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04/04/2022 | FRANCE | N°21/004101

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 04 avril 2022, 21/004101


VS/PB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 59 DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00410 - No Portalis DBV7-V-B7F-DJZA

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section activités diverses - du 11 mai 2016.

APPELANT

Monsieur [E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Maître Laurent PHILIBIEN (SELARL FILAO AVOCATS (Toque 101), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

S.A.R.L. CONCEPT ARCHITECTONIQUE
La Palmerai

e-Moudong Nord-
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Maître Christine FISCHER-MERLIER (SELARL J - F - M (Toque 34), avo...

VS/PB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 59 DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00410 - No Portalis DBV7-V-B7F-DJZA

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section activités diverses - du 11 mai 2016.

APPELANT

Monsieur [E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Maître Laurent PHILIBIEN (SELARL FILAO AVOCATS (Toque 101), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

S.A.R.L. CONCEPT ARCHITECTONIQUE
La Palmeraie-Moudong Nord-
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Maître Christine FISCHER-MERLIER (SELARL J - F - M (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 janvier 2022 , en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Claudine Fourcade, présidente de chambre, Présidente,
Mme Marie Josée Bolnet, conseillère,
Mme Pascale Berto, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 avril 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par Mme Claudine Fourcade, présidente de chambre, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Un contrat de conducteur de travaux indépendant était conclu entre M [E] [Z] et la SARL CONCEPT ARCHITECTONIQUE le 10 avril 2014.

Par courrier du 9 septembre 2014, la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE confirmait à Monsieur [Z] qu'elle mettait fin au contrat à la date du 9 décembre 2014, conformément au préavis contractuellement fixé.

Monsieur [Z] saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 19 décembre 2014, afin de solliciter la requalification du contrat de prestation de service conclu avec la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE en contrat de travail à durée indéterminée.

Par jugement en date du 11 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre disait qu'il n'existait pas de lien de subordination et se déclarait incompétent.

Monsieur [Z] interjetait appel du jugement par déclaration d'appel remise au secrétariat greffe de la Cour de céans le 7 juin 2016. Cette procédure était enrôlée sous le numéro 16/00811.

Par soit transmis reçu au secrétariat greffe de la Cour le 7 novembre 2017, Monsieur [Z] formait contredit de compétence et sollicitait que l'affaire soit évoquée sur le fond. Cette procédure était enrôlée sous le numéro 17/01629.

Par arrêt du 17 décembre 2018, la cour d'appel de Basse-Terre a :
- Ordonné la jonction de l'affaire no 17/01629 avec et sous le no 16/00811,
- Dit que l'appel formé par Monsieur [Z] à l'encontre du jugement rendu le 11 mai 2016 et par lequel le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre s'est déclaré incompétent, est irrecevable,
- Dit que le contredit formé par Monsieur [Z] à l'encontre du jugement rendu le 11 mai 2016 et par lequel le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre s'est déclaré incompétent, est irrecevable,
- Débouté les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le 18 mars 2019, Monsieur [Z] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 17 septembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Basse-Terre le 17 décembre 2018, mais seulement en ce qu'il dit que le contredit formé par Monsieur [Z] à l'encontre du jugement rendu le 11 mai 2016 et par lequel le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre s'est déclaré incompétent est irrecevable.

