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16/05/2022 | FRANCE | N°19/01603

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 16 mai 2022, 19/01603


RLG/LP





COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 81 DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX



AFFAIRE N° : N° RG 19/01603 - N° Portalis DBV7-V-B7D-DFVD



Décision déférée à la Cour : Arrêt de renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 5 Février 2018 statuant sur appel du jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section commerce - du 19 Janvier 2015.





APPELANT



Monsieur [E] [K]

L'Autre Bord

97160 LE MOULE



Représenté par Me Florence DELOUMEAUX (SELARL DELOUMEAUX), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH





INTIMÉES



S.A.S. BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILES

3, Bl...

RLG/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 81 DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE N° : N° RG 19/01603 - N° Portalis DBV7-V-B7D-DFVD

Décision déférée à la Cour : Arrêt de renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 5 Février 2018 statuant sur appel du jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section commerce - du 19 Janvier 2015.

APPELANT

Monsieur [E] [K]

L'Autre Bord

97160 LE MOULE

Représenté par Me Florence DELOUMEAUX (SELARL DELOUMEAUX), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉES

S.A.S. BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILES

3, Bld Marquisat de Houelbourg

97122 BAIE-MAHAULT

Représentée par Me Laurent FEBRER (l'AARPI RIVEDROIT), avocat au barreau de PARIS et Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

S.A.S. AMBITIONS AUTOMOBILES GUADELOUPE (AAG),

ZAC de Colin Nord,

Immeuble Indigo 3

97170 PETIT - BOURG

Représentée par Me Laurent FEBRER (l'AARPI RIVEDROIT), avocat au barreau de PARIS et Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,

Mme Pascale BERTO, juge placé auprès du Premier Présidente de la Cour d'appel

Mme Annabelle CLEDAT, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 21 Mars 2022, date à laquelle la mise à disosition de l'arrêt a été prorogée au 16 Mai 2022

GREFFIER Lors des débats Valérie SOURIANT, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [K] a été engagé par la société Coppet Automobiles selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2002, en qualité de technicien après-vente, mécanicien, niveau 10 qualification A6.

Le 1er août 2004, son contrat de travail a été transféré à la société Blandin concept automobile (ci-après BCA).

M. [K] a été élu délégué du personnel le 5 novembre 2009.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 avril 2014, M. [E] [K] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 9 mai 2014.

M. [E] [K] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2014

Par requête du 11 juin 2014 M. [K] a saisi le conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre statuant en référé afin de voir constater que son licenciement est illicite pour violation du statut protecteur des représentants du personnel, ordonner sa réintégration dans son poste de travail sous astreinte, et prononcer la condamnation de l'employeur au paiement de ses salaires et accessoires jusqu'à celle-ci outre la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonner la publication dans la presse locale de la décision à intervenir.

Le salarié a saisi parallèlement la juridiction prud'homale au fond des mêmes demandes.

Par ordonnance du 29 septembre 2014, la formation de référé du conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre a dit n'y avoir lieu à référé, a débouté M. [E] [K] de ses demandes et renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond.

M. [K] a interjeté appel de cette ordonnance le 30 septembre 2014.

Par arrêt du 25 janvier 2016, la cour a déclaré l'appel recevable et fondé, infirmé l'ordonnance déférée, ordonné la réintégration de M. [E] [K] à son poste de travail et au même salaire au sein de la société Blandin concept automobile SAS, sous astreinte et condamné la société Blandin concept automobile à payer à M. [E] [K] une somme provisionnelle de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts outre 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Blandin concept automobile SAS aux entiers dépens et rejeté le surplus.

Par arrêt en date du 18 mai 2017, la Cour de cassation a annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Basse-Terre le 25 janvier 2016.

Par jugement du 8 décembre 2015, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

REJETÉ la demande d'annulation du licenciement de M. [E] [K] prononcé le 15 mai 2014 par la SAS Blandin concept automobile ;

REJETÉ les demandes corrélatives d'indemnisation et de réintégration formulée par M. [E] [K] ;

DIT que le licenciement de M. [E] [K] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNÉ M. [E] [K] à verser à la SAS Blandin concept automobile la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNÉ M. [E] [K] aux dépens.

M. [E] [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 janvier 2016.

Par arrêt du 5 février 2018, la cour d'appel de Basse-Terre a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, condamné M. [E] [K] à payer à la SAS Blandin concept automobile la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Par arrêt du 23 octobre 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt 'mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation du licenciement de M. [E] [K] prononcé le 15 mai 2014 par la SAS Blandin concept automobile, rejette les demandes corrélatives d'indemnisation et de réintégration formulées par M. [E] [K] et dit que le licenciement de M. [E] [K] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse', remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

Par déclaration du 3 décembre 2019, M. [K] a saisi la cour de céans sur renvoi après cassation.

La société BCA a vendu son fonds de commerce à la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) par acte du 7 janvier 2020. Cette cession a fait l'objet d'une publication le 28 février 2020.

Par acte du 4 mars 2021, M. [K] a assigné la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) en intervention forcée.

Les parties ont conclu et l'affaire a été retenue à l'audience du 7 février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. [E] [K] demande à la cour de :

- DIRE qu'il est recevable et fondé dans l'ensemble de ses demandes

En conséquence,

- CONSTATER que son licenciement en date du 15 mai 2014 est nul et de nul effet conformément à l'arrêt de la Cour de cassation renvoyant les parties devant la présente juridiction du 23 octobre 2019

- DIRE ET JUGER que ce licenciement est une violation d'une liberté fondamentale, à savoir la liberté de se défendre et d'expression, et de la violation de son statut protecteur

A TITRE PRINCIPAL :

- ORDONNER à la société AAG de le réintégrer au sein de la société AAG, à son poste initial ou à un poste équivalent, de type technicien après vente, mécanicien, niveau 10 qualification A6 sous astreinte de 1000,00 euros par jour de retard

- ORDONNER à la société AAG de le réintégrer au sein de la société AAG, en qualité de délégué du personnel sous astreinte de 1000,00 euros par jour de retard

- CONDAMNER solidairement les société BCA et AAG à lui payer la somme de 1884 euros nets par mois au titre du salaire à compter de la décision à intervenir jusqu'à sa réintégration effective,

- CONDAMNER solidairement la société BCA et la société AAG au paiement des sommes suivantes :

o 191.226,00 euros au titre de l'indemnité en paiement des salaires depuis le 15 mai 2014 à ce jour soit la somme totale de :

année 2014 :16.014,00 euros (1884/2) + (1884 x 8 )(du 15 mai 2014 au 31 décembre 2014)

année 2015 : 24.492,00 euros

année 2016 : 24.492,00 euros

année 2017: 24.492,00 euros

année 2018 : 24.492,00 euros

année 2019 : 24.492,00 euros

année 2020 : 24.492,00 euros

année 2021 : 24.492,00 euros

année 2022 : (1er janvier au 7 fev) : 3768,00 euros.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- CONDAMNER solidairement les sociétés BCA et AAG au paiement des sommes suivantes o 191.226,00 euros au titre de l'indemnité en paiement des salaires depuis le 15 mai 2014 à ce jour soit la somme totale de :

année 2014 :16.014,00 euros (1884/2) + (1884 x 8 )(du 15 mai 2014 au 31 dec. 2014)

année 2015 : 24.492,00 euros

année 2016 : 24.492,00 euros

année 2017: 24.492,00 euros

année 2018 : 24.492,00 euros

année 2019 : 24.492,00 euros

année 2020 : 24.492,00 euros

année 2021 : 24.492,00 euros

année 2022 : (1er janvier au 7 fev) : 3768,00 euros.

o 110.484,00 euros au titre de l'indemnité due au titre de la méconnaissance et de la violation du statut protecteur ;

o 74.908,49 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi

o 74.908,49 euros en réparation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en violation de ses libertés fondamentales

EN TOUT ETAT DE CAUSE:

- CONDAMNER les mêmes solidairement au paiement de la somme de 155.000 euros au titre du préjudice moral subi au titre du présent licenciement et des tentatives précédentes

- CONDAMNER les mêmes sociétés solidairement au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

M. [E] [K] expose, en substance, que :

- la société BCA a tenté à plusieurs reprises de le licencier mais se heurtait à chaque fois à un refus de l'inspection du travail ;

