La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2022 | FRANCE | N°21/006091

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 02 mai 2022, 21/006091


VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 79 DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00609 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKLL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 6 décembre 2017 - Section Activités Diverses -

APPELANTES

ASSOCIATION [Adresse 5]
Cadet
[Localité 2]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Société AJA ASSOCIES ès qualités de commissaire à l'e

xécution du plan de la MFR de Sainte-Rose
[Adresse 6]
L'Houezel
[Localité 4]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de l...

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 79 DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00609 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKLL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 6 décembre 2017 - Section Activités Diverses -

APPELANTES

ASSOCIATION [Adresse 5]
Cadet
[Localité 2]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Société AJA ASSOCIES ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la MFR de Sainte-Rose
[Adresse 6]
L'Houezel
[Localité 4]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur [K] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Estelle SZWARCBART-HUBERT de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 2 mai 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Pommier Lucile, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

***********

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [M] [U] [W] a été engagé en qualité de moniteur d'enseignement agricole suivant contrat à durée indéterminée du 1er juin 1997 par l'association [Adresse 5].

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des maisons familiales rurales du 24 janvier 2007

Par courrier du 10 mars 2015, M. [K] [M] [U] [W] s'est vu proposer une modification de son contrat de travail, qu'il a refusée par courrier du 13 avril 2015.

Par courrier du 17 avril 2015, M. [K] [M] [U] [W] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 24 avril 2015.

M. [K] [M] [U] [W] s'est vu remettre ses documents de fin de contrat le 15 mai 2015.

Par jugement du 14 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de l'association [Adresse 5], désignant Me [H] en qualité de mandataire judiciaire et la société AJA prise en la personne de Me [R] en qualité d'administrateur judiciaire.

Contestant la régularité de son licenciement, M. [K] [M] [U] [W] a saisi le conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre par requête du 20 décembre 2016, sollicitant la condamnation de l'association [Adresse 5] à lui payer les sommes suivantes :
- 9 185,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 918,54 euros au titre des congés payés sur le préavis
- 3 061,80 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement
- 5 060,47 euros au titre d'un supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle
- 70 000,00 euros à titre des dommages et intérêts pour rupture abusive
- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire
- 3 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non remise du contrat de sécurisation professionnelle
- 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 7 avril 2017, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a ordonné la conversion de la procédure en redressement judiciaire, désignant Me [H] en qualité de mandataire judiciaire et la société AJA prise en la personne de Me [R] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugement du 6 décembre 2017, rendu au contradictoire de Me [R] et de Me [H], le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
CONDAMNÉ l'Association [Adresse 5], en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] [M] [U] [W] les sommes suivantes :
- 9 185,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 918,54 euros au titre des congés payés sur le préavis
- 3 061,80 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement
- 64 297,80 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive
- 800,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
DIT que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire sont de droit exécutoire en application de l'article R 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois s'élevant à 2 823,60 euros.
DÉBOUTÉ M. [K] [M] [U] [W] de toutes ses autres demandes.

Par déclaration du 10 janvier 2018, l'association [Adresse 5] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 décembre 2017.

Par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a arrêté un plan de redressement par voie de continuation et désigné Me [R] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, maintenant, autant que de besoin, Me [H] en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 11 mars 2019, le magistrat chargé de la mise en état a révoqué l'ordonnance de clôture prononcée le 8 novembre 2018 afin de permettre la mise en cause des organes de la procédure collective.

Par ordonnance du 6 juin 2019, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire au motif que les organes de la procédure n'avaient pas été mis en cause.

L'affaire a été réenrolée sur requête déposée le 6 mai 2021 par le nouveau conseil de l'association [Adresse 5] représentant également la société AJA, prise en la personne de Me [R], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan.

