La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2022 | FRANCE | N°19/007381

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 02 mai 2022, 19/007381


VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 71 DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 19/00738 - No Portalis DBV7-V-B7D-DDID

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 14 mai 2019 - Section Commerce -

APPELANTES

Madame [F] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]/GUADELOUPE
Représentée par Maître Jamil HOUDA (Toque 28), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualitÃ

© audit siège
[Adresse 4]
OISSY-CDG CEDEX
[Localité 2]
Représentée par Maître Florence BARRE AUJOULAT (Toque 1), avo...

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 71 DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 19/00738 - No Portalis DBV7-V-B7D-DDID

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 14 mai 2019 - Section Commerce -

APPELANTES

Madame [F] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]/GUADELOUPE
Représentée par Maître Jamil HOUDA (Toque 28), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualité audit siège
[Adresse 4]
OISSY-CDG CEDEX
[Localité 2]
Représentée par Maître Florence BARRE AUJOULAT (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉES

Madame [F] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]/GUADELOUPE
Représentée par Maître Jamil HOUDA (Toque 28), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualité audit siège
[Adresse 4]
OISSY-CDG CEDEX
[Localité 2]
Représentée par Maître Florence BARRE AUJOULAT (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 avril 2022, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 2 mai 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Après avoir travaillé pour la société Air France à compter du 18 avril 1988 en qualité de stagiaire puis sous contrat à durée déterminée, Mme [F] [I] été embauchée à cette société suivant contrat de travail à durée indéterminée le 7 décembre 1989, en qualité d'agent des services commerciaux.

En dernier lieu, Mme [I] exerçait les fonctions de Leader Service au Client, Niveau N4, à l'escale de [Localité 6].

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du transport aérien du 22 mai 1959 (IDCC 275) et à la convention d'entreprise du personnel au sol.

Le 31 octobre 2016, Mme [F] [I] se voyait remettre en mains propres une lettre de convocation à un entretien préalable fixé au 29 novembre 2016, en vue de son éventuel licenciement.

Le même jour, Mme [F] [I] déposait un dossier de candidature au Plan de Départs Volontaires du Personnel au Sol (PDV PS 2016).

Par courrier du 14 novembre 2016, conformément au Règlement Intérieur de la société Air France les délégués du personnel du collège et de l'établissement étaient informés de la procédure disciplinaire engagée contre Mme [F] [I] et conviés à une réunion d'information fixée le 23 novembre 2016 en vue de recueillir leur avis éventuel.

Par requête du 29 décembre 2016, Mme [I] a assigné la société Air France devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre afin de voir ordonner la signature de la convention de rupture amiable formalisant son départ dans le cadre du plan de départ volontaire sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.

Par ordonnance du 21 mars 2017, la formation de référé a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé et a débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes.

Entre-temps, Mme [I] a reçu le 16 décembre 2016 une convocation à comparaître devant le conseil de discipline, ce qu'elle refusé par courrier du 28 décembre 2016.

Mme [F] [I] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 janvier 2017.

Par requête en date du 19 juin 2017, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre afin d'obtenir, à titre principal, la nullité de son licenciement ainsi que sa réintégration, et à titre subsidiaire, la requalification de son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre la condamnation de la société Air France à lui verser diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 14 mai 2019, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre statuant contradictoirement a :
REJETÉ la demande d'annulation du licenciement ainsi que toutes les demandes associées ;
QUALIFIÉ la rupture du contrat de travail de Mme [F] [I] de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNÉ la société Air France à verser à Mme [F] [I] la somme de 8.375 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 837,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
CONDAMNÉ la société Air France à verser à Mme [F] [I] la somme de 84.588,51 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
CONDAMNÉ la société Air France à verser à Mme [F] [I] la somme de 50.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
REJETÉ la demande d'indemnisation pour licenciement vexatoire, pour non respect de la procédure de licenciement, pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, pour manquement au règlement des personnels au sol et pour travail dissimulé ;
DIT n'y avoir lieu à publication de la décision ;
DIT que chacune des parties conservera à sa charge les dépens et les frais irrépétibles qu'elle a engagés ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 5 juin 2019, la société Air France a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 27 mai 2019 ; la procédure a été enregistrée sous les références RG No 19/00738.

Par déclaration du 19 juin 2019, Mme [F] [I] a également interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifiée le 21 mai 2019 ; cette procédure a été enregistrée sous les références RG No 190/0823.

La jonction des instances a été prononcée par ordonnance du 26 mars 2020.

Les parties ont conclu et l'ordonnance de clôture est intervenue le 13 janvier 2022.

L'affaire a été retenue à l'audience du 7 mars 2022.

