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07/02/2022 | FRANCE | N°20/010141

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 07 février 2022, 20/010141


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 27 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/01014 - No Portalis DBV7-V-B7E-DITM

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de [Localité 4] du 10 décembre 2020 - Section commerce.

APPELANT

Monsieur [Z] [D]
Section Besnard
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par M. [E] [M] (Défenseur syndical )

INTIMÉE

G.I.E. GROUPEMENT PETROLIERS AVITAILLEMENT POINTE-A-PITRE POINTE-A-PITRE ( GPAP )
Aéroport du [Localité 5]
[Localité 2]


Représenté par Maître Elsa KAMMERER (Toque 102), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et par Me Jean MACCHI, avo...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 27 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/01014 - No Portalis DBV7-V-B7E-DITM

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de [Localité 4] du 10 décembre 2020 - Section commerce.

APPELANT

Monsieur [Z] [D]
Section Besnard
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par M. [E] [M] (Défenseur syndical )

INTIMÉE

G.I.E. GROUPEMENT PETROLIERS AVITAILLEMENT POINTE-A-PITRE POINTE-A-PITRE ( GPAP )
Aéroport du [Localité 5]
[Localité 2]
Représenté par Maître Elsa KAMMERER (Toque 102), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de la MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 décembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 février 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Z] [D] a été engagé par le Groupement Pétroliers Avitaillement [Localité 4] (GPAP) par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1991, en qualité d'avitailleur.

Par décision du 6 août 2015, la Maison Départementale des Personnes Handicapées de la Guadeloupe (MDPH) a reconnu à Monsieur [Z] [D] la qualité de travailleur handicapé pour la période allant du 13 novembre 2014 au 12 novembre 2024.

Par courrier du 11 avril 2019, le GPAP a notifié à Monsieur [Z] [D] une mise à pied disciplinaire d'une durée de cinq jours.

Par lettre signifiée par acte d'huissier de justice le 20 janvier 2020, Monsieur [Z] [D] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 30 janvier 2020 et mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre signifiée par acte d'huissier de justice le 6 février 2020, Monsieur [Z] [D] a été licencié pour faute grave.

Sollicitant la nullité de son licenciement, Monsieur [Z] [D] a saisi par requête réceptionnée au greffe le 9 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de versement de diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- débouté Monsieur [Z] [D] de la totalité de ses demandes,
- condamné Monsieur [Z] [D] à payer au GPAP, la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [Z] [D] aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 21 décembre 2020, Monsieur [Z] [D] a formé appel dudit jugement, qui lui a été notifié le 15 décembre 2020.

Par avis du 12 février 2021, Monsieur [Z] [D] a été invité à procéder à la signification de la déclaration d'appel à l'intimé, dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis.

Par acte d'huissier de justice du 1er mars 2021, Monsieur [Z] [D] a fait procéder à la signification de la déclaration d'appel au GPAP.

Le 1er mars 2021, Maître [F] [I] s'est constituée dans la défense des intérêts du GPAP.

Par ordonnance du 14 octobre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction, et renvoyé la cause à l'audience du 6 décembre 2021.

En cours de délibéré, par avis du 27 janvier 2022, le greffe a invité les parties à faire valoir, au plus tard le 3 février 2022 à 11 heures, leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la demande de rappel de prime d'ancienneté, au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile prohibant les demandes nouvelles en cause d'appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions receptionnées au greffe le 22 novembre 2021, Monsieur [Z] [D] demande à la cour de :

- constater que sa lettre de licenciement n'a pas été signée par l'employeur,
- constater que Monsieur [O] n'avait pas qualité à agir,
- constater la caducité du règlement intérieur du GPAP,
- dire et juger que les mots « magouilleur, menteur, pollueur et voleur » ne sont pas des injures,
- déclarer qu'au regard des élections du CSE qui se sont déroulées au mois de février 2020, l'article 24 alinéa 9 du règlement intérieur est caduc,
- déclarer que son licenciement est nul et sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'administrateur employeur du GPAP à lui payer les sommes suivantes :
- 39 458,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
- 7 114,14 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 33 429,90 euros à titre d'indemnité d'ancienneté,
- 2 493,43 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 20 janvier 2020 au 6 février 2020,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter le GPAP de toutes ses demandes.