- son mandat de délégué syndical a été annulé par jugement du 18/03/2014 mais il était couvert par la protection due en sa qualité de délégué du personnel ;

- le mandat des représentants du personnel au sein de la société BCA a expiré le 5 novembre 2013 ; sa période de protection expirait donc le 5 mai 2014 ;

- il a demandé sa réintégration dès sa première action en justice ;

- l'argument de la partie adverse tiré de la prescription de sa demande de réintégration du fait qu'il ne l'aurait présentée que par conclusions du 23 juin 2021 est donc inopérant ;

- la procédure est orale et que jusqu'à la plaidoirie, il est en droit de modifier ses écritures ;

- il a fallu attendre une décision de la Cour de cassation du 23/10/2019 pour qu'il soit enfin fixé sur son sort ;

- ainsi que l'a retenu la Cour de cassation, son licenciement est nul dès lors que l'employeur l'a licencié sans demander l'autorisation de l'inspection du travail alors qu'à la date de sa convocation à l'entretien préalable il bénéficiait de la protection des délégués du personnel ;

- ses présentes demandes ne sont pas fondées sur un statut protecteur qu'il aurait acquis du fait d'avoir demandé la mise en 'uvre d'élections au sein de BCA, ou d'avoir été élu délégué syndical, ou encore d'avoir présenté sa candidature ; ses présentes conclusions ne se fondent que sur un seul et unique fait : son mandat de délégué du personnel au sein de la société BCA, expiré le 5 novembre 2013 et la période de protection qui s'ensuit, expirant au 5 mai 2014 ;

- en tout état de cause, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- la société BCA ne rapporte pas la preuve de son absence les 23 et 25 avril 2014 ;

- à titre subsidiaire, il convient de constater qu'à ces dates, il participait à un séminaire en sa qualité de délégué syndical ;

- la société BCA ne rapporte pas la preuve de ce qu'il se serait adressé en langue créole à son supérieur hiérarchique ;

- il résulte de la lettre de licenciement qu'il lui est reproché d'avoir le 14 mai 2014 pris trop de temps dans le traitement des ordres venant de sa hiérarchie ; l'entretien préalable de licenciement a eu lieu le 9 mai 2014 ; il n'a pas eu la possibilité de se défendre durant l'entretien préalable sur cette faute reprochée qui, en tout état de cause, n'est pas prouvée ;

- il en est de même du grief selon lequel il aurait utilisé son téléphone portable le 12 mai 2014;

- aucun délai n'est imparti au salarié protégé licencié sans autorisation pour demander sa réintégration ;

- contrairement à ce que soutiennent les intimées, les conditions d'application de l'estoppel ne sont pas remplies ;

- lorsque le licenciement est entaché d'une nullité telle que la violation d'une liberté fondamentale, des faits de harcèlement ou une discrimination avérée (C. trav., art. L. 1235-3), le salarié peut, de droit, demander sa réintégration ; ni l'employeur, ni le juge ne peuvent dans ce cas s'y opposer;

- les libertés fondamentales qui ont été violées par la société BCA sont :

1/ l'exercice de son droit syndical : en ne respectant pas le délai de protection lié à son statut de représentant du personnel et en le licenciant ; il a été licencié, en premier motif, pour s'être absenté dans le cadre de ses heures de délégation de délégué syndical ;

2/ son droit de se défendre, et sa liberté d'expression en découlant : la lettre de licenciement vise des faits postérieurs à l'entretien préalable du 9 mai 2014

- il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'un salarié protégé dont le licenciement est déclaré nul peut être réintégré dans l'entreprise même si celle-ci a été rachetée pendant son absence ;

- il n'a jamais été condamné pour un quelconque acte de violence envers son ancien employeur ou les salariés de ce dernier ;

- il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que : « La réintégration du salarié doit donc être faite dans l'emploi qu'il occupait précédemment ou dans un emploi équivalent ainsi que dans ses fonctions représentatives » ;

- si un transfert d'activité intervient entre le licenciement et son annulation, l'obligation de réintégration incombe au repreneur, par application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

- il doit être réintégré en qualité de délégué du personnel ;

- la société AAG indique que le statut de délégué du personnel n'existe plus sans en justifier ; si tel était le cas, il conviendrait d'assortir son emploi d'une protection administrative égale à celle d'un délégué du personnel, afin d'éviter un éventuel licenciement futur par AAG pour un motif fallacieux ;

- il peut prétendre, en plus de son droit à réintégration, à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice moral et matériel subi au cours de la période qui s'est écoulée entre le licenciement et sa réintégration effective;

- selon l'article L. 1235-3-1 du code du travail, les barèmes d'indemnisation prévus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas applicables ;

- il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que la nullité du licenciement est sanctionnée par une indemnité représentant la perte de rémunération entre le licenciement et la date du jugement, sans déduction des salaires perçus par le salarié dans son nouvel emploi ; il n'a pas retrouvé de nouvel emploi et, même si cela avait été le cas, sa rémunération dans son nouvel emploi ne pourrait être déduite de sa demande d'indemnité, de même pour les allocations chômage dont il a bénéficié ; il sollicite donc la condamnation de la société BCA au paiement des salaires depuis le 15 mai 2014 ; cette somme s'entend en brut, de façon à ce qu'il puisse, lui-même effectuer le paiement des charges sociales afférentes aux salaires réclamés ;

- il est également en droit de demander des dommages-intérêts pour le préjudice moral résultant des conditions particulièrement abusives et vexatoires de son licenciement ;

- en cas d'absence de réintégration, la nullité du licenciement est sanctionnée par une indemnité représentant la perte de rémunération entre le licenciement et la date du jugement, sans déduction des salaires perçus par le salarié dans son nouvel emploi ;

- il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que l'indemnité due au titre de la méconnaissance du statut protecteur est égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir depuis la date de la rupture jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours dans la limite de 2 ans, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel, augmentée de six mois ;

- en l'espèce, il est fondé à réclamer au titre de cette indemnité non pas deux ans de salaires mais quatre compte tenu du protocole préélectoral du 11 février 2014, signé entre l'UGTG et la société BCA ; il a été élu délégué du personnel titulaire, le 22 septembre 2014 ; il a donc effectivement un mandat d'une durée de quatre ans, confirmé par le tribunal d'instance en matière de contentieux syndical, selon décision du 7 novembre 2014 ;

- il résulte de la jurisprudence constante de la cour de cassation que le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur peut prétendre en plus des indemnités évoquées ci- dessus, au paiement d'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue à l'art. L1235-3 du code du travail soit au moins six mois de salaire ;

- il résulte de l'article L. 1235-3-1 du Code du travail qu'en cas de nullité du licenciement, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; le dernier alinéa du texte ajoute que l'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle ;

- il verse aux débats la preuve du préjudice qu'il a subi en ce que, malgré ses nombreuses recherches actives d'emploi, il n'en a pas trouvé ; il est fondé à réclamer plus de six mois de salaires.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la SAS Blandin concept automobile (BCA) demande à la cour de

A TITRE LIMINAIRE :

Rejeter toutes pièces non communiquées à la société Blandin concept automobile par M. [K], notamment celles qu'il mentionne dans ses écritures sous les intitulés : « Pièce n 2 : courrier de l'UGTG du 27 janv. 14», « Pièce n 7 : courrier de l'UGTG du 09/04/14 et réponse de BCA » ;

A TITRE DE FINS DE NON-RECEVOIR :

Juger les demandes de M. [K] à son encontre irrecevables

En conséquence, les rejeter

AU FOND, A TITRE PRINCIPAL :

Juger les demandes de M. [K] infondées,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de l'intégralité de ses demandes Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

A TITRE SUBSIDIAIRE, Si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est sans cause réelle et sérieuse :

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

Limiter les condamnations au titre de l'article L1235-3 du code du travail à 6 mois de salaire, soit 10.416 euros brut

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses autres demandes, y compris au titre d'un prétendu préjudice moral.