Par messages électroniques des 12 et 14 avril 2022, la cour a demandé aux avocats de la cause de présenter leurs observation sur le moyen soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des nouvelles demandes de dommages-intérêts de Mme [F] [I] relatives à la discrimination, à la violation de l'obligation de formation, et au défaut de déclaration d'accident du travail, au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2021 la société Air France demande à la cour de :
- DÉCLARER son appel recevable et bien fondé ;
EN CONSÉQUENCE,
- INFIRMER le jugement entrepris du 14 mai 2019 par lequel le conseil de prud'homme, présidé par le juge départiteur, a :
* QUALIFIÉ la rupture du contrat de travail de Mme [I] de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
* l'a CONDAMNÉE à verser à Mme [F] [I] les sommes suivantes :
8.375 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 837,50 au titre des congés payés y afférents
84.588,51 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
50.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- CONFIRMER le jugement du 14 mai 2019 par lequel la même juridiction a :
* REJETÉ la demande d'annulation du licenciement ainsi que toutes les demandes associées ;
* REJETÉ la demande d'indemnisation pour licenciement vexatoire, pour non-respect de la procédure de licenciement, pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, pour manquement au règlement des personnels au sol et pour travail dissimulé ;
* DIT n'y avoir lieu à publication de la décision ;
STATUANT A NOUVEAU,
A titre principal
- JUGER que le licenciement pour faute grave notifié à Mme [I] est parfaitement fondé ;
- DÉBOUTER Mme [I] de l'intégralité de ses demandes ;
- ORDONNER la restitution de la somme de 37.687,50 euros versée à Mme [I] au titre de l'exécution provisoire de droit ;
A titre subsidiaire et si la Cour devait juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- RÉDUIRE la demande de dommages et intérêts formée par Mme [I] au titre du caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement à la somme de 22.873.39 euros (correspondant aux six derniers mois de salaires) ;
- FIXER le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 75.375,90 euros ;
- DEBOUTER Mme [I] de l'ensemble des demandes ;
En tout état de cause
- CONDAMNER Mme [I] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER Mme [I] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile.

La société Air France expose, en substance, que :
- le 24 octobre 2016, son service interne de prévention des fraudes(direction du contrôle interne et de l'audit interne) a adressé à la Délégation Régionale Guadeloupe d'Air France un rapport aux termes duquel des manipulations tarifaires anormales étaient relevées, imputables à Mme [I], au préjudice de la société ;
- ces manipulations tarifaires effectuées par détournement des outils informatiques mis à sa disposition et en violation manifeste des règles de vente lui ont causé un préjudice évalué à la somme de 14.309 euros ;
- le 31 octobre 2016, Mme [I] a déposé un dossier de candidature au Plan de Départs Volontaire du Personnel au Sol (PDV PS 2016) ; la candidature de Mme [I] au départ volontaire recevait un avis favorable du Consultant extérieur et était par la suite acceptée dès le 3 novembre 2016 ; mais à cette date et dans l'attente de l'issue de la procédure disciplinaire, les démarches en vue de la rupture amiable pour motif économique du contrat de travail de Mme [I] étaient suspendues ;
- elle a scrupuleusement respecté l'ensemble des règles de procédure conventionnelles s'agissant du licenciement de Mme [I] ;
- les faits reprochés à Mme [I] caractérisent bien une faute grave ;
- le rapport de la Direction du Contrôle Interne et de l'Audit interne qui a été adressé le 24 octobre 2016 à la Direction des Ressources Humaines relève très clairement l'utilisation à plusieurs reprises de moyens déloyaux par Mme [I] s'agissant des facilités de transport dont elle disposait en tant que salariée de la compagnie Air France ;
- cette faute est d'autant plus grave qu'elle a été commise par une salariée d'une grande ancienneté expérimentée sur l'outil de réservation, qui occupait de surcroît un poste de Leader Service au Client censé donner l'exemple aux autres collaborateurs ;
- Mme [I] affirme de manière mensongère que la pratique qui lui est reprochée serait courante alors qu'elle n'a été observée que chez deux salariées, Mme [I] et sa supérieure hiérarchique, Mme [C] qui a également été sanctionnée ;
- les faits reprochés à Mme [I] ne sont pas prescrits ;
- Mme [I] s'est vue remettre sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement lors d'un entretien informel avec sa hiérarchie le 31 octobre 2016 ; l'ensemble des griefs qu'elle fait valoir aujourd'hui au soutien de la prétendue nullité de son licenciement sont tous relatifs à des faits postérieurs à cette date et ainsi postérieurs au lancement de la procédure de licenciement ;
- aucun prétendu fait de harcèlement invoqué par Mme [I] ne s'est produit durant l'exécution du contrat de travail de Mme [I] puisqu'ils sont tous postérieurs à son arrêt travail pour maladie lequel a été délivré le 3 novembre 2016, quelques jours après la remise, le 31 octobre 2016, de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement ;
- Mme [I] n'a été victime d'aucun accident sur son lieu de travail ;
- Mme [F] [I] n'a nullement indiqué son changement d'adresse au service des ressources humaines ;
- elle n'a jamais fait de chantage menaçant Mme [F] [I] d'un licenciement pour faute grave afin de l'inciter à accepter de signer un PDV; elle n'avait strictement aucun intérêt à inciter Mme [I] à candidater au PDV PS 2016 ;
- la suspension de la candidature au PDV pendant la durée de la procédure disciplinaire était parfaitement justifiée et ne caractérise pas un quelconque harcèlement ; le processus de départ en PDV suppose, pour être effectivement et juridiquement entériné, la signature par les deux parties d'une convention de rupture amiable pour motif économique ;
- elle n'a à aucun moment été informée par Mme [I] de la procédure qu'elle avait initiée devant la caisse d'assurance maladie ; lorsqu'elle en a eu connaissance, elle a formé un recours amiable contre la décision de la caisse générale de sécurité sociale reconnaissant la maladie professionnelle déclarée par la salariée ; la Commission de Recours Amiable par décision en date du 30 janvier 2020 a déclaré la décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale inopposable à l'employeur ;
- Mme [I] n'a nullement été licenciée en raison de son état de santé, mais en raison des fautes qu'elle a commises antérieurement à son arrêt de travail pour maladie du 3 novembre 2016 ;
- elle refuse la réintégration de Mme [F] [I] ;
- depuis son embauche, Mme [I] n'avait jamais fait part à sa hiérarchie de quelconques difficultés dans sa relation de travail ; elle ne démontre concrètement aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité la concernant ;
- les leaders assument leur rôle et leur fonction définis sur leur fiche de poste et font appel au cadre d'astreinte en cas de nécessité ; contrairement à ce qu'elle soutient, Mme [F] [I] n'a nullement assumé d'autres responsabilités que les siennes.

