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16/05/2022 | FRANCE | N°18/01429

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 16 mai 2022, 18/01429


GB/LP







COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 80 DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX



AFFAIRE N° : N° RG 18/01429 - N° Portalis DBV7-V-B7C-DAYB



Décisions déférées à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 3 Juillet 2018 - Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 17 Novembre 2020.





APPELANTE



Madame [X] [B]

14, Immeuble Capital

97122 BAIE MAHAULT

Représe

ntée par Me Anne FONTAINE DE LA ROQUE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH





INTIMÉS



CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE

Parc d'activités La Pr...

GB/LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 80 DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE N° : N° RG 18/01429 - N° Portalis DBV7-V-B7C-DAYB

Décisions déférées à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 3 Juillet 2018 - Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 17 Novembre 2020.

APPELANTE

Madame [X] [B]

14, Immeuble Capital

97122 BAIE MAHAULT

Représentée par Me Anne FONTAINE DE LA ROQUE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉS

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE

Parc d'activités La Providence

ZAC de Dothémare

97139 ABYMES

Représentée par Mme [Z] [D] munie d'un pouvoir dûment établi

Maître [M] [U] pris en sa qualité d'huissier de justice

16, Rue Lamartine

97110 POINTE-A-PITRE

Représenté par Me Valérie GOBERT ( SCP PAYEN GOBERT) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mmes Rozenn Le GOFF et Gaëlle BUSEINE, conseillères, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,

Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère,

Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 mai 2022

GREFFIER Lors des débats Valérie SOURIANT, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Madame Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [B] [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe le 10 novembre 2016 d'une opposition à une contrainte délivrée le 27 août 2015 par le directeur de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe (CGSS) et signifiée le 12 octobre 2016, pour la somme de 26885 euros au titre des cotisations dues pour le 1er trimestre 2009, les 4 trimestres 2010, 2011 et 2012 et le 3ème trimestre 2013, y compris les majorations de retard.

Par jugement réputé contradictoire, rendu le 3 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe a déclaré irrecevable l'opposition formée par Mme [B] [X] à une contrainte délivrée par le directeur de la CGSS le 27 août 2015 et signifiée le 12 octobre 2016, pour la somme de 26885 euros au titre des cotisations dues pour le 1er trimestre 2009, les 4 trimestres 2010, 2011, 2012 et le 3ème trimestre 2013, y compris les majorations de retard.

Par actes d'huissier des 24 et 30 octobre 2017, Mme [B] a assigné Maître [U] [M] et la CGSS devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en vue d'obtenir l'annulation de l'acte de signification de la contrainte litigieuse.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 29 octobre 2018, enregistrée sous le n° RG 18/01429, Mme [B] formait appel du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe le 3 juillet 2018, dont il n'est pas justifié qu'il lui a été préalablement et régulièrement notifié.

Par ordonnance sur incident rendue le 14 février 2019, le juge de la mise en état de la chambre civile du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :

- déclaré le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre incompétent au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre,

- dit que le dossier sera transmis au greffe du pôle social du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre,

- dit que les dépens et la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort fixé par la juridiction de renvoi.

Par jugement rendu contradictoirement le 17 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, pôle social, a :

- déclaré irrecevable le recours formé par Mme [B] [X],

- constaté que la contrainte établie le 27 août 2015 par le directeur de la Caisse Générale de Sécurité Sociale à l'encontre de Mme [B] [X] au titre de cotisations et majorations de retard pour le montant de 26885 euros est devenue définitive et comporte les effets d'un jugement en application de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, de telle sorte qu'il n'y a lieu de prononcer une condamnation sur cette somme,

- dit que les frais de signification de la contrainte, ainsi que de tous les actes de procédure nécessaires à son exécution, restent à la charge de Mme [B] [X],

- condamné Mme [B] [X] au paiement de la somme de 500 euros à la caisse générale de sécurité sociale, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [X] au paiement de la somme de 1500 euros à Maître [U] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formée par Mme [B] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [X] au paiement des entiers dépens,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 21 décembre 2020, enregistré sous le n° RG 20/010016, Mme [B] formait appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, Pôle social, qui lui était notifié le 24 novembre 2020.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

S'agissant du dossier RG n° 18/01429 :