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE, Si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est nul

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

Si la Cour ordonnait la réintégration de M. [K] au sein de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe :

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

1) Ordonner que les revenus perçus par M. [K] au cours de la période indemnisée entre son licenciement et sa réintégration (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour, seront déduits de toutes sommes qui lui seraient allouées, notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » ;

2) Sur la période et le montant de l'indemnisation de la nullité du licenciement de M. [K] (notamment sur la demande « d'indemnité en paiement des salaires ») :

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE, Si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est nul : Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

Si la cour ordonnait la réintégration de M. [K] au sein de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe :

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

1) Ordonner que les revenus perçus par M. [K] au cours de la période indemnisée entre son licenciement et sa réintégration (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour, seront déduits de toutes sommes qui lui seraient allouées, notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » ;

2) Sur la période et le montant de l'indemnisation de la nullité du licenciement de M. [K] (notamment sur la demande « d'indemnité en paiement des salaires ») :

Fixer le point de départ de la période d'indemnisation à la date de la demande de réintégration formulée par M. [K] à son encontre, soit au 24 juin 2021 ;

En conséquence, limiter le montant de l'indemnisation correspondante (incluant notamment la demande « d'indemnité en paiement des salaires ») à la rémunération dont aurait bénéficié M. [K] entre le jour de sa demande de réintégration formulée à son encontre par conclusions du 24 juin 2021, et le jour de sa réintégration, c'est-à-dire à la somme de 1.736 euros brut par mois à compter du 24 juin 2021 jusqu'à sa réintégration au sein de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe, somme dont seront déduits les revenus qu'il a perçus au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment),

Soit, arrêtée au 7 février 2022, la somme de : 7 x 1736 = 12.152 euros brut, somme de laquelle seront déduits les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour ;

Subsidiairement :

Déduire de toutes sommes qui seraient allouées à M. [K], notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » :

- Les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment) :

- La somme correspondant au montant des salaires dont M. [K] aurait bénéficié pendant la période du 23.10.2019 au 24.06.2021, durant laquelle il ne demandait pas sa réintégration, soit 20 mois de salaire, représentant la somme de 34.720 euros bruts ;

- L'indemnité compensatrice de préavis versée pour la période échue au 15 juillet 2014, d'un montant de 3.690 euros bruts suite à son licenciement,

Débouter M. [K] de ses demandes relatives à ces périodes.

3) Condamner M. [K] à rembourser l'indemnité de licenciement que la société BCA lui a versée à l'occasion de son licenciement, d'un montant de 5.048,09 euros brut.

4) Fixer le salaire de référence de M. [K] à la somme de 1.736 euros mensuel brut;

5) Débouter M. [K] de sa demande au titre d'un préjudice moral

Si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est nul, mais n'ordonnait pas sa réintégration au sein de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe :

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement,

1) Sur la demande « d'indemnité en paiement des salaires depuis le 15 mai 2014 à ce jour » :

Ordonner que les revenus perçus par M. [K] au cours de la période indemnisée (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour, seront déduits de cette indemnité

Sur la période et le montant de l'indemnisation de la nullité du licenciement :

Fixer le point de départ de la période d'indemnisation à la date de la demande de réintégration à son encontre, soit au 24 juin 2021 ;

En conséquence, limiter le montant de l'indemnisation correspondante à la rémunération dont aurait bénéficié M. [K] entre le jour de sa demande de réintégration formulée à l'encontre de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe par conclusions du 24 juin 2021, et le 7 février 2022, c'est-à-dire à la somme de 1.736 euros brut par mois durant cette période, somme dont seront déduits les revenus qu'il a perçus au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment) ; soit, arrêtée au 7 février 2022, à la somme de : 7 x 1736 = 12.152 euros brut, somme de laquelle seront déduits les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour ;

Subsidiairement,

Déduire de toutes sommes qui seraient allouées à M. [K], notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » :

- les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment) ;

- la somme correspondant au montant des salaires dont M. [K] aurait bénéficié pendant la période du 23.10.2019 au 24.06.2021, durant laquelle il ne demandait pas sa réintégration, soit 20 mois de salaire, représentant la somme 34.720 euros bruts ;

- l'indemnité compensatrice de préavis versée pour la période échue au 15 juillet 2014, d'un montant de 3.690 euros bruts suite à son licenciement ;

- l'indemnité de licenciement perçue par M. [K], d'un montant de 5.048,09 euros ;

Débouter M. [K] de ses demandes relatives à ces périodes ;

2) Limiter le montant de l'indemnité au titre de « la méconnaissance et de la violation du statut protecteur » à la somme de 30.380 euros brut ;

Subsidiairement, dire et juger que le montant de l'indemnité au titre de « la méconnaissance et de la violation du statut protecteur » ne saurait dépasser le montant maximal de 30 mois de salaire ;

En conséquence, limiter son montant à la somme de 52.080 euros brut ;

3) Limiter le montant alloué au titre de « dommages et intérêts au titre du préjudice subi» à la somme de 6 mois de salaire, soit en l'espèce 11.304 euros brut ;

4) Limiter le montant alloué au titre du « du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en violation de ses libertés fondamentales» à la somme de 6 mois de salaire, soit en l'espèce 10.416 euros brut ;

5) Fixer le salaire de référence de M. [K] à la somme de 1.736 euros mensuel brut ;

6) Débouter M. [K] de sa demande au titre d'un préjudice moral ;

CONDAMNER M. [K] à lui verser une somme de 15.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisser les dépens à sa charge.

La société BCA expose, en substance, que :

- elle a été amenée à constater de nombreux manquements de la part de M. [K] dans l'exécution de ses fonctions et le 30 janvier 2014, elle a été contrainte de lui notifier une mise à pied disciplinaire d'une durée de cinq jours puis une nouvelle lettre de recadrage, en date du 6 février 2014 ; ces mises en garde sont restées sans effet ; M. [K] a persisté à violer, de manière délibérée, les consignes qui lui étaient données ; en conséquence, elle a convoqué M. [K] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, par lettre du 28 avril 2014.

- l'entretien préalable s'est déroulé le 9 mai 2014, postérieurement à l'expiration de la période de protection dont bénéficiait M. [K] ; en dépit de la procédure engagée, M. [K] a persisté dans son comportement : il a continué à s'adresser à son supérieur hiérarchique en créole, à faire usage de son téléphone portable personnel pendant son temps de travail, notamment les 6 et 12 mai 2014, et à passer un temps exagérément long pour traiter les ordres de travail confiés (notamment le 14 mai 2014) ; la persistance de cette attitude, à elle seule, justifiait et imposait la rupture du contrat de travail ;

- postérieurement à son licenciement, le 20 janvier 2015, M. [K] s'est rendu dans l'entreprise BCA, accompagné de plusieurs personnes et s'est livré à des actes d'une grande violence physique et verbale sur la personne de M. [L] [D], Directeur des Ressources Humaines ; au début du mois d'avril 2016, des membres de l'UGTG, non satisfaits du jugement rendu au fond par le conseil de prud'hommes ayant débouté M. [K] de sa demande de réintégration, ont commis des violences et des exactions d'une extrême gravité à l'encontre du personnel et du matériel de l'entreprise ; ces violences et voies de fait à l'encontre du personnel, des dirigeants et du matériel de l'entreprise, ont été réitérées, comme le relate la presse, notamment dans la nuit du 25 au 26 avril 2016, par environ 200 militants de l'UGTG ;

- les faits qui avaient motivé la procédure disciplinaire du 13 février 2013 et le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail, que M. [E] [K] mentionne dans ses écritures, ne sont pas ceux qui ont justifié son licenciement notifié le 15 mai 2014 ;

- M. [K] prétend qu'il était délégué syndical alors que sa désignation a été annulée par jugement du 18 mars 2014 ;

- le jugement rendu par le tribunal d'instance le 13 mars 2014 auquel fait référence M. [K], intervient dans le cadre d'un contentieux électoral initié par l'UGTG en annulation des élections que BCA avait organisées ; le jugement du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre du 13 mars 2014 n'a pas fait injonction à BCA de mettre en place des élections, contrairement à ce que prétend M. [K] ; il a constaté l'existence d'une UES et « invité » les parties à en tirer les conséquences pour la mise en place des élections professionnelles ; c'est ce qu'a fait la société BCA, en organisant des élections au sein de l'UES, conformément au jugement ;

- contrairement à ce qu'il prétend, M. [K] n'a pas sollicité la mise en place des élections lors de la réunion mensuelle des délégués du personnel du 18 décembre 2013 ;