Aux termes de sa note en délibéré, notifiée par voie électronique le 12 avril 2022, la société Air France demande à la cour de déclarer irrecevables les nouvelles demandes d'indemnisation formulées par Mme [F] [I].

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2021, Mme [F] [I] demande à la cour d'INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de nullité du licenciement, de sa demande d'indemnisation pour licenciement vexatoire, pour non-respect de la procédure de licenciement, pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, pour manquement au règlement des personnels au sol et pour travail dissimulé ;
En conséquence statuant de nouveau,
- JUGER de l'existence d'un lien de causalité entre son affection (dépression réactionnelle) et son activité professionnelle ;
JUGER que l'employeur avait connaissance au jour du licenciement de l'existence d'un lien de causalité entre son affection et son activité professionnelle ;
# A titre principal, sur la nullité du licenciement
etgt; Sur le harcèlement moral
- RECONNAÎTRE le harcèlement moral qu'elle a subi du fait des agissements de la société Air France ;
- JUGER en conséquence que son licenciement est nul au titre du harcèlement moral ;
- CONDAMNER en conséquence la société Air France à lui verser au titre des dommages et intérêts pour harcèlement la somme de 50.000 euros et ce, même en cas de réintégration ;
etgt; Sur le licenciement intervenu pendant un arrêt de travail consécutif à un accident d'origine professionnelle en l'absence de faits fautifs et de gravité des fautes
- JUGER que le licenciement du 4 janvier 2017 dont elle a fait l'objet n'est fondé sur aucune faute ou à tout le moins sur aucune faute grave ;
- JUGER en conséquence que son licenciement est nul au visa de l'article L. 1226-9 du Code du travail ;
etgt; Sur la discrimination et le motif réel du licenciement
- JUGER que le motif réel du licenciement était un motif économique
- JUGER qu'elle a été sanctionnée pour avoir dénoncé les agissements de son employeur
- JUGER que Mme [I] a été victime de harcèlement discriminatoire ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 25.000 euros au titre du préjudice moral subi et de 25.000 euros au titre des dommages et intérêts pour discrimination
- JUGER en conséquence que son licenciement est nul ;
etgt; Sur la violation de la liberté d'expression
- JUGER que sa liberté d'expression a été violée au visa de l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789
- JUGER en conséquence que son licenciement est nul ;
ET EN TOUT ETAT DE CAUSE
etgt; Sur le licenciement notifié après dépassement du délai légal pendant la suspension de contrat de travail résultant d'une maladie ou d'un accident en lien direct avec le travail en l'absence de faits fautifs et de gravité des fautes
- JUGER que la société Air France s'est privée de la possibilité d'invoquer la faute grave à l'origine de la procédure engagée, son licenciement pour faute grave lui ayant été notifié par lettre en date du 4 janvier 2017, soit au-delà du délai d'un mois
- JUGER en conséquence que son licenciement est nul au visa de l'article L. 1226-9 du Code du travail
En conséquence, sur les effets de la nullité :
- ORDONNER sa réintégration au sein de la société Air France au même poste et avec conservation de ses avantages acquis avant le licenciement ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser une indemnité correspondant strictement aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre son licenciement le 4 janvier 2017 et sa réintégration ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser une indemnité correspondant aux avantages GP qu'elle aurait dû percevoir entre son licenciement définitif notifié le 30 janvier 2017 et sa réintégration ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 125.626,50 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 30.000 euros pour le préjudice subi au titre des circonstances particulièrement brutales et vexatoires du licenciement ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 50.000 euros au titre du harcèlement moral subi ;
Subsidiairement si la Cour devait confirmer le jugement du 14 mai 2019 sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :
- JUGER que le licenciement du 4 janvier 2017 dont elle a fait l'objet n'est fondé sur aucune faute ou à tout le moins sur aucune faute grave ;
- CONFIRMER le jugement du 14 mai 2019 qui a déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse
- ORDONNER sa réintégration au sein de la société Air France au même poste et avec conservation de ses avantages acquis avant le licenciement ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser une indemnité correspondant strictement aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre son licenciement notifié le 30 janvier 2017 et sa réintégration ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser une indemnité correspondant aux avantages GP qu'elle aurait dû percevoir entre son licenciement définitif notifié le 30 janvier 2017 et sa réintégration
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 83.751 euros en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 30.000 euros pour le préjudice subi au titre des circonstances particulièrement brutales et vexatoires du licenciement ;
EN CAS DE REFUS DE RÉINTÉGRATION