Les parties ont conclu devant la présente juridiction et l'affaire a été retenue à l'audience des débats du 3 janvier 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2021, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M [Z] demande à la cour de :
- Dire le contredit formé recevable,
- Dire et juger que la juridiction prud'homale était compétente,
Au fond,
- Dire et juger que la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE et lui-même étaient liés par un contrat de travail,
- Dire et juger son licenciement abusif,
- Dire et juger que l'infraction de travail dissimulé est constituée,
- Dire et juger que la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE n'a pas payé l'intégralité des sommes qui lui sont dues,
En conséquence,
- Condamner la société Concept-architectonique à lui payer les sommes suivantes :
61 560 euros au titre de la rupture abusive,
30 780 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
4 104 euros au titre de l'indemnité de congés payés,
15 390 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
1 539 euros au titre des congés payés sur la période de préavis,
5 455,05 euros au titre des frais de déplacement,
6 188,87 euros au titre de rappel de salaire,
5 130 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure,
- Condamner la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE à payer aux organismes sociaux les charges relatives à son contrat de travail,
- Ordonner à la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE de lui remettre la notification de licenciement, ses bulletins de paie et son certificat de travail,
- Condamner la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE, à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Monsieur [Z] fait valoir pour l'essentiel d'une part que le contredit a été formé dans les délais et de manière régulière, et d'autre part que les parties étaient liées par un contrat de travail.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2021, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE demande à la cour de :
- Statuer ce que de droit sur la validité du contredit de Monsieur [Z],
-Dire et juger que Monsieur [Z] est travailleur indépendant et que le contrat de conducteur de travaux indépendant signé avec la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE n'est pas un contrat de travail,
-Qu'il n'existe aucun lien de subordination entre M [Z] et la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE,
En conséquence,
-Confirmer le Jugement du Conseil de Prud'hommes du 11 mai 2016 dont appel,
-Se déclarer incompétent,
A titre subsidiaire,
-Dire et juger Monsieur [Z] irrecevable et non fondé en ses demandes,
-Débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées,
-Condamner Monsieur [Z] à payer à la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'intimée soutient, en substance, que la seule voie de recours à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes du 11 mai 2016 était le contredit pour lequel Monsieur [Z] disposait d'un délai de quinze jours après le prononcé de la décision et non l'appel, que Monsieur [Z] a formé le contredit plus de 17 mois après que le jugement querellé ait été rendu. Toutefois, si la cour déclarait recevable le contredit, elle s'oppose à ce que le fond soit évoqué, privant ainsi les parties d'un degré de juridiction.

Au fond, l'intimée conteste l'existence d'un lien de subordination et objecte de son côté que les parties étaient liées par un contrat de collaboration en date du 10 avril 2014, ajoutant que Monsieur [Z] était parfaitement autonome et indépendant dans l'organisation de son temps de travail et dans l'accomplissement de son travail et qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de sanction à son encontre.

MOTIVATION

1. Sur la recevabilité du contredit

Selon l'article 82 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n 2017-891 du 6 mai 2017, « le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci.

Si le contredit donne lieu à perception de frais par le secrétariat, la remise n'est acceptée que si son auteur a consigné ces frais.

Il est délivré récépissé de cette remise. »

Toutefois, le délai de contredit prévu par ce texte ne court pas contre la partie qui a reçu, avant son expiration, une notification du jugement, non prévue par ces dispositions, mentionnant une voie de recours erronée.

En l'espèce, il est constant et non discuté que le jugement de compétence du conseil des prud'hommes en date du 11 mai 2016 a été notifié et cette notification a mentionné par erreur que le recours était la voie de l'appel, de sorte que le délai de quinze jours pour former contredit n'a pas couru à l'encontre de Monsieur [Z].

Dès lors, le contredit formé le 7 novembre 2017 par M [Z] est recevable.

2. Sur la compétence de la juridiction prud'homale

Pour répondre à l'exception d'incompétence soulevée par la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE, la cour doit examiner en premier lieu l'existence ou non d'un contrat de travail entre les parties.

Selon l'article L8221-6 du code du travail, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales.

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Celui qui revendique la qualité de salarié, doit donc renverser cette présomption en démontrant avoir été placé quant à l'organisation de son travail, dans une situation de dépendance quelconque, avoir reçu des instructions, rédigé des rapports d'activité à l'attention de son cocontractant et disposé d'une faible latitude quant à l'exécution de ses missions.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Monsieur [Z] a exercé pour le compte de la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE une mission de prestation de services du 10 avril 2014 au 9 décembre 2014.