Les parties ont conclu et l'affaire a été retenue à l'audience du 14 mars 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le14 mars 2022, l'association [Adresse 5] et la société AJA ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan demandent à la cour de:
DÉCLARER l'association MFR de Sainte-Rose recevable en son appel ;
EN CONSÉQUENCE
JUGER régulier et bien-fondé sur un motif économique la rupture du contrat de travail liant M. [W] à son ex-employeur ;
INFIRMER le jugement en tout point
DÉBOUTER M. [W] de toute ses demandes, fins et conclusions
SUBSIDIAIREMENT ET STATUANT A NOUVEAU
JUGER que la rupture contractuelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de preuve d'un abus de droit
EN TOUT ETAT DE CAUSE
JUGER n'y avoir lieu à prononcer de condamnation à l'encontre de l'association MFR de Sainte-Rose
CONDAMNER M. [W], outre les entiers dépens, au versement à l'association MFR de Sainte-Rose, la somme de 2 500 euros en remboursement des frais irrépétibles.

L'association [Adresse 5] et la société AJA ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan, exposent, en substance, que :
- au regard de l'article L.622-24 du code de commerce, la créance salariale dont se prévaut M. [W] est antérieure au jugement d'ouverture du Tribunal Judiciaire de de Pointe-à-Pitre du 5 juillet 2018 ; il ressort de l'article L.622-26 alinéa 2 du code de commerce que « les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus»; s'agissant des créances salariales, l'article L.625-6 du Code de commerce précise que « Les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, visés par le juge-commissaire, ainsi que les décisions rendues par la juridiction prud'homale sont portés sur l'état des créances déposé au greffe»; en l'espèce, la créance de M. [M] [W] n'a jamais été portée sur l'état du passif déposé au greffe ; dans ces conditions et en application des articles précités, l'association [Adresse 5] ne saurait, en l'état, être tenue de régler cette somme, inopposable à la procédure ; en tout état de cause et dans l'hypothèse où les conditions de forme seraient régularisées, à savoir mention de cette créance sur l'état du passif au greffe du Tribunal Judiciaire de de Pointe-à-Pitre, cette créance, au caractère chirographaire, serait irrémédiablement soumise au plan de continuation dans lequel elle s'insérera rétroactivement ;
- compte tenu de la procédure collective, aucune condamnation à paiement ne peut être prononcée à l'encontre de l'association [Adresse 5], les créances salariales pouvant seulement être fixées au passif de cette société. ;
- il ne peut sérieusement être contesté que le licenciement de M. [M] [W] (et de ses collègues) a pour unique cause les difficultés économiques de l'association ;
- M. [K] [M] [U] [W] ayant refusé la modification de son contrat de travail par lettre datée du 30 mars 2015, l'employeur n'avait d'autre alternative que de mettre oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique ;
- M. [K] [M] [U] [W] a adhéré au CSP proposé au vu de l'attestation Pôle Emploi délivré qui mentionne au sujet du motif de la rupture « Rupture pour motif économique dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle » ;
- M. [W] a attendu plus de 12 mois pour contester son licenciement ;
- l'ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail du 22 septembre 2017 met en place un barème d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, auquel il convient de se référer;
- l'indemnité pour procédure irrégulière ne peut se cumuler avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- M. [W], qui a refusé d'accepter une diminution de salaire de 20 % limitée sur une durée de 2 ans, se borne à alléguer divers préjudices sans en rapporter la preuve ;
- il est constant qu'en cas d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, celle-ci emporte rupture du contrat de travail, de sorte que le salarié n'exécute pas de préavis et ne perçoit pas d'indemnité compensatrice de préavis.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 novembre 2021, M. [K] [M] [U] [W] demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il juge le licenciement abusif et condamne la [Adresse 5] au paiement des sommes suivantes :
o Indemnité compensatrice de préavis : 9.185,40 euros
o Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 918,54 euros
o Non-respect de la procédure de licenciement : 3.061,80 euros
o Dommages-intérêts pour rupture abusive :64.297,80 euros
- L'INFIRMER pour le surplus ;
Et REJUGEANT :
- DIRE ET JUGER le licenciement brusque et vexatoire ;
- DIRE ET JUGER que le supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle est dû ;
- CONDAMNER, en conséquence, la [Adresse 5] au paiement des sommes suivantes :
o Supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle : 5.060,47 euros
o Dommages-intérêts pour rupture brusque et vexatoire : 5.000,00 euros
o Dommages-intérêts pour défaut de remise du contrat de sécurisation professionnelle : 3.500 euros
- ORDONNER la remise d'un bulletin de paie rectificatif des bulletins de paie de 2012 à 2015 et de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50,00 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;
- ORDONNER l'inscription de ces sommes sur le relevé des créances salariales.
- CONDAMNER la [Adresse 5] au paiement de la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance.