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 90.953,59 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 83.751 euros en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 30.000 euros pour le préjudice subi au titre des circonstances particulièrement brutales et vexatoires du licenciement ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 8.375,10 euros d'indemnité de préavis et 837,51 euros pour les congés payés sur préavis ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 10.000 euros pour la perte de chance faisant suite à la perte de son avantage GP
# Sur les multiplies irrégularités du licenciement
- DIRE que l'entretien du 31 octobre 2016 réalisé par Air France était un entretien préalable à une sanction et non en un entretien informel ;
- JUGER que la notification du licenciement n'est pas intervenue dans un délai d'un mois suite à l'entretien préalable, rendant de fait le licenciement sans cause réelle et sérieuse
subsidiairement
- JUGER que les dispositions prises par Air France, en prenant l'initiative de réunir un conseil de discipline, alors que sa tenue n'est pas prévue par la convention collective, et fixant la tenue en métropole en date du 12 janvier 2017, ont eu pour conséquence de mettre artificiellement en place une procédure non impérative, n'étendant nullement les garanties offertes pour la défense de ses droits, et d'allonger abusivement le délai séparant l'engagement de la procédure de licenciement, de la notification de la décision de licenciement rendant de fait le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- JUGER que des garanties substantielles de procédure n'ont pas été respectées rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser en tout état de cause la somme de 4.187,55 euros pour non-respect de la procédure ;
# Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat
JUGER que la société Air France a manqué à son obligation de résultat au visa des articles L4121-1 et L 2121-2 du code du travail ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice en raison de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;
- JUGER qu'Air France l'a licenciée en violation des dispositions du code du travail ;
# Sur le manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral
- JUGER que la société Air France a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral ;
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice causé par le harcèlement ;
# Sur la violation de l'obligation de formation et d'adaptation
JUGER que la société Air France a manqué à son obligation de formation et d'adaptation à l'emploi
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de la perte de chance faute de formation ;
# Sur le défaut de déclaration de l'accident du 31 octobre 2016
- RECONNAÎTRE le caractère professionnel de sa maladie, directement consécutif et imputable à l'entretien du 31 octobre 2016 ;
- DIRE que l'employeur n'a pas déclaré son accident de travail, alors qu'il était informé de la nature de son arrêt pour maladie depuis le 31 octobre 2016 à partir de 15 heures.
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 10.000 euros à titre dommages et intérêts en raison du préjudice subi ;
# Sur le manquement prolongé à une obligation issue du règlement du personnel au sol
- CONDAMNER la société Air France à lui verser la somme de 72.097,88 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du non-respect de prescriptions réglementaires
# Sur le travail dissimulé
- JUGER que la société Air France s'est rendue coupable de travail dissimulé à son détriment
- CONDAMNER la société Air France à lui verser une indemnité de 25.125,30 euros pour travail dissimulé :
Enfin
- CONDAMNER la même à la somme de 10.000 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ORDONNER la publication de la décision à intervenir dans un journal quotidien paraissant en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane aux frais de la société Air France et dans les 15 jours de la signification dudit jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Mme [F] [I] expose, en substance, que :
- le 31 octobre 2016, elle venait de commencer son service à 13h15 pour le terminer en principe à 22h, lorsqu'elle a été conviée vers 14h par son chef d'escale, M. [U] [G], à une entrevue dont elle ignorait l'objet ; elle s'y est rendue sur le champ ; à son arrivée, elle a constaté que celui-ci se trouvait en compagnie de M. [J] [O], le Directeur des ressources humaines de la Délégation Régionale, qui avait été très récemment affecté en Guadeloupe et qu'elle n'avait jamais rencontré ; ces deux personnes lui ont demandé de s'asseoir et lui ont annoncé brutalement qu'elle avait commis une faute grave à savoir la revalidation de billets en violation de la procédure, et qu'elle allait être licenciée sans préavis ni indemnité ; une convocation à entretien préalable à une sanction du second degré lui a alors été remise en main propre contre signature pour le 29 novembre suivant sans mise à pied conservatoire ; il s'en est suivi un véritable interrogatoire d'environ 45mn où elle a été mise sous une pression maximale par des accusations sans fondement ; au cours de l'entretien, en état de choc, elle a fait un malaise et s'est effondrée en pleurs, tétanisée par le cauchemar qu'elle était en train de vivre ; c'est alors que, contre toute attente, ses deux chefs lui ont proposé un marché : soit elle était licenciée pour faute grave, sans préavis ni indemnités et couverte de honte, soit elle acceptait de quitter l'entreprise