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02/05/2022 | FRANCE | N°21/005321

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 02 mai 2022, 21/005321


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 78 DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00532 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKEW

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Pointe à Pitre du 13 avril 2021 - Pôle Social -

APPELANTE

S.A.R.L. EXPERTYS ANTILLES
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2

]
Représentée par Mme Karinne JOUENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 78 DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00532 - No Portalis DBV7-V-B7F-DKEW

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Pointe à Pitre du 13 avril 2021 - Pôle Social -

APPELANTE

S.A.R.L. EXPERTYS ANTILLES
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Mme Karinne JOUENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 2 mai 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Pommier Lucile, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 1er janvier 1975, Madame [Y] [V] a été engagée par la société Expertys Antilles en qualité d'assistante de direction.

Par courrier du 22 mars 2011, Madame [Y] [V] a notifié à la société Expertys Antilles sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 mai 2011.

Selon contrat de prestations renouvelable en date du 31 mai 2011, Madame [Y] [V] a exercé, en qualité de travailleur indépendant, pour le compte de la société Expertys Antilles, une mission d'assistance en matière de recouvrement des honoraires de la société et de ses filiales.

Le 15 juin 2016, la Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) de la Guadeloupe a adressé à la SARL Expertys Antilles concernant l'établissement [Adresse 4] (siret : 510 438 468 00017), par lettre recommandée avec accusé de réception daté du 20 juin 2016, une lettre d'observations consécutive à la vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, qui a emporté un rappel de cotisations et contribution de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS concernant Madame [Y] [V], assistante de direction, d'un montant de 18 924 euros.

Par lettre datée du 7 juillet 2016, en réponse aux observations de la caisse, Madame [Y] [V] a précisé à la CGSS les modalités d'exécution de ses missions auprès de la société Expertys Antilles.

Par courrier du 19 juillet 2016, en réponse aux observations de la caisse, la SARL Expertys Antilles a précisé à la CGSS son appréciation quant à la requalification du contrat de mission de Madame [Y] [V] en contrat de travail.

Par courrier du 19 août 2016, la CGSS a notifié à la SARL Expertys Antilles le maintien intégral du redressement.

Par courrier du 5 octobre 2016, la société Expertys Antilles a saisi la commission de recours amiable afin de contester la requalification du contrat de mission de Madame [Y] [V] en contrat de travail.

Le 12 octobre 2016, une mise en demeure a été adressée à la SARL Expertys Antilles d'avoir à régler la somme de 19 870 euros correspondant aux cotisations au régime général et majorations de retard au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Les relations contractuelles entre Madame [Y] [V] et la société Expertys Antilles se sont poursuivies par contrats de travail à durée déterminée successifs pour les périodes suivantes :

- du 14 novembre 2016 et jusqu'au 25 novembre 2016,
- du 22 mai 2017 au 2 juin 2017,
- du 6 novembre 2017 au 10 novembre 2017,
- du 7 mai 2018 au 14 mai 2018,
- du 6 août 2018 au 14 août 2018.

Par décision du 6 mai 2019, la commission de recours amiable de la CGSS de la Guadeloupe a :

- rejeté la contestation de la requérante sur le chef de redressement « assujettissement et affiliation au régime général »,
- maintenu le chef de redressement « assujettissement et affiliation au régime général »,
- invité la SARL Expertys Antilles à s'acquitter des sommes restant dues sur la mise en demeure no3055178 soit 19 870 euros (dont 18 926 euros en cotisations principales).

Par lettre recommandée réceptionnée au greffe le 31 octobre 2019, la SARL Expertys Antilles a saisi le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, pôle social, d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable de la CGSS de Guadeloupe rendue le 29 août 2019 et notifiée le 2 septembre 2019 et rejetant sa contestation du redressement opéré pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à la suite d'un contrôle effectué du 30 mai au 15 juin 2016.

Par jugement contradictoire du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, pôle social, a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CGSS de Guadeloupe du 29 août 2019,
- validé le redressement opéré au sein de la société Expertys Antilles au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015,
En conséquence,
- condamné la société Expertys Antilles à payer à la CGSS de Guadeloupe la somme de 19 870 euros au titre des cotisations et contributions sociales dues pour les années 2013 à 2015, se décomposant comme suit :
* 18 926 euros au titre des cotisations,
* 944 euros au titre des majorations de retard,
- débouté la société Expertys Antilles de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Expertys Antilles aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 12 mai 2021, la SARL Expertys Antilles a formé appel dudit jugement.