Par conclusions notifiées le 17 janvier 2022 à la CGSS, enregistrées sous le n° RG 18/01429, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme [B] demande à la cour de:

- juger tant recevable que bien fondée sa demande,

- ordonner la jonction des appels répertoriés sous le N° RG 18/01429 et RG 20/01016,

- juger que le tribunal des affaires de sécurité sociale a soulevé d'office un moyen tiré de sa compétence exclusive sans solliciter les observations des parties,

En conséquence,

- annuler le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- juger nul l'acte de signification de la contrainte et, par voie de conséquence, juger sans effet la contrainte du 27 août 2015 délivrée par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016 pour la somme de 26885 euros compte tenu des négligences commises par l'huissier,

- juger nulle et sans effet la contrainte du 27 août 2015 délivrée par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016 pour la somme de 26885 euros à défaut de mise en demeure préalable régulière,

Et, en conséquence,

- juger nulle et sans effet la contrainte du 27 août 2015 délivrée par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016 pour la somme de 26885 euros,

- débouter la CGSS de sa demande,

Subsidiairement si la cour estimait ne pas devoir annuler le jugement, elle l'infirmera et statuant à nouveau :

- juger nul l'acte de signification de la contrainte et par voie de conséquence juger nul et sans effet la contrainte du 27 août 2015 délivrée par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016 pour la somme de 26885 euros,

- juger nulle et sans effet la contrainte du 27 août 2015 délivrée par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016 pour la somme de 26885 euros à défaut de mise en demeure préalable régulière,

Et statuant à nouveau,

- juger nulle et sans effet la contrainte du 27 août 2015 délivrée par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016 pour la somme de 26885 euros,

- débouter la CGSS de sa demande,

Si par extraordinaire la cour d'appel condamnait la requérante à payer les sommes réclamées,

- lui accorder vingt-quatre mois de délais de paiement.

Mme [B] soutient que :

- la jonction peut être prononcée eu égard au lien entre les deux litiges,

- le jugement doit être déclaré nul dès lors qu'elle n'a pas été invitée à présenter des observations sur un moyen relevé d'office, qui n'a, au demeurant pas été évoqué dans les débats lors de l'audience,

- l'acte de signification de la contrainte est nul compte tenu des négligences de l'huissier instrumentaire et des irrégularités affectant l'acte,

- elle justifie d'un grief,

- la demande de nullité de l'acte de signification est recevable,

- elle justifie du paiement des cotisations réclamées,

- il convient de lui accorder un délai de paiement.

Par conclusions notifiées à Mme [B] le 13 février 2022, enregistrées sous le n° 18/01429, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la CGSS demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer Mme [B] recevable mais mal-fondée dans son appel,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour devait annuler la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 3 juillet 2018 en ce qu'il a soulevé d'office un moyen tiré de sa compétence exclusive sans solliciter les observations des parties, elle l'infirmera, et statuant à nouveau,

- juger régulier l'acte de signification de la contrainte litigieuse,

- valider ladite contrainte à hauteur de 10083 euros représentant 9190 euros de cotisations et contributions sociales et 893 euros de majorations de retard au titre du 1er trimestre 2009, des 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2010, des 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2011, de la régularisation annuelle 2011 et du 1er trimestre 2012 au titre de la mise en demeure n° 2348661 du 15 octobre 2012,

- se déclarer incompétent pour octroyer des délais de paiement,

- condamner Mme [B] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CGSS expose que :

- elle n'est pas opposée à la demande de jonction,

- les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile n'ont pas été méconnues,

- l'acte de signification de la contrainte n'est affecté par aucune irrégularité,

- l'appelante ne justifie pas d'un grief dès lors que l'acte de signification est régulier,

- elle ne justifie pas davantage avoir réglé les sommes dues,

- la mise en demeure du 15 octobre 2012 ayant précédé la contrainte, qui est également régulière, est versée au dossier,

- il n'appartient pas à la juridiction d'accorder des délais de paiement.

S'agissant du dossier RG n° 20/01016 :

Par conclusions, enregistrées sous le n° RG 20/01016, notifiées le 3 novembre 2021 aux autres parties, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme [B] sollicite le dépaysement de l'affaire.