- M. [K] persiste à invoquer les élections des délégués du personnel du 2 juin 2014, qui ont été annulées par jugement du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre du 15 juillet 2014 ;

- M. [K] persiste à invoquer les élections des délégués du personnel du 22 septembre 2014, alors qu'elles sont postérieures à sa sortie des effectifs et qu'elles ont été annulées par jugement du tribunal d'instance de Basse-Terre du 28 septembre 2016 ;

- en application du principe de l'estoppel, une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers ;

la sanction d'une telle attitude procédurale est l'irrecevabilité des demandes contradictoires avec la position antérieure, la contradiction au détriment d'autrui revêtant le caractère d'une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du Code de procédure civile ;

- M. [E] [K] plaide à la fois le caractère infondé du licenciement, et sa nullité ; après avoir plaidé et motivé sa non-réintégration, il plaide sa réintégration en invoquant des motifs strictement identiques ; il présente de nouvelles demandes de réintégration et de règlement des salaires depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration, alors qu'il a expressément renoncé à ces demandes, en motivant sa renonciation ; M. [K] se contredit au détriment des sociétés AAG et BCA de sorte que ses demandes sont irrecevables ;

- en cas de transfert d'entreprise, l'indemnité due au salarié protégé licencié sans autorisation administrative, égale, sous certaines conditions, au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration, incombe au cessionnaire ;

- au terme de l'article 1310 du code civil, la solidarité ne se présume pas ;

- M. [K] formule une demande de réintégration « en qualité de délégué du personnel » alors que cette institution n'existe plus ; au soutien de sa demande, il invoque les élections professionnelles du 22.09.2014 qui ont été annulées par jugement du 29 septembre 2016 : sa demande est donc irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement;

- les demandes formulées à titre subsidiaire par M. [E] [K] sont dénuées de fondement juridique ;

- les demandes de condamnation au titre de « l'indemnité en paiement des salaires depuis le 15 mai 2014 à ce jour », « au titre du salaire de M [K] à compter de la décision à intervenir jusqu'à sa réintégration effective », en « réparation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en violation des libertés fondamentales », et de « DIRE ET JUGER que ce licenciement est une violation d'une liberté fondamentale, à savoir la liberté de se défendre et d'expression, et de la violation du statut protecteur de M [K] » sont prescrites en application des dispositions de l'article L.1471-1 du Code du travail ;

- les nouvelles demandes de réintégration et de règlement des salaires depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration qu'il formule aujourd'hui, plus de 7 ans après son licenciement, sont irrecevables ;

- la Cour de cassation a estimé que, bien que la lettre de licenciement du 15 mai 2014 retienne « des faits commis postérieurement à l'expiration de la période de protection » (c'est-à-dire après le 5 mai 2014), la société BCA aurait dû saisir l'inspecteur du travail car M. [K] bénéficiait encore d'une protection à la date de la convocation à entretien préalable ; il s'agit d'un revirement de jurisprudence : le licenciement de M. [K] est en effet intervenu en conformité avec les règles qui avaient été posées par la jurisprudence de la Cour de cassation, et qui étaient encore en vigueur, comme l'ont constaté le juge départiteur et la cour d'appel de Basse-Terre ; il ressortait en effet de la jurisprudence constante de la Cour de cassation le fait que, puisque le licenciement de M. [K] était fondé sur des faits postérieurs à l'expiration de la période de protection, il n'était pas soumis à autorisation préalable de l'inspecteur du travail dans la mesure où l'inspecteur du travail n'est pas compétent pour se prononcer sur les faits commis postérieurement à l'expiration de la période de protection ;

- l'application au cas d'espèce du revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2019, se heurterait aux principes de sécurité juridique, du droit à un procès équitable et de proportionnalité, consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la persistance du comportement fautif du salarié après l'expiration de la période de protection permet de prononcer un licenciement selon la procédure normale en prenant en compte l'ensemble des faits commis, quelle que soit leur date : les seuls faits commis après la période de protection justifient à eux seuls le licenciement, le salarié peut d'autant moins reprocher à l'employeur l'absence d'autorisation administrative de licenciement ;

- le motif de nullité tiré d'une prétendue « violation d'une liberté fondamentale » invoqué 7 ans après les faits est fantaisiste ; il n'y a eu aucune atteinte à une quelconque « liberté de se défendre et liberté d'expression » ; de même, c'est en vain que M. [K] prétend qu'il aurait été licencié en raison du fait qu'il était en heures de délégation syndicales les 23 et 25 avril 2014 ;

- M. [E] [K] a été licencié pour des faits dûment établis ; les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- si la cour estimait le licenciement de M. [K] sans cause réelle et sérieuse, la seule sanction applicable est celle prévue par l'article L.1235-3 du code du travail ; en outre, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L.1235-3 du code du travail vient indemniser un préjudice ; or, M. [K] n'établit en rien le préjudice qu'il invoque ; il passe sous silence sa qualité de cadre dirigeant de l'UGTG et de membre du conseil syndical de l'UEC-UGTG durant la période postérieure à son licenciement ;

- si la cour estimait le licenciement de M. [K] nul, la demande de règlement des salaires depuis le licenciement jusqu'à la réintégration est irrecevable, notamment en ce qu'elle est prescrite ; en outre, M. [K] ne tient pas compte du fait qu'il a été réglé de son préavis, d'un montant de 3.690 euros bruts suite à son licenciement, soit jusqu'au 15 juillet 2014 ;

- au terme de l'article 1310 du code civil, la solidarité ne se présume pas ;

- il est constant qu'en cas de transfert d'entreprise, l'indemnité due au salarié protégé licencié sans autorisation administrative incombe au cessionnaire;

- par voie de conséquence, quand bien même la cour viendrait à prononcer la nullité du licenciement de M. [K] et à ordonner sa réintégration au sein de AAG, elle ne pourrait que le débouter des demandes d'indemnisation et de rappel de salaire correspondant au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration qu'il formule contre BCA ;

- si le salarié protégé, licencié sans autorisation préalable qui sollicite et obtient sa réintégration peut bénéficier exclusivement d'une indemnisation correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, c'est à la condition notamment d'avoir formulé cette demande en cours de période de protection ; tel n'est pas le cas de M. [K] qui présente sa demande plus de 7 ans après son licenciement, par conclusions du 24 juin 2021 ; il ne peut invoquer sa demande initiale : non seulement celle-ci était postérieure à sa période de protection, mais encore il a ensuite renoncé à cette demande ;

- il est en tout état de cause constant que le salarié qui tarde à demander sa réintégration n'a droit qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande à celui de sa réintégration effective

- quand bien même on prendrait comme point de départ l'arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2019, force est de constater que M. [K] a attendu 20 mois entre cet arrêt et sa demande de réintégration et de règlement des salaires, par conclusions du 24 juin 2021 ;

- par voie de conséquence, dans l'hypothèse où AAG serait condamnée à réintégrer M. [K], le point de départ de l'indemnisation de la nullité du licenciement sera fixé à la date de la demande de réintégration, soit au 24 juin 2021 ; et il doit en être déduit les salaires correspondant à la période de préavis non effectuée mais rémunérée, soit un montant de 3.690 euros bruts ainsi que les salaires correspondant à la période durant laquelle M.[K] ne demandait plus sa réintégration, soit la période du 23.10.2019 au 24.06.2021, soit 20 mois de salaire, représentant la somme de 1.884 euros x 20 = 37.680 euros ; quelle que soit la période retenue, il convient en tout état de cause de déduire les revenus perçus par M. [K] ;

- dans l'hypothèse où la cour ordonnerait la réintégration de M. [K] au sein de AAG, il sera condamné à restituer à BCA les sommes qu'il a perçues au titre de son licenciement, soit la somme de 5.048,09 euros ;

- le montant de 1.884 euros mensuel invoqué par M. [K], inclut son salaire de base de 1736 euros brut et les primes et avantages (titres restaurant, indemnité transport et prime vie chère), et constitue un montant mensuel brut ; or le salarié réintégré ne peut solliciter le paiement de l'indemnité transport et des titres restaurant ;