Par ordonnance du 19 mai 2021, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a fixé un calendrier de procédure, et renvoyé la cause à l'audience du 22 novembre 2021, cette dernière ayant été reportée au 14 mars 2022 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception le 27 juillet 2021, et auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la SARL Expertys Antilles demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris après avoir constaté que Madame [V] n'avait pas la qualité de salariée,
En conséquence,
- annuler le redressement du chef d'assujetissement et affiliation au régime général, des honoraires versés à Madame [V],
- débouter la CGSS de sa demande au titre des majorations et pénalités de retard après avoir constaté que la créance de la CGSS n'a aucune existence légale,
- condamner la CGSS à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL Expertys Antilles soutient que :

- aucun lien de subordination n'était caractérisé entre la société et Madame [Y] [V],
- le contrat de prestations conclu le 31 mai 2011 avec Madame [Y] [V] n'est pas un contrat de travail,
- Madame [Y] [V] était libre dans la mise en oeuvre de ses missions de recouvrement,
- Madame [Y] [V] était autonome dans l'exercice de ses prestations pour le compte de la société Expertys Antilles,
- la prestation de service n'exclue pas nécessairement l'application de certaines modalités d'exécution des missions,
- Madame [Y] [V] supportait un risque économique (les frais propres à son activité n'étaient pas pris en charge par la société Expertys Antilles),
- dès lors, le contrat de prestations de Madame [Y] [V] ne pouvait être requalifié en contrat de travail par la CGSS, et les honoraires perçus par Madame [Y] [V] sur les années 2013 à 2015 ne devaient pas être intégrés dans l'assiette des cotisations sociales de la société.

Selon ses dernières conclusions notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception le 23 septembre 2021, et auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la CGSS demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre,
- condamner la SARL Expertys Antilles à lui payer la somme de 1 500 euros an application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Expertys Antilles aux entiers dépens,
- débouter la SARL Expertys Antilles de toutes ses demandes, fins et prétentions.

La CGSS soutient que :

- l'activité d'assistance en matière de recouvrement des honoraires de la société et de ses filiales exercée par Madame [Y] [V] pour le compte de la société Expertys Antilles dans le cadre d'un contrat de prestations, remplissait les conditions de l'article L.311-2 du code de la sécurité sociale, à savoir, une convention, une rémunération et un lien de subordination,
- dès lors, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, Madame [Y] [V] exerçait une activité salariée pour le compte de la société Expertys Antilles,
- le redressement et la mise en recouvrement effectués sont fondés.

Lors de l'audience, les parties ont déclaré avoir régulièrement échangé leurs écritures.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Selon l'article L.8221-6 du code du travail (ancien article L.120-3) dans sa version modifiée par la loi no2014-626 du 18 juin 2014, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales.
L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.
Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie.

Il résulte de l'article L.311-2 du code de la sécurité sociale que sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

Selon l'article L.311-11 du même code, les personnes physiques visées au premier alinéa de l'article L.120-3 du code du travail ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Il est constant que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

En l'espèce, la question est donc de savoir si l'activité de Madame [Y] [V] au sein de la société Expertys Antilles répondait aux exigences de l'article L.8221-6 du code du travail précité pour déterminer si la présomption de non salariat doit être renversée.

Pour renverser cette présomption de non salariat, la CGSS doit démontrer l'existence d'un lien de subordination juridique permanente.

Après avoir été salariée de la société Expertys Antilles depuis le 1er janvier 1975 en qualité d'assistante de direction, Madame [Y] [V] a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 31 mai 2011.

Le 31 mai 2011, Madame [Y] [V] exerçait pour le compte de la société Expertys Antilles, selon un contrat de prestations, une mission d'assistance en matière de recouvrement des honoraires de la société et de ses filiales.

Le 1er juillet 2011, Madame [Y] [V] procédait à son immatriculation en qualité d'auto-entrepreneur (no siret : 53377516900014).

Le 18 août 2016, la CGSS concluait suite à un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires au sein de la société Expertys Antilles, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, que Madame [Y] [V] exerçait son activité dans le cadre d'un service organisé et précisait :

« Le lien de subordination s'apprécie par différents facteurs :
- mise à disposition des locaux, du matériel ou du personnel de l'employeur,
- gestion administrative de la clientèle par l'employeur : Expertys est prestataire de ses clients et seul à recevoir leurs règlements. Mme [V] intervient uniquement pour la relance des clients débiteurs.
- respect de directives reçues du pôle juridique,
- comptes-rendus relatifs à la prestation fournie (avant le 20 de chaque mois),
- remplacement de personnel absent,
- existence d'une rémunération fixe horaire.
L'activité de Mme [V] est en coordination avec l'activité du cabinet comptable, qu'il s'agisse du montage de dossiers juridiques, de démarches auprès du greffe pour le compte des clients d'Expertys, des interventions de relance pour le recouvrement des honoraires facturés aux clients du cabinet et des remplacements de personnel absent.
En conséquence, l'assujettissement et l'affiliation de Mme [V] au régime général reste maintenu. »

Selon l'article 1 du contrat de prestations liant la société Expertys Antilles à Madame [Y] [V], cette dernière exerçait une mission d'assistance en matière de recouvrement des honoraires de la société et de ses filiales.