Monsieur [Z] exerçait également son activité en qualité de gérant de la société DLM Maîtrise d'oeuvre, inscrite au RCS de Nantes le 16 juillet 2010 sous le numéro 523 728 533, dissoute le 31 janvier 2014, pv d'assemblée générale extraordinaire déposé au RCS le 2 avril 2014 et radiée en juillet 2014.
Par ailleurs, à compter de juillet 2010, date de son inscription au répertoire Sirene sous le numéro 523 780 385, Monsieur [Z], a exercé une activité indépendante dans le domaine des économies de la construction, il a inscrit son nouvel établissement sis « section [Adresse 4] » en avril 2014.

Au vu de ces éléments, il convient de présumer, conformément à l'article L.8221-6 du code du travail, qu'il n'était pas lié à la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE par un contrat de travail.

Pour renverser cette présomption de non salariat, Monsieur [Z] doit démontrer l'existence d'un lien de subordination. Le lien de subordination est notamment caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Au soutien de ses prétentions, M [Z] invoque une obligation d'exclusivité de ses prestations pour la société CONCEPT-ARCHITECTONIQUE prévue dans l'article 1 « mission » : « le conducteur de travaux s'engage à travailler exclusivement avec la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE et s'interdit toute collaboration avec une entreprise concurrente », et l'article 10 « non concurrence » «  Comme indiqué ci-dessus, le conducteur de travaux s'interdit expressément pendant toute la durée du présent contrat de s'intéresser, à des activités concurrentes de celles du mandant et notamment d'accepter un mandat d'une entreprise concurrente du Mandant. »

Il est constant que la société CONCEPT ARCHITECTONIQUE avait comme secteur d'activité la construction de maisons individuelles. Il convient de relever qu'aucune interdiction n'était faite à Monsieur [Z] d'ouvrir son activité à une clientèle personnelle, en outre, une telle clause d'exclusivité n'est pas incompatible avec une activité dans un autre secteur d'activité tel que l'édification d'immeubles, ou bâtiments à vocation techniques.

Monsieur [Z] invoque également de manière inutile une obligation de loyauté, le fait que celui-ci devait participer à la promotion de la société (article 2 du contrat), sa cliente, n'est pas un élément incompatible avec une situation de prestataire de services.

Concernant l'organisation du travail, il émane des pièces que Monsieur [Z] était libre d'organiser ses tournées (mail du 4 juillet 2014 selon lequel ce dernier demande la transmission des dossiers des chantiers en cours en vue d'organiser sa tournée ; courrier de M [D], gérant de la société, du 27 novembre 2014 dans lequel celui-ci demande à Monsieur [Z] d'organiser une réunion de chantier « quelque soit l'heure »).

Dès lors, il ne démontre pas avoir été placé quant à l'organisation de son travail, dans une situation de dépendance quelconque, ni avoir disposé d'une faible latitude quant à l'exécution de ses missions. Enfin, aucun élément ne démontre un pouvoir de sanction exercé par la société intimée.

Enfin, Monsieur [Z] fait valoir que ses factures étaient exclusivement émises à la seule société CONCEPT ARCHITECTONIQUE, que celles-ci n'étaient pas régulièrement payées (courrier de M [D] du 27 novembre 2014). Un salarié ne saurait émettre de factures à destination de son employeur puisque la rémunération est un élément déterminant du contrat de travail, qui intervient en contrepartie de la fourniture d'un travail.

Il se déduit de l'analyse menée que la présomption légale de non salariat prévue à l'article L8221-6 du code du travail qui bénéficie à Monsieur [Z], ne peut être renversée.

En définitive, la qualité de salarié de Monsieur [Z] n'étant pas établie, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre s'est déclaré incompétent. Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens de l'instance d'appel sont mis à la charge de Monsieur [Z].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare le contredit formé le 7 novembre 2017 par Monsieur [E] [Z] recevable,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 11 mai 2016,

Et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens sont à la charge de Monsieur [E] [Z].

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/004101
Date de la décision : 04/04/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 11 mai 2016


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-04-04;21.004101 ?
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