- il est de jurisprudence constante que le salarié dont le licenciement est déclaré nul, et qui n'est pas réintégré ne peut présenter, lorsque les conditions sont par ailleurs réunies (ce qui n'est pas le cas ici), d'autres demandes que celles relatives :

- à la violation du statut protecteur, correspondant au montant de la rémunération éventuellement due jusqu'au terme de la période de protection en cours à la date du licenciement dans la limite de 30 mois de salaire ;

- à la réparation du préjudice résultant éventuellement du caractère illicite du licenciement ;

- aux indemnités de rupture : indemnités de licenciement et préavis

- en l'espèce, M. [K] a déjà perçu les indemnités de licenciement et de préavis dans le cadre de son licenciement ;

- il n'a aucun droit à une indemnité pour violation du statut protecteur puisqu'il n'y avait ni mandat ni protection en cours à la date de licenciement ; que tout octroi de dommages et intérêts est subordonné à la preuve de l'existence d'un préjudice, y compris en ce qui concerne le salarié protégé licencié en violation de son statut protecteur qui présente sa demande après l'expiration de sa période de protection ;

- M. [E] [K] a été licencié en 2014, soit à l'âge de 33 ans ; il a aujourd'hui 38 ans et peut exercer une autre activité professionnelle, salariée ou non salariée ; or, il ne rapporte par la preuve qu'il n'a pas exercé d'autre emploi ou d'autre activité non salariée après son licenciement par BCA alors qu'au 20 septembre 2021, le site Internet de pôle emploi mentionnait 15 offres d'emploi en Guadeloupe à la rubrique « mécanicien automobile » ;

- M. [K] ne craint pas de demander 7 ans de salaire pour « préjudice moral » ; il a été débouté de cette demande par le jugement entrepris, ainsi que par l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 5 février 2018, non cassé sur ce point par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 octobre 2019 ; l'arrêt du 5 février 2018 est définitif sur ce point ; par conséquent la demande est irrecevable, alors au surplus qu'elle est infondée ;

- en sa qualité d'employeur, elle n'a commis aucune faute ; le licenciement de M. [K] est intervenu en conformité avec les règles posées par la jurisprudence de la Cour de cassation, comme l'ont constaté le juge départiteur, puis la Cour d'appel de Basse-Terre, à savoir :

- Le fait que le licenciement de M. [K] étant fondé sur des faits postérieurs à l'expiration de la période de protection, il n'était pas soumis à autorisation préalable de l'inspecteur du travail ;

- Le fait qu'à la date même de l'entretien préalable (et donc du licenciement), M. [K] n'était plus protégé, et que par conséquent l'inspecteur du travail n'était pas compétent pour statuer sur son licenciement, de sorte qu'il n'avait pas être saisi.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) demande à la cour de :

A TITRE LIMINAIRE :

Rejeter toutes pièces non communiquées par M. [K], notamment celles qu'il mentionne dans ses écritures sous les intitulés : « Pièce n 2 : courrier de l'UGTG du 27 janv. 14 », « Pièce n 7 : courrier de l'UGTG du 09/04/14 et réponse de BCA » ;

A TITRE DE FINS DE NON-RECEVOIR :

Juger sa mise en cause et son intervention forcée irrecevables

Juger les demandes de M. [K] à son encontre irrecevables

En conséquence, les rejeter et la mettre hors de cause

AU FOND, A TITRE PRINCIPAL :

Juger les demandes de M. [K] infondées,

la Mettre hors de cause

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de l'intégralité de ses demandes

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

A TITRE SUBSIDIAIRE, Si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est sans cause réelle et sérieuse :

$gt; Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

$gt; Limiter les condamnations au titre de l'article L1235-3 du Code du travail à 6 mois de salaire, soit 10.416 euros brut

$gt; Débouter M. [K] de l'intégralité de ses autres demandes, y compris au titre d'un prétendu préjudice moral.

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE, si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est nul :

$gt; Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

$gt; Si la cour ordonnait la réintégration de M. [K] :

$gt; Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

$gt; Subsidiairement :

1) Ordonner que les revenus perçus par M. [K] au cours de la période indemnisée entre son licenciement et sa réintégration (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour, seront déduits de toutes sommes qui lui seraient allouées, notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » ;

2) Sur la période et le montant de l'indemnisation de la nullité du licenciement de M. [K] (notamment sur la demande « d'indemnité en paiement des salaires ») :

Fixer le point de départ de la période d'indemnisation à la date de la demande de réintégration formulée par M. [K] à son encontre, soit au 24 juin 2021 ;

En conséquence, limiter le montant de l'indemnisation correspondante (incluant notamment la demande « d'indemnité en paiement des salaires ») à la rémunération dont aurait bénéficié M. [K] entre le jour de sa demande de réintégration formulée à son encontre du 24 juin 2021, et le jour de sa réintégration, c'est-à-dire à la somme de 1.736 euros brut par mois à compter du 24 juin 2021 jusqu'à sa réintégration, somme dont seront déduits les revenus qu'il a perçus au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment),

soit, arrêtée au 7 février 2022, la somme de : 7 x 1736 = 12.152 euros brut, somme de laquelle seront déduits les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour ;

Subsidiairement :

Déduire de toutes sommes qui seraient allouées à M. [K], notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » :

- Les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment) :

- La somme correspondant au montant des salaires dont M. [K] aurait bénéficié pendant la période du 23.10.2019 au 24.06.2021, durant laquelle il ne demandait pas sa réintégration, soit 20 mois de salaire, représentant la somme de 34.720 euros bruts ;

- L'indemnité compensatrice de préavis versée pour la période échue au 15 juillet 2014, d'un montant de 3.690 euros bruts suite à son licenciement,

Débouter M. [K] de ses demandes relatives à ces périodes.

3) Condamner M. [K] à rembourser l'indemnité de licenciement que la société BCA lui a versée à l'occasion de son licenciement, d'un montant de 5.048,09 euros brut.

4) Fixer le salaire de référence de M. [K] à la somme de 1.736 euros mensuel brut;

5) Débouter M. [K] de sa demande au titre d'un préjudice moral

Si la cour jugeait que le licenciement de M. [K] est nul, mais n'ordonnait pas sa réintégration:

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement,

1) Sur la demande « d'indemnité en paiement des salaires depuis le 15 mai 2014 à ce jour » :

Ordonner que les revenus perçus par M. [K] au cours de la période indemnisée (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour, seront déduits de cette indemnité ;

Sur la période et le montant de l'indemnisation de la nullité du licenciement :

Fixer le point de départ de la période d'indemnisation à la date de la demande de réintégration à son encontre, soit au 24 juin 2021 ;

En conséquence, limiter le montant de l'indemnisation correspondante à la rémunération dont aurait bénéficié M. [K] entre le jour de sa demande de réintégration formulée à son encontre par conclusions du 24 juin 2021, et le 7 février 2022, c'est-à-dire à la somme de 1.736 euros brut par mois durant cette période, somme dont seront déduits les revenus qu'il a perçus au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment),

soit, arrêtée au 7 février 2022, la somme de : 7 x 1736 = 12.152 euros brut, somme de laquelle seront déduits les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour ;

Subsidiairement,

Déduire de toutes sommes qui seraient allouées à M. [K], notamment au titre de sa demande « d'indemnité en paiement des salaires » :

- Les revenus perçus par M. [K] depuis son licenciement (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment) ;

- La somme correspondant au montant des salaires dont M. [K] aurait bénéficié pendant la période du 23.10.2019 au 24.06.2021, durant laquelle il ne demandait pas sa réintégration, soit 20 mois de salaire, représentant la somme de 34.720 euros bruts ;

- L'indemnité compensatrice de préavis versée pour la période échue au 15 juillet 2014, d'un montant de 3.690 euros bruts suite à son licenciement ;

- L'indemnité de licenciement perçue par M. [K], d'un montant de 5.048,09 euros ;

Débouter M. [K] de ses demandes relatives à ces périodes ;

2) Limiter le montant de l'indemnité au titre de « la méconnaissance et de la violation du statut protecteur » à la somme de 30.380 euros brut ;

Subsidiairement, dire et juger que le montant de l'indemnité au titre de « la méconnaissance et de la violation du statut protecteur » ne saurait dépasser le montant maximal de 30 mois de salaire ; En conséquence, limiter son montant à la somme de 52.080 euros brut ;

3) Limiter le montant alloué au titre de « dommages et intérêts au titre du préjudice subi» à la somme de 6 mois de salaire, soit en l'espèce 10.416 euros brut ;

4) Limiter le montant alloué au titre « du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en violation de ses libertés fondamentales» à la somme de 6 mois de salaire, soit en l'espèce 10.416 euros brut ;

5) Fixer le salaire de référence de M. [K] à la somme de 1.736 euros mensuel brut ;

6) Débouter M. [K] de sa demande au titre d'un préjudice moral ;

Condamner M. [K] à lui verser une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisser les dépens à sa charge.

