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27/06/2022 | FRANCE | N°20/007681

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 27 juin 2022, 20/007681


VS-GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 111 DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00768 - No Portalis DBV7-V-B7E-DH6D

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 septembre 2020 - Section Encadrement -

APPELANTE

ASSOCIATION [3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et Maître P. BERTE, avocat plaidant inscrit au barreau de Fort de Fra

nce

INTIMÉE

Madame [Y] [L] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Frédérique LA...

VS-GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 111 DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00768 - No Portalis DBV7-V-B7E-DH6D

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 septembre 2020 - Section Encadrement -

APPELANTE

ASSOCIATION [3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et Maître P. BERTE, avocat plaidant inscrit au barreau de Fort de France

INTIMÉE

Madame [Y] [L] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Frédérique LAHAUT de la SELARL FILAO AVOCATS (Toque 127), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 juin 2022

GREFFIER Lors des débats : MmeValérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******
FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [G] [Y] [L] a été embauchée par l'association [3] par contrat à durée déterminée à compter du 24 avril 2017 jusqu'au 15 mai 2017, puis par contrat à durée indéterminée en qualité de directrice de l'EHPAD [3].

Mme [G] a été placée en arrêt maladie à compter du 4 octobre 2017, durant plusieurs mois.

Par lettre du 28 mars 2018, Mme [G] a sollicité sa reprise à mi-temps thérapeutique.

Par avis rendu dans le cadre d'une attestation de suivi du 5 avril 2018, le médecin du travail proposait une reprise à temps partiel thérapeutique à 50% pendant six mois.

Par courrier du 5 avril 2018, la présidente de l'association [3], invitait la salariée à respecter le cadre législatif relatif à sa reprise.

Par lettre du 6 avril 2018, l'employeur convoquait Mme [G] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 20 avril 2018 et lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire.

Par acte d'huissier du 23 avril 2018, l'employeur la convoquait à un nouvel entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 11 mai 2018.

Par lettre du 23 mai 2018, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Mme [G] saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 28 décembre 2018 aux fins de voir juger son licenciement nul et d'obtenir le versement de diverses sommes liées aux préjudices qu'elle estimait avoir subis.

Par jugement rendu contradictoirement le 29 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- reçu la demande de Mme [G] [Y] [L] et l'a déclarée fondée,
- dit que le licenciement de Mme [G] [Y] [L] était nul,
- condamné l'association [3], en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [G] [Y] [L] les sommes suivantes :
* 23334,48 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
* 11 667,24 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité de résultat,
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
* 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouté l'association [3], en la personne de son représentant légal, de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association [3] aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 22 octobre 2020, l'association [3] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 3 octobre 2020.

Par ordonnance rendue le 10 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 28 mars à 14h30.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du lundi 2 mai 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022 à Mme [G], l'association [3] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* reçu la demande de Mme [G] [Y] [L] et l'a déclarée fondée,
* dit que le licenciement de Mme [G] [Y] [L] était nul,
* condamné l'association [3], en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [G] [Y] [L] les sommes suivantes :
. 23334,48 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
. 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
. 11 667,24 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de ‘obligation de sécurité de résultat,
. 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
.1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
* débouté l'association [3], en la personne de son représentant légal, de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné l'association [3] aux entiers dépens.
Et statuant à nouveau, de :
- constater qu'il n'y a pas eu de harcèlement ni de manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- constater que le licenciement de Mme [G] [Y] est motivé par une cause réelle et sérieuse,
- constater que les documents de fin de contrat ont été remis dans les délais prévus,
- en conséquence, débouter Mme [G] [Y] de toutes ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.