M. [K] [M] [U] [W] expose, en substance, que :
- le super privilège dont bénéficient les salariés d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire permet de garantir le paiement, par préférence à toute autre créance privilégiée, des rémunérations et indemnités de congés payés dues aux salariés dans une certaine limite ;
- les salariés n'ont pas l'obligation de déclarer leurs créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;
- au vu des documents ou à partir des informations fournies, le mandataire judiciaire vérifie les créances résultant d'un contrat de travail ;
- les sommes dues à ce titre seront avancées aux salariés par l'AGS, si l'entreprise ne peut les régler ;
- la société débitrice redevenue in bonis doit s'acquitter des créances salariales fixées par décision de justice même après le jugement arrêtant le plan de redressement ou de sauvegarde avec continuation ; l'AGS ne pourra intervenir que subsidiairement s'il est avéré que les fonds disponibles sont insuffisants au paiement des créances salariales ;
- il est manifeste que l'employeur a inscrit la proposition de modification de son contrat de travail dans le champ des dispositions sur les accords de maintien de l'emploi des articles L.5125-1 et suivants du code du travail, alors qu'il n'a pas respecté ces textes faute d'accord de maintien de l'emploi;
- il n'a reçu ni proposition de reclassement ni lettre de licenciement, de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- contrairement à ce que soutient l'association [Adresse 5], il n'a pas accepté le CSP ;
- sa rémunération brute n'était pas de 2.916,00 euros mais de 3.061,80 euros en tenant compte de la prime dite Bino ;
- le barème de l'ordonnance du 22 septembre 2017 n'est pas applicable puisque son licenciement est antérieur à son entrée en vigueur ;
- la réparation de son préjudice doit intervenir en conformité avec la convention collective applicable qui fixe la durée de préavis à 3 mois et avec stipule un supplément d'indemnité de licenciement dû au salarié n'ayant pas retrouvé de poste dans les 3 mois qui suivent l'expiration du préavis ;
- à la date de son licenciement, il lui ne lui restait que trois mois à travailler pour percevoir sa retraite à taux plein ;
- son licenciement a été particulièrement brutal et il n'a jamais retrouvé d'emploi ;
- l'employeur ne lui a remis aucun des documents lui permettant d'adhérer au CSP, le privant une meilleure indemnisation et un meilleur accompagnement dans son projet de retour à l'emploi.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur l'opposabilité des créances salariales au commissaire à l'exécution du plan

L'article L622 – 24 du code du commerce dispose que : « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement. ».

En application de ce texte, les salariés n'ont pas l'obligation de déclarer leur créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective. Ils n'y sont pas tenus même lorsqu'ils ont été licenciés avant l'ouverture de la procédure.

Le moyen tiré de l'inopposabilité sera donc écarté.

II / Sur la cause du licenciement

L'article L1233-15 §1er du code du travail dispose que : « Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. ».

Il est de jurisprudence constante que la lettre de licenciement doit énoncer la cause du licenciement (difficultés économiques, sauvegarde de la compétitivité, etc.) et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié concerné par le projet de licenciement (suppression, transformation d'emploi, etc.) ; qu'à défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse.

M. [W] n'a pas reçu de lettre de licenciement.

Il convient en conséquence de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'absence de proposition de reclassement.

III / Sur les conséquences financières du licenciement

L'article 40-I de l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, précise que ses dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à sa publication.

M. [K] [M] [U] [W] ayant été licencié en 2015, ce texte ne lui est donc pas applicable.

Il apparaît à l'examen des bulletins de paie que la rémunération mensuelle de M. [W] est composée de son salaire de base (2.916,00 euros) et de la prime dite Bino (145,80 euros) soit un total de 3.061,80 euros.

A) Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

L'article L.1234-1 du code du travail dispose que :
« Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1 S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2 S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3 S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2 et 3 ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. ».

L'article XX de la convention collective nationale des maisons familiales rurales du 24 janvier 2007 fixe la durée de préavis à 3 mois.