dans le cadre d'un plan de départ volontaire (PDV) qui se clôturait ce même jour à minuit ; aux dires de ces deux cadres de direction, cette proposition de PDV était une faveur qui lui était faite eu égard à ses 28 ans de service, mais surtout elle devait garder le secret vis-vis de ses collègues ; elle a accepté le départ volontaire ; elle a informé les cadres en question qu'elle se sentait trop mal pour pouvoir continuer son service et a quitté le travail précipitamment, partant se réfugier chez sa mère ; le soir de l'entretien piège du 31 octobre 2016, vers 22h, elle a alerté les syndicats sur ce qu'elle venait de subir ; elle était planifiée de repos hebdomadaire les 1er, 2 novembre (fériés), et 3 novembre ; se sentant dans l'incapacité mentale et physique de reprendre le travail le 04 novembre, elle est allée consulter en urgence un psychiatre, le premier jour ouvrable après la Toussaint, à savoir le 03 novembre, et ce dernier l'a placée en arrêt-maladie ;
- ce même 03 novembre 2016, elle a reçu par mail l'acceptation officielle de son PDV par la Direction Air France Paris ;
- deux semaines plus tard, à savoir, le 14 novembre 2016, M. [O] lui apprenait qu'il suspendait le PDV accordé, en prenant prétexte de la procédure disciplinaire en cours ; le 04 janvier 2017 elle était licenciée pour faute grave ;
- bénéficiant d'un recours gracieux auprès de la Direction générale, elle ne manquait pas d'y recourir et de solliciter le droit d'être reçue et entendue, mais ultérieurement, compte tenu de son état de santé ; dans sa réponse du 17 janvier 2017, M. [O] la convoquait devant la Direction générale à [Localité 5], pendant son arrêt de maladie établi jusqu'à la fin du mois courant ; elle expliquait que son état de santé consécutif à l'entretien déloyal ne lui permettait pas de quitter le Département, avec copie du certificat médical du psychiatre lui interdisant de prendre effectivement l'avion compte tenu de son état de santé ; par lettre du 30 janvier 2017, elle était informée de son licenciement définitif pour faute grave ;
- ce licenciement sera déclaré nul, d'une part, car il a été prononcé dans le cadre d'un harcèlement moral et, d'autre part, parcequ'il a été prononcé pendant une période de suspension du contrat suite à un accident du travail et en l'absence de toute faute grave ; le licenciement sera également considéré comme nul du fait de la dénonciation du comportement de l'employeur, notamment d'un harcèlement discriminatoire ; en outre, la nullité sera également encourue du fait que le licenciement est survenu dans le cadre de la violation de la liberté d'expression ; enfin, le licenciement notifié après le dépassement du délai légal pendant une période de suspension du contrat de travail résultant d'un accident du travail sera également nul et nul d'effet ;
- la procédure de licenciement n'a pas été respectée, en violation des dispositions de l'article L1232-2 du Code du travail qui dispose que la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ;
- aucune faute n'est établie à son encontre ; elle a été licenciée pour avoir mis en oeuvre une politique de revalidation de billets courante au sein de la Compagnie, validée par sa hiérarchie directe ;
- la société Air France l'a licenciée en violation de sa liberté d'expression (article 10 CESDH) et pour avoir dénoncé les agissements de son employeur aux syndicats ;
- le traitement qui lui a été réservé suite à sa prise de parole constitue une discrimination en raison de son témoignage sur une discrimination car pour les mêmes faits, sa supérieure hiérarchique qui avait gardé le silence, n'avait écopé que d'une sanction de rétrogradation ;
- la société Air France souhaitait se débarrasser d'elle dans un contexte social de réduction des effectifs au niveau global ;
- sa réintégration est de droit ; elle aime profondément son métier et n'avait jamais envisagé d'en changer avant l'événement du 31 octobre 2016 ; elle a aujourd'hui 53 ans et il lui sera extrêmement difficile de retrouver du travail dans une autre branche, alors qu'elle est en accident du travail depuis le 31 octobre 2016 ;
- son licenciement a été brutal et vexatoire ;
- la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe a reconnu le 28 février 2018 le caractère professionnel de sa maladie qui a été régularisée en accident du travail rétroactivement au 31 octobre 2016 ;
- la société Air France n'a pris aucune mesure pour assurer sa sécurité ;
- elle a dû assumer et exercer seule, à chaque fois qu'elle était planifiée en horaire du matin à 5h00, les responsabilités hiérarchiques de niveau N+1, N+2, à savoir AMDE-CEP sans aucune formation et sans aucune compensation à ce titre ; souvent lors de ses planifications du soir également ;
- elle est donc en droit de réclamer des dommages et intérêts visant à indemniser le préjudice matériel et psychologique qu'elle a subi : responsabilités ne correspondant pas à sa formation et manque à gagner en termes de salaire outre l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Aux termes de sa note en délibéré, notifiée par voie électronique le 15 avril 2022, Mme [I] demande à la cour de déclarer recevables ses demandes de condamnation de la société Air France au titre de la violation de l'obligation d'adaptation et de formation, du défaut de déclaration d'accident du travail, et de discrimination.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur le harcèlement moral