Monsieur [Z] [D] soutient que :

- le fait qu'il ait dû réclamer sans cesse et en vain, une place de parking pour travailleur handicapé constitue un harcèlement moral à son encontre,
- le harcèlement moral qu'il a subi de son chef de dépôt, Monsieur [G] [J], l'a conduit à porter plainte auprès des services de gendarmerie,
- c'est Monsieur [S], représentant du GPAP, qui aurait dû signer sa lettre de licenciement,
- or, la lettre de licenciement a été signée par Monsieur [O], et dès lors, son licenciement est nul,
- les propos qu'il a tenus ne peuvent être qualifiés d'injurieux, et ne peuvent caractériser une faute grave,
- le règlement intérieur auquel il est fait référence dans la lettre de licenciement est caduc.

Par conclusions notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception le 10 juin 2021 à Monsieur [Z] [D], le GPAP demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de [Localité 4],
- constater que le signataire de la lettre de licenciement était l'administrateur du groupement et avait bien qualité pour signer la lettre de licenciement,
- constater que Monsieur [Z] [D] ne démontre aucun agissement de harcèlement moral ou agissement discriminatoire du GPAP,
- débouter Monsieur [Z] [D] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
- condamner Monsieur [Z] [D] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [Z] [D] aux entiers dépens.

Le GPAP expose que :

- Monsieur [Z] [D] ne rapporte la preuve d'aucun agissement de harcèlement moral,
- le signataire de la lettre de licenciement avait bien la qualité pour agir,
- la lettre de licenciement est signée par Monsieur [O], qui était à cette date administrateur du GPAP, comme le démontre le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2019,
- la faute grave commise par Monsieur [Z] [D] est constituée par des propos injurieux qu'il a formulés par mail le 27 décembre 2019 à l'encontre du chef de dépôt, puis lors de l'entretien préalable,
- l'article 24 du règlement intérieur, dont la validité est établie, prohibe le refus d'obéissance caractérisé et l'insolence délibérée,
- Monsieur [Z] [D] a fait l'objet de sanctions antérieures qui doivent être prises en considération,
- la demande de nullité du licenciement de Monsieur [Z] [D] ne se fonde sur aucun texte,
- l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement n'est pas une cause de nullité du licenciement,
- la demande formulée par Monsieur [Z] [D] au titre de l'indemnité d'ancienneté n'a aucun fondement,
- la faute grave de Monsieur [Z] [D] étant avérée, le salarié ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, ni à une indemnité compensatrice de préavis.

Lors de l'audience, Monsieur [E] [M], délégué syndical et conseil de Monsieur [Z] [D], a déclaré que s'il avait bien notifié ses écritures au GPAP, il ne pouvait en justifier car il a été victime d'un sinistre. Monsieur [E] [M] a également déclaré avoir été destinataire des conclusions de l'intimée.

Par note en délibéré réceptionnée au greffe le 28 janvier 2022, le GPAP demande à la cour de déclarer irrecevable la demande indemnitaire formée par Monsieur [Z] [D] au titre de l'ancienneté. L'employeur fait valoir que cette prétention est nouvelle en cause d'appel et ne correspond à aucune des exceptions fixées par les dispositions du code de procédure civile.

Par note en délibéré réceptionnée au greffe le 29 janvier 2022, Monsieur [Z] [D] demande à la cour de débouter le GPAP de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable sa demande d'indemnité au titre de l'ancienneté. Le salarié fait valoir que sa demande indemnitaire au titre de l'ancienneté ne constitue pas une prétention nouvelle en ce que l'indemnité de licenciement, sollicitée uniquement en première instance, englobe l'indemnité d'ancienneté sollicitée en appel. De plus, Monsieur [Z] [D] souligne que le montant total réclamé en appel comprenant l'indemnité compensatrice de préavis, le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ainsi que l'indemnité au titre de l'ancienneté, est inférieur à la somme réclamée en première instance au titre de l'indemnité de licenciement. Dès lors, cette demande qui n'est pas nouvelle, est recevable.