La société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) expose, en substance, que :

- l'article 555 du code de procédure civile limite la possibilité d'appeler devant la cour d'appel

les personnes qui n'étaient pas dans la cause en première instance : « Quand l'évolution du litige implique leur mise en cause » ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en cas de transfert, le paiement d'éventuelles indemnités liées à la rupture du contrat de travail incombe à l'auteur de cette rupture ;

- au jour de la cession du fonds de BCA à AAG, le contrat de travail de M. [K] n'était pas en cours, ce qui exclut l'application de l'article L1224-1 du code du travail ;

- à l'encontre de la société AAG, M. [E] [K] n'a jamais demandé sa réintégration et le règlement des salaires jusqu'à réintégration avant ses conclusions du 23 juin 2021 ;

- sa renonciation écrite et motivée à sa réintégration, d'abord dans l'acte de saisine de la cour d'appel de renvoi, puis dans l'assignation à l'encontre d'AAG, réitérée par conclusions ultérieures, a produit tous ses effets, nonobstant le caractère oral de la procédure ;

- en application du principe d'estoppel, une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers ;

la sanction d'une telle attitude procédurale est l'irrecevabilité des demandes contradictoires avec la position antérieure, la contradiction au détriment d'autrui revêtant le caractère d'une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile ;

- M. [E] [K] plaide à la fois le caractère infondé du licenciement et sa nullité ; après avoir plaidé et motivé sa non-réintégration, il plaide sa réintégration en invoquant des motifs strictement identiques ; M. [K] se contredit au détriment des sociétés AAG et BCA ; ceci doit conduire à ce que les demandes formulées par M. [K] soient déclarées irrecevables ;

- elle n'est pas l'auteur du licenciement de M. [K] ; par conséquent, M. [K] n'a aucune qualité à agir contre elle ;

- au terme de l'article 1310 du code civil, la solidarité ne se présume pas ;

- M. [K] formule une demande de réintégration en qualité de délégué du personnel ; d'une part, cette institution n'existe plus, et d'autre part, il invoque les élections professionnelles du 22 septembre 2014 qui ont été annulées par jugement du 29 septembre 2016 ;

- les demandes à son encontre sont prescrites en application des dispositions de l'article L1471-1 du code du travail ;

- l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 octobre 2019, au visa de l'article L.2411-5 du code du travail constitue d'un revirement de jurisprudence ; le licenciement de M. [K] est en effet intervenu en conformité avec les règles qui avaient été posées par la jurisprudence de la Cour de cassation, et qui étaient encore en vigueur ; le licenciement était justifié par des faits postérieurs à la période de protection expirant le 5 mai 2014 et à la date de l'entretien préalable, le salarié n'était plus protégé, par conséquent l'inspecteur du travail n'était pas compétent pour statuer sur son licenciement ;

- l'application au cas d'espèce du revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2019, se heurterait aux principes de sécurité juridique, du droit à un procès équitable et de proportionnalité consacrés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à l'issue de la période de protection, l'employeur retrouve la liberté de licencier l'intéressé selon

les règles de droit commun, peu important que les faits invoqués à l'appui de ce licenciement aient été commis pendant la période de protection ;

- par hypothèse, aucune autorisation n'a à être sollicitée lorsque la protection est déjà expirée avant même l'entretien préalable ; l'autorisation de l'inspecteur du travail doit être demandée entre l'entretien préalable et le licenciement à proprement parler ; en effet, l'employeur ne peut valablement demander une autorisation de licencier alors qu'il n'est pas censé, avant l'entretien, avoir pris la décision quant au sort du salarié ; or à la date de l'entretien, soit le 9 mai 2014, M. [K] n'était plus salarié protégé ; l'employeur n'avait donc pas à solliciter une autorisation de licenciement ;

- certains des faits reprochés à M. [K] dans la lettre de licenciement ont été commis dans les jours précédant l'engagement de la procédure de licenciement (les 12, 23, 24 et 25 avril 2014), ce comportement fautif s'étant en outre poursuivi pendant la procédure, de sorte que BCA ne peut être suspectée d'avoir attendu que la période de protection soit pratiquement terminée pour engager la procédure de licenciement ;

- même à ne prendre en considération, pour les seuls besoins de la discussion, que les seuls faits commis par le salarié après l'expiration de la période de protection et visés dans la lettre de licenciement, ce comportement justifiait, à lui seul, la rupture du contrat de travail ; dans ces conditions, l'obtention d'une autorisation administrative de licenciement était sans objet ;

- au soutien de sa demande de nullité du licenciement pour violation de la liberté fondamentale de s'exprimer, M. [K] invoque le fait que la lettre lui reproche des faits commis postérieurement à l'entretien préalable ; mais dans la mesure où il s'agit de la persistance et de la réitération de son comportement postérieurement à l'expiration de la période de protection, il a eu l'occasion de s'exprimer ; en tout état de cause, l'employeur peut parfaitement, comme en l'espèce, invoquer des motifs dont il a eu connaissance une fois l'entretien préalable terminé ;

- c'est en vain que M. [K] prétend qu'il aurait été licencié en raison du fait qu'il était en heures de délégation syndicales les 23 et 25 avril 2014 ; il n'en n'a jamais informé l'employeur, et a attendu le 6 décembre 2021 pour invoquer cet argument ; à la date des 23 et 25 avril 2014, sa désignation en qualité de délégué syndical avait été annulée par le jugement du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en date du 18 mars 2014 ;

- contrairement à ce que soutient M. [E] [K], la réalité des agissements qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement est établie par les éléments versés aux débats par la société BCA ;

- de manière générale, chaque fois que la réintégration du salarié est matériellement impossible, l'employeur ne peut être condamné à réintégrer le représentant du personnel dans son emploi ou dans un emploi équivalent même lorsque le licenciement est nul ;

- en l'espèce, les agissements violents et pénalement répréhensibles de M. [K], ainsi que les motifs ayant conduit à son licenciement, rendent la réintégration de M. [K] en tout état de cause impossible ; notamment, l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur le contraint à assurer la sécurité des salariés de l'entreprise, ce qui est incompatible avec la violence et les exactions commises au sein de l'entreprise ; de plus, la société BCA a découvert et constaté - documents comptables à l'appui - qu'au cours de l'année 2012, M. [K] avait procédé à des détournements de pièces détachées à son préjudice, évalué à près de 70.000 euros ; la société BCA a déposé plainte en raison d'agissements de détournements commis par M. [K] dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ; la réintégration du salarié est donc, en tout état de cause, matériellement impossible ;

- la demande de M. [K] tendant à sa réintégration au sein de AAG « en qualité de délégué du personnel » est farfelue et irrecevable ;

- la demande de règlement des salaires depuis le licenciement jusqu'à la réintégration est irrecevable, notamment en ce qu'elle est prescrite ;

- si le salarié protégé, licencié sans autorisation préalable qui sollicite et obtient sa réintégration peut bénéficier exclusivement d'une indemnisation correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, c'est à la condition notamment d'avoir formulé cette demande en cours de période de protection ; tel n'est pas le cas de M. [K] qui présente sa demande plus de 7 ans après son licenciement, par conclusions du 24 juin 2021 ;

- il est en tout état de cause constant que le salarié qui tarde à demander sa réintégration n'a droit qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande à celui de sa réintégration effective