L'article L. 1152 - 1 du code du travail rappelle qu'« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

En vertu de l'article L.1154 - 1 du même code, il appartient au salarié d'établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants permettant de présumer ou, selon la version modifiée par la loi 2016-1088 du 8 août 2016, laissant supposer un harcèlement moral et à l'employeur de prouver que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [F] [I] expose avoir subi entre l'entretien du 31 octobre 2016 et son licenciement définitif le 30 janvier 2017 soit pendant plusieurs mois des agissements graves et répétés de la part de son employeur, à savoir :
1 - le 31 octobre 2016 une « invitation » inopinée pendant son service, qui s'est transformée en interrogatoire guet-apens orchestré par son chef d'escale en compagnie du DRH qui aura duré près d'une heure de temps et au cours duquel elle a été humiliée ; des accusations de faute grave, alors qu'elle était seule face à deux supérieurs hiérarchiques ; une pression terrible pour l'obliger à s'expliquer seule sans assistance sur de prétendus faits fautifs ; un chantage consistant à brandir l'arme du licenciement pour faute grave afin de l'inciter à accepter de signer un PDV in extremis ; un ultimatum d'avoir à se taire vis-à-vis des syndicats ;
2 - un revirement soudain de la Direction locale qui, quelques jours après l'accord de la société Air France Paris quant à son adhésion au plan de départ volontaire, et malgré l'intervention des syndicats, lui a annoncé la poursuite de la mesure disciplinaire et la suspension du PDV ;
3 - la prolongation artificielle de la procédure disciplinaire par la convocation en Métropole à un conseil de discipline irrégulier prévu le 12 Janvier 2017, alors qu'elle était en arrêt maladie d'origine professionnelle depuis près de 2 mois et qu'elle avait bien justifié ne pas pouvoir prendre l'avion pour raison de santé ;
4 - l'envoi de ses courriers à son adresse de [Localité 7] alors qu'elle avait clairement indiqué à son employeur sur ses arrêts maladie être domiciliée provisoirement aux Abymes, pour être proche du domicile de sa mère, compte tenu de l'altération de son état de santé ;
5 - une 2ème convocation en métropole le 17 janvier 2017 par M. [O] pour le recours gracieux fixé le 24 janvier 2017, alors qu'elle avait signalé ne pas pouvoir quitter le territoire guadeloupéen du fait de son état de santé et sans autorisation de son médecin prescripteur et de la CPAM ;
6 - le refus de déclaration d'accident de travail par la Direction locale.

* L'entretien du 31 octobre 2016

Certes les conditions de cet entretien sont regrettables puisque Mme [F] [I], qui ne s'y attendait pas, s'est retrouvée face à deux supérieurs hiérarchiques qui, en l'espace d'une heure, lui ont remis en mains propres une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui ont présenté un formulaire d'adhésion au plan de départ volontaire (PDV).

Mme [F] [I] ne peut cependant valablement reprocher à la société Air France de lui avoir proposer de souscrire au plan de départ volontaire alors même qu'elle a ensuite cherché à ce que l'employer accepte sa demande de départ volontaire en introduisant une action en référé.

Aucun syndicat n'a d'ailleurs critiqué le comportement de l'employeur pour avoir proposé à la salariée de candidater au PDV ; ils ont au contraire exigé la poursuite de celui-ci.

Quant à l'accusation de faute grave, les faits reprochés à la salariée étaient établis et reconnus, seule leur qualification restait en litige.

Enfin, la salariée ne produit pas le moindre commencement de preuve de ce qu'elle aurait été humiliée ou menacée lors de cet entretien, ou qu'il lui aurait été demandé de ne pas en parler aux syndicats.

Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé.

* Le revirement soudain de la Direction locale

Il est établi que le 3 novembre 2016 la Société Air France Paris a donné un avis favorable à la candidature de Mme [F] [I] au plan de départ volontaire, et que malgré l'intervention des syndicats, l'employeur a annoncé la poursuite de la mesure disciplinaire et la suspension du PDV.

Toutefois, la convention de rupture amiable n'ayant pas encore été signée, rien n'interdisait à la société Air France de suspendre la procédure de rupture amiable durant le cours de la procédure disciplinaire.

Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé.

* La prolongation artificielle de la procédure disciplinaire

Mme [F] [I] reproche à la société Air France d'avoir saisi le conseil de discipline alors que son cas n'en relevait pas.

L'article 19 de la convention collective du transport aérien prévoit une garantie relative à l'avis du conseil de discipline, et la convention du personnel au sol de la compagnie Air France, tout en renvoyant au règlement intérieur applicable prévoit en son article intitulé « licenciement disciplinaire» que la décision de la sanction est prise sur délégation du directeur général par le chef d'établissement ou son représentant, le cas échéant, après avis du conseil de discipline.

Le règlement intérieur auquel renvoie la convention d'entreprise ne distingue pas selon le motif du licenciement mais exige cette garantie pour l'ensemble des sanctions dès l'instant qu'elle est envisagée de second degré (mise à pied sans solde, rétrogradation, licenciement pour faute simple, avec préavis, licenciement pour faute grave ou lourde, sans préavis).

Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé.

* L'envoi de ses courriers à son adresse de [Localité 7]

Mme [F] [I] n'a mentionné l'adresse de sa mère en lieu et place de son adresse personnelle que sur ses arrêts de travail.

Or les arrêts de travail sont directement adressés au service de la paye et non au service général des ressources humaines.

Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé.