Par conclusions notifiées respectivement le 14 janvier 2022 à M. [U] [M] et le 17 janvier 2022 à la CGSS, sous le n° RG 20/01016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme [B] [X] demande à la cour de :

- juger tant recevable que bien fondée sa demande,

- ordonner la jonction des appels répertoriés sous les numéros RG 18/01429 et 20/01016,

- juger que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 3 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale ne trouvait pas à s'appliquer,

- juger nul l'acte de signification de la contrainte délivrée le 27 août 2015 par le directeur de la CGSS et signifiée le 12 octobre 2016, et, par voie de conséquence, juger nulle et sans effet la contrainte décernée compte tenu des négligences commises par l'huissier,

- juger nulle et sans effet la contrainte délivrée le 27 août 2015 par le directeur de la CGSS à défaut de mise en demeure régulière,

- juger que M. [U] a commis une faute dans la signification de la contrainte qui cause un dommage à Mme [B],

- juger irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée pour la première fois par M. [U] [M] en cause d'appel,

En conséquence,

- infirmer la décision rendue le 17 novembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en violation de l'article 1355 du code civil,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [U] [M] et la CGSS de la Guadeloupe de leurs demandes,

- condamner M. [U] [M], huissier instrumentaire, à lui payer la somme de 374,77 euros au titre des frais d'acte, 1920 euros au titre des frais de recherche jurisprudentielle, 2000 euros au titre du préjudice moral et 26885 euros au titre de la perte de chance qu'elle a subie,

Si par extraordinaire la cour d'appel condamnait la requérante à repayer les sommes réclamées,

- lui accorder vingt-quatre mois de délais de paiement,

En tout état de cause,

- condamner la CGSS et M. [U] [M], huissier instrumentaire, à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Mme [B] soutient que :

- il convient d'ordonner la jonction des deux affaires,

- les conditions de l'article 1355 du code civil n'étant pas remplies, l'autorité de la chose jugée ne pouvait pas être retenue,

- le jugement du 17 novembre 2020 devra être infirmé dès lors que le jugement du 3 juillet 2018 méconnaît les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile,

- l'acte de signification de la contrainte est nul compte tenu des négligences de l'huissier instrumentaire et des irrégularités l'affectant,

- elle justifie d'un grief,

- il est établi par les pièces du dossier qu'elle a réglé les cotisations en cause,

- sa demande de nullité de l'acte de signification est recevable,

- la responsabilité de l'huissier instrumentaire est engagée et elle justifie du préjudice subi,

- il conviendrait de lui accorder des délais de paiement.

Par conclusions notifiées à M. [U] le 7 février 2022 et le 13 février 2022 à Mme [B], enregistrées sous le n° RG 20/01016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la CGSS demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer Mme [B] recevable mais mal fondée en son appel,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale le tribunal des affaires de sécurité sociale le 3 juillet 2018,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour devait annuler la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 3 juillet 2018 en ce qu'il a soulevé d'office un moyen tiré de sa compétence exclusive sans solliciter les observations des parties, elle l'infirmera, et statuant à nouveau,

- juger régulier l'acte de signification de la contrainte litigieuse,

- valider ladite contrainte à hauteur de 10083 euros représentant 9190 euros de cotisations et contributions sociales et 893 euros de majorations de retard au titre du 1er trimestre 2009, des 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2010, des 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2011, de la régularisation annuelle 2011 et du 1er trimestre 2012 au titre de la mise en demeure n°2348661 du 15 octobre 2012,

- se déclarer incompétent pour octroyer des délais de paiement,

- condamner Mme [B] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CGSS expose que :

- elle n'est pas opposée à la jonction des deux affaires eu égard à leur lien,

- les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile n'ont pas été méconnues,

- l'acte de signification de la contrainte n'est affecté par aucune irrégularité,

- l'appelante ne justifie pas d'un grief dès lors que l'acte de signification est régulier,

- l'appelante ne justifie pas davantage avoir réglé les sommes dues,

- elle justifie de la mise en demeure du 15 octobre 2012 ayant précédé la contrainte, qui est également régulière,

- il n'appartient pas à la juridiction d'accorder des délais de paiement.