- AAG n'était pas partie à la procédure jusqu'à sa mise en cause par assignation délivrée le 4 mars 2021 ; la demande de réintégration formulée par M. [K] en référé puis au fond en 1ère instance ne la concernait pas et ne lui est donc pas opposable ; aucune demande de réintégration n'a été formulée à son encontre avant les conclusions notifiées par M. [K] le 24 juin 2021

alors que la cession du fonds de commerce de BCA à AAG a eu lieu par acte en date du 7 janvier 2020, publié le 28 février 2020, et que la mise en cause de AAG date du 4 mars 2021 ;

- quand bien même on prendrait comme point de départ l'arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2019, force est de constater M. [K] a attendu 20 mois entre cet arrêt et sa demande de réintégration et de règlement des salaires, par conclusions du 24 juin 2021 ; dans l'hypothèse où elle serait condamnée à réintégrer M. [K], le point de départ de l'indemnisation de la nullité du licenciement sera fixé à la date de la demande de réintégration, soit au 24 juin 2021;

- M. [E] [K] ne produit rien sur sa situation, notamment ses revenus, durant la période considérée ;

- en tout état de cause, le salarié ne peut pas prétendre cumuler cette indemnité avec d'autres indemnités, notamment de rupture qu'il a perçues au moment de son licenciement ;

- le montant de 1.884 euros mensuel invoqué par M. [K], inclut son salaire de base de 1736 euros brut et les primes et avantages (titres restaurant, indemnité transport et prime vie chère), et constitue un montant mensuel brut ;

- le salarié réintégré, qui n'a pas pu exposer de frais professionnels pendant la période ayant couru entre son licenciement et sa réintégration, ne saurait prétendre à l'indemnisation de tels frais : M. [K] ne peut solliciter le paiement de l'indemnité transport et des titres restaurant ;

- il est de jurisprudence constante que le salarié dont le licenciement est déclaré nul, et qui n'est pas réintégré ne peut présenter, lorsque les conditions sont par ailleurs réunies (ce qui n'est pas le cas ici), d'autres demandes que celles relatives à la violation du statut protecteur, correspondant au montant de la rémunération éventuellement due jusqu'au terme de la période de protection en cours à la date du licenciement dans la limite de 30 mois de salaire, à la réparation du préjudice résultant éventuellement du caractère illicite du licenciement et aux indemnités de rupture : indemnités de licenciement et préavis ;

- n'étant pas l'auteur de la rupture du contrat de travail de M. [K], elle doit être mise hors de cause, et M. [K] doit être débouté des demandes qu'il présente à son encontre ;

- selon l'article 1310 du code civil, la solidarité ne se présume pas ;

- M. [K] sollicite la somme de 191.226 euros, correspondant selon lui à son salaire depuis son licenciement, « pour perte de rémunération pour un motif d'ordre public » ; cette demande est irrecevable car prescrite ; si par extraordinaire la cour estimait cette demande recevable et fondée en son principe, le point de départ de la période d'indemnisation devra être fixé à la date de présentation de la demande intervenue le 24 juin 2021, soit au 7 février 2022 : 7 mois de salaire à la date du 7 février 2022, soit 1736x3 = 12.152 euros bruts ;

- le salarié licencié après l'expiration de la période de protection, ne peut bénéficier de l'indemnité pour violation du statut protecteur qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat

- M. [E] [K] n'apporte aucun élément relatif au préjudice qu'il invoque ; il a été licencié en 2014, soit à l'âge de 33 ans ; il a aujourd'hui 38 ans et peut exercer une autre activité professionnelle, salariée ou non salariée ; or, il ne rapporte par la preuve qu'il n'a pas exercé d'autre emploi ou d'autre activité non salariée après son licenciement par BCA ; et quand bien même il rapporterait la preuve qu'il n'a exercé aucune autre activité professionnelle après son licenciement, il ne pourrait demander la réparation de l'éventuel préjudice en découlant que s'il démontrait que cela n'est pas de son fait ;

- M. [K] qui demande 7 ans de salaire pour préjudice moral au titre de son licenciement et des tentatives précédentes, a été débouté de cette demande par le jugement entrepris, ainsi que par l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 5 février 2018, non cassé sur ce point par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 octobre 2019 ; l'arrêt du 5 février 2018 est définitif sur ce point ; par conséquent la demande est irrecevable ; elle est en outre particulièrement infondée, tant dans son principe que dans son quantum.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur l'intervention forcée de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG)

L'article 554 du code de procédure civile dispose que « Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui ont figuré une autre qualité.».

Selon l'article 555 du code « Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause. ».

En l'espèce, la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) a acquis le fonds de commerce de la société BCA par acte du 7 janvier 2020.

Cette évolution du litige justifie son intervention forcée au regard du texte précité.

Sa demande de mise hors de cause sera donc rejetée.

II / Sur la nullité du licenciement

* Pour défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail

Aux termes de l'article L 2411-5 du code du travail, dans sa version applicable, le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution.

En l'espèce, M. [E] [K] a été élu délégué du personnel le 5 novembre 2009 et bénéficiait, à ce titre, d'une protection jusqu'au 5 mai 2014.

La Cour de cassation a définitivement jugé, par arrêt du 23 octobre 2019, que le licenciement de M. [E] [K] était nul faute pour l'employeur d'avoir initié sa procédure de licenciement par une convocation à entretien préalable le 28 avril 2014, soit pendant sa période de protection, sans avoir demandé l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Certes la Cour de cassation a jugé par arrêt du 6 janvier 2016 que ' Lorsque la période légale de protection dont bénéficiait le salarié prend fin avant que l'inspecteur du travail, saisi par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement pendant la période de protection, ait rendu sa décision, l'employeur retrouve le droit de licencier le salarié sans autorisation de l'autorité administrative, celle-ci n'étant plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure.'

Mais il était de jurisprudence constante, avant et après cet arrêt, que c'est à la date de la convocation par l'employeur à l'entretien préalable en vue d'un licenciement qu'il convenait de se placer pour déterminer si le salarié bénéficiait ou non d'un statut protecteur subordonnant la validité de la rupture à l'autorisation administrative.

En conséquence, la cour considère comme acquise la nullité du licenciement de M. [E] [K] faute pour l'employeur de n'avoir pas demandé l'autorisation de l'inspecteur du travail.

* Pour violation d'une liberté fondamentale

- S'agissant de la liberté d'expression

Il convient de rappeler ici que la nullité du licenciement pour violation de la liberté d'expression vise le cas où un salarié serait licencié pour avoir usé de sa liberté d'expression.

Tel n'est pas le cas en l'espèce.

M. [K] invoque en effet le fait que la lettre de licenciement viserait des motifs qui n'auraient pas été abordés lors de l'entretien préalable.

Or il est de jurisprudence constante que l'employeur peut parfaitement, comme en l'espèce, invoquer des motifs dont il a eu connaissance une fois l'entretien préalable terminé ; le juge doit ainsi examiner tous les griefs qui sont visés dans la lettre de licenciement y compris ceux qui n'auraient pas été abordés lors de l'entretien préalable, cette circonstance n'étant pas de nature à affecter le bien fondé du licenciement.

- S'agissant de l'exercice des fonctions syndicales

M. [K] prétend qu'il aurait été licencié en raison du fait qu'il était en heures de délégation syndicale les 23 et 25 avril 2014.

L'employeur affirme que M. [E] [K] ne l'a pas informé du motif de ses absences avant le 6 décembre 2021.

M. [E] [K] ne démontre pas le contraire, allant jusqu'à soutenir que l'employeur ne prouverait pas ses absences.

Il convient au surplus de relever qu'à la date des 23 et 25 avril 2014, sa désignation en qualité de délégué syndical avait été annulée par le jugement du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en date du 18 mars 2014.

Enfin, les justificatifs produits par le salarié font état d'activités qui n'entrent pas dans le périmètre des heures de délégation de l'article L2143-13 du code du travail.

La demande d'annulation du licenciement pour violation d'une liberté fondamentale sera donc rejetée, la cour ne retenant que la nullité pour défaut d'autorisation administrative.

III / Sur la demande de réintégration

* S'agissant de la recevabilité de la demande

Les intimées invoquent les dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail

Selon l'article L. 1471-1 du code de travail issu de la loi 2013' 504 du 14 juin 2013 entrée en vigueur le 17 juin 2013, « Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit (... ) ».

Dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L.1471-1 du code du travail dispose que : « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. (...) ».