* La convocation en métropole le 17 janvier 2017 pour le recours gracieux fixé le 24 janvier 2017

Mme [F] [I] aurait dû être convoquée en Guadeloupe et non en métropole afin qu'il soit statué sur son recours gracieux.

Il s'ensuit que le bien fondé du grief est établi.

*S'agissant du refus de déclarer l'accident du travail

Dès lors que Mme [F] [I] n'établit pas avoir demandé à la société Air France de déclarer un accident du travail, elle ne peut lui reprocher d'avoir refuser de le faire.

Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé.

Conclusion

Le fait d'avoir convoqué Mme [F] [I] en métropole pour faire valoir le mérite de son recours gracieux n'est pas, à lui seul, constitutif de harcèlement moral.

Quant aux certificats médicaux, ils ne permettent pas d'établir un lien de causalité directe et certain entre les conditions de travail de Mme [F] [I] et son état de santé, alors qu'ils ont tous étés délivrés postérieurement à la remise de la convocation à l'entretien préalable au licenciement et que l'intéressée ne s'était jamais plainte de ses conditions de travail avant de recevoir cette convocation.

Il résulte de l'analyse de l'ensemble des faits repris ci-dessus que ceux-ci sont de nature à laisser présumer des faits de harcèlement moral.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

II / Sur le licenciement

A / S'agissant de la demande d'annulation du licenciement

* Pour harcèlement moral

Le harcèlement moral ayant été écarté, alors au surplus que les faits invoqués étaient concomitants ou postérieurs à la remise de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, la nullité de celui-ci n'est pas encourue sur le fondement de articles L. 1152-3 et L. 1152-3 du code du travail en vertu desquels « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral au pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. ».

* Pour violation de l'article L1226-9 du code du travail

L'article L1226-9 du code du travail énonce que : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie».

En l'espèce, Mme [F] [I] ayant été placée en arrêt-maladie postérieurement à sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, l'intéressée ne peut valablement se prévaloir des dispositions de l'article L1226-9 du code du travail.
* Pour discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du Code du travail : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (...) notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m?urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. ».

Il est de jurisprudence constante que le salarié doit invoquer des critères de discrimination illicite prévus par l'article L. 1132-1du code du travail.

En outre, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptible de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situations constatées est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Mme [F] [I] soutient qu'elle été licenciée pour avoir dénoncé auprès des syndicats une pratique douteuse de la Direction ; que des faits identiques étaient parallèlement reprochés à sa supérieure hiérarchique, Mme [C], laquelle n'a été sanctionnée que d'une rétrogradation parce qu'elle n'avait pas parlé aux syndicats.

La cour relève cependant que le fait de dénoncer des agissements de l'employeur n'est pas un critère de discrimination sens de l'article L 1132-1 du code du travail.

Mme [F] [I] ne prouve pas qu'elle aurait exercé des activités syndicales au sein de la société Air France et cette dernière affirme, sans être contredite sur ce point, qu'elle ignorait même que l'intéressé était syndiquée.

En outre, Mme [F] [I] n'établit pas que les agissements de son employeur auraient été constitutifs d'une pratique douteuse.

Enfin, s'agissant de la différence de traitement avec Mme [C], l'employeur explique que, contrairement à Mme [F] [I], Mme [C] s'est présentée à son entretien préalable, ce qui lui a permis d'avoir une autre appréciation des faits graves qui lui étaient reprochés ; que d'autre part, les manipulations reprochées à Mme [F] [I] ont causé à l'entreprise un préjudice de 14 069 € ce qui n'était pas le cas pour Mme [C].

Il résulte de l'analyse de l'ensemble des faits repris ci-dessus que ceux-ci sont de nature à laisser présumer des faits de discrimination.

* Pour violation de la liberté d'expression

Mme [F] [I] n'établit pas que l'employeur lui aurait, à un moment ou à un autre, reproché de s'être exprimée, ou lui aurait demandé de ne pas prévenir les syndicats.

Conclusion

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du licenciement ainsi que toutes les demandes associées.

B / S'agissant de la cause du licenciement

Selon l'article L1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige, l'employeur ne peut invoquer un autre motif que celui qu'il a notifié au salarié dans la lettre de licenciement. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une faute grave ou une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments précis permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis. La preuve en incombe à l'employeur.

En l'espèce, selon la lettre de licenciement du 4 janvier 2017, qui fixe les limites du litige, la société Air France reproche à Mme [F] [I] :
". la manipulation de billets à réduction non commerciale en dehors de GPNet
. les contournements volontaires des règles tarifaires d'après-vente en revalidant des documents non modifiables ou sans collecter la différence tarifaire
. le forçage de réservation sur des vols malgré la fermeture du quota de vente
. l'utilisation de logiciels et programmes de réservation de la Compagnie à des fins personnelles
. l'utilisation d'un OID non sécurisé afin d'effectuer des transactions abusives et non traçables."

Les faits sont établis par le rapport du service interne de prévention des fraudes établi le 24 octobre 2016 qui relève des manipulations tarifaires anormales imputables à Mme [F] [I].