L'article 2 précisait le détail de la mission dans les termes suivants :

« La mission d'assistance consiste :
- recouvrement des encaissements des honoraires des clients du cabinet,
- assistance au service juridique »

L'article 3 prévoyait les conditions d'exécution du contrat dans les termes suivants :

« 1- Pour l'exécution des missions visées à l'article II, Madame [Y] [V] s'engage à consacrer à la société Expertys Antilles et ses filiales tout le temps et le soin nécessaire à la bonne exécution de ses missions. Il est prévu deux interventions par semaine sur des périodes fixées au moins quinze jours à l'avance.
2 – La société Expertys Antilles souhaite conserver la plus grande confidentialité aux missions qui sont ainsi confiées à Madame [Y] [V] et souhaite que l'ensemble des dossiers et documents traités et établis par Madame [Y] [V] dans le cadre du présent contrat reste en la possession de la société Expertys Antilles. »

Selon l'article 4 du contrat de prestations, en contrepartie de l'exécution de sa mission, Madame [Y] [V] percevait des honoraires calculés sur la base de 11,25 euros HT de l'heure, moyennant une facturation mensuelle.

La cour constate que si aucune facture n'est versée aux débats, la CGSS relevait dans sa lettre d'observations du 15 juin 2016 qu'à la lecture des factures produites par la société Expertys Antilles, Madame [Y] [V] effectuait des travaux administratifs.

Il résulte de la lecture de la décision rendue par la commission de recours amiable le 6 mai 2019, que Madame [Y] [V] était présente au sein des locaux de la société « cinq jours par semaine avec un temps de travail journalier pouvant aller de 4 heures et demi à 9 heures et demi ».

Selon l'article 6 du contrat de prestations relatif à la réserve de propriété, dans le cadre des instructions reçues de la société Expertys Antilles, les idées, créations, documents et tableaux que Madame [Y] [V] réaliserait pendant la durée de sa mission, étaient de plein droit la propriété exclusive de la société et de ses filiales, sans exceptions, ni réserves.

Le contrat de prestations était conclu pour une durée de six mois renouvelable, « en fonction des nécessités de la société Expertys Antilles ».

L'article 7 révèle la possibilité pour la société Expertys Antilles, de contrôler l'exécution des missions de Madame [Y] [V] et de sanctionner ses manquements : « Dans le cas où l'une des parties ne respecterait pas les obligations contractuelles qui lui incombent en vertu du présent contrat, celui-ci sera résilié de plein droit si la partie défaillante n'apportait pas remède à son manquement dans un délai de 30 jours à compter de la date d'émission de la notification que lui en ferait l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. »

Par courrier du 19 juillet 2016, la société Expertys Antilles reconnaissait que Madame [Y] [V] exerçait des missions de remplacement sur le poste d'assistance du service administratif : « titulaire du poste au moment de son départ en retraite, Mme [V] nous fait bénéficier de ses compétences en cas d'absence de Mme [E], sa remplaçante. Il est vrai que nous ne nous sommes pas posé la question de savoir si cette tâche se faisait dans les mêmes conditions que les autres et par simplicité elle a intégré cette mission dans sa facturation. Mais nous attirons votre attention qu'il s'agit de missions ponctuelles, non définies à l'avance, de durée maximum d'une semaine et surtout sur sa demande. »

Par courrier du 5 octobre 2016, la société Expertys Antilles expliquait à la commission de recours amiable que Madame [Y] [V] « n'a aucune obligation concernant sa présence dans nos locaux », cependant, elle « est dans nos locaux en cas de nécessité induite par la mission mais effectue le plus souvent ses interventions en extérieur ».

Force est de constater que le contrat de prestations de Madame [Y] [V] était conclu le 31 mai 2011, soit le jour de son départ à la retraite, après une période de 36 années passée en qualité de salariée au sein de la société Expertys Antilles.

En outre, le contrat de prestations de Madame [Y] [V] était renouvelé par la société Expertys Antilles jusqu'à l'année 2016. Dès le 10 novembre 2016, la société Expertys Antilles concluait plusieurs contrats à durée déterminée successifs avec Madame [Y] [V]. Cette dernière occupait alors les fonctions d'assistante de direction.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la mission de Madame [Y] [V] d'assistance en matière de recouvrement des honoraires de la société et de ses filiales, ne correspondait pas à celle d'assistante de direction.

En outre, la CGSS ne démontre pas dans le cadre de l'exécution du contrat de prestations, l'existence effective d'un lien de subordination juridique permanente.

Dès lors, l'existence d'un lien de subordination juridique permanente n'est pas établie, et la présomption légale de non salariat prévue à l'article L.8221-6 du code du travail qui bénéficie à Madame [Y] [V], auto-entrepreneur, ne peut être renversée.

En conséquence, la décision de la commission de recours amiable du 29 août 2019 sera infirmée et la CGSS sera déboutée de sa demande de validation du redressement et de la mise en recouvrement.

Le jugement est infirmé sur ces points.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Expertys Antilles à payer à la CGSS la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La CGSS sera condamnée à payer à la société Expertys Antilles la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La CGSS sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

Les entiers dépens sont mis à la charge de la CGSS.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, pôle social le 13 avril 2021,

Statuant à nouveau,

Infirme la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 6 mai 2019,

Annule le redressement opéré au sein de la SARL Expertys Antilles au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe à payer à la SARL Expertys Antilles la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe,

Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/005321
Date de la décision : 02/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-05-02;21.005321 ?
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