L'association [3] soutient que :
- le licenciement de la salariée est fondé sur son insuffisance professionnelle dans le domaine des ressources humaines et de la coordination avec les institutions, qui est établie par les pièces du dossier,
- le licenciement n'est pas de nature disciplinaire,
- aucune prescription n'est opposable,
- le licenciement est également fondé sur le comportement inadapté de la salariée qui a fait preuve d'une particulière légèreté lors de sa reprise après plusieurs mois d'arrêt maladie,
- le harcèlement moral invoqué par la salariée n'est pas démontré, alors qu'elle a mené une campagne de dénigrement à l'égard de son employeur, que les attestations versées aux débats sont de complaisance, mensongères et falsifiées et que les certificats médicaux ne sont pas probants,
- les allégations à l'égard de la présidente sont également mensongères et la surcharge de travail n'est pas établie,
- l'association n'a nullement manqué à son obligation de sécurité de résultat, ni délivré tardivement les documents de fin de contrat.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 8 février 2022 à l'association [3], Mme [G] demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement nul en raison de faits constitutifs de harcèlement moral dont elle a été victime,
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné l'association [3] à lui payer les sommes suivantes :
* 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
* 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association [3] à lui payer les sommes suivantes :
* 23334,48 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'association [3] à lui verser les sommes suivantes :
* 56646,97 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 27323,49 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 27323,49 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Si la cour venait à ne pas retenir la nullité du licenciement,
- dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Et en conséquence :
- condamner l'association [3] à lui verser la somme de 9107,83 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné l'association [3] à lui payer les sommes suivantes :
* 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
* 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,
* 23334,48 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association [3] à lui payer les sommes suivantes :
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
- condamner l'association [3] à lui verser les sommes suivantes :
* 27323,49 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- débouter l'association [3] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner l'association [3] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en cause d'appel.

Mme [G] expose que :
A titre principal,
- elle a été victime de faits de harcèlement moral, caractérisés par des actes et des propos vexatoires et une surcharge de travail ayant altéré son état de santé,
- ses conditions de reprise du travail à l'issue de son arrêt de travail se sont dégradées, ainsi que celles de l'ensemble des salariés,
- la présidente de l'association a fait montre d'un comportement tyrannique,
- son licenciement est nul, dès lors qu'il est lié au harcèlement moral subi,
- l'association a manqué à son obligation de sécurité de résultat dans la prévention du harcèlement moral,
A titre subsidiaire,
- les griefs reprochés sont prescrits et infondés,
- ses demandes indemnitaires sont justifiées.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient d'examiner les éléments allégués par Mme [G] à l'appui du harcèlement moral dont elle s'estime victime.