MOTIFS

Sur la demande d'indemnité au titre de l'ancienneté

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Monsieur [Z] [D] sollicite la condamnation du GPAP à lui verser la somme de 33 429,90 euros à titre d'indemnité d'ancienneté.

Il résulte de la lecture de la requête introductive d'instance réceptionnée par le greffe du conseil de prud'hommes le 9 mars 2020, que Monsieur [Z] [D] ne sollicitait aucune somme à titre d'indemnité d'ancienneté.

Force est de constater que dans sa décision du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes ne faisait état d'aucune demande formulée au titre d'une indemnité d'ancienneté :

« Monsieur [Z] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre le 9 mars 2020, dans le but de demander de condamner le GPAP, à payer les sommes suivantes :

- prononcer la nullité du licenciement, réintégration à son poste et verser une indemnité correspondant à son salaire multiplié par le nombre de mois comptabilisés entre le licenciement et le mois de la délibération du conseil,
- 39 458,40 euros au titre de l'indemnité réparant l'intégralité du préjudice,
- 47 083,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2 493, 45 euros au titre du salaire de la mise à pied conservatoire,
- 935,04 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

La prétention formulée en cause d'appel afférente à l'indemnité d'ancienneté laquelle est relative à l'exécution du contrat de travail, ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge qui concernent la rupture du contrat de travail.

En outre, cette prétention de Monsieur [Z] [D] formée n'est ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes soumises au premier juge dans le but d'obtenir le versement d'indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [Z] [D] fait manifestement une confusion entre l'indemnité de licenciement et l'indemnité réclamée au titre de l'ancienneté, cette dernière ne pouvant se substituer à la première.

La cour considère dès lors que la demande de Monsieur [Z] [D] tendant à l'obtention d'une indemnité au titre de l'ancienneté est nouvelle en cause d'appel et, en conséquence, irrecevable.

Sur la nullité du licenciement

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code dans sa rédaction applicable en la cause, soit celle postérieure à l'entrée en vigueur de la loi no2016-1088 du 8 août 2016, prévoit lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, suivant la version modifiée par la loi no2016-1088 du 8 août 2016, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Monsieur [Z] [D] reproche à son employeur le refus persistant d'attribution d'une place de parking adaptée.

Il convient de vérifier dans un premier temps, si Monsieur [Z] [D] établit la matérialité des faits qu'il invoque puis dans un second temps, d'analyser les faits établis dans leur ensemble afin de déterminer s'ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Pour étayer ses dires, le salarié verse notamment aux débats un courrier du 23 juillet 2018, selon lequel Monsieur [G] [J], chef de dépôt, rappelait à Monsieur [Z] [D] les règles d'utilisation du parking :

« Par note de service en date du 16 juillet 2018, il est rappelé que pour des raisons de sécurité le parking extérieur couvert est réservé aux membres du personnel qui a pour obligation de l'utiliser pendant la période de leur quart.

Il est également rappelé que pour des raisons de sécurité le parking extérieur non couvert, réservé exclusivement aux visiteurs, doit rester vide ou doit pouvoir être libéré rapidement de tous véhicules, et ceci pour faciliter une intervention des services de secours en cas de besoin.

A plusieurs reprises, et notamment par entretien du 26 mars 2018, je vous rappelais la consigne, consigne que vous n'avez jamais prise en considération, vous êtes allé garer votre véhicule jusque devant l'entrée du dépôt sur une zone interdite au stationnement, représentée par des zèbras.

La note de service en date du 16 juillet 2018, n'a pas permis non plus que vous respectiez cette consigne, puisque depuis sa sortie, lors de chacune de vos présences au dépôt pour un quart de travail, vous avez garé votre véhicule sur ce parking extérieur.