Le rapport révèle six cas pour lesquels Mme [F] [I] a modifié et validé en dehors de GPnet des billets pour elle ou sa famille ; en outre, ces billets ont été modifiés pour des classes de réservation non autorisée, à savoir des classes supérieures à celles des billets d'origine.

Contrairement à ce que soutient Mme [F] [I], aucun des manuels d'Air France n'autorise de tels agissements.

La salariée ne prouve pas non plus qu'il s'agissait d'une pratique courante au sein de la société Air France, alors que le rapport susvisé du 24 octobre 2016 ne mentionne que deux salariés, elle et Mme [C].

Il s'ensuit que les griefs invoqués par la société Air France à l'encontre de Mme [F] [I] sont établis.

Toutefois, en vertu de l'article L. 1332-2 du code du travail, le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le mois qui suit l'entretien préalable, le non respect de ce délai privant la sanction de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, l'entretien préalable était fixé au 29 novembre 2016. Mme [I] ayant renoncé à la réunion d'un conseil de discipline, le licenciement devait intervenir avant le 30 décembre 2016. Or son licenciement lui a été notifié le 4 janvier 2017.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a requalifié le licenciement de Mme [F] [I] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C / Sur les conséquences financières du licenciement

La société Air France refusant la réintégration de Mme [F] [I], il ne peut être fait droit à la demande présentée en ce sens non plus qu'aux demandes associées.

1 / Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

Il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1- S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2- S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3- S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2 et 3 ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Mme [I] ayant une ancienneté de 28 ans au sein de la société Air France, elle a droit à une indemnité de préavis de deux mois.

Le bulletin de salaire de décembre 2016 fait apparaître un brut cumulé de 50.250 euros, soit une moyenne de 4.187,50 euros.

Mme [I] a donc droit à une indemnité de 8.375 euros outre 837,50 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

2 / Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Au vu des dispositions de la convention d'entreprise applicables en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [I], a droit à une indemnité de licenciement égale à 90.952,51euros, calculée comme suit :
(0,25x4.187,50) + (0,33x4187,50x4) + (0,5x4187,50x2) + (0,65x4187,50x3) + (1,15x4187,50x8) +(4.187,50x8) , soit 1.046,88 + 5.527,50 + 4.187,50 + 8.165,63 + 38.525 + 33.500.

Mme [I] ayant limité sa demande à la somme de 84.588,51euros en 1ère instance, suite à une erreur matérielle, le conseil de prud'hommes ne lui a accordé que cette somme.

Le jugement entrepris sera réformé compte tenu de la rectification de la demande en appel.

3 / Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En vertu de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version applicable, compte tenu de l'âge de Mme [I], de son ancienneté et de son absence de retour à l'emploi, il convient de lui accorder une indemnisation de 50.000 euros.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

4 / Sur la demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement

Mme [F] [I] ne justifie pas de circonstances particulièrement brutales ou vexatoires qui auraient entouré son licenciement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

III / Sur la demande de dommages-intérêts pour irrégularités de la procédure de licenciement

Ainsi que l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, l'indemnité demandée ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté demande.

IV / Sur les demandes de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral et à l'obligation de sécurité de résultat

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat qui lui interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

En l'espèce et comme cela a été tranché plus haut, Mme [F] [I] n'a pas été victime de harcèlement moral et ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail avant son licenciement.

Les tracts de l'intersyndicale émis avant le licenciement de Mme [I] ne font aucune allusion à du harcèlement moral, ce contentant de contester les sanctions infligées à des salariés (mais sans contester les fautes commises).

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes.

V / Sur les demandes de dommages-intérêts relatives à la discrimination, à la violation de l'obligation de formation, et au défaut de déclaration d'accident du travail

Contrairement à ce que soutient Mme [I], ces demandes ne constituent pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles qu'elle a formées en première instance.

Ces demandes s'analysent en demandes nouvelles donc irrecevables en cause d'appel, en vertu des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

VI / Sur le manquement prolongé à une obligation issue du règlement du personnel au sol

L'absence de présence physique sur l'aéroport n'excluant pas une permanence hiérarchique, notamment par téléphone, la cour, au vu des pièces produites, ne peut conclure que Mme [I] a exercé des responsabilités de cadre ne lui incombant pas.

Le simple fait, pour Mme [I] d'être présente et d'avoir pour tâche d'avertir le cadre de permanence en cas de difficulté, ne peut amener la cour à considérer qu'elle accomplissait des tâches non conformes à son niveau de compétence.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

VII / Sur le travail dissimulé

Cette demande liée à la précédente ne peut qu'être rejetée.

VIII / Sur les demandes annexes

Compte tenu des développements qui précèdent, il ne peut être fait droit à la demande de restitution formulée par la société Air France.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile.

Au vu des éléments du dossier, il convient de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont engagés en appel et qui ne seront pas compris dans les dépens.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de publication de la décision dans un journal quotidien paraissant en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane aux frais de la société Air France, dès lors que rien le dossier ne justifie qu'il y soit fait droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 14 mai 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société Air France à payer à Mme [F] [I] la somme de 90 952,15 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déclare Mme [F] [I] irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts relatives à la discrimination, à la violation de l'obligation de formation, et au défaut de déclaration d'accident du travail ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/007381
Date de la décision : 02/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-05-02;19.007381 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award