Pôle Emploi,

Infirmant et statuant à nouveau sur ce chef de demande,

Déboute Mme [K] de sa demande relative au prononcé d'une astreinte relative à la remise de l'attestation Pôle Emploi,

Déboute le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST) de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Centre Interprofessionnel de Santé au Travail (CIST) aux dépens de l'instance.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/002071
Date de la décision : 19/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Basse-Terre, 16 décembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-09-19;20.002071 ?
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