Ce comportement est inacceptable et ne me semble pas être digne d'un opérateur pour lequel la sécurité notamment celle du dépôt, doit avoir un caractère prioritaire.

Aussi, par la présente je vous exhorte de respecter cette note de service. »

Par courrier du 17 août 2018, Monsieur [Z] [D] précisait à Monsieur [G] [J], chef de dépôt, les difficultés persistantes eu égard à l'obtention d'une place de parking adaptée compte tenu de son handicap :

« (?) Monsieur [J], comme vous dites à plusieurs reprises même avant le 26 mars 2018 je vous rabâche la même chose concernant le parking et que vous faites la sourde oreille.
Monsieur [J], comment voulez-vous que votre note de service soit respectée si vous ne respectez pas la législation.
Monsieur [J], je vous rappelle que depuis le 13 novembre 2009 jusqu'au 12 novembre 2024, je suis officiellement déclaré travailleur handicapé par la MDPH.
Monsieur [J], je suis titulaire d'une carte prioritaire et d'une carte de stationnement européenne délivrée par la MDPH.
Monsieur [J], pensez-vous que votre comportement soit acceptable et digne d'un chef de dépôt ?
Monsieur [J], j'ai fait constater par un huissier de justice l'état du parking par rapport à votre comportement qui s'apparente à du harcèlement et à ce propos je vous demande le remboursement immédiat des frais que j'ai engagés pour l'établissement de ce constat car si vous aviez été moins entêté je n'aurais eu à engager ce genre de procédure.
Monsieur [J], vous m'exhortez de respecter votre note de service mais permettez moi de vous mettre en demeure de mettre le marquage du parking aux normes.
Monsieur [J], je souhaite que ce dossier soit réglé en interne dans les plus brefs délais sur autre bureau que le votre, la sanction risque d'être très salée pour le GPAP. (...) »

Force est de constater que le ton employé par Monsieur [Z] [D] dans ce courrier à l'égard de son employeur est vindicatif.

Par courrier du 19 mars 2019, Monsieur [Z] [D] écrivait à Monsieur [S], admnistrateur, et considérait que l'absence d'aménagement d'une place de parking constituait du harcèlement :

« (?) Depuis mars 2018, le comportement de Monsieur [J] a changé. Il a subitement commencé à me parler du stationnement de ma voiture qui selon lui, n'était pas sécuritaire alors même que son prédécesseur avait matérialisé un parking pour personne à mobilité réduite à cet endroit.
Je rappelle que je suis reconnu travailleur handicapé par la MDPH depuis le 11 novembre 2009 suite à une longue maladie.
J'ai fait remarquer que le parking dit « réservé » aux salariés n'était pas aménagé et que j'étais toujours gêné par d'autres collègues qui se garaient à gauche de mon véhicule ce qui me faisait faire trop de manoeuvres pour sortir. Comme je ne cédais pas à ses injonctions, il a rédigé des notes concernant le parking et intimidé les superviseurs pour l'application de cette note.
Exemple : la note de service du 16 juillet 2018 et ses remarques sur les rapports de quart du 19, 20 et 23 juillet 2018 ainsi que le courrier du 23 juillet 2018 m'exhortant à me garer dans le parking.
Le 3 août 2018, j'ai été convoqué au bureau de Monsieur [J] avec Monsieur [A], délégué du personnel, pour parler du fameux courrier du 23 juillet 2018. Vous connaissez la suite car vous avez eu une copie de ce courrier que j'avais adressé avec le constat d'huissier pour faire comprendre à Monsieur [J] que nous sommes dans un pays de droit. Lors de la réunion du 6 décembre 2018 (?), il a été démontré que Monsieur [Z] [D] était très sensé et cohérent. Madame [K] a reconnu le bien fondé de ma requête. Après avoir montré le lieu approprié à la matérialisation du marquage, en présence de tous, Monsieur [J] s'est permis de dire : si je lui marque le parking réservé à cet endroit, moi chef, où vais-je me garer ?
Vous avez accompagné et soutenu Monsieur [J] dans le refus de ma demande de remboursement des frais engagés pour le constat d'huissier. Monsieur [J] n'a tenu aucun compte des recommandations de Madame [K]. (?)
Cette situation s'apparente à du harcèlement, je vous demande donc de conseiller très vivement à ce Monsieur de revoir son comportement à mon égard et en général car, d'après ses dires au dépôt, le délégué du personnel vous a déjà alerté sur ses écarts relationnels. (...) »