Par conclusions signifiées par actes d'huissier du 10 et 14 juin 2021 respectivement à la CGSS et à Mme [B], sous le n° RG 20/01016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. [U] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de Mme [B],

- déclarer Mme [B] irrecevable et mal fondée en ses demandes,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses moyens et demandes,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 17 novembre 2020,

Et y ajoutant,

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 8000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner la même à lui payer la somme de 4500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

M. [U] expose que :

- la demande de jonction est irrecevable, dès lors qu'il n'était pas partie à l'autre procédure enregistrée sous le dossier n° RG 18/01429,

- la demande de nullité de l'acte de signification de la contrainte dans le cadre de la procédure RG 18/01429 est irrecevable, la décision déférée n'ayant pas tranché cette prétention, qui ne peut être formulée pour la première fois en cause d'appel et aurait pour effet de le priver d'un double degré de juridiction,

- le demande de nullité de l'acte de signification de la contrainte, dans le cadre de la procédure RG 20/01016 est irrecevable en vertu du principe de la concentration des moyens,

- la demande d'annulation du jugement du 3 juillet 2018 est infondée, dès lors que les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile n'ont pas été méconnues, le tribunal ne s'étant pas fondé sur un moyen soulevé d'office,

- la demande d'infirmation du jugement du 17 novembre 2020 est également infondée, l'acte de signification de la contrainte étant bien signé de l'huissier et l'intéressée ne justifiant pas d'un grief,

- les diligences ont été régulièrement accomplies pour remettre l'acte à Mme [B], qui ne justifie pas d'un grief sur ce point,

- aucune faute de l'huissier ne saurait être retenue.

Par conclusions notifiées à Mme [B] et à la CGSS le 5 novembre 2021, enregistrées sous le n° RG 20/01016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. [U] demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de dépaysement présentée par Mme [B].

M. [U] fait valoir que la demande de dépaysement est tardive.

MOTIFS :

Sur la demande de dépaysement :

Aux termes de l'article 47 du code de procédure civile, lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe. Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. A peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l'article 82.

Mme [B], qui est avocate inscrite au barreau de la Guadeloupe depuis plusieurs années, a eu nécessairement connaissance de cette situation à la date à laquelle elle a saisi la juridiction de première instance de sa contestation. S'étant abstenue de présenter sa demande de renvoi de l'affaire, enregistrée devant le cour d'appel de céans sous le n° RG 20/01016, devant la cour d'appel de Martinique en première instance, elle est irrecevable à le faire en cause d'appel.

Sur la demande de jonction :

Selon l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

En l'espèce, Mme [B] a formé deux appels à l'encontre, d'une part d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe du 3 juillet 2018 se prononçant sur l'opposition à la contrainte délivrée le 27 août 2015 par le directeur de la CGSS pour un montant de 26885 euros et, d'autre part, d'un jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, Pôle social, du 17 novembre 2020 relatif à l'acte de signification de la contrainte et la validité de celle-ci.

Il convient de rappeler aux parties que la jonction ne crée pas de procédure unique. Dès lors, M. [U] n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrecevabilité d'une telle demande sur le fondement de l'article 547 du code de procédure civile, au motif de ce qu'il n'était pas partie à l'instance enregistrée sous le n° RG 18/01429. M. [U] ne saurait davantage arguer du défaut de choix par Mme [B], entre le conseiller de la mise en état ou la cour, pour diriger sa demande, alors que les présentes instances sont soumises aux règles de la procédure sans représentation obligatoire.

Compte tenu de la connexité entre les deux affaires, qui concernent la même contrainte et les actes subséquents, il convient d'ordonner la jonction des deux dossiers, sous le seul n° RG 18/01429.

Sur le jugement du 3 juillet 2018 :

En ce qui concerne la demande de nullité du jugement :

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L'examen des termes du jugement du 3 juillet 2018 met en évidence les motifs suivants :

'Il y a lieu d'observer préalablement que Mme [B] ne justifie pas d'une action en annulation de l'acte de signification de la contrainte querellée devant le TASS seule compétente à cet égard;

***

L'article R 133-3 du code de la sécurité sociale (CSS) dispose que le débiteur peut former opposition dans les quinze jours à compter de la signification de la contrainte ;

En l'espèce, Mme [B] a formé opposition le 10 novembre 2016 à la contrainte du 27 août 2015 et signifiée le 12 octobre 2016, soit dans un délai supérieur à 15 jours à compter de la signification ;

En conséquence, l'opposition formée par Mme [B] [X] sera déclarée irrecevable'

Il résulte des motifs clairs dudit jugement que le tribunal des affaires de sécurité sociale, après avoir formulé une observation relative à l'absence d'éléments relatifs à une action en annulation de l'acte de signification de la contrainte en cause, a prononcé l'irrecevabilité de l'opposition formée par Mme [B] pour le seul motif tiré de sa tardiveté.