La rémunération mensuelle brute de M. [W] s'élevant à 3.061,80 euros, son indemnité compensatrice de préavis est égale à 9.185,40 euros.

S'y ajoute les congés payés y afférent soit la somme de 918,54 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué ces sommes.

B) Sur le supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle

L'article XXII de la convention collective, relatif à l'indemnité de licenciement stipule : « Il est versé un supplément d'indemnité égal à 1/12ème de mois de salaire par année d'ancienneté dans l'Institution autre que celle acquise auprès du dernier employeur quand l'intéressé ne retrouve pas un autre poste dans l'Institution dans les trois mois suivant l'expiration du préavis que celui soit ou non effectué » .

Selon l'article I de la convention collective, le terme « l'Institution » désigne l'ensemble des employeurs de la branche professionnelle des Maisons Rurales Familiales.

En l'espèce, il est établi au dossier que le contrat de travail de M. [K] [M] [U] [W] s'est terminé le 15 mai 2015 et qu'au 30 septembre 2016 il était toujours inscrit en tant que demandeur d'emploi.

Le certificat de travail de M. [W] fait état d'une ancienneté totale dans la branche du 1er août 1977 au 15 mai 2015 (soit 37 ans et 9 mois).

Il convient de déduire de la période d'emploi au service de la [Adresse 5] (du 1er juin 1997 au 15 mai 2015 (soit 17 ans et 11 mois).

Dès lors, l'ancienneté servant de base au calcul du supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle s'élève à 19 ans et 10 mois et M. [K] [M] [U] [W] est en droit d'obtenir la somme de 5.060,47 euros au titre du supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle [(3.061,80 euros / 12) x 19 ans et 10 mois].

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

C) Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En vertu de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version applicable, compte tenu de l'âge de M. [K] [M] [U] [W], de son ancienneté et de son absence de retour à l'emploi, il convient de lui accorder la somme de 64.297,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

D) Sur la demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement

M. [K] [M] [U] [W] ne justifie pas de circonstances particulièrement brutales ou vexatoires qui auraient entouré son licenciement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

IV / Sur la demande de dommages-intérêts pour irrégularités de la procédure de licenciement

L'indemnité demandée ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande.

V / Sur la demande de dommages-intérêts pour l'absence de proposition du contrat de sécurisation professionnelle

L'association [Adresse 5] produit un récépissé de proposition du Contrat de sécurisation professionnelle en date du 24 avril 2015 portant la signature de M. [K] [M] [U] [W].

Ce document prouve que M. [K] [M] [U] [W] a bien reçu la proposition de contrat de sécurisation professionnelle même s'il n'y a pas adhéré.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

VI / Sur la demande de condamnation au paiement

Les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective restent soumises, même après l'adoption d'un plan, au régime de la procédure collective, de sorte qu'il y a lieu de déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci.

VII / Sur la demande de remise de documents

L'association [Adresse 5] devra remettre à M. [K] [M] [U] [W] un bulletin récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt ainsi qu'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée et ce dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard.

VIII / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient d'y ajouter la somme de 1200 euros pour les frais irrépétibles de l'intimé en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [K] [M] [U] [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, rejeté la demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement et pour absence de remise du contrat de sécurisation professionnelle ;

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle et alloué des dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;

Réformant pour le surplus,

Fixe la créance de M. [K] [M] [U] [W] au passif de la procédure collective de l'association [Adresse 5] aux sommes suivantes :
- 9 185,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 918,54 euros au titre des congés payés sur le préavis
- 5.060,47 euros au titre du supplément d'indemnité de licenciement conventionnelle
- 64.297,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 800,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en 1ère instance

Y ajoutant

Enjoint à l'association [Adresse 5] de remettre à M. [K] [M] [U] [W] un bulletin récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt ainsi qu'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée et ce dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Fixe la créance de M. [K] [M] [U] [W] au passif de la procédure collective de l'association [Adresse 5] à la somme de 1200 euros pour frais irrépétibles en appel ;

Dit que les dépens entreront en frais privilégiés de la procédure collective de l'association [Adresse 5] ;

Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/006091
Date de la décision : 02/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 06 décembre 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-05-02;21.006091 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award