Le 27 janvier 2020, Monsieur [Z] [D] déposait plainte auprès des services de gendarmerie pour harcèlement moral concernant la période du 1er février 2018 au 27 janvier 2020.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le chef de dépôt refusait de créer une place de parking adaptée au personnes à mobilité réduite, apportant pour seule réponse aux interrogations du salarié, un rappel des règles sécuritaires d'utilisation du parking du GPAP.

En conséquence, le grief tenant au refus par le chef de dépôt, d'attribution d'une place de parking adaptée est établi.

En définitive, la cour relève qu'au regard de ces éléments et des pièces versées aux débats, Monsieur [Z] [D] établit la matérialité du grief reproché à son employeur, lequel ne permet cependant pas à lui seul, de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Ainsi, la demande d'indemnité pour nullité du licenciement formulée par Monsieur [Z] [D] est rejetée.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement

La qualité du signataire de la lettre de licenciement

Il se déduit de l'article L.1232-6 du code du travail que le licenciement du salarié décidé par une personne dépourvue de qualité à agir est sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [Z] [D] fait valoir que son licenciement est nul en raison du fait que sa lettre de licenciement était signé par Monsieur [T] [R] [O], lequel ne possédait pas le pouvoir de signer un tel document. Selon lui, c'est Monsieur [L] [S] qui avait la qualité pour signer sa lettre de licenciement.

Cependant, conformément aux dispositions susvisées, c'est à tort que Monsieur [Z] [D] sollicite sur ce fondement la nullité de son licenciement, seul le caractère sans cause réelle et sérieuse étant encouru en cas de défaut de qualité à agir du signataire de la lettre de licenciement.

La cour constate que Monsieur [T] [R] [O] signait la lettre de licenciement du 5 février 2020, en qualité « d'administrateur ».

Selon le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2019, soit antérieurement au licenciement, Monsieur [L] [S] démissionnait de son mandat d'administrateur du groupement avec effet au 31 décembre 2019. Monsieur [T] [R] [O] était alors nommé au poste d'administrateur avec effet au 1er janvier 2020.

Il s'en déduit que le licenciement est régulier en ce que la lettre de licenciement est signée par une personne qui a qualité pour le faire, peu important que la modification susvisée n'ait été publiée que postérieurement au registre du commerce et des sociétés.

En conséquence, le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [Z] [D] ne saurait être tiré du défaut de qualité à agir du signataire de la lettre de licenciement.

Le jugement est confirmé sur ce point.

La faute grave

Aux termes de l'article L1235-1 du code du travail le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

Selon l'article L1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige, l'employeur ne peut invoquer un autre motif que celui qu'il a notifié au salarié dans la lettre de licenciement. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement de Monsieur [Z] [D] est ainsi motivée :

« Monsieur,

Vous avez été convoqué pour un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement en date du jeudi 30 janvier 2020.

Le 30 janvier 2020, vous vous êtes présenté, accompagné de Monsieur [V] [U] (conseiller inscrit sur la liste établie par le préfet consultable à l'Inspection du travail et à la mairie des [Localité 2]), à cet entretien au cours duquel nous vous avons indiqué les motifs de la sanction que nous envisageons à votre égard et qui sont les suivants :
- le 27 décembre 2019, vous avez été à l'origine de propos injurieux par mail à l'encontre du chef de dépôt. Pour rappel : les faits qui vous sont reprochés sont constitutifs d'une faute grave comme précisé à l'article 24 du règlement intérieur en vigueur au sein de la société.