Par suite, Mme [B] ne saurait invoquer la nullité du jugement en raison de l'existence d'un moyen soulevé d'office par les premiers juges, consistant à avoir relevé l'absence d'une contestation de l'acte de signification, qui n'aurait pas été soumis au principe du contradictoire, dès lors que leur décision n'est pas fondée sur ce point et qu'il présente le caractère d'une simple observation.

Il convient de rejeter la demande de nullité du jugement du 3 juillet 2018 présentée par Mme [B].

En ce qui concerne l'acte de signification de la contrainte :

Il résulte de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale que lorsque la contrainte est signifiée par acte d'huissier de justice, le délai d'opposition de quinze jours part de la date de signification, peu important qu'elle ait été faite à la personne du débiteur ou à domicile.

Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

Selon l'article 655 de ce code, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.

Aux termes de l'article 689 du même code, les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire s'il s'agit d'une personne physique. Toutefois, lorsqu'elle est faite à personne, la notification est valable quel que soit le lieu où elle est délivrée, y compris le lieu de travail.

En l'espèce, l'acte de signification de la contrainte litigieuse mentionne une remise à résidence et comporte une formule type 'Les circonstances rendant impossible la signification à personne, l'acte a été remis sous enveloppe fermée ne portant d'autres indications que d'un côté le nom et l'adresse du destinataire de l'acte et de l'autre, le cachet de l'Huissier apposé sur la fermeture du pli', puis la case cochée de cette remise, accompagnée de la mention 'A une personne présente à son domicile, Monsieur [I] [C], qualité : collaborateur qui a accepté de recevoir l'acte'.

Il résulte des éléments repris ci-dessus que l'acte de signification ne comporte aucune mention relatant les diligences que l'huissier instrumentaire aurait accomplies pour effectuer la signification à la personne de Mme [B] ni concernant les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

Toutefois, la nullité encourue pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Il appert que la signification contestée a été effectuée par remise de l'acte à une personne présente au domicile professionnel de Mme [B], adresse mentionnée par l'intéressée dans les documents afférents à la présente affaire, celle-ci ne contestant pas d'ailleurs la réalité de cette adresse professionnelle. L'acte comporte la mention du dépôt d'un avis de passage et l'envoi d'une lettre simple. Si cet avis de passage et cette lettre simple n'établissent pas en eux-mêmes la preuve de leur réception par leur destinataire, l'absence de case cochée et de précision d'une date afférente à ces documents invoquées par Mme [B], dont les mentions ne sont au demeurant pas prévues dans l'acte litigieux, sont sans incidence dès lors que celui-ci a valablement été remis à un collaborateur de Mme [B], qui a accepté de recevoir l'acte et dont l'identité et la qualité sont portées sur celui-ci. La cour observe que Mme [B] ne s'explique pas sur les circonstances de remise de l'acte par ce collaborateur, dont il résulte des écritures de l'appelante qu'il exerce la profession d'avocat, observation étant faite qu'il n'appartient pas, contrairement à ce que soutient Mme [B], à l'huissier instrumentaire de vérifier son habilitation à recevoir l'acte.

S'agissant de la mention de l'auteur de l'acte, s'il n'est pas précisé la remise par l'huissier ou par un clerc instrumentaire, il appert, ainsi que le souligne la CGSS, qu'il a nécessairement été remis par l'un ou l'autre et qu'il comporte la signature ainsi que le cachet de Me [U].

Il résulte de l'analyse menée ci-dessus que Mme [B], qui allègue l'impossibilité de faire valoir ses droits en raison du délai de recours expiré, ne justifie pas d'un grief dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve que la signification de la contrainte à son domicile professionnel l'aurait empêchée d'exercer son recours dans le délai prévu par l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale.