Mme [G] se prévaut d'actes et propos vexatoires, humiliants et attentatoires perturbant l'exécution de son travail, d'une surcharge de travail et d'une altération de son état de santé.
S'agissant des actes et propos précités, la salariée verse aux débats plusieurs attestations mettant en évidence leur réalité :
- Celle de Mme [W], étudiante, précisant : "J'ai collaboré avec Madame [G] [Y], directrice de l'EHPAD [3], lors de mon travail saisonnier qui s'est déroulé sur 21 août au 15 septembre 2017 (...) Ainsi, durant toute ma période de travail au sein de l'EHPAD, j'assistais quotidiennement à des faits que plusieurs d'entre nous, à la direction, qualifions d'harcèlement moral de la part de la Présidente. Appels téléphoniques répétés, de conférences et réunions téléphoniques, d'humiliation, de cris, de mépris d'injures et injonctions. J'ai également souvent eu l'occasion de me faire déposer par la directrice en fin de journée. Cela m'a permis de constater que durant les trajets, la Présidente l'appelait sans cesse pour avoir le compte rendu de la journée. Ces situations n'ont pas manqué de m'interpeller car si Madame [G] ne répondait pas sur son portable professionnel, elle appelait sur son portable personnel, fixe de son domicile ou envoyait des SMS de demande de rappeler jusqu'à obtenir une réponse de sa part. Ainsi, j'ai pu être témoin du mal être que cela provoquait chez Madame [G] car une fois la conversation enclenchée, elle subissait d'éternelles remontrances. La directrice disait être épuisée, stressée et angoissée de cette pression perpétuelle sans qu'elle ne trouve d'issue rationnelle".
- Celle de Madame [K], responsable logistique, indiquant : "Salariée depuis l'ouverture de l'EHPAD en 2012, j'ai assisté à une succession de directeurs et d'attachés de direction, tous dirigés à distance par la Présidente des associations Tamaria et [3], Madame [V], par des appels incessants à l'EHPAD, sur leurs portables professionnel ou personnel (...) J'ai entendu des appels sur haut parleur en réunion téléphonique avec la directrice Mme [G] et l'Attd Mme [J], où la prdte hurlait et insultait parce qu'elle n'avait pas été consultée pour répondre à un mail pourtant qui leur était adressé (...)".
- Celle de Mme [U], aide-soignante, évoquant : "Entre 2016 et 2018, j'ai travaillé de manière régulière à l'EHPAD [3]. (...) Mais ensuite, j'ai été contactée par téléphone par la présidente des associations de l'EHPAD pour un second entretien de recrutement à l'EHPAD, un samedi matin, pendant mes congés (...) J'ai été surprise car la directrice et l'infirmière référente n'étaient même pas informées et habituellement nous traitons directement avec l'attachée de direction, Mme [J] ou l'infirmière référente tout ce qui est RH et ce sont elles qui sont en lien avec la présidente et pas nous (...)".
- Celle de Mme [H] épouse [M], aide médico psychologique, précisant : "Ancienne salariée de l'EHPAD, je confirme avoir vu Mme [Y] [G] sortir du bureau de Mme [V] présidente de l'établissement en pleurant. A plusieurs reprises je l'ai surprise en train de crier après le personnel administratif (...)".
Si les autres attestations versées aux débats ( M. [S], M. [T], Mme [P]) n'évoquent pas la situation de Mme [G] ou les propos invoqués ci-dessus, elles mettent en exergue le climat de tensions au sein de l'établissement.
L'employeur précise que les attestations versées aux débats par Mme [G] sont complaisantes, mensongères et falsifiées. Si l'association remet en cause celles de Mme [K] aux motifs qu'elle a rencontré des difficultés avec plusieurs directeurs et que la procédure prud'homale qu'elle a initiée pour harcèlement moral au sein de l'association Tamaria n'a pas prospéré, ainsi que celle de Mme [W] en raison de son lien avec la salariée, dont elle est la belle-soeur, ceux-ci ne sauraient à eux-seuls établir leur défaut de crédibilité, dès lors que les faits relatés sont précis et concordants, y compris avec ceux évoqués par Mme [H] dont l'attestation n'est pas critiquée. La circonstance que la signature de Mme [W] figurant sur l'attestation soit différente de celle apparaissant sur sa pièce d'identité n'est pas de nature, en l'absence de tout autre élément, à démontrer qu'elle n'en aurait pas été l'auteur.
S'agissant de celle de Mme [U], l'employeur produit aux débats une expertise en écriture mettant en évidence le défaut de rédaction et de signature par l'intéressée de l'attestation produite par la salariée. Nonobstant l'absence de justification d'une éventuelle procédure pour faux témoignage, il convient toutefois de souligner l'existence d'un doute relatif à la conformité et la crédibilité de celle-ci, impliquant de l'écarter des débats.
S'agissant des autres attestations, qui ont été relevées précédemment au titre du contexte de travail, les éléments présentés par l'employeur, qui sont antérieurs pour M. [S] et M. [T], aux faits en cause et portent sur l'appréciation de leurs propres relations professionnelles avec la présidente de l'association, ne sont pas de nature à remettre en cause ceux qu'ils ont pu observer au sein de l'établissement.
Enfin, concernant l'attestation de Mme [M], si l'employeur se réserve dans ses écritures le droit de déposer plainte pour faux témoignage, la réalité de cette démarche n'est pas établie par les pièces du dossier et cette simple allégation ne peut davantage suffire à justifier le caractère mensonger de l'attestation. Par suite, l'employeur ne démontre pas que les faits relatés par les attestations, à l'exception de celle de Mme [U], ne sauraient être pris en compte eu égard à leur caractère de complaisance, mensonger ou falsifié qu'il allègue.
En outre, la lettre de la salariée datée du 29 septembre, 1er et 3 octobre 2017, adressée à la présidente de l'association met en évidence ses observations relatives aux excès de celle-ci à son endroit, caractérisés par des appréciations désobligeantes, la remise en cause de ses performances ou de son investissement, ses propos infantilisants ("bébé", "ma fille") et ses emportements. Si l'association conteste la réception de ce courrier, point sur lequel la salariée ne s'explique pas, il appert toutefois qu'elle constitue un indice complémentaire des attestations précitées, étant observé que l'association se fonde également sur ce courrier pour justifier ses allégations.

Les éléments repris ci-dessus permettent de démontrer la réalité du grief invoqué par la salariée d'actes et propos vexatoires, humiliants et attentatoires perturbant l'exécution de son travail.

S'agissant de la surcharge de travail, Mme [G] fait référence aux termes de la lettre précitée du 29 septembre, 1er et 3 octobre 2017, énumérant de manière précise les différents dysfonctionnements au sein de l'établissement, liés à l'attitude de la directrice et impliquant une situation de pression. Plus particulièrement, Mme [G] se prévaut dans ses écritures des exigences et sollicitations de la présidente, qui se matérialisaient par ses appels incessants en dehors de heures de travail, lesquels sont également corroborés par les attestations précitées.

Les pièces médicales versées aux débats mettent, en outre, en évidence une altération de l'état de santé de la salariée et un état d'épuisement en lien avec sa situation professionnelle.