Lors de cet entretien, organisé pour recueillir vos explications, nous permettant de prendre une décision, concernant la nature des faits reprochés. Vous avez de nouveau tenu des propos injurieux à l'encontre du chef de dépôt, en employant des termes, tels que : « pollueur, menteur, magouilleur, voleur »?

Au regard de ces faits qui constituent indiscutablement un manquement intolérable à vos obligations contractuelles, votre maintien dans l'entreprise est impossible.

Aussi, nous vous confirmons que nous devons cesser immédiatement notre collaboration et vous licencions pour faute grave.

La rupture de votre contrat de travail prend effet dès la date d'envoi de cette lettre, soit le jeudi 6 février 2020, sans indemnités de préavis, ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites également l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée par voie d'huissier le 20 janvier 2020 à 16h15. Dès lors, la période non travaillée du 20 janvier 2020 à 16h15 au 6 février 2020 ne sera pas rémunérée. (...) »

Le salarié a donc été licencié pour faute grave pour avoir tenu des propos injurieux à l'encontre du chef de dépôt d'une part, le 27 décembre 2019, par mail, et d'autre part, le 30 janvier 2020, lors de l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

À l'appui de ces griefs l'employeur produit un certain nombre de pièces.

Le GPAP verse aux débats un mail du 27 décembre 2019, par lequel Monsieur [Z] [D] écrivait à Monsieur [J], chef de poste, en des termes irrespectueux :

« Monsieur [J],
Votre tristesse de ne pouvoir me compter parmi vos convives lors du repas du 27 décembre 2019 me fait juste rigoler même si vous êtes disposé à recevoir ma famille. Sachez Monsieur que chez nous, la famille est une sacré, je sais que cela n'a aucun sens pour vous. [C]-vous que ni moi ni ma famille n'avions à aucun moment envie de nous assoir à une table de quelconque avec un toxique comme vous. »

Force est de constater que si l'employeur ne produit pas de compte rendu d'entretien préalable au licenciement, en revanche, Monsieur [Z] [D] ne conteste pas avoir tenu les propos reprochés (« pollueur, menteur, magouilleur, voleur ») à l'égard du chef de dépôt. En revanche, le salarié considère que ses dires ne sont pas suffisamment graves pour constituer une faute grave.

Les propos tenus les 27 décembre 2019 et 30 janvier 2020 par Monsieur [Z] [D] à l'égard de son chef de dépôt possèdent un caractère irrespectueux, injurieux et malveillants justifiant le licenciement pour faute grave, et cela independamment de la validité du règlement intérieur du groupement.

De plus, la cour constate que d'ores et déjà, le 11 avril 2019, le GPAP notifiait à Monsieur [Z] [D] une sanction disciplinaire pour avoir adopté une attitude agressive : « le 20 février 2019, vous vous êtes présenté dans le bureau du chef de dépôt et avez déposé avec violence une enveloppe contenant de l'argent en espèce sur son bureau. Vous avez accompagné ce geste de menaces et d'insultes à son encontre, lui pointant votre doigt à quelques centimètres de son visage, en l'invectivant et le menaçant, tout en proférant des insultes. »

Il résulte de l'analyse menée, que ces griefs caractérisent la faute grave légitimant la rupture immédiate du contrat de travail.

Il convient par voie de conséquence de débouter Monsieur [Z] [D] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.

Le jugement est confirmé sur ces points.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de débouter Monsieur [Z] [D] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que le GPAP supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [Z] [D] à lui verser la somme de 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu d'en rajouter en cause d'appel.

Les dépens de première instance sont mis à la charge de Monsieur [Z] [D].

Le jugement est confirmé sur ce point.

Les dépens de l'instance d'appel sont mis à la charge de Monsieur [Z] [D].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande d'indemnité au titre de l'ancienneté,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que les dépens de l'instance d'appel sont à la charge de Monsieur [Z] [D].

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/010141
Date de la décision : 07/02/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-02-07;20.010141 ?
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