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07/02/2022 | FRANCE | N°21/002801

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 07 février 2022, 21/002801


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 30 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00280 - No Portalis DBV7-V-B7F-DJLP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 3février 2021 - Section Activités Diverses -

APPELANT

Monsieur [L] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître Chrystelle CHULEM (Toque 103), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

S.A.R.L. C2I GUADELOUPE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maît

re Estelle SZWARCBART-HUBERT de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPO...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 30 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 21/00280 - No Portalis DBV7-V-B7F-DJLP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 3février 2021 - Section Activités Diverses -

APPELANT

Monsieur [L] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître Chrystelle CHULEM (Toque 103), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

S.A.R.L. C2I GUADELOUPE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Estelle SZWARCBART-HUBERT de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 décembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 février 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [L] [T] a été engagé par la société C2I Outremer par contrat à durée indéterminée en date du 10 juin 2015, en qualité de technicien support informatique, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 100 euros.

A compter du mois de novembre 2017, le contrat de travail de Monsieur [L] [T] a été transféré à la société C2I Guadeloupe. Dès lors, Monsieur [L] [T] a occupé un poste d'administrateur systèmes et réseaux.

Au mois de mars 2018, Monsieur [L] [T] a démissionné de son poste. Les relations contractuelles ont pris fin le 30 avril 2018.

Monsieur [L] [T] a sollicité l'obtention d'un relevé de carrière, et a constaté à sa lecture, qu'aucun trimestre n'avait été cotisé pour l'année 2018.

Considérant que la société C2I s'était rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé, Monsieur [L] [T] a saisi par requête réceptionnée au greffe le 23 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins notamment, de versement d'une indemnité forfaitaire à ce titre.

Par jugement rendu contradictoirement le 3 février 2021, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- déclaré recevable la requête de Monsieur [L] [T],
- débouté Monsieur [L] [T] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté Monsieur [L] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SARL C2I Guadeloupe, en la personne de son représentant légal, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [L] [T] aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 5 mars 2021, Monsieur [L] [T] a formé appel dudit jugement, qui lui a été notifié le 6 février 2021.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction, et renvoyé la cause à l'audience du 6 décembre 2021 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 juin 2021 à la société C2I Guadeloupe, Monsieur [L] [T] demande à la cour de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé,
- réformer le jugement rendu le 3 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre en ce qu'il l'a :
- débouté de l'ensemble de ses demandes,
- débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné aux dépens,
Statuant à nouveau,
- condamner la SARL C2I Guadeloupe à lui payer la somme de 16 486,70 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- condamner la SARL C2I Guadeloupe à justifier du paiement des cotisations auprès des services de pôle emploi, de la Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) et de la Caisse Guadeloupéenne de Retraites par Répartition (CGRR) pour la période de novembre 2017 à avril 2018, et ce sous astreinte de 100 euros par jour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir,
- condamner la SARL C2I Guadeloupe à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [L] [T] soutient que :

- il a été victime de travail dissimulé pour la période de novembre 2017 à avril 2018,
- la société C2I n'est pas en mesure de rapporter la preuve que les déclarations sociales le concernant ont bien été effectuées,
- l'employeur s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales, des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci,
- les déclarations sociales ont été produites tardivement par la société, à l'occasion de la procédure devant le conseil de prud'hommes,
- cela démontre que la situation a été régularisée a posteriori, à l'occasion de la procédure judiciaire,
- c'est à l'employeur de démontrer qu'il a effectué toutes les déclarations sociales en temps et en heure.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2021 à Monsieur [L] [T], la société C2I Guadeloupe demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre le 3 février 2021,
En conséquence,
- dire et juger que le délit de travail dissimulé n'est pas constitué,
- débouter Monsieur [L] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Monsieur [L] [T] au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société C2I Guadeloupe expose que :

- l'infraction de travail dissimulé ne peut lui être imputée,
- elle s'est conformée à toutes ses obligations déclaratives et financières, ainsi que le démontre l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions délivrée par l'URSSAF,
- la CGRR indiquait également que la société était à jour de ses cotisations pour la période litigieuse,
- le relevé de carrière d'un salarié n'est qu'un simple document informatif dépourvu de valeur juridique, qui peut contenir des erreurs ou omissions qui peuvent être rectifiées par l'assuré social,
- aussi, ce seul document ne saurait démontrer l'existence d'un travail dissimulé,
- de plus, le caractère intentionnel n'est pas établi par Monsieur [L] [T],
- dès lors, la demande de Monsieur [L] [T] est dépourvue d'objet.