Dans ces conditions, Mme [G] établit la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Il convient, dès lors d'examiner les éléments invoqués par l'employeur pour démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En premier lieu, l'association se prévaut d'une campagne de dénigrement de la salariée menée à l'égard de son employeur en utilisant des moyens dénués de crédibilité. Toutefois, l'article paru dans France Antilles Guadeloupe au sujet de l'établissement ne saurait être valablement invoqué à l'appui de cette assertion dès lors, ainsi que le souligne l'association [3], qu'il a été rédigé par un journaliste au mois d'avril 2019, soit à une période durant laquelle la salariée n'exerçait plus ses fonctions au sein de l'établissement. Cet article ne permet pas, en tout état de cause, d'apporter un éclairage sur les faits litigieux, qui sont antérieurs de près d'une année.

En deuxième lieu, si l'employeur allègue que les documents médicaux ne sont pas probants à défaut de constatations en lien avec les conditions de travail, il appert qu'ils attestent toutefois d'une dégradation de l'état de santé de l'intéressée contemporaine de la période de harcèlement moral dont elle se prévaut.

En troisième lieu, l'association souligne que les allégations à l'égard de la présidente sont mensongères et verse aux débats des attestations du directeur par intérim, psychologue clinicien ainsi que d'une infirmière faisant état de l'absence de comportement de harcèlement moral de la part de la présidente à leur égard ou qu'ils auraient pu observer. Toutefois, ces attestations ne permettent pas de justifier de la situation de Mme [G], qui n'est pas mentionnée, observation étant faite que le directeur par intérim concède certains emportements pouvant être attribués à la présidente : "Certes Mme [V] est une personne à fort caractère, entêté, mais aussi passionné, impliqué et très rigoureuse dans son travail. De ce fait, elle peut élever le ton lorsque les problématiques de l'institution sont abordées car celles-ci la touchent au coeur. Il lui arrive aussi de s'agacer dans le cas où un employé manque de passion, de rigueur et de sérieux manifeste dans son travail (...)"

En quatrième lieu, si l'employeur fait valoir que les 40 heures supplémentaires et 5 heures d'intervention réalisées par la salariée ne permettent pas d'établir la surcharge de travail, il appert, nonobstant la contestation de l'association sur ce point, que la salariée était sollicitée régulièrement en dehors de ses heures de travail, situation résultant de la lettre adressée à la présidente et de l'attestation concordante de Mme [W].

En cinquième lieu, l'employeur conteste les propos infantilisants invoqués par la salariée sans toutefois apporter d'explications sur ceux employés à son endroit.

Il ressort des éléments repris ci-dessus que l'employeur échoue à démontrer que les faits en cause sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute situation de harcèlement moral.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu la situation de harcèlement moral subie par Mme [G] et de le réformer s'agissant de la demande de dommages et intérêts, eu égard à sa durée d'environ six mois, en lui allouant la somme de 10000 euros à titre à ce titre.

Sur le licenciement :

En ce qui concerne la nullité du licenciement :

Aux termes de l'article L1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En conséquence du harcèlement moral invoqué par la salarié, celle-ci sollicite de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement était nul.

Les faits de harcèlement moral ayant été précédemment retenus, il convient d'examiner le lien entre ceux-ci et le licenciement de la salariée.

Il appert que Mme [G] a été placée en arrêt de travail à compter du 4 octobre 2017 et qu'elle a repris ses fonctions le 5 avril 2018.

L'employeur lui a adressé une première lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement datée du 6 avril 2018, soit le lendemain de l'attestation de suivi du médecin du médecin du travail formulant une proposition de reprise à temps partiel thérapeutique à 50% pendant six mois. Une seconde convocation à un entretien préalable a été adressée à la salariée par acte d'huissier du 23 avril 2018, le licenciement ayant été notifié par lettre datée du 23 mai 2018.

Il ressort de la chronologie des éléments repris ci-dessus que Mme [G] a subi des faits de harcèlement moral, puis a été placée durant six mois en arrêt maladie et qu'une procédure de licenciement a été immédiatement initiée par l'employeur, dès la reprise de ses fonctions.
Dans ces conditions, Mme [G] est fondée à se prévaloir de la nullité de son licenciement, qui présente un lien avec la situation de harcèlement moral dont elle a été victime.
Le jugement est confirmé sur ce point.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts :

L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail de la salariée, de son âge au moment de celle-ci (21 ans), de son ancienneté d'une année et de l'absence d'éléments relatifs à sa situation professionnelle à l'issue de la rupture, il convient d'accorder à Mme [G] une somme de 30000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement nul.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur l'obligation de sécurité de résultat :

Il y a lieu de rappeler que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L 4121-1 du code du travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

En vertu de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Le médecin du travail est compétent pour apprécier l'aptitude médicale du salarié à son poste de travail, et l'employeur doit prendre en considération les préconisations formulées.