L'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a prévu une période transitoire selon laquelle ces nouvelles dispositions « (...) s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance (23 septembre 2017), sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation. ».

En l'espèce, la demande de réintégration n'est pas prescrite puisque M. [E] [K] l'a présentée dès sa première action en justice le 11 juin 2014.

En outre, il est de jurisprudence constante qu'aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur.

Même s'il a un temps renoncé à cette demande, il n'y a pas lieu de lui opposer le principe de l'estoppel dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait agi de mauvaise foi, c'est à dire avec la volonté manifeste de tromper les intimées.

Enfin, la procédure est orale s'agissant d'une instance engagée devant le conseil de prud'hommes avant le 30 août 2016.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, les moyens tirés de l'irrecevabilité de la demande seront rejetés.

* S'agissant du bien fondé de la demande

Il est constant qu'en cas d'annulation du licenciement, la réintégration du salarié est de droit sauf si l'employeur parvient à démontrer une impossibilité matérielle ou absolue.

Il s'avère qu'en l'espèce, la demande de réintégration ne peut aboutir compte tenu du comportement du salarié.

En effet, il est établi par les pièces du dossier que :

- le 20 janvier 2015 soit postérieurement à son licenciement, M. [E] [K] s'est rendu dans l'entreprise BCA où se tenait une réunion des délégués du personnel, accompagné de plusieurs personnes ; il a bousculé M. [L] [D], directeur des ressources humaines de l'entreprise, le poussant fort et lui donnant un violent coup d'épaule ; les personnes qui accompagnaient M. [E] [K] ont également menacé et insulté le D.R.H ( pv d'audition de M. [D] par les services de gendarmerie le 9 février 2015 - Pièce 39) ;

- en avril 2016, environ 200 militants de l'UGTG, non satisfaits du jugement rendu au fond par le conseil de prud'hommes ayant débouté M. [E] [K] de sa demande de réintégration, ont commis des violences et des exactions d'une extrême gravité à l'encontre de l'entreprise (Pièces 22 et 47);

- la société BCA a déposé trois plaintes pénales les 12 et 26 avril 2016 pour violences, dégradations et entrave à la liberté du travail (Pièces 29, 30, 31);

- en outre, le 16 décembre 2014, la société BCA a déposé plainte auprès du procureur de la République près de tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre contre M. [E] [K] pour des détournements de pièces détachées pour un préjudice évalué à environ 70.000 euros.(Pièce 23) ;

- elle a réitéré sa plainte avec constitution de partie civile le 22 avril 2015; un juge d'instruction a été désigné ; les représentants de la société BCA ont été entendus en qualité de partie civile le 9 juin 2016 ; selon leur convocation du 31 mai 2018, M. [E] [K] a été mis en examen dans cette affaire.(Pièce n 28).

La cour considère que l'ensemble de ces faits rendent la réintégration de M. [E] [K] impossible, en raison notamment de son incompatibilité avec l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur.

IV / Sur les conséquences financières de l'annulation du licenciement

Les intimées relèvent que M. [E] [K] a d'ores et déjà perçu son indemnité compensatrice de préavis de 3690 euros ainsi que son indemnité légale de licenciement de 5048,09 euros.

En conséquence de l'annulation de son licenciement, M. [E] [K] peut également prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction et d'une indemnité pour nullité de son licenciement.

Ces indemnités se calculent au regard du salaire mensuel moyen du salarié avant la rupture, lequel comprend, contrairement à ce que soutiennent les intimées, les avantages en nature dont bénéficiait le salarié pourvu qu'ils soient payés, serait-ce indirectement, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

En l'espèce, le salaire mensuel de référence s'élève donc à 1884 euros.

* Indemnité d'éviction

Contrairement à ce qui se passe lorsque l'autorisation de licencier a été donnée puis annulée, le code du travail ne précise pas comment il convient de calculer l'indemnité d'éviction dans l'hypothèse d'une violation du statut protecteur.

Il est cependant de jurisprudence constante que l'indemnité d'éviction doit couvrir les salaires auxquels le salarié irrégulièrement évincé pouvait légitimement prétendre entre la rupture et le refus de réintégration.

Lorsque, comme en l'espèce, le motif d'annulation du licenciement ne correspond pas à la violation d'un droit ou d'une liberté ayant valeur constitutionnelle, les revenus qui ont été perçus par le salarié pendant la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration doivent être déduits.

Il est également de jurisprudence constante qu'en cas de demande tardive, le point de départ de la période d'indemnisation doit être fixé à la date de présentation de la demande.

En l'espèce, compte tenu du fait qu'en cours de procédure M. [E] [K] a plusieurs fois indiqué (du 23 octobre 2019 au 24 juin 2021) ne pas demander sa réintégration, avant de finalement présenter une demande en sens contraire par conclusions du 24 juin 2021, l'indemnité d'éviction sera fixée comme suit :

- salaires dus du 15 mai 2014 au 23 octobre 2019

année 2014 :16.014 euros

année 2015 : 24.492 euros

année 2016 : 24.492 euros

année 2017: 24.492 euros

année 2018 : 24.492 euros

année 2019: 18'840 euros (1884 x 10)

- Salaire dus du 24 juin 2021 au 7 février 2022

année 2021 : 11'304 euros(1884 x 6) 24.492,00 euros

année 2022 : (1er janvier au 7 février) : 3768,00 euros

- indemnité compensatrice de préavis à déduire : 3690 euros

Total : 140'436 euros, somme de laquelle devront être déduits les revenus perçus par M. [K] au cours de cette période (revenus de remplacement, indemnités pôle emploi et salaires notamment), non communiqués à ce jour, ce qui implique une réouverture des débats.

* Indemnité pour nullité du licenciement

M. [E] [K] est en droit d'obtenir en vertu de l'article L1235-3-1 du code du travail une indemnité non plafonnée qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Compte tenu de l'age de M. [E] [K] au jour de son licenciement, de son ancienneté dans l'entreprise (13 ans) et de son absence de retour à l'emploi, la cour lui alloue de ce chef la somme de 10 716 euros (1786 x 6).

V / Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires pour préjudice moral

M. [E] [K] n'établit pas que son licenciement aurait eu lieu dans des circonstances particulièrement brutales et/ou vexatoires.

Sa demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.

VI / Sur la demande d'indemnité pour violation du statut protecteur

Il est de jurisprudence constante que l'indemnité pour violation du statut protecteur est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection ; il en résulte que le salarié, licencié en méconnaissance de son statut protecteur après l'expiration de la période de protection, ne peut bénéficier de cette indemnité qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat.

La demande sera donc rejetée.

VII / Sur le débiteur de l'obligation de paiement

Il est de jurisprudence constante qu'en cas de transfert d'entreprise, les indemnités dues au salarié protégé licencié sans autorisation administrative incombe au cessionnaire, soit en l'espèce, la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG), en application des dispositions de l'article L.1224-2 du code du travail.

VIII / Sur les demandes annexes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [E] [K] à payer à la société BCA la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimées seront condamnées in solidum à payer à M. [E] [K] la somme de 2500 euros pour ses frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette la demande de mise hors de cause de la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) ;

Vu l'arrêt rendu en la cause par la Cour de cassation le 23 octobre 2019,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 8 décembre 2015

Statuant à nouveau,

Annule le licenciement de M. [E] [K] ;

Rejette la demande de réintégration présentée par M. [E] [K] ;

Condamne la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) à payer à M. [E] [K] la somme de 10 716 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement ;

Avant dire droit sur l'indemnité d'éviction, invite M. [E] [K] à produire l'ensemble des justificatifs des revenus qu'il a perçus du 15 mai 2014 au 23 octobre 2019 et du 24 juin au 7 février 2022 ;

Renvoie l'affaire de ce chef à l'audience du 27 juin 2022 ;

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation à l'audience ;

Déboute M. [E] [K] de ses demandes d'indemnisation pour violation du statut protecteur et de dommages-intérêts complémentaires pour préjudice moral ;

Condamne in solidum la société BCA et la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) à payer à M. [E] [K] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société BCA et la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) de toutes leurs demandes reconventionnelles ;

Condamne in solidum la société BCA et la société Ambitions Automobiles Guadeloupe (AAG) aux dépens.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01603
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;19.01603 ?
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