MOTIFS

Sur le travail dissimulé

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, la dissimulation d'emploi salarié est caractérisée si l'employeur, de manière intentionnelle, s'est soustrait à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

En l'espèce, Monsieur [L] [T] soutient que la société C2I Guadeloupe n'est pas en mesure de rapporter la preuve que les déclarations sociales le concernant ont bien été effectuées du mois de novembre 2017 au mois d'avril 2018 et que cette circonstance caractérise l'élément intentionnel de l'employeur.

Le salarié verse aux débats un relevé de carrière en date du 14 juin 2018. Aucun revenu n'est enregistré concernant la fin de l'année 2017 ainsi que pour l'année 2018, de sorte qu'un nombre égal à zéro figure dans la colonne « trimestres » pour les périodes correspondantes.

L'employeur verse aux débats une attestation délivrée par les services de l'URSSAF en date du 24 juin 2019, à la lecture de laquelle il apparaît que la société C2I Guadeloupe était à la date du 31 mai 2019, à jour de « ses obligations en matière de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, de contributions d'assurance chômage et de cotisations AGS ». L'URSSAF précisait que cette attestation concernait « les contributions d'assurance chômage et cotisations AGS dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2011. »

L'intimée produit également une attestation émanant de la CGRR (Agirc – Arrco) en date du 15 mai 2019, selon laquelle la caisse certifie que la société C2I Guadeloupe en tant qu'adhérente, « est à jour de ses cotisations part salariale au titre de février, avril, novembre, décembre 2017, mars, avril mai 2018 ; pour les cotisations part patronale au titre de février, avril, novembre, décembre 2017, mars, avril, mai 2018 et les majorations de retard des exercices 2010 à mai 2018 soit 27 485,66 euros ; nous lui avons accordé le 10 août 2018 des facilités de paiement et l'adhérente s'est engagée à nous la régler par 12 mensualités (la dernière échéance arrivant à son terme le 20/08/2019). »

En outre, il résulte des pièces versées au dossier de l'employeur, que pour les mois de novembre et décembre 2017, ainsi que janvier, février, mars et avril 2018, la société C2I Guadeloupe a effectué des déclarations sociales nominatives pour le compte de Monsieur [L] [T].

Force est de constater que le relevé de carrière délivré à un salarié possède un caractère purement informatif, et est dénué de valeur juridique. En cas d'anomalie constatée sur ce document, le bénéficiaire doit directement contacter la caisse de retraite dont il dépend.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en vertu des dispositions légales, la société C2I Guadeloupe a bien procédé aux déclarations relatives à la situation de Monsieur [L] [T] et au paiement des cotisations sociales assises sur celles-ci, auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales.

Dans ses écritures, l'appelant ne conteste pas que la société C2I Guadeloupe a finalement produit devant le conseil de prud'hommes le justificatif des déclarations sociales nominatives le concernant, mais soutient qu'elles ont été réalisées a posteriori pour les besoins de la cause.

En dehors de cette affirmation, Monsieur [L] [T] ne se prévaut d'aucun élément susceptible de permettre à la cour de retenir l'élément intentionnel imputable à la société C2I Guadeloupe et nécessaire pour caractériser le travail dissimulé.

Il y a donc lieu de dire que Monsieur [L] [T] ne rapporte pas la preuve de l'intention de la société C2I Guadeloupe dans la dissimulation d'emploi salarié.

En conséquence, Monsieur [L] [T] est débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi que de sa demande de condamnation de l'employeur sous astreinte, à justifier du paiement des cotisations pôle emploi, CGSS et CGRR pour la période de novembre 2017 à avril 2018.

Le jugement est confirmé sur ces points.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de débouter Monsieur [L] [T] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que la société C2I Guadeloupe supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, Monsieur [L] [T] sera condamné à lui verser la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les entiers dépens sont mis à la charge de Monsieur [L] [T].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 3 février 2021, sauf en ce qu'il a débouté la SARL C2I Guadeloupe de sa demande relative au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [L] [T] à verser à la SARL C2I Guadeloupe la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de Monsieur [L] [T],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/002801
Date de la décision : 07/02/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-02-07;21.002801 ?
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