Lorsque le médecin conseil de la CPAM, qui doit examiner le salarié et apprécier l'avis du médecin traitant, a donné un avis favorable au mi-temps thérapeutique, l'employeur doit organiser une visite médicale de reprise afin d'obtenir l'avis écrit du médecin du travail et, le cas échéant, les modalités d'application des aménagements thérapeutiques préconisées.

L'employeur ne pourra alors s'opposer au temps partiel thérapeutique que pour un motif légitime lié à l'intérêt de l'entreprise et faire connaître ses motifs au salarié.

En l'espèce, par avis médical du 5 avril 2018, réalisé dans le cadre d'une attestation de suivi, dont la case "visite de reprise (R. 4624-31)" est cochée, le médecin du travail a formulé la proposition d'une reprise de Mme [G] à temps partiel thérapeutique à 50% pendant six mois.

S'il résulte des pièces du dossier, en particulier des échanges entre la salariée et l'employeur, que celui-ci a souhaité que sa reprise du travail à l'issue de son arrêt maladie, arrivé à terme le 28 mars 2018, soit subordonné à la visite médicale de reprise, il n'est pas établi que l'avis du médecin ait été pris en compte par l'association. La circonstance que Mme [G] n'ait pas transmis de certificat médical de son médecin traitant est sans incidence, dès lors que l'employeur était tenu de se conformer à l'avis du médecin du travail déclarant la salariée apte à reprendre son poste dans la limite d'un mi-temps.

Dans ces conditions, et à défaut pour l'employeur d'une prise en compte de cet avis, Mme [G] est fondée à se prévaloir de la violation par l'employeur d'une obligation de sécurité de résultat pour ces motifs qui, compte tenu de sa durée de près de deux mois, sera justement réparée par l'octroi d'une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est réformé sur ce point.

Sur la prévention des actes de harcèlement moral :

L'article L.1152-4 du code du travail prévoit que l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir le harcèlement moral.

Mme [G] soutient que l'employeur n'a diligenté aucune mesure en vue de prévenir des actes de harcèlement moral.
Il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'association ait pris des dispositions en ce sens, observation étant faite qu'elle ne s'explique pas sur ce point.

Il convient d'accorder à la salariée une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre, dès lors qu'il est justifié par les documents médicaux de la persistances de la dégradation de son état de santé en raison du défaut de mesures prises en vue de faire cesser les actes de harcèlement moral.

Sur la remise tardives des documents de fin de contrat :

En application de l'article R. 1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses doits aux prestations mentionnées à l'article L.5421-1 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle Emploi.

L'existence d'un préjudice et l'évaluation de ce dernier relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de plusieurs échanges écrits relatifs à la délivrance des documents de fin de contrat, la salariée n'a obtenu ceux-ci, correctement rectifiés, que le 8 novembre 2018, soit près 3 mois à l'issue de son préavis.

Mme [G] soutient à juste titre que le défaut de remise de ces documents implique une impossibilité de pouvoir s'inscrire en qualité de demander d'emploi. Toutefois, à défaut de justifier de l'étendue de son préjudice, la somme de 500 euros accordée par les premiers juges à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat devra être confirmée.

Sur les autres demandes :

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, en sus de celle de 1000 euros allouée par les premiers juges à ce titre et qui sera confirmée.

L'Association [3] devra être déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront mis à la charge de l'Association [3].

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [G] [Y] [L] et l'Association [3] sauf en ce qu'il a condamné l'association [3] à verser à Mme [G] [Y] [L] les sommes suivantes :
- 23334,48 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
- 11667,24 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité de résultat,

Statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Condamne l'Association [3] à verser à Mme [G] [Y] [L] les sommes suivantes :
- 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
- 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité de résultat,

Y ajoutant,

Condamne l'Association [3] à verser à Mme [G] [Y] [L] une somme de 30000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

Condamne l'Association [3] à verser à Mme [G] [L] une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute l'Association [3] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'Association [3] aux entiers dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/007681
Date de la décision : 27/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 29 septembre 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-06-27;20.007681 ?
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