La contrainte ayant été signifiée à Mme [B] le 12 octobre 2016, la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale intervenue le 10 novembre 2016, soit plus de 15 jours après ladite signification, est tardive.

Il convient, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrecevabilité de la demande de nullité de l'acte de signification soulevée, de confirmer le jugement du 3 juillet 2018 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'opposition formée par Mme [B] à la contrainte en cause.

Sur le jugement du 17 novembre 2020 :

En ce qui concerne l'autorité de la chose jugée :

Aux termes de l'article 1355 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Mme [B] souligne à juste titre que les premiers juges ne pouvaient retenir dans le jugement du tribunal judiciaire, Pôle social du 17 novembre 2020 l'autorité de la chose jugée dès lors, que les demandes n'étaient pas identiques et que les parties étaient distinctes.

Les conditions de l'article 1355 du code de procédure civile n'étant pas remplies, Mme [B] est fondée à solliciter l'infirmation du jugement du 17 novembre 2020, qui a, pour le motif tiré de l'autorité de la chose jugée, déclaré irrecevable le recours formé par Mme [B], déclaré la contrainte définitive et, par voie de conséquence, statué sur la mise à la charge de Mme [B] des frais de signification, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

En ce qui concerne l'acte de signification de la contrainte :

Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus sous le n° RG 18/01429, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrecevabilité soulevée, Mme [B] n'est pas fondée à solliciter la nullité de l'acte de signification de la contrainte litigieuse.

Il convient de la débouter de sa demande présentée à ce titre.

En ce qui concerne la recevabilité de la contestation de la contrainte :

A défaut de nullité de l'acte de signification de la contrainte, Mme [B] est irrecevable à la contester, pour les mêmes motifs liés à la tardiveté de son opposition que ceux exposés ci-dessus sous le n° RG 18/01429.

En ce qui concerne la responsabilité de l'huissier instrumentaire :

Mme [B], qui se prévaut des manquements de l'huissier instrumentaire, ne justifie pas, en faisant valoir l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de former opposition dans le délai légal, d'un préjudice en lien avec les irrégularités précédemment relevées, dès lors qu'il n'est pas établi que celles-ci l'aient empêchée d'exercer son recours dans le délai prévu par l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale.

Il convient de débouter Mme [B] de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

En ce qui concerne la demande reconventionnelle de M. [U] :

Contrairement à ce que soutient M. [U], il n'est pas établi que le recours de Mme [B], nonobstant sa qualité d'avocate, présente un caractère abusif, dès lors qu'il est partiellement fondé.

Il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, de débouter M. [U] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes sous les n° RG 18/01429 et n° RG 20/01016 :

La demande de délais de paiement étant présentée à titre de subsidiaire, dans l'hypothèse d'une validation de la contrainte, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Comme il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [U] et de la CGSS les frais irrépétibles qu'ils ont exposés, il convient de leur accorder respectivement les sommes de 1000 euros et 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter Mme [B] de sa demande présentée à ce titre.

Les dépens seront mis à la charge de Mme [B].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Prononce l'irrecevabilité de la demande de dépaysement formulée par Mme [B] [X] dans le dossier RG n° 18/01429,

Prononce la jonction des affaires enrôlées sous les n° RG 18/01429 et n° RG 20/01016, dorénavant enregistrées sous le n° RG 18/01429,

Rejette la demande de nullité du jugement du 3 juillet 2018 formulée par Mme [B] [X],

Confirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe en date du 3 juillet 2018 entre Mme [B] [X] et la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe,

Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, pôle social entre Mme [B] [X], la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe et M. [U] [M],

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme [B] [X] de sa demande de nullité de l'acte de signification de la contrainte du 27 août 2015,

Prononce l'irrecevabilité de l'opposition formée par Mme [B] à la contrainte du 27 août 2015,

Déboute Mme [B] [X] de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute M. [U] [M] de sa demande reconventionnelle présentée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

Condamne Mme [B] [X] à verser à M. [U] [M] la somme de 1000 euros et à la Caisse Générale de Sécurité Sociale celle de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [B] [X] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [B] [X] aux entiers dépens de l'instance.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01429
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;18.